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CHRÉTIENTÉ
MESSE EN LA SOLENNITÉ DE LA PENTECÔSTE - HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS
La Parole de Dieu, aujourd’hui, nous montre l’Esprit Saint en action. Nous le voyons agir à trois moments : dans le monde qu’il a créé, dans l’Église et dan...
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ACTUALITÉS CHRÉTIENTÉ

MESSE EN LA SOLENNITÉ DE LA PENTECÔSTE - HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

La Parole de Dieu, aujourd’hui, nous montre l’Esprit Saint en action. Nous le voyons agir à trois moments : dans le monde qu’il a créé, dans l’Église et dans nos cœurs.

1. D’abord dans le monde qu’il a créé, dans la création. Dès le début, l’Esprit Saint est à l'œuvre : « Tu envoies ton souffle : ils sont créés », avons-nous prié dans le psaume (104, 30). Il est, en effet, creator Spiritus (cf. Saint Augustin, In Ps XXXII,2,2), Esprit créateur : c’est ainsi que l’Église l’invoque depuis des siècles. Mais, nous pouvons nous demander, que fait l’Esprit dans la création du monde ? Si tout vient du Père, si tout est créé par le Fils, quel est le rôle spécifique de l’Esprit ? Un Père de l’Église, saint Basile, a écrit : « Si vous essayez d’enlever l’Esprit à la création, toutes les choses se mélangent et leur vie apparaît sans loi, sans ordre » (Spir., XVI, 38). Voilà le rôle de l’Esprit : Il est celui qui, à l’origine et en tout temps, fait passer les réalités créées du désordre à l’ordre, de la dispersion à la cohésion, de la confusion à l’harmonie. Cette manière d'agir, nous la verrons toujours dans la vie de l'Église. En un mot, Il donne l’harmonie au monde. Il « conduit ainsi le cours des temps et rénove la face de la terre » (Gaudium et spes, n. 26 ; Ps 104, 30). Il renouvelle la terre, mais attention : non pas en changeant la réalité, mais plutôt en l’harmonisant ; c’est son style, parce qu’Il est en lui-même harmonie : Ipse harmonia est. (cf. S. Basile, In Ps 29, 1) ), dit un Père de l'Église.

Aujourd’hui dans le monde, il y a beaucoup de discorde, beaucoup de divisions. Nous sommes tous reliés et pourtant nous nous trouvons déconnectés les uns des autres, anesthésiés par l’indifférence et opprimés par la solitude. Tant de guerres, tant de conflits : le mal que l’homme peut accomplir semble incroyable ! Mais en réalité, ce qui alimente nos hostilités, c’est l’esprit de division, le diable, dont le nom même signifie “diviseur”. Oui, précédant et dépassant notre mal, notre désagrégation, il y a l’esprit mauvais, « le séducteur du monde entier » (Ap 12, 9). Il se plaît dans les antagonismes, les injustices, les calomnies, ils font sa joie. Et, face au mal de la discorde, nos efforts pour construire l’harmonie ne suffisent pas. C’est ainsi que le Seigneur, au point culminant de sa Pâque, au point culminant du salut, répand sur le monde créé son bon Esprit, l’Esprit Saint, qui s’oppose à l’esprit de division parce qu’il est harmonie, Esprit d’unité qui apporte la paix. Invoquons-le chaque jour sur notre monde, sur notre vie et face à toutes sortes de divisions !

2. Outre la création, nous le voyons à l’œuvre dans l’Église, à partir du jour de la Pentecôte. Remarquons cependant que l’Esprit ne marque pas le début de l’Église en donnant des instructions et des normes à la communauté, mais en descendant sur chacun des Apôtre : chacun reçoit des grâces particulières et des charismes différents. Cette pluralité de dons différents pourrait créer de la confusion, mais l’Esprit, comme dans la création, aime créer l’harmonie à partir justement de la pluralité. Son harmonie n’est pas un ordre imposé et standardisé, non. Dans l’Église, il y a un ordre « organisé selon la diversité des dons de l’Esprit » (S. Basile, Spir., XVI, 39). À la Pentecôte, en effet, l’Esprit Saint descend en plusieurs langues de feu : il donne à chacun la capacité de parler d’autres langues (cf. Ac 2, 4) et d’entendre sa propre langue parlée par les autres (cf. Ac 2, 6. 11). Il ne crée donc pas une langue égale pour tous, il n’efface pas les différences, les cultures, mais il harmonise tout sans standardiser, sans uniformiser. Et cela doit nous faire réfléchir au moment où la tentation du "retour en arrière" cherche à tout uniformiser dans des disciplines d'apparence seulement, sans substance. Restons sur cet aspect, sur l’Esprit qui ne commence pas par un projet structuré, comme nous le ferions, nous qui nous perdons souvent ensuite dans nos programmes. Non, il commence en accordant des dons gratuits et surabondants. En effet, à la Pentecôte, souligne le texte, « tous furent remplis d’Esprit Saint » (Ac 2, 4). Tous remplis, c’est ainsi que commence la vie de l’Église : non pas à partir d’un plan précis et articulé, mais de l’expérience du même amour de Dieu. L’Esprit crée ainsi l’harmonie, il nous invite à faire l’expérience de l’émerveillement devant son amour et ses dons présents chez les autres. Comme nous l’a dit saint Paul : « Les dons de la grâce sont variés, mais c’est le même Esprit. [...] C’est dans un unique Esprit, en effet, que nous tous nous avons été baptisés pour former un seul corps » (1 Co 12, 4.13). Voir chaque frère et sœur dans la foi comme faisant partie du même corps auquel j’appartiens : voilà le regard harmonieux de l’Esprit, voilà le chemin qu’il nous montre !

Et le Synode en cours est – et doit être – une marche selon l’Esprit : non pas un parlement pour revendiquer des droits et des besoins selon l’agenda du monde, non pas une occasion d’aller là où le vent nous porte, mais une occasion d’être dociles au souffle de l’Esprit. Parce que, sur la mer de l’histoire, l’Église ne navigue qu’avec Lui qui est « l’âme de l’Église » (Saint Paul VI, Discours au Sacré Collège pour les vœux de fêtes patronales, 21 juin 1976), le cœur de la synodalité, le moteur de l’évangélisation. Sans Lui, l’Église est inerte, la foi n’est qu’une doctrine, la morale qu’un devoir, la pastorale qu’un travail. Parfois, nous entendons des soi-disant penseurs, théologiens, qui nous donnent des doctrines froides, qui semblent mathématiques, parce que l'Esprit n'est pas présent en elles. Avec Lui, au contraire, la foi est vie, l’amour du Seigneur nous envahit, et l’espérance renaît. Remettons l’Esprit Saint au centre de l’Église, sinon nos cœurs ne seront pas brûlés d’amour pour Jésus, mais pour nous-mêmes. Mettons l’Esprit au début et au cœur des travaux du synode. Car c’est “de Lui, surtout, que l’Église a besoin aujourd’hui ! Disons-lui donc chaque jour : viens !” (cf. Id., Audience générale, 29 novembre 1972). Et marchons ensemble, car l’Esprit, comme à la Pentecôte, aime descendre quand “tous sont ensemble” (cf. Ac 2,1). Oui, pour se montrer au monde, il a choisi le moment et le lieu où tous se trouvent ensemble. Le Peuple de Dieu, pour être rempli de l’Esprit, doit donc marcher ensemble, faire synode. C’est ainsi que se renouvèle l’harmonie dans l’Église : en marchant ensemble avec l’Esprit au centre. Frères et sœurs, construisons l’harmonie dans l’Église !

3. Enfin, l’Esprit fait l’harmonie dans nos cœurs. Nous le voyons dans l’Évangile, où Jésus, le soir de Pâques, souffle sur les disciples et dit : « Recevez l'Esprit Saint » (Jn 20, 22). Il le donne dans un but précis : pardonner les péchés, c’est-à-dire réconcilier les âmes, harmoniser les cœurs déchirés par le mal, brisés par les blessures, désagrégés par le sentiment de culpabilité. Seul l’Esprit remet l’harmonie dans le cœur, car Il est celui qui crée « l’intimité avec Dieu » (S. Basile, Spir., XIX, 49). Si nous voulons de l’harmonie, cherchons-Le, et non pas des compensations mondaines. Invoquons l’Esprit Saint chaque jour, commençons chaque journée en Le priant, devenons-Lui dociles !

Et aujourd’hui, en sa fête, demandons-nous : suis-je docile à l’harmonie de l’Esprit ? Ou bien est-ce que je poursuis mes projets, mes idées sans me laisser façonner, sans me laisser changer par Lui ? Ma façon de vivre la foi est-elle docile à l'Esprit ou est-elle têtue ? Entêtée, attachée à des lettres, à de soi-disant doctrines qui ne sont que des expressions froides de la vie ? Suis-je prompt à juger, à pointer du doigt et à claquer la porte au nez des autres, en me considérant comme la victime de tout et de tous ? Ou bien est-ce que j’accueille sa puissance créatrice harmonieuse, est-ce j'accueille la “grâce de l’ensemble” qu’Il inspire, son pardon qui donne la paix ? Et à mon tour, est ce que je pardonne ? Pardonner, c'est faire place pour que vienne l'Esprit. Est-ce que je favorise la réconciliation et crée la communion, ou est-ce que je cherche toujours, en mettant mon nez là où il y a des difficultés, à contrarier, à diviser, à détruire ? Est-ce que je pardonne, est-ce que je favorise la réconciliation, est-ce que je crée la communion ? Si le monde est divisé, si l’Église est polarisée, si le cœur est fragmenté, ne perdons pas de temps à critiquer les autres et à nous mettre en colère contre nous-mêmes, mais invoquons l’Esprit : il est capable de résoudre ces choses.

Esprit Saint, Esprit de Jésus et du Père, source inépuisable d’harmonie, nous te confions le monde, nous te consacrons l’Église et nos cœurs. Viens Esprit créateur, harmonie de l’humanité, renouvelle la face de la terre. Viens Don des dons, harmonie de l’Église, rends-nous unis en Toi. Viens Esprit de pardon, harmonie du cœur, transforme-nous comme tu sais le faire, par Marie.

Basilique Saint-Pierre
Dimanche, 28 mai 2023

(vatican.va)

VEILLEE PASCALE

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

La nuit s’achève et les premières lueurs de l’aube apparaissent lorsque les femmes se mettent en route vers le tombeau de Jésus. Elles avancent incertaines, perdues, le cœur déchiré par la douleur de la mort qui a emporté le Bien-Aimé. Mais en arrivant sur place et voyant le tombeau vide, elles rebroussent chemin, elles changent de route. Elles quittent le tombeau et courent annoncer aux disciples un chemin nouveau : Jésus est ressuscité et les attend en Galilée. Dans la vie de ces femmes, la Pâques, qui signifie passage, a eu lieu. En effet, elles passent de la marche triste vers le tombeau à la course joyeuse vers les disciples, pour leur dire non seulement que le Seigneur est ressuscité, mais qu’une destination est à atteindre immédiatement, la Galilée. C’est là qu’a lieu le rendez-vous avec le Ressuscité. La renaissance des disciples, la résurrection de leur cœur passe par la Galilée. Entrons, nous aussi, dans cette marche des disciples qui va du tombeau à la Galilée.

Les femmes, dit l’Évangile, « vinrent pour regarder le sépulcre » (Mt 28, 1). Elles pensent que Jésus se trouve au lieu de la mort et que tout est fini pour toujours. Il nous arrive parfois aussi de penser que la joie de la rencontre avec Jésus appartient au passé, alors que dans le présent nous connaissons surtout des tombes scellées : celles de nos déceptions, de nos amertumes et de nos découragements, celles du “il n’y a plus rien à faire”, “les choses ne changeront jamais”, “mieux vaut vivre au jour le jour” parce que “du lendemain, il n’y a pas de certitude”. Nous aussi, si nous avons été rongés par le chagrin, opprimés par la tristesse, humiliés par le péché, aigris par un échec ou assaillis par des soucis, nous avons connu le goût amer de la lassitude et nous avons vu s’éteindre la joie de notre cœur.

Parfois, nous avons simplement ressenti la difficulté de bien gérer le quotidien, fatigués de prendre des risques personnels face au mur de caoutchouc d’un monde où les lois du plus malin et du plus forts semblent toujours prévaloir. D’autres fois, nous nous sommes sentis impuissants et découragés face à la puissance du mal, aux conflits qui déchirent les relations, aux logiques du calcul et de l’indifférence qui semblent gouverner la société, au cancer de la corruption –il y en a beaucoup -, à la propagation de l’injustice, aux vents glacés de la guerre. Il se peut aussi que nous ayons été confrontés à la mort, parce qu’elle nous a arraché la douce présence de nos proches, ou parce qu’elle nous a frôlés dans la maladie ou dans les calamités, et que nous ayons été facilement en proie à la déception et que la source de l’espérance se soit tarie. Ainsi, en raison de ces situations ou d’autres encore – chacun de nous connaît les siennes -, nos chemins s’arrêtent devant des tombes, et nous restons immobiles à pleurer et à regretter, seuls et impuissants à nous répéter nos “pourquoi”. Cette chaine des “pourquoi”…

Au contraire, les femmes de Pâques ne sont pas restées paralysées devant un tombeau, mais, nous dit l’Évangile, « elles quittèrent le tombeau, remplies à la fois de crainte et d’une grande joie, et elles coururent porter la nouvelle à ses disciples » (v. 8). Elles apportent la nouvelle qui changera à jamais la vie et l’histoire : le Christ est ressuscité ! (cf. v. 6). Et, en même temps, elles gardent et transmettent la recommandation du Seigneur, son invitation aux disciples : qu’ils aillent en Galilée, car c’est là qu’ils le verront (cf. v. 7). Mais, frères et sœurs, nous nous demandons aujourd’hui : que signifie aller en Galilée ? Deux choses : d’une part, sortir de la fermeture du cénacle pour aller dans la région habitée par les peuples (cf. Mt 4,15), sortir de la clandestinité pour s’ouvrir à la mission, échapper à la peur pour marcher vers l’avenir. Et d’autre part - et c’est très beau -, cela signifie revenir aux origines, car c’est précisément en Galilée que tout a commencé. C’est là que le Seigneur avait rencontré et appelé les disciples pour la première fois. Aller en Galilée, c’est revenir donc à la grâce originelle, c’est retrouver la mémoire qui régénère l’espérance, la “mémoire de l’avenir” dont nous avons été marqués par le Seigneur Ressuscité.

Voilà donc ce que fait la Pâque du Seigneur : elle nous pousse à avancer, à sortir du sentiment de défaite, à rouler la pierre des tombeaux dans lesquels nous enfermons souvent l’espérance, à regarder l’avenir avec confiance, parce que le Christ est ressuscité et a changé le cours de l’histoire ; mais, pour cela, la Pâque du Seigneur nous ramène à notre passé de grâce, elle nous fait retourner en Galilée, là où notre histoire d’amour avec Jésus a commencé, où le premier appel a eu lieu. Elle nous demande de revivre ce moment, cette situation, cette expérience dans laquelle nous avons rencontré le Seigneur, fait l’expérience de son amour et reçu un regard nouveau et lumineux sur nous-mêmes, sur la réalité, sur le mystère de la vie. Frères et sœurs, pour ressusciter, pour recommencer, pour reprendre notre route, nous avons toujours besoin de retourner en Galilée, c’est-à-dire de retourner non pas à un Jésus abstrait, idéal, mais à la mémoire vivante, à la mémoire concrète, palpitante de notre première rencontre avec Lui. Oui, pour marcher, il faut se souvenir ; pour espérer, il faut nourrir la mémoire. Telle est l’invitation : souviens-toi et marche ! Si tu retrouves le premier amour, l’émerveillement et la joie de la rencontre avec Dieu, tu avanceras. Souviens-toi et marche.

Souviens-toi de ta Galilée et marche vers ta Galilée. C’est le “lieu” où tu as connu Jésus en personne, où pour toi Il n’est pas resté un personnage historique comme les autres, mais est devenu la personne de la vie : non pas un Dieu lointain, mais le Dieu proche, qui te connaît plus que tout autre et qui t’aime plus que n’importe qui. Frère, sœur, fais mémoire de la Galilée, de ta Galilée : de ton appel, de cette Parole de Dieu qui t’a parlé à un moment précis ; de cette forte expérience dans l’Esprit, de la plus grande joie du pardon ressentie après cette Confession, de ce moment de prière intense et inoubliable, de cette lumière qui s’est allumée à l’intérieur et qui a transformé ta vie, de cette rencontre, de ce pèlerinage... Chacun de nous sait où se trouve sa Galilée, chacun connaît son lieu de résurrection intérieure, le premier, le fondement, celui qui a changé les choses. Nous ne pouvons pas le laisser au passé, le Ressuscité nous invite à y aller pour faire la Pâque. Souviens-toi de ta Galilée, fais-en mémoire, ravive-la aujourd’hui. Retourne à cette première rencontre. Demande-toi comment c’était et quand c’était, reconstruis-en le contexte, l’époque et le lieu, éprouves-en de nouveau l’émotion et les sensations, revis-en les couleurs et les saveurs. Car c’est quand tu as oublié ce premier amour, c’est quand tu as oublié cette première rencontre, que la poussière a commencé à se déposer sur ton cœur. Et tu as connu la tristesse et, comme pour les disciples, tout t’a semblé sans perspective, avec un rocher pour sceller l’espérance. Mais aujourd’hui, frère et sœur, la force de Pâques invite à rouler les pierres de la déception et de la défiance ; le Seigneur, expert dans le renversement des pierres tombales du péché et de la peur, veut illuminer ta mémoire sainte, ton plus beau souvenir, rendre actuelle cette première rencontre avec Lui. Souviens-toi et marche : reviens à Lui, trouve en toi la grâce de la résurrection de Dieu ! Retourne en Galilée, retourne à ta Galilée.

Frères, sœurs, suivons Jésus en Galilée, rencontrons-le et adorons-le là où il attend chacun de nous. Ravivons la beauté du moment où, l’ayant découvert vivant, nous l’avons proclamé Seigneur de notre vie. Retournons en Galilée, la Galilée du premier amour : que chacun retourne dans sa Galilée, celle de la première rencontre, et ressuscitons à la vie nouvelle !

Basilique Saint-Pierre
Samedi Saint, 8 avril 2023

(vatican.va)

CÉLÉBRATION PÉNITENTIELLE « 24 HEURES POUR LE SEIGNEUR »

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

« Mais tous ces avantages que j’avais, je les ai considérés, à cause du Christ, comme une perte » (Ph 3, 7). C’est ce que saint Paul déclare dans la première lecture que nous venons d’entendre. Et si nous nous demandons quelles sont les choses qu’il ne considère plus comme fondamentales dans sa vie, heureux même de les perdre pour trouver le Christ, nous nous rendons compte qu’il ne s’agit pas de réalités matérielles, mais de “richesses religieuses”. Et oui : il était un homme pieux, un homme zélé, un pharisien dévoué et pratiquant (cf. v. 5-6). Pourtant, cet habit religieux, qui aurait pu être un mérite, une source de fierté, une richesse sacrée, était en fait pour lui un obstacle. C’est pourquoi Paul affirme : « Je considère tout comme des ordures, afin de gagner un seul avantage, le Christ » (v. 8). Tout ce qui lui avait donné un certain prestige, une certaine réputation…, “laisse tomber : pour moi le Christ est plus important”.

Celui qui est trop riche de lui-même et de sa “valeur” religieuses présume qu’il est juste et meilleur que les autres - combien de fois cela se produit dans la paroisse : "Je suis Action Catholique, je vais aider le prêtre, je fais la quête..., moi, moi, moi", combien de fois se produit que l'on se croit meilleur que les autres. Que chacun, dans son cœur, pense si cela est arrivé quelquefois –, celui qui fait ainsi se laisse satisfaire par le fait qu’il a sauvé les apparences ; il se sent bien, mais il ne peut pas laisser de place à Dieu parce qu’il ne sent pas avoir besoin de Lui. Et bien souvent, les "catholiques propres", ceux qui se sentent justes parce qu'ils vont à la paroisse, parce qu'ils vont à la messe le dimanche, se vantent d'être justes : "Non, je n'ai besoin de rien, le Seigneur m'a sauvé". Que s'est-il passé ? La place de Dieu, il l’a occupée par son “moi”, et donc, même s’il récite des prières et accomplit des actes sacrés, il ne dialogue pas vraiment avec le Seigneur. Il fait des monologues, pas un dialogue, pas une prière. C’est pourquoi l’Écriture nous rappelle que seule « la prière du pauvre traverse les nuées » (Sir 35, 21), parce que seul celui qui est pauvre en esprit, qui sent avoir besoin de salut et qui mendie la grâce, se présente devant Dieu sans faire étalage de ses mérites, sans prétention, sans présomption : il n’a rien et donc il trouve tout, parce qu’il trouve le Seigneur.

Jésus nous donne cet enseignement dans la parabole que nous avons entendue (cf. Lc 18, 9-14). C’est le récit de deux hommes, un pharisien et un publicain, qui se rendent au temple pour prier, mais seul l’un d’eux parvient au cœur de Dieu. Au-delà de ce qu’ils font, c’est leur attitude physique qui parle : l’Évangile dit que le pharisien « se tenait debout » et priait (v. 11), la tête haute, tandis que le publicain, « se tenait à distance et n’osait même pas lever les yeux vers le ciel » (v. 13), par honte. Réfléchissons un instant à ces deux postures.

Le pharisien se tient debout. Il est sûr de lui, droit et triomphant comme quelqu’un qui doit être admiré pour sa valeur, comme un modèle. Dans cette attitude, il prie Dieu, mais en réalité, il se célèbre lui-même : je fréquente le temple, j’observe les préceptes, je fais l’aumône.... Formellement sa prière est irréprochable, extérieurement on voit un homme pieux et dévot, mais au lieu de s’ouvrir à Dieu en lui apportant la vérité de son cœur, il masque ses fragilités dans l’hypocrisie. Et souvent nous maquillons notre vie. Ce pharisien n’attend pas le salut du Seigneur comme un don, mais l’exige presque comme une récompense pour ses mérites. “J’ai fait mon devoir, maintenant donne-moi la récompense”. Il s’avance sans hésiter vers l’autel de Dieu, la tête haute, pour prendre sa place, au premier rang, mais finit par trop avancer au point de se mettre devant Dieu !

Au contraire, l’autre, le publicain reste à distance. Il ne cherche pas à se mettre en valeur, il reste à l’arrière. Mais c’est justement cette distance qui manifeste son être de pécheur par rapport à la sainteté de Dieu, et cela lui permet de faire l’expérience de la bénédiction et de l’étreinte miséricordieuse du Père. Dieu peut le rejoindre précisément parce que, en restant à distance, cet homme lui a fait de la place. Il ne parle pas de lui-même, il parle en demandant pardon, il parle en regardant Dieu. Comme cela est vrai aussi pour nos relations familiales, sociales et ecclésiales ! Il y a un vrai dialogue quand nous savons préserver un espace entre les autres et nous, un espace salutaire qui permet à chacun de respirer sans être aspiré ou annulé. Alors ce dialogue, cette rencontre, peut raccourcir la distance et créer la proximité. Il en est de même dans la vie de ce publicain : en s’arrêtant au fond du temple, il se reconnaît en vérité tel qu’il est, pécheur, devant Dieu : distant, et il permet ainsi à Dieu de s’approcher de lui.

Frères, sœurs, rappelons-nous ceci : le Seigneur vient à nous lorsque nous nous éloignons de notre ego prétentieux. Réfléchissons : Suis-je prétentieux ? Est-ce que je me crois meilleur que les autres ? Est-ce que je regarde quelqu'un avec mépris ? "Je te remercie, Seigneur, parce que tu m'as sauvé et que je ne suis pas comme ces gens qui ne comprennent rien, je vais à l'église, je vais à la messe ; je suis marié, je suis marié à l'église, ce sont des divorcés, pécheurs..." : ton cœur est-il ainsi ? Tu iras en enfer. Pour s'approcher de Dieu, il faut dire au Seigneur : "Je suis le premier des pécheurs, et si je ne suis pas tombé dans une plus grande saleté, c'est parce que Ta miséricorde m'a pris par la main. Grâce à Toi, Seigneur, je suis vivant ; grâce à Toi, Seigneur, je ne suis pas détruit par le péché". Dieu peut raccourcir les distances avec nous lorsque nous lui présentons honnêtement, sans prétention, notre fragilité. Il nous tend la main pour nous relever lorsque nous savons “toucher le fond” et que nous nous remettons à Lui dans la sincérité du cœur. Dieu est ainsi : il nous attend au fond, parce qu’en Jésus, Il a voulu “aller au fond” parce qu’il n’a pas peur de descendre jusque dans les abîmes qui nous habitent, de toucher les blessures de notre chair, d’accueillir notre pauvreté, d’accueillir les échecs de notre vie, les erreurs que nous commettons par faiblesse ou négligence, et tous nous en avons fait. Dieu nous attend là, au fond, il nous attend surtout lorsque, avec beaucoup d’humilité nous allons demander pardon dans le sacrement de la Confession, comme nous ferons aujourd’hui. Il nous attend là.

Frères et sœurs, faisons aujourd’hui, chacun, un examen de conscience car le pharisien et le publicain habitent tous deux en nous. Ne nous cachons pas derrière l’hypocrisie des apparences, mais confions avec confiance nos opacités, nos erreurs, à la miséricorde du Seigneur. Pensons à nos erreurs, à nos misères, même à celles que nous ne pouvons pas partager par honte, et c'est bien, mais avec Dieu, il faut les montrer. Quand nous nous confessons, nous nous mettons au fond, comme le publicain, pour reconnaître nous aussi la distance qui nous sépare entre ce que Dieu a rêvé pour notre vie et ce que nous sommes réellement chaque jour : des pauvres gens. Et, à ce moment-là, le Seigneur s’approche, Il réduit la distance et nous remet debout ; à ce moment-là, tandis que nous nous reconnaissons nus, Il nous revêt de l’habit de fête. Tel est et doit être le sacrement de la Réconciliation : une rencontre festive, qui guérit le cœur et laisse la paix à l’intérieur ; non pas un tribunal humain à craindre, mais une étreinte divine dont on sort consolé.

L'une des plus belles choses dans la manière dont Dieu nous accueille est la tendresse de l'étreinte qu'il nous donne. Si nous lisons le récit du fils prodigue qui rentre à la maison (cf. Lc 15, 20-22) et qui commence son discours, le père ne le laisse pas parler, il l'embrasse, et il ne réussit pas à parler. L'étreinte miséricordieuse. Et je m'adresse ici à mes frères confesseurs : s'il vous plaît, mes frères, pardonnez tout, pardonnez toujours, sans trop mettre le doigt dans les consciences ; laissez les gens dire leurs choses et vous recevez cela comme Jésus, avec la caresse de votre regard, avec le silence de votre compréhension. S'il vous plaît, le sacrement de la confession n'est pas fait pour torturer, mais pour donner la paix. Pardonnez tout, comme Dieu vous pardonnera tout. Tout, tout, tout.

En ce temps de Carême, cœur contrit, murmurons, nous aussi, comme le publicain : « Ô Dieu, aie pitié de moi, pécheur » (v. 13). Faisons-le ensemble : ô Dieu, aie pitié de moi, pécheur. Dieu, quand je t’oublie ou te néglige, quand je fais passer mes propres paroles et celles du monde avant ta Parole, quand je me prétends juste et que je méprise les autres, quand je parle sur les autres, ô Dieu, aie pitié de moi, pécheur. Quand je ne prends pas soin de ceux qui m’entourent, quand je suis indifférent à ceux qui sont pauvres et qui souffrent, faibles ou marginalisés, ô Dieu, aie pitié de moi, pécheur. Pour les péchés contre la vie, pour le mauvais témoignage qui salit le beau visage de notre Mère l’Église, pour les péchés contre la création, ô Dieu, aie pitié de moi, pécheur. Pour mes mensonges, ma malhonnêteté, mon manque de transparence et de droiture, ô Dieu, aie pitié de moi, pécheur. Pour mes péchés cachés, ceux que personne ne connaît, pour le mal que j’ai causé aux autres sans m’en rendre compte, pour le bien que j’aurais pu faire et que je n'ai pas fait, ô Dieu, aie pitié de moi, pécheur.

En silence, répétons pendant quelques instants, avec un cœur repentant et confiant : Ô Dieu, aie pitié de moi, pécheur. En silence, que chacun le répète dans son cœur. Ô Dieu, aie pitié de moi, pécheur. Dans cet acte de repentir et de confiance, nous nous ouvrirons à la joie du plus grand des dons : la miséricorde de Dieu.

Paroisse de Santa Maria delle Grazie dans le quartier Trionfale à Rome
Vendredi 17 mars 2023

(vatican.va)

MESSE, BENEDICTION ET IMPOSITION DES CENDRES

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

« Voici maintenant le moment favorable, le voici maintenant le jour du salut ! » (2 Co 6, 2). Cette phrase, de l'Apôtre Paul nous aide à entrer dans l'esprit du temps du Carême. Le Carême est, en effet, le temps favorable pour revenir à l'essentiel, pour nous dépouiller de ce qui nous encombre, pour nous réconcilier avec Dieu, pour rallumer le feu de l'Esprit Saint qui demeure caché dans les cendres de notre fragile humanité. Revenir à l'essentiel. C'est le temps de grâce pour mettre en pratique ce que le Seigneur nous a demandé dans le premier verset de la Parole que nous venons d’écouter : « Revenez à moi de tout votre cœur » (Jl 2, 12). Revenir à l'essentiel qui est le Seigneur

Le rite des cendres nous introduit sur ce chemin de retour et nous adresse deux invitations : revenir à la vérité sur nous-mêmes et revenir à Dieu et à nos frères.

Tout d'abord, revenir à la vérité sur nous-mêmes. Les cendres nous rappellent qui sommes-nous et d'où venons-nous, elles nous ramènent à la vérité fondamentale de la vie : seul le Seigneur est Dieu et nous sommes l'œuvre de ses mains. C’est notre vérité. Nous avons la vie alors que Lui, il est la vie. C’est Lui le Créateur, tandis que nous sommes de l'argile fragile qui est modelée par ses mains. Nous venons de la terre et avons besoin du Ciel, de Lui ; avec Dieu nous renaîtrons de nos cendres, mais sans Lui nous sommes poussière. ET alors que nous inclinons humblement la tête pour recevoir les cendres, ayons donc à cœur cette vérité : nous sommes du Seigneur, nous Lui appartenons. En effet, Il « modela l’homme avec la poussière tirée du sol ; il insuffla dans ses narines le souffle de vie » (Gn 2, 7) : nous existons, parce qu'Il a insufflé en nous le souffle de vie. Et, en tant que Père tendre et miséricordieux, Il vit aussi le Carême, parce qu'Il nous désire, nous attend, attend notre retour. Et Il nous encourage toujours à ne pas désespérer, même lorsque nous tombons dans la poussière de notre fragilité et de notre péché, car « Il sait de quoi nous sommes pétris, il se souvient que nous sommes poussière » (Ps 103, 14). Réécoutons ceci : Il se souvient que nous sommes poussière. Dieu le sait ; nous par contre, nous l'oublions souvent, pensant que nous sommes autosuffisants, forts, invincibles sans Lui ; nous utilisons des maquillages pour nous croire meilleurs de ce que nous sommes : nous sommes poussière.

Le Carême est donc le temps de nous rappeler qui est le Créateur et qui est la créature, de proclamer que Dieu seul est Seigneur, de nous dépouiller de la prétention de nous suffire à nous-mêmes et de la soif de nous mettre au centre, à être les premiers de la classe, à penser qu'avec nos seules capacités nous pouvons être les protagonistes de la vie et transformer le monde qui nous entoure. C'est le temps favorable pour nous convertir, pour changer de regard avant tout sur nous-mêmes, pour regarder à l'intérieur de nous-mêmes : combien de distractions et de superficialités nous détournent de ce qui compte, combien de fois nous nous concentrons sur nos envies ou sur ce qui nous manque, nous éloignant du centre de notre cœur, oubliant d'embrasser le sens de notre être dans le monde. Le Carême est un temps de vérité pour faire tomber les masques que nous portons chaque jour pour paraître parfaits aux yeux du monde ; pour lutter, comme Jésus nous l'a dit dans l'Évangile, contre le mensonge et l'hypocrisie : pas ceux des autres, les nôtres : les regarder en face et lutter.

Il y a cependant une deuxième étape : les cendres nous invitent également à revenir à Dieu et à nos frères. En effet, si nous revenons à la vérité de ce que nous sommes et que nous nous rendons compte que notre moi ne se suffit pas à lui-même, nous découvrons alors que nous n'existons qu'à travers les relations : la relation originelle avec le Seigneur et les relations vitales avec les autres. Ainsi, les cendres que nous recevons aujourd’hui sur nos têtes nous disent que toute présomption d'autosuffisance est fausse et que l'idolâtrie du moi est destructrice et nous enferme dans la prison de la solitude : se regarder dans le miroir en imaginant être parfait, en imaginant être au centre du monde. Notre vie, par contre, est avant tout une relation : nous l'avons reçue de Dieu et de nos parents, et nous pouvons toujours la renouveler et la régénérer grâce au Seigneur et à ceux qu'il place à nos côtés. Le Carême est le temps favorable pour revitaliser nos relations avec Dieu et avec les autres : pour nous ouvrir dans le silence à la prière et sortir de la forteresse de notre ego fermé, pour briser les chaînes de l'individualisme et de l’isolement et redécouvrir, à travers la rencontre et l'écoute, ceux qui marchent chaque jour à nos côtés, et réapprendre à les aimer comme des frères ou sœurs.

Frères et sœurs, comment réaliser tout cela ? Pour accomplir ce parcours – pour revenir à la vérité sur nous-mêmes, pour revenir à Dieu et aux autres – nous sommes invités à parcourir trois grandes voies : l'aumône, la prière et le jeûne. Ce sont les voies classiques : il ne faut pas de nouveautés sur cette route. Jésus l’a dit, c’est clair : l’aumône, la prière et le jeûne. Et il ne s'agit pas de rites extérieurs, mais de gestes qui doivent exprimer un renouvellement du cœur. L'aumône n'est pas un geste rapide pour se donner bonne conscience, pour équilibrer un peu le déséquilibre intérieur, mais c’est le fait de toucher de ses mains et de ses larmes la souffrance des pauvres ; la prière n'est pas un rituel, mais un dialogue de vérité et d'amour avec le Père ; et le jeûne n'est pas un simple renoncement, mais un geste fort pour rappeler à notre cœur ce qui compte et ce qui passe. La mise en garde de Jésus est un « avertissement qui conserve sa valeur salutaire également pour nous: aux gestes extérieurs doit toujours correspondre la sincérité de l'âme et la cohérence des œuvres. À quoi sert en effet - se demande l'auteur inspiré - de déchirer ses vêtements, si le cœur demeure éloigné du Seigneur, c'est-à-dire du bien et de la justice? » (Benoît XVI, Homélie Mercredi des Cendres, 1er mars 2006). Cependant, trop souvent nos gestes et nos rituels ne touchent pas la vie, ils ne sont pas vrais ; peut-être les accomplissons-nous uniquement pour être admirés des autres, pour recevoir des applaudissements, pour nous attribuer des mérites. Rappelons-nous ceci : dans la vie personnelle, comme dans la vie de l'Église, les apparences extérieures, les jugements humains et le goût du monde ne comptent pas ; seul compte le regard de Dieu qui y lit l'amour et la vérité.

Si nous nous mettons humblement sous son regard, alors l'aumône, la prière et le jeûne ne restent pas des gestes extérieurs, mais expriment ce que nous sommes vraiment : des enfants de Dieu et des frères entre nous. L'aumône, c’est-à-dire la charité, manifestera notre compassion envers ceux qui sont dans le besoin, nous aidera à revenir vers les autres ; la prière donnera voix à notre désir intime de rencontrer le Père, en nous faisant revenir vers Lui ; le jeûne sera le gymnase spirituel pour renoncer joyeusement à ce qui est superflu et qui nous encombre, pour devenir intérieurement plus libres et revenir à la vérité sur nous-mêmes. Rencontre avec le Père, liberté intérieure, compassion.

Chers frères et sœurs, inclinons la tête, recevons les cendres, rendons notre cœur léger. Mettons-nous en route dans la charité : quarante jours favorables nous sont donnés pour nous rappeler que le monde ne doit pas être enfermé dans les limites étroites de nos besoins personnels, et pour redécouvrir la joie non pas dans les choses à accumuler, mais dans l'attention aux personnes dans le besoin et dans l'affliction. Mettons-nous en route dans la prière : quarante jours favorables nous sont donnés pour redonner à Dieu la primauté dans nos vies, pour nous remettre à dialoguer avec lui de tout cœur, et non occasionnellement. Mettons-nous en route dans le jeûne : quarante jours favorables nous sont donnés pour nous retrouver, pour limiter la dictature des agendas toujours pleins de choses à faire, des prétentions d'un ego toujours plus superficiel et encombrant, et choisir ce qui compte.

Frères et sœurs, ne perdons pas la grâce de ce temps saint : fixons le Crucifix et marchons, répondons avec générosité aux appels forts du Carême. Et au bout du chemin, nous rencontrerons avec une plus grande joie le Seigneur de la vie, nous le rencontrerons, le seul qui nous fera renaître de nos cendres.

Basilique Sainte-Sabine
Mercredi 22 février 2023

(Vatican.va)

POPE BENEDICT XVI. (1927 - 2022)

MESSE DE LA NUIT - SOLENNITÉ DE LA NATIVITÉ DU SEIGNEUR

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Cette nuit, que nous dit-elle encore pour nos vies ? Deux mille ans après la naissance de Jésus, après tant de Noëls fêtés dans les décorations et les cadeaux, après tant de consumérisme voilant le mystère que nous célébrons, il y a un risque : nous savons beaucoup de choses sur Noël, mais nous en oublions le sens. Comment alors retrouver le sens de Noël ? Et surtout, où aller le chercher ? L'Évangile de la naissance de Jésus semble avoir été écrit justement pour cela : nous prendre par la main et nous ramener là où Dieu le veut. Suivons l’Évangile.

Il commence en effet par une situation similaire à la nôtre : tout le monde est occupé et s'affaire à un événement important à célébrer, le grand recensement qui demande beaucoup de préparatifs. En ce sens, l'atmosphère de l'époque est semblable à celle qui nous entoure aujourd'hui à Noël. Mais le récit évangélique s’éloigne de ce décor mondain. Il quitte très vite ce cadre pour souligner une autre réalité sur laquelle il insiste. Il s'attarde sur un petit objet, apparemment insignifiant, qu'il mentionne à trois reprises et sur lequel les acteurs du récit convergent : d'abord Marie qui pose Jésus « dans une mangeoire » (Lc 2, 7) ; ensuite les anges qui annoncent aux bergers « un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire » (v. 12) ; enfin les bergers qui trouvent « le nouveau-né couché dans la mangeoire » (v. 16). La mangeoire : c’est là qu’il faut regarder pour retrouver le sens de Noël. Mais pourquoi la mangeoire est-elle si importante ? Parce qu'elle est le signe, et ce n’est pas un hasard, avec lequel le Christ entre sur la scène du monde. Elle est le manifeste avec lequel il se présente, la manière de Dieu de naître dans l'histoire afin de faire renaitre l’histoire. Que veut-il donc nous dire à travers la mangeoire ? il veut nous dire au moins trois choses : la proximité, la pauvreté et le concret.

1. Proximité. La mangeoire sert à porter la nourriture à la bouche et à la consommer plus rapidement. Elle peut donc symboliser un aspect de l'humanité : l’avidité à consommer. Alors que les animaux de l'étable consomment de la nourriture, les hommes avides de pouvoir et d'argent, consomment leurs proches, leurs frères. Combien de guerres ! En combien de lieux, aujourd'hui encore, la dignité et la liberté sont-elles foulées aux pieds ! Et les principales victimes de l’avidité humaine sont toujours les personnes fragiles, les faibles. En ce Noël, une fois encore, l’humanité insatiable d'argent, insatiable de pouvoir et insatiable de plaisir ne laisse aucune place aux plus petits, aux enfants à naître, nombreux, aux pauvres, aux oubliés ; comme pour Jésus (cf. v. 7). Je pense surtout aux enfants dévorés par les guerres, la pauvreté et l'injustice. Mais c’est là justement que Jésus vient, enfant dans la mangeoire du rejet et de l'exclusion. Dans l’enfant de Bethléem, se trouve tout enfant. Et c’est une invitation à regarder la vie, la politique et l'histoire avec les yeux des enfants.

Dieu s’installe dans la mangeoire de l’exclusion et de l'inconfort. Il va là parce que c'est là que se trouve le problème de l'humanité : l'indifférence générée par l’empressement avide de posséder et de consommer. Le Christ naît là et, dans cette mangeoire, nous le découvrons proche. Il va là où l’on dévore la nourriture, pour se faire notre nourriture. Dieu n'est pas un père qui dévore ses enfants, mais le Père qui, en Jésus, fait de nous ses enfants et nous nourrit de sa tendresse. Il vient toucher nos cœurs et nous dire que la seule force qui change le cours de l'histoire est l'amour. Il ne reste pas distant, il ne reste pas puissant, mais il se fait proche et humble. Lui qui siège dans le ciel, se laisse coucher dans une mangeoire.

Frère, sœur, Dieu cette nuit se fait proche de toi parce que tu lui importes. De la mangeoire, il te dit, comme une nourriture pour ta vie : "Si tu te sens consumé par les événements, si ta culpabilité et ton inaptitude te dévorent, si tu as faim de justice, moi, Dieu, je suis avec toi. Je sais ce que tu vis, je l'ai éprouvé dans cette mangeoire. Je connais tes misères et ton histoire. Je suis né pour te dire que je suis et serai toujours proche de toi ". La mangeoire de Noël, premier message d'un Dieu enfant, nous dit qu'Il est avec nous, qu'Il nous aime, qu'Il nous cherche. Courage, ne te laisses pas vaincre par la peur, la résignation, le découragement. Dieu naît dans une mangeoire pour te faire renaître justement là où tu pensais avoir touché le fond. Il n'y a aucun mal, aucun péché dont Jésus ne veuille ni ne puisse te sauver. Noël signifie que Dieu est proche : Que renaisse la confiance !

2. La mangeoire de Bethléem nous parle non seulement de proximité, mais aussi de pauvreté. Autour d'une mangeoire, en effet, il n'y a pas grand-chose : des mauvaises herbes et quelques animaux et rien d'autre. Les gens étaient au chaud dans les hôtels, pas dans l'étable froide d'une auberge. Mais Jésus naît là, et la mangeoire nous rappelle qu'il n'avait personne autour de lui, sauf ceux qui l'aimaient : Marie, Joseph et des bergers. Tous des gens pauvres, unis par l'affection et l’étonnement, et non par les richesses et les grandes possibilités. La mangeoire pauvre fait apparaître les véritables richesses de la vie : non pas l'argent ni le pouvoir, mais les relations et les personnes.

Et la première personne, la première richesse, c'est précisément Jésus. Mais voulons-nous rester à ses côtés ? Nous rapprochons-nous de Lui, aimons-nous sa pauvreté ? Ou bien préférons-nous rester à l'aise dans nos propres intérêts ? Surtout, Le visitons nous là où il se trouve, c'est-à-dire dans les pauvres mangeoires de notre monde ? C’est là qu’il est présent. Et nous sommes appelés à être une Église qui adore Jésus pauvre, et qui sert Jésus dans les pauvres. Comme l'a dit un saint évêque : « L'Église soutient et bénit les efforts visant à transformer les structures d'injustice et n'y met qu'une seule condition : que les transformations sociales, économiques et politiques se fassent au profit authentique des pauvres » (O.A. Romeo, Message pastoral pour la nouvelle année, 1er janvier 1980). Bien sûr, il n'est pas facile de quitter la chaleur de la mondanité pour embrasser la beauté dépouillée de la grotte de Bethléem, mais rappelons-nous que, sans les pauvres, ce n'est pas vraiment Noël. Sans eux, nous célébrons Noël, mais pas celui de Jésus. Frères, sœurs, à Noël, Dieu est pauvre : Que renaisse la charité!

3. Nous arrivons ainsi au dernier point : la mangeoire nous parle du concret. Un enfant dans une mangeoire est en effet une scène qui frappe, même si elle est dure. Elle nous rappelle que Dieu s'est vraiment fait chair. Et donc les théories sur Lui, les belles pensées et les sentiments pieux ne suffisent pas. Jésus, qui naît pauvre, qui vivra pauvre et mourra pauvre, n'a pas fait beaucoup de discours sur la pauvreté, mais il l'a vécue pleinement pour nous. De la mangeoire à la croix, son amour pour nous a été tangible, concret : de la naissance à la mort, le fils du charpentier a embrassé la rugosité du bois, les aspérités de notre existence. Il ne nous a pas aimés en paroles, il ne nous a pas aimés pour rire !

Et donc, Il ne se contente pas des apparences. Il ne se contente pas de bonnes intentions, Lui qui s'est fait chair. Lui qui est né dans la mangeoire, il veut une foi concrète, faite d'adoration et de charité, et non de bavardages et d'apparences extérieures. Lui qui s'est mis à nu dans la mangeoire et qui se mettra à nu sur la croix, il nous demande la vérité : aller à la réalité nue des choses, déposer au pied de la mangeoire les excuses, les justifications et les hypocrisies. Lui qui a été tendrement enveloppé de langes par Marie, il veut que nous revêtions l'amour. Dieu ne veut pas de l'apparence, mais du concret. Ne laissons pas passer ce Noël, frères et sœurs, sans faire quelque chose de bon. Puisque c'est sa fête, son anniversaire, offrons-lui des cadeaux qui Lui sont agréables ! À Noël, Dieu est concret : en son nom, faisons renaître un peu d’espérance chez ceux qui l'ont perdue !

Jésus, nous te regardons, couché dans la mangeoire. Nous Te voyons si proche, proche de nous pour toujours : merci, Seigneur. Nous Te voyons pauvre, nous enseignant que la vraie richesse ne réside pas dans les choses, mais dans les personnes, surtout les pauvres : pardonne-nous si nous ne t'avons pas reconnu et servi en eux. Nous te voyons concret, parce que ton amour pour nous est concret : Jésus, aide-nous à donner chair et vie à notre foi. Amen.

Basilique vaticane
Samedi 24 décembre 2022

(Vatican.va)

MESSAGE URBI ET ORBI DU PAPE FRANÇOIS - PÂQUES 2022

Chers frères et sœurs, joyeuses Pâques !

Jésus, le Crucifié, est ressuscité ! Il vient au milieu de ceux qui le pleurent, enfermés dans une maison, remplis de peur et d’angoisse. Il vient au milieu d’eux et dit : « La paix soit avec vous ! » (Jn 20, 19). Il montre les plaies de ses mains et de ses pieds, la blessure de son côté : ce n’est pas un fantôme, c’est précisément Lui, le même Jésus qui est mort sur la croix et qui a été déposé dans le tombeau. Devant les regards incrédules des disciples, il répète : « La paix soit avec vous ! » (v. 21).

Nos regards sont aussi incrédules, en cette Pâques de guerre. Nous avons vu trop de sang, trop de violence. Nos cœurs se sont remplis aussi de peur et d’angoisse, tandis qu’un grand nombre de nos frères et sœurs ont dû s’enfermer pour se défendre contre les bombes. Nous avons du mal à croire que Jésus soit vraiment ressuscité, qu’il ait vraiment vaincu la mort. Serait-ce peut-être une illusion ? Un fruit de notre imagination ?

Non, ce n’est pas une illusion ! Aujourd’hui plus que jamais retentit l’annonce pascale si chère à l’Orient chrétien : « Le Christ est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité ! » Aujourd’hui plus que jamais nous avons besoin de Lui, au terme d’un Carême qui semble ne pas vouloir finir. Nous avons derrière nous deux ans de pandémie, qui ont laissé des traces profondes. Il était temps de sortir ensemble du tunnel, main dans la main, en rassemblant nos forces et nos ressources... Et au lieu de cela, nous démontrons qu’en nous il n’y a pas encore l’esprit de Jésus, il y a encore l’esprit de Caïn, qui regarde Abel non pas comme un frère, mais comme un rival, et pense à la façon de l’éliminer. Nous avons besoin du Crucifié Ressuscité pour croire en la victoire de l’amour, pour espérer en la réconciliation. Aujourd’hui plus que jamais nous avons besoin de Lui, qu’il vienne parmi nous et nous dise encore : « La paix soit avec vous !».

Lui seul peut le faire. Lui seul a le droit de nous annoncer la paix aujourd’hui. Jésus seul, parce qu’il porte les plaies, nos plaies. Ses plaies sont deux fois les nôtres : les nôtres parce qu’elles Lui ont été faites par nous, par nos péchés, par notre dureté de cœur, par notre haine fratricide ; et les nôtres parce qu’il les porte pour nous, il ne les a pas effacées de son Corps glorieux, il a voulu les garder en lui pour toujours. Elles sont un sceau ineffaçable de son amour pour nous, une intercession perpétuelle pour que le Père céleste les voie et qu’il ait pitié de nous et du monde entier. Les plaies dans le Corps de Jésus ressuscité sont le signe de la lutte qu’il a menée et vaincue pour nous, avec les armes de l’amour, afin que nous puissions avoir la paix, être en paix, vivre en paix.

En regardant ces plaies glorieuses, nos yeux incrédules s’ouvrent, nos cœurs endurcis s’ouvrent et laissent entrer l’annonce pascale : « La paix soit avec vous ! ».

Frères et sœurs, laissons la paix du Christ entrer dans nos vies, dans nos maisons, dans nos pays !

Qu’il y ait la paix pour l’Ukraine martyrisée, si durement éprouvée par la violence et par la destruction de la guerre cruelle et insensée dans laquelle elle a été entraînée. Qu’une nouvelle aube d’espérance se lève bientôt sur cette terrible nuit de souffrance et de mort ! Que l’on choisisse la paix. Que l’on arrête de montrer les muscles pendant que les gens souffrent. S’il vous plaît, s’il vous plaît : ne nous habituons pas à la guerre, engageons-nous tous à demander la paix, depuis les balcons et dans les rues ! Paix ! Que ceux qui ont la responsabilité des Nations entendent le cri de paix des gens. Qu’ils entendent cette question inquiétante posée par les scientifiques, il y a presque soixante-dix ans : « Allons-nous mettre fin à la race humaine, ou l’humanité saura-t-elle renoncer à la guerre ? » (Manifeste Russell-Einstein, 9 juillet 1955).

Je porte dans mon cœur toutes les nombreuses victimes ukrainiennes, les millions de réfugiés et de déplacés internes, les familles divisées, les personnes âgées restées seules, les vies brisées et les villes rasées. J’ai dans les yeux le regard des enfants devenus orphelins et fuyant la guerre. En les regardant, nous ne pouvons pas ne pas entendre leur cri de douleur, avec celui des nombreux autres enfants qui souffrent dans le monde entier : ceux qui meurent de faim ou par manque de soins, ceux qui sont victimes d’abus et de violences et ceux qui ont été privés du droit de naître.

Dans la douleur de la guerre, des signes encourageants ne manquent également pas, comme les portes ouvertes de nombreuses familles et communautés qui accueillent des migrants et des réfugiés dans toute l’Europe. Que ces nombreux actes de charité deviennent une bénédiction pour nos sociétés, parfois dégradées par tant d’égoïsme et d’individualisme, et qu’ils contribuent à les rendre accueillantes pour tous.

Que le conflit en Europe nous rende également plus attentifs face à d’autres situations de tension, de souffrance et de douleur, qui affectent trop de régions du monde et que nous ne pouvons, ni ne voulons oublier.

Qu’il y ait la paix pour le Moyen-Orient, déchiré par des années de divisions et de conflits. En ce jour glorieux, demandons la paix pour Jérusalem et la paix pour ceux qui l’aiment (cf. Ps 121 [122]), chrétiens, juifs et musulmans. Puissent Israéliens, Palestiniens et tous les habitants de la Ville Sainte, avec les pèlerins, faire l’expérience de la beauté de la paix, vivre en fraternité et accéder avec liberté aux Lieux Saints dans le respect réciproque des droits de chacun.

Qu’il y ait la paix et la réconciliation pour les peuples du Liban, de la Syrie et de l’Irak, et en particulier pour toutes les communautés chrétiennes qui vivent au Moyen-Orient.

Qu’il y ait la paix aussi pour la Libye, afin qu’elle trouve la stabilité après des années de tensions, et pour le Yémen, qui souffre d’un conflit oublié par tous, avec sans cesse de nouvelles victimes : que la trêve signée ces derniers jours puisse redonner espoir à la population.

Demandons au Seigneur ressuscité le don de la réconciliation pour le Myanmar, où perdure un scénario dramatique de haine et de violence, et pour l’Afghanistan, où les dangereuses tensions sociales ne s’apaisent pas et, où une crise humanitaire dramatique est en train de martyriser la population.

Qu’il y ait la paix pour tout le continent africain, afin que cessent l’exploitation dont elle est victime et l’hémorragie causée par les attaques terroristes – en particulier dans la zone du Sahel – et qu’elle rencontre un soutien concret dans la fraternité des peuples. Que l’Éthiopie, frappée par une grave crise humanitaire, retrouve la voie du dialogue et de la réconciliation, et que cessent les violences en République démocratique du Congo. Que la prière et la solidarité de manquent pas pour les populations d’Afrique du Sud orientale, touchées par des inondations dévastatrices.

Que le Christ ressuscité accompagne et assiste les populations d’Amérique latine, qui dans certains cas ont vu empirer, en ces temps difficiles de pandémie, leurs conditions sociales, exacerbées également par des cas de criminalité, de violence, de corruption et de trafic de drogue.

Demandons au Seigneur ressuscité d’accompagner le chemin de réconciliation que l’Église catholique du Canada réalise avec les Peuples autochtones. Que l'Esprit du Christ ressuscité guérisse les blessures du passé et dispose les cœurs à la recherche de la vérité et de la fraternité.

Chers frères et sœurs, chaque guerre porte en elle des séquelles qui impliquent toute l’humanité : des deuils au drame des réfugiés, à la crise économique et alimentaire dont on voit déjà les signes avant-coureurs. Face aux signes persistants de la guerre, comme aux nombreuses et douloureuses défaites de la vie, le Christ, vainqueur du péché, de la peur et de la mort, exhorte à ne pas s’abandonner au mal et à la violence. Frères et sœurs, laissons-nous vaincre par la paix du Christ ! La paix est possible, la paix est un devoir, la paix est la responsabilité première de tous !

Loge centrale de la Basilique vaticane
Dimanche 17 avril 2022

(vatican.va)

BENEDICT XVI. - 95TH BIRTHDAY

Cardinal Joseph Ratzinger, Pope Benedict XVI, was born at Marktl am Inn, Diocese of Passau (Germany) on 16 April 1927 (Holy Saturday) and was baptised on the same day. His father, a policeman, belonged to an old family of farmers from Lower Bavaria of modest economic resources. His mother was the daughter of artisans from Rimsting on the shore of Lake Chiem, and before marrying she worked as a cook in a number of hotels.
He spent his childhood and adolescence in Traunstein, a small village near the Austrian border, thirty kilometres from Salzburg. In this environment, which he himself has defined as "Mozartian", he received his Christian, cultural and human formation.
His youthful years were not easy. His faith and the education received at home prepared him for the harsh experience of those years during which the Nazi regime pursued a hostile attitude towards the Catholic Church. The young Joseph saw how some Nazis beat the Parish Priest before the celebration of Mass.
It was precisely during that complex situation that he discovered the beauty and truth of faith in Christ; fundamental for this was his family’s attitude, who always gave a clear witness of goodness and hope, rooted in a convinced attachment to the Church.
He was enrolled in an auxiliary anti-aircraft corps until September 1944.
From 1946 to 1951 he studied philosophy and theology in the Higher School of Philosophy and Theology of Freising and at the University of Munich.
He received his priestly ordination on 29 June 1951.
A year later he began teaching at the Higher School of Freising.
In 1953 he obtained his doctorate in theology with a thesis entitled "People and House of God in St Augustine’s Doctrine of the Church".
Four years later, under the direction of the renowned professor of fundamental theology Gottlieb Söhngen, he qualified for University teaching with a dissertation on: "The Theology of History in St Bonaventure".
After lecturing on dogmatic and fundamental theology at the Higher School of Philosophy and Theology in Freising, he went on to teach at Bonn, from 1959 to1963; at Münster from 1963 to 1966 and at Tübingen from 1966 to 1969. During this last year he held the Chair of dogmatics and history of dogma at the University of Regensburg, where he was also Vice-President of the University.
From 1962 to 1965 he made a notable contribution to Vatican II as an "expert"; being present at the Council as theological advisor of Cardinal Joseph Frings, Archbishop of Cologne.
His intense scientific activity led him to important positions at the service of the German Bishops’ Conference and the International Theological Commission.
In 1972 together with Hans Urs von Balthasar, Henri de Lubac and other important theologians, he initiated the theological journal "Communio".
On 25 March 1977 Pope Paul VI named him Archbishop of Munich and Freising. On 28 May of the same year he received episcopal ordination. He was the first Diocesan priest for 80 years to take on the pastoral governance of the great Bavarian Archdiocese. He chose as his episcopal motto: "Cooperators of the truth". He himself explained why: "On the one hand I saw it as the relation between my previous task as professor and my new mission. In spite of different approaches, what was involved, and continued to be so, was following the truth and being at its service. On the other hand I chose that motto because in today’s world the theme of truth is omitted almost entirely, as something too great for man, and yet everything collapses if truth is missing".
Paul VI made him a Cardinal with the priestly title of "Santa Maria Consolatrice al Tiburtino", during the Consistory of 27 June of the same year.
In 1978 he took part in the Conclave of 25 and 26 August which elected John Paul I, who named him his Special Envoy to the III International Mariological Congress, celebrated in Guayaquil (Ecuador) from 16 to 24 September. In the month of October of the same year he took part in the Conclave that elected Pope John Paul II.
He was Relator of the V Ordinary General Assembly of the Synod of Bishops which took place in 1980 on the theme: "Mission of the Christian Family in the world of today", and was Delegate President of the VI Ordinary General Assembly of 1983 on "Reconciliation and Penance in the mission of the Church".
John Paul II named him Prefect of the Congregation for the Doctrine of the Faith and President of the Pontifical Biblical Commission and of the International Theological Commission on 25 November 1981. On 15 February 1982 he resigned the pastoral governance of the Archdiocese of Munich and Freising. The Holy Father elevated him to the Order of Bishops assigning to him the Suburbicarian See of Velletri-Segni on 5 April 1993.
He was President of the Preparatory Commission for the Catechism of the Catholic Church, which after six years of work (1986-1992) presented the new Catechism to the Holy Father.
On 6 November 1998 the Holy Father approved the election of Cardinal Ratzinger as Vice-Dean of the College of Cardinals, submitted by the Cardinals of the Order of Bishops. On 30 November 2002 he approved his election as Dean; together with this office he was entrusted with the Suburbicarian See of Ostia.
In 1999 he was Special Papal Envoy for the Celebration of the XII Centenary of the foundation of the Diocese of Paderborn, Germany which took place on 3 January.
Since 13 November 2000 he has been an Honorary Academic of the Pontifical Academy of Sciences.
In the Roman Curia he has been a member of the Council of the Secretariat of State for Relations with States; of the Congregations for the Oriental Churches, for Divine Worship and the Discipline of the Sacraments, for Bishops, for the Evangelization of Peoples, for Catholic Education, for Clergy and for the Causes of the Saints; of the Pontifical Councils for Promoting Christian Unity, and for Culture; of the Supreme Tribunal of the Apostolic Signatura, and of the Pontifical Commissions for Latin America, "Ecclesia Dei", for the Authentic Interpretation of the Code of Canon Law, and for the Revision of the Code of Canon Law of the Oriental Churches.
Among his many publications special mention should be made of his "Introduction to Christianity", a compilation of University lectures on the Apostolic Creed published in 1968; "Dogma and Preaching" (1973) an anthology of essays, sermons and reflections dedicated to pastoral arguments.
His address to the Catholic Academy of Bavaria on "Why I am still in the Church" had a wide resonance; in it he stated with his usual clarity: "one can only be a Christian in the Church, not beside the Church".
His many publications are spread out over a number of years and constitute a point of reference for many people specially for those interested in entering deeper into the study of theology. In 1985 he published his interview-book on the situation of the faith (The Ratzinger Report) and in 1996 "Salt of the Earth". On the occasion of his 70th birthday the volume "At the School of Truth" was published, containing articles by several authors on different aspects of his personality and production.
He has received numerous "Honoris Causa" Doctorates, in 1984 from the College of St. Thomas in St. Paul, Minnesota; in 1986 from the Catholic University of Lima; in 1987 from the Catholic University of Eichstätt; in 1988 from the Catholic University of Lublin; in 1998 from the University of Navarre; in 1999 from the LUMSA (Libera Università Maria Santissima Assunta) of Rome and in 2000 from the Faculty of Theology of the University of Wrocław in Poland.
End Pontificate: 28.II.2013
(From vatican.va)


(Photo: Flickr.com)

PALM SUNDAY

Today is Palm Sunday. The start of Holy Week. In these troubled times let us think of the great sacrifice made by Our Lord for us.
Atavis et Armis +++


CELEBRATION PENITENTIELLE AVEC ACTE DE CONSECRATION AU CŒUR IMMACULE DE MARIE

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Dans l'Évangile de la solennité d'aujourd'hui, l'ange Gabriel, par trois fois, prend la parole et s’adresse à la Vierge Marie.

La première fois, en la saluant, il dit : « Réjouis-toi, pleine de grâce : le Seigneur est avec toi » (Lc 1, 28). La raison de se réjouir, le motif de la joie, est révélé en quelques mots : le Seigneur est avec toi. Frère, ma sœur, tu peux entendre ces paroles qui aujourd'hui te sont adressées, comme à chacun de nous ; tu peux les faire tiennes chaque fois que tu t'approches du pardon de Dieu, parce que là, le Seigneur te dit : "Je suis avec toi". Trop souvent, nous pensons que la Confession consiste à aller vers Dieu la tête baissée. Mais ce n'est pas d'abord nous qui revenons au Seigneur, c'est Lui qui vient nous visiter, nous combler de sa grâce, nous réjouir de sa joie. Se confesser, c'est donner au Père la joie de nous relever. Au centre de ce que nous allons vivre, il n’y a pas nos péchés ; ils sont là, mais pas au centre. Son pardon, c’est cela le centre. Essayons d’imaginer si au cœur du sacrement se trouvaient nos péchés : presque tout dépendrait de nous, de notre repentir, de nos efforts, de notre engagement. Mais non, au centre, il y a Lui, qui nous libère et nous remet debout.

Redonnons le primat à la grâce et demandons le don de comprendre que la Réconciliation n'est pas d’abord un pas que nous faisons vers Dieu, mais son étreinte qui nous enveloppe, nous étonne, nous émeut. C'est le Seigneur qui, comme chez Marie à Nazareth, entre dans notre maison et apporte un émerveillement et une joie inconnus jusqu'alors : la joie du pardon. Mettons la perspective de Dieu au premier plan : nous retrouverons l’amour de la Confession. Nous en avons besoin, car chaque renaissance intérieure, chaque tournant spirituel commence à partir de là, du pardon de Dieu. Ne négligeons pas la Réconciliation, mais redécouvrons-la comme le Sacrement de la joie. Oui, le Sacrement de la joie, là où le mal qui nous fait honte devient une occasion de faire l’expérience de la chaleureuse étreinte du Père, la douce force de Jésus qui nous guérit, la "tendresse maternelle" de l'Esprit Saint. Voilà le cœur de la Confession.

Et ainsi, chers frères et sœurs, allons recevoir le pardon. Et vous, frères qui administrez le pardon de Dieu, soyez ceux qui offrent à qui s'approche la joie de cette annonce : Réjouis-toi, le Seigneur est avec toi. Pas de rigidité, s’il vous plait, pas d'obstacles, pas de difficulté ; des portes ouvertes à la miséricorde ! En particulier dans la Confession, nous sommes appelés à imiter le Bon Pasteur qui prend ses brebis dans ses bras et les cajole ; nous sommes appelés à être des canaux de grâce qui versent l'eau vive de la miséricorde du Père dans la sécheresse du cœur. Si un prêtre n’a pas cette attitude, s’il n’a pas ces sentiments dans le cœur, il vaut mieux qu’il n’aille pas confesser.

Pour la deuxième fois, l'ange parle à Marie. Alors qu’elle est troublée par la salutation reçue, il lui dit : « N'aie pas peur » (v. 30). D’abord « le Seigneur est avec toi » ; la seconde parole : « N'aie pas peur ». Dans l'Écriture, lorsque Dieu se présente à qui l'accueille, il aime dire ces mots : n’aie pas peur. Il les dit à Abraham (cf. Gn 15,1), il les répète à Isaac (cf. Gn 26,24), à Jacob (cf. Gn 46,3) et ainsi de suite, jusqu’à Joseph (cf. Mt 1,20) et Marie. N'aie pas peur, n'aie pas peur. Il nous envoie ainsi un message clair et consolant : dès que la vie s'ouvre à Dieu, la peur ne peut plus nous tenir en otage. Car la peur nous tient en otage. Toi, sœur, frère, si tes péchés t'effraient, si ton passé t’inquiète, si tes blessures ne guérissent pas, si tes chutes constantes te démoralisent et que tu sembles avoir perdu l’espérance, s’il te plait, n'aie pas peur. Dieu connaît tes faiblesses et il est plus grand que tes erreurs. Dieu est plus grand que nos péchés : beaucoup plus grand. Il te demande une chose : ne conserve pas en toi tes faiblesses, tes misères ; apporte-les-Lui, dépose-les en Lui et elles se transformeront, de motifs de désolation, en occasions de résurrection. N'aie pas peur ! Le Seigneur nous demande nos péchés. Il me vient à l’esprit l’histoire de ce moine du désert qui avait tout donné à Dieu, tout, et qui menait une vie de jeûne, de pénitence et de prière. Le Seigneur lui demandait davantage. “Seigneur, je t’ai tout donné”, lui dit le moine, “que manque-t-il” ? “Donne-moi tes péchés”. Le Seigneur nous demande ainsi. N’aie pas peur.

La Vierge Marie nous accompagne : elle a elle-même jeté son inquiétude en Dieu. L'annonce de l'ange lui avait donné de sérieuses raisons d'avoir peur. Il lui proposait quelque chose d'impensable, qui était au-dessus de ses forces et qu'elle n'aurait pas pu gérer seule : il y aurait eu trop de difficultés, des problèmes avec la loi de Moïse, avec Joseph, avec les gens de son village et avec son peuple. Tout cela étaient des difficultés : n’aie pas peur.

Mais Marie ne soulève pas d’objection. Ce « n’aie pas peur » lui suffit, il lui suffit que Dieu la rassure. Elle se serre contre Lui, comme nous voulons le faire ce soir. Car nous faisons souvent le contraire : nous partons de nos certitudes et ce n'est que lorsque nous les perdons que nous allons vers Dieu. La Vierge, en revanche, nous enseigne à partir de Dieu, dans la confiance qu'ainsi tout le reste nous sera donné (cf. Mt 6, 33). Elle nous invite à aller à la source, aller au Seigneur qui est le remède radical contre la peur et le mal de vivre. C'est ce que rappelle une belle phrase inscrite sur un confessionnal, ici au Vatican, qui s'adresse à Dieu en ces termes : « S'éloigner de Toi, c'est tomber, revenir à Toi, c'est se relever, demeurer en Toi, c'est exister » (cf. Saint Augustin, Soliloquium I, 3).

Ces jours-ci, les nouvelles et les images de mort continuent d'entrer dans nos foyers, alors que les bombes détruisent les maisons de beaucoup de nos frères et sœurs ukrainiens sans défense. Cette guerre odieuse, qui s’est abattue sur tant de personnes et qui fait souffrir tout le monde, provoque en chacun peur et désarroi. Nous ressentons un sentiment d'impuissance et d’incapacité. Nous avons besoin que l'on nous dise "n’aie pas peur". Mais les réconforts humains ne suffisent pas, il faut la présence de Dieu, la certitude du pardon divin, le seul qui supprime le mal, désamorce la rancœur, redonne la paix au cœur. Retournons à Dieu, retournons à son pardon.

Pour la troisième fois, l'ange prend la parole. Maintenant, il dit à la Vierge : « L'Esprit Saint viendra sur toi » (Lc 1, 35). « Le Seigneur est avec toi » ; « N'aie pas peur » et la troisième parole : « L'Esprit Saint viendra sur toi ». Dans l'Écriture, lorsque Dieu se présente à qui l'accueille, il aime d C'est ainsi que Dieu intervient dans l'histoire : en donnant son Esprit. Parce que dans les choses qui comptent, nos forces ne suffisent pas. Nous ne pouvons pas résoudre seuls les contradictions de l'histoire, ni même celles de notre cœur. Nous avons besoin de la force sage et douce de Dieu, qui est le Saint Esprit. Nous avons besoin de l'Esprit d'amour, qui détruit la haine, éteint la rancœur, la cupidité, nous réveille de l'indifférence. Cet Esprit qui nous donne l’harmonie, parce que Lui est harmonie. Nous avons besoin de l'amour de Dieu parce que notre amour est précaire et insuffisant. Nous demandons beaucoup de choses au Seigneur, mais nous oublions souvent de lui demander ce qui est le plus important et ce qu'Il veut nous donner : l'Esprit Saint, c’est-à-dire la force d'aimer. Car sans amour, qu'allons-nous offrir au monde ? Quelqu'un a dit qu'un chrétien sans amour est comme une aiguille qui ne coud pas : elle pique, elle blesse, mais si elle ne coud pas, si elle ne tisse pas, si elle n'unit pas, elle ne sert à rien. J’oserais dire, il n’est pas chrétien. C'est pourquoi nous avons besoin de puiser dans le pardon de Dieu la force de l'amour, puiser ce même Esprit qui est descendu sur Marie.

Parce que, si nous voulons que le monde change, nos cœurs doivent d'abord changer. Pour ce faire, aujourd'hui, laissons-nous prendre par la main de la Vierge. Regardons son Cœur Immaculé, où Dieu s'est reposé, le Cœur unique d'une créature humaine sans ombres. Elle est « pleine de grâce » (v. 28), et donc exempte de péché. En elle, il n'y a aucune trace de mal et donc, avec elle, Dieu a pu commencer une nouvelle histoire de salut et de paix. Il y a eu là un tournant dans l’histoire. Dieu a changé l'histoire en frappant au Cœur de Marie.

Et aujourd'hui, nous aussi, renouvelés par le pardon, nous frappons à ce Cœur. En union avec les évêques et les fidèles du monde entier, je désire porter solennellement au Cœur Immaculé de Marie tout ce que nous sommes en train de vivre : lui renouveler la consécration de l'Église et de toute l'humanité et lui consacrer, de manière particulière, les peuples ukrainien et russe, qui la vénèrent comme leur Mère avec une affection filiale. Il ne s'agit pas d'une formule magique, non, ce n’est pas cela ; mais il s’agit d'un acte spirituel. C'est un geste de pleine confiance des enfants qui, dans la tribulation de cette guerre cruelle, de cette guerre insensée qui menace le monde, ont recours à leur Mère. Comme des enfants, lorsqu’ils sont effrayés, vont vers leur mère pour pleurer pour chercher une protection. Recourrons à notre Mère en jetant peur et douleur dans son Cœur, nous remettant à elle. C'est déposer dans ce Cœur limpide, immaculé, où Dieu se reflète, les biens précieux de la fraternité et de la paix, tout ce que nous avons et tout ce que nous sommes, afin que ce soit elle, la Mère que le Seigneur nous a donnée, qui nous protège et nous garde.

Des lèvres de Marie jaillit la plus belle phrase que l'ange pouvait rapporter à Dieu : « Que tout m’advienne selon ta parole » (v. 38). Cette acceptation de la Vierge n'est pas passive ni résignée, mais elle est un désir vivant d'adhérer à Dieu qui a « des pensées de paix et non de malheur » (Jr 29, 11). C'est la participation la plus étroite possible à son plan de paix pour le monde. Nous nous consacrons à Marie pour entrer dans ce plan, pour nous mettre pleinement à la disposition des plans de Dieu. La Mère de Dieu, après avoir dit son “oui”, entreprit un long voyage, une montée vers les régions montagneuses pour rendre visite à sa cousine enceinte (cf. Lc 1, 39). Elle est allée avec empressement. Cela me plait de penser que la Vierge est allée avec empressement, c’est toujours ainsi ; la Vierge qui s’empresse de nous aider, de nous garder. Qu'elle prenne aujourd'hui notre cheminement par la main : qu'elle le guide sur les sentiers escarpés et fatigants de la fraternité et du dialogue. Quelle le guide sur les voies de la paix.

Basilique Saint-Pierre
Vendredi 25 mars 2022

(vatican.va)

FÊTE DE LA PRÉSENTATION DU SEIGNEUR XXVIE JOURNÉE MONDIALE DE LA VIE CONSACRÉE

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Deux personnes âgées, Siméon et Anne, attendent dans le temple l’accomplissement de la promesse faite par Dieu à son peuple : la venue du Messie. Mais leur attente n’est pas passive, elle est pleine de mouvement. Suivons donc les mouvements de Siméon : il est d’abord poussé par l’Esprit, puis il voit le salut dans l’Enfant, et enfin il l’accueille dans ses bras (cf Lc 2, 26-28). Arrêtons-nous simplement sur ces trois actions et laissons-nous traverser par quelques questions importantes pour nous, pour la vie consacrée en particulier.

La première est : par quoi sommes-nous poussés ? Siméon se rend au temple « sous l’action de l’Esprit » (v. 27). L’Esprit Saint est l’acteur principal de la scène : c’est lui qui embrase le cœur de Siméon du désir de Dieu, c’est lui qui ravive dans son âme l’attente, c’est lui qui dirige ses pas vers le temple et rend ses yeux capables de reconnaître le Messie, même s’il se présente comme un pauvre petit enfant. C’est ce que fait l’Esprit Saint : il rend capable de percevoir la présence de Dieu et son œuvre, non pas dans les grandes choses, ni dans les apparences extérieures, ni dans les exhibitions de force, mais dans la petitesse et la fragilité. Pensons à la croix : là aussi, il y a de la petitesse, de la fragilité, aussi du drame. Mais là, il y a la force de Dieu. L’expression « sous l’action de l’Esprit » nous rappelle ce qu’on appelle en spiritualité « motions spirituelles » : ce sont ces mouvements de l’âme que nous ressentons en nous et que nous sommes appelés à écouter, pour discerner s’ils proviennent de l’Esprit Saint ou d’ailleurs. Faire attention aux motions intérieures de l’Esprit.

Alors, demandons-nous : par qui nous laissons-nous principalement mouvoir : par l’Esprit Saint ou par l’esprit du monde? C’est une question à laquelle nous devons tous nous confronter, surtout nous, consacrés. Tandis que l’Esprit fait reconnaître Dieu dans la petitesse et dans la fragilité d’un enfant, nous, nous risquons parfois de penser à notre consécration en termes de résultats, d’objectifs, de succès : nous nous déplaçons à la recherche d’espaces, de visibilité, de nombres : c’est une tentation. Mais l’Esprit ne demande pas cela. Il désire que nous cultivions la fidélité quotidienne, dociles aux petites choses qui nous ont été confiées. Comme la fidélité de Siméon et d’Anne est belle ! Chaque jour ils se rendent au temple, chaque jour ils attendent et prient, même si le temps passe et que rien ne semble arriver. Ils attendent toute leur vie, sans se décourager et sans se plaindre, en restant fidèles chaque jour et en alimentant la flamme de l’espérance que l’Esprit a allumée dans leurs cœurs.

Nous pouvons nous demander, nous, frères et sœurs : qu’est-ce qui motive nos journées? Quel amour nous pousse à aller de l’avant? L’Esprit Saint ou la passion du moment, c’est-à-dire n’importe quoi? Comment évoluons-nous dans l’Église et dans la société? Parfois, même derrière l’apparence de bonnes œuvres, peuvent se cacher le ver du narcissisme ou la frénésie du protagonisme. Dans d’autres cas, tout en accomplissant beaucoup de choses, nos communautés religieuses semblent être animées davantage par la répétition mécanique – faire les choses par habitude, seulement pour les faire – que par l’enthousiasme d’adhérer à l’Esprit Saint. Ça nous ferait du bien, à chacun, de vérifier aujourd’hui nos motivations intérieures, discernons les motions spirituelles, car le renouveau de la vie consacrée passe d’abord par là.

Une deuxième question : que voient nos yeux? Siméon, poussé par l’Esprit, voit et reconnaît le Christ. Et il prie en disant : « Mes yeux ont vu le salut » (v. 30). Voilà le grand miracle de la foi : elle ouvre les yeux, transforme le regard, change la vision. Comme nous le savons à travers de nombreuses rencontres de Jésus dans les Évangiles, la foi naît du regard compatissant avec lequel Dieu nous regarde, en déliant les duretés de notre cœur, en guérissant ses blessures, en nous donnant des yeux nouveaux pour nous regarder nous-mêmes et le monde. Un regard nouveau sur nous-mêmes, sur les autres, sur toutes les situations que nous vivons, même les plus douloureuses. Il ne s’agit pas d’un regard naïf, non, mais sage. Le regard naïf fuit la réalité ou feint de ne pas voir les problèmes. Il s’agit au contraire d’un regard qui sait “voir à l’intérieur” et “voir au-delà”; qui ne s’arrête pas aux apparences, mais qui sait entrer aussi dans les fissures de la fragilité et des échecs pour y percevoir la présence de Dieu.

Les yeux âgés de Siméon, bien que fatigués par les années, voient le Seigneur, ils voient le salut. Et nous? Chacun peut se demander : que voient nos yeux? Quelle vision avons-nous de la vie consacrée? Le monde la voit souvent comme un “gaspillage” : “Mais regarde, ce garçon si doué devenir Frère”, ou bien “une fille aussi douée, devenir sœur... C’est du gâchis. Si au moins il était laid ou elle était laide... Non, ils sont bons, c’est du gâchis”. C’est ainsi que nous pensons. Le monde voit peut-être la vie consacrée comme une réalité du passé, quelque chose d’inutile. Mais nous, communauté chrétienne, religieuses et religieux, que voyons-nous? Sommes-nous tournés vers l’arrière, nostalgiques de ce qui n’existe plus, ou bien sommes-nous capables d’un regard de foi tourné vers l’avenir, qui va au-delà? Avoir la sagesse de regarder – c’est l’Esprit qui la donne – de bien regarder, bien mesurer les distances, comprendre la réalité. Ça me fait beaucoup de bien de voir des personnes consacrées âgées, qui, avec des yeux lumineux, continuent à sourire, donnant de l’espoir aux jeunes. Pensons à tous les moments où nous avons croisé de tels regards et bénissons Dieu pour cela. Ce sont des regards d’espérance, ouverts à l’avenir. Et peut-être cela nous fera du bien, en ces jours-ci, de rencontrer, de rendre visite à nos frères religieux et à nos sœurs religieuses âgés, pour les regarder, pour parler, pour demander, pour entendre ce qu’ils pensent. Je pense que ce sera un bon médicament.

Frères et sœurs, le Seigneur ne manque pas de nous donner des signes pour nous inviter à cultiver une vision renouvelée de la vie consacrée. Il le faut, mais à la lumière, sous les motions de l’Eprit Saint. Nous ne pouvons pas faire semblant de ne pas les voir, et continuer comme si de rien n’était, en répétant les choses de toujours, en nous traînant par inertie dans les formes du passé, paralysés par la peur du changement. Je l’ai dit souvent : aujourd’hui, la tentation de reculer, par sécurité, par peur, pour conserver la foi, pour conserver le charisme fondateur... C’est une tentation. La tentation de reculer et de conserver les “traditions” avec rigidité. Mettons-nous à l’esprit que la rigidité est une perversion, et sous toute rigidité il y a de graves problèmes. Ni Siméon ni Anne étaient rigides, non, ils étaient libres et ils avaient la joie de faire la fête : lui, louant le Seigneur et prophétisant avec courage à la mère; et elle, comme une bonne vieille femme, allant d’un côté à l’autre en disant : “Regardez ceux-ci, regardez cela !”. Ils ont donné l’annonce avec joie, les yeux pleins d’espérance. Pas d’inertie du passé, pas de rigidité. Ouvrons les yeux : à travers les crises – oui, c’est vrai, il y a des crises -, le nombre qui fait défaut - “Mon Père, il n’y a pas de vocations, maintenant nous irons au bout du monde pour voir si nous en trouvons quelques-unes” -, les forces qui diminuent, l’Esprit invite à renouveler notre vie et nos communautés. Et comment ferons-nous cela? Il nous indiquera le chemin. Nous, ouvrons notre cœur avec courage, sans peur. Ouvrons notre cœur. Regardons Siméon et Anne : même s’ils ont un âge avancé, ils ne passent pas leur temps à regretter un passé qui ne reviendra pas, mais ils ouvrent les bras à l’avenir qui vient à leur rencontre. Frères et sœurs, ne gaspillons pas l’aujourd’hui en regardant l’hier, ou en rêvant d’un lendemain qui n’adviendra jamais, mais mettons-nous devant le Seigneur, en adoration, et demandons des yeux qui sachent voir le bien et percevoir les voies de Dieu. Le Seigneur nous les indiquera si nous si nous le demandons. Avec joie, avec force, sans peur.

Enfin, une troisième question : que serrons-nous dans nos bras? Siméon accueille Jésus dans ses bras (cf. v. 28). C’est une scène tendre et pleine de signification, unique dans les Évangiles. Dieu a mis son Fils entre nos bras parce qu’accueillir Jésus est l’essentiel, le centre de la foi. Parfois, nous risquons de nous perdre et de nous disperser dans mille choses différentes, de nous fixer sur des aspects secondaires ou de nous plonger dans les choses à faire, mais le centre de tout c’est le Christ qu’on doit accueillir comme Seigneur de notre vie.

Quand Siméon prend Jésus dans ses bras, ses lèvres prononcent des paroles de bénédiction, de louange, d’émerveillement. Et nous, après de nombreuses années de vie consacrée, avons-nous perdu la capacité de nous émerveiller? Ou avons-nous encore cette capacité? Faisons un examen là-dessus, et si quelqu’un ne la trouve pas, qu’il demande la grâce de l’émerveillement, l’émerveillement face aux merveilles que Dieu fait en nous, cachées comme celle du temple, lorsque Siméon et Anne rencontrèrent Jésus. Si les personnes consacrées manquent de paroles qui bénissent Dieu et les autres, si la joie manque, si l’élan disparaît, si la vie fraternelle n’est que peine, s’il manque l’émerveillement, ce n’est pas parce que nous sommes victimes de quelqu’un ou de quelque chose, la vraie raison est que nos bras ne serrent plus Jésus. Et quand les bras d’un consacré, d’une consacrée ne serrent pas Jésus, ils serrent le vide, qu’ils cherchent à remplir par d’autres choses, mais il y a le vide. Serrer Jésus dans nos bras : tel est le signe, tel est le chemin, telle est la “recette” du renouveau. Alors, quand nous n’embrassons pas Jésus, le cœur s’enferme dans l’amertume. C’est triste de voir des consacrés, des consacrées amers : ils s’enferment dans les plaintes pour les choses qui ponctuellement ne vont pas, dans une rigueur qui les rend inflexibles, dans des attitudes de prétendue supériorité. Ils se plaignent toujours de quelque chose : du supérieur, de la supérieure, des frères, de la communauté, de la cuisine... S’ils ne se plaignent pas, ils ne vivent pas. Mais nous devons serrer Jésus en adoration et demander des yeux qui sachent voir le bien et percevoir les voies de Dieu. Si nous accueillons le Christ à bras ouverts, nous accueillerons aussi les autres avec confiance et humilité. Alors les conflits ne s’envenimeront plus, les distances ne diviseront plus, et la tentation de d’abuser et de blesser la dignité de certaines sœurs ou de certains frères disparaîtra. Ouvrons nos bras au Christ et à nos frères! C’est là qu’est Jésus.

Bien-aimés, renouvelons aujourd’hui avec enthousiasme notre consécration! Demandons-nous quelles sont les motivations qui animent notre cœur et notre action, quelle est la vision renouvelée que nous sommes appelés à cultiver et, surtout, prenons dans nos bras Jésus. Même si nous faisons l’expérience des lassitudes et des fatigues – cela arrive : même les déceptions, ça arrive -, faisons comme Siméon et Anne qui attendent avec patience la fidélité du Seigneur et qui ne se laissent pas voler la joie de la rencontre. Avançons vers la joie de la rencontre : c’est très beau ! Remettons-Le au centre et avançons avec joie. Ainsi soit-il.

Basilique Saint-Pierre
Mercredi 2 février 2022

(vatican.va)

FRA’ MATTHEW FESTING DIED

Fra’ Matthew Festing, 79th Grand Master of the Sovereign Order of Malta, died 12th November in Malta at 71. Elected in March 2008, he served as Grand Master until January 2017. We join in prayers for his soul. May he rest in peace.


(From: https://www.orderofmalta.int/)

SOLENNITÉ DE L'ASSOMPTION DE LA BIENHEUREUSE VIERGE MARIE

PAPE FRANÇOIS

ANGÉLUS

Aujourd’hui, solennité de l’Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie au Ciel, le Magnificat émerge dans la liturgie. Ce cantique de louange est comme une «photographie» de la Mère de Dieu. Marie «tressaille de joie en Dieu mon Sauveur, parce qu'il a jeté les yeux sur l'abaissement de sa servante» (cf. Lc 1,47-48).

Le secret de Marie est l’humilité. C’est l’humilité qui a attiré le regard de Dieu sur elle. L’œil humain recherche toujours la grandeur et se laisse éblouir par ce qui est voyant. Dieu, en revanche, ne regarde pas l’apparence, Dieu regarde le cœur (cf. 1 Sam 16,7) et il est charmé par l’humilité: l’humilité du cœur charme Dieu. Aujourd’hui, en regardant l’Assomption de Marie, nous pouvons dire que l’humilité est le chemin qui conduit au Ciel. Le mot «humilité» dérive du terme latin humus, qui signifie «terre». C’est paradoxal: pour arriver en haut, au Ciel, il faut rester bas, comme la terre! Jésus l’enseigne: «Qui s’abaisse sera élevé» (Lc 14,11). Dieu ne nous exalte pas pour nos qualités, pour nos richesses, pour notre talent, mais pour notre humilité ; Dieu est amoureux de l’humilité. Dieu élève celui qui s’abaisse, celui qui sert. Marie, en effet, ne s’attribue à elle-même que le «titre» de servante: elle est «la servante du Seigneur» (Lc 1,38). Elle ne dit rien d’autre d’elle, elle ne recherche rien d’autre pour elle.

Nous pouvons alors nous demander aujourd’hui, chacun de nous, dans notre cœur: comment est mon humilité? Est-ce que je cherche à être reconnu par les autres, à m’affirmer et à être acclamé ou est-ce que je pense à servir? Est-ce que je sais écouter, comme Marie, ou bien est-ce que je veux seulement parler et recevoir des attentions ? Est-ce que je sais demeurer en silence, comme Marie, ou est-ce que je bavarde toujours? Est-ce que je sais faire un pas en arrière, désamorcer les disputes et les discussions ou est-ce que je cherche toujours à me distinguer? Réfléchissons à ces questions: comment est mon humilité ?

Marie, dans sa petitesse, conquiert les cieux la première. Le secret de son succès tient justement dans le fait de se reconnaître petite, de se reconnaître dans le besoin. Avec Dieu, seul celui qui se reconnaît comme n’étant rien est en mesure de recevoir le tout. Seul celui qui se vide de lui-même peut être rempli de Lui. Et Marie est la «pleine de grâce» (v. 28) précisément en raison de son humilité. Pour nous aussi l’humilité est toujours le point de départ, le commencement de notre foi. Il est fondamental d’être pauvres en esprit, c’est-à-dire nécessiteux de Dieu. Celui qui est imbu de lui-même ne laisse pas de place à Dieu – et nous sommes très souvent imbus de nous-mêmes – mais celui qui reste humble permet au Seigneur de réaliser de grandes choses (cf. v.49).

Le poète Dante définit la Vierge Marie «humble et élevée plus qu’une créature» (Paradis XXXIII, 2). Il est beau de penser que la créature la plus humble et la plus grande de l’histoire, la première à conquérir les cieux avec toute sa personne, corps et âme, a passé la plus grande partie de sa vie entre les murs domestiques, dans l’ordinaire, dans l’humilité. Les journées de la Pleine de grâce n’ont rien eu de très éclatant. Elles se sont suivies souvent semblables les unes aux autres, dans le silence: de l’extérieur, rien d’extraordinaire. Mais le regard de Dieu est toujours resté sur elle, admirant son humilité, sa disponibilité, la beauté de son cœur jamais effleuré par le péché.

C’est un grand message d’espérance pour chacun de nous; pour toi, qui vis des journées semblables, ennuyeuses et souvent difficiles. Marie te rappelle aujourd’hui que Dieu t’appelle toi aussi à ce destin de gloire. Ce ne sont pas de belles paroles, c’est la vérité. Ce n’est pas une fin joyeuse inventée, une pieuse illusion ou une fausse consolation. Non, c’est la pure réalité, vivante et vraie comme la Vierge montée au Ciel. Fêtons-la aujourd’hui avec un amour d’enfants, fêtons-la joyeux mais humbles, animés par l’espérance d’être un jour avec elle, au Ciel!

Et prions-la à présent, pour qu’elle nous accompagne sur le chemin qui conduit de la Terre au Ciel. Qu’elle nous rappelle que le secret du parcours est contenu dans le mot humilité, n’oublions pas ce mot. Et que la petitesse et le service sont les secrets pour atteindre le but, pour rejoindre le Ciel.

Place Saint-Pierre
Dimanche 15 août 2021

(vatican.va)

MESSE ET BÉNÉDICTION DES PALLIUMS POUR LES NOUVEAUX MÉTROPOLITES EN LA SOLENNITÉ DES SAINTS APÔTRES PIERRE ET PAUL

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS
Deux grands Apôtres, Apôtres de l’Evangile, et deux colonnes portantes de l’Eglise : Pierre et Paul. Nous fêtons aujourd’hui leur mémoire. Regardons de près ces deux témoins de la foi : au centre de leur histoire, ce n’est pas la bravoure, mais au centre c’est la rencontre avec le Christ qui a changé leur vie. Ils ont fait l’expérience d’un amour qui les a guéris et libérés et c’est pourquoi ils sont devenus apôtres et ministres de libération pour les autres.
Pierre et Paul sont libres seulement parce qu’ils ont été libérés.
Arrêtons-nous sur ce point central.
Pierre, le pêcheur de Galilée, a été tout d’abord libéré du sentiment d’inaptitude et de l’amertume de l’échec, et cela s’est produit grâce à l’amour inconditionnel de Jésus. Bien que pêcheur expérimenté, il a expérimenté plusieurs fois, au cœur de la nuit, le goût amer de la défaite de n’avoir rien pêché (cf. Lc 5, 5 ; Jn 21, 5) et, devant les filets vides, il a eu la tentation de tirer les rames dans la barque ; bien que fort et impétueux, il s’est souvent laissé prendre par la peur (cf. Mt 14, 30) ; bien que disciple passionné du Seigneur, il a continué à raisonner selon le monde sans parvenir à comprendre et accueillir la signification de la Croix du Christ (cf. Mt 16, 22) ; bien que se disant prêt à donner sa vie pour lui, il a suffi qu’il se sente soupçonné d’être des siens pour s’effrayer au point de renier le Maître (cf. Mc 14, 66-72).
Pourtant, Jésus l’a aimé gratuitement et a misé sur lui. Il l’a encouragé à ne pas abandonner, à jeter encore les filets à la mer, à marcher sur les eaux, à regarder avec courage sa faiblesse, à le suivre sur la voie de la croix, à donner sa vie pour ses frères, à paître ses brebis. Il l’a ainsi libéré de la peur, des calculs basés sur les seules sécurités humaines, des soucis mondains, en lui donnant le courage de tout risquer, et la joie de se sentir pêcheur d’hommes. Il l’a appelé lui à confirmer dans la foi ses frères (cf. Lc 22, 32). Il lui a donné – nous l’avons entendu dans l’Evangile – les clefs pour ouvrir les portes qui conduisent à la rencontre avec le Seigneur et le pouvoir de lier et de délier : de lier les frères au Christ et de délier les nœuds et les chaînes de leur vie (cf. Mt 16, 19).
Tout cela a été possible seulement parce que – comme nous l’a raconté la première lecture – Pierre a d’abord été libéré. Les chaînes qui le retenaient prisonnier ont été brisées et, comme cela s’était produit dans la nuit de la libération des Israélites de l’esclavage d’Égypte, il lui a été demandé de se lever rapidement, de mettre sa ceinture et de s’attacher les sandales pour sortir. Et le Seigneur ouvre grand les portes devant lui (cf. Ac 12, 7-10). C’est une nouvelle histoire d’ouverture, de libération, de chaînes brisées, de sortie de la prison qui enferme. Pierre fait l’expérience de la Pâque : le Seigneur l’a libéré.
L’Apôtre Paul a également expérimenté la libération du Christ. Il a été libéré de l’esclavage le plus oppressant, celui de son moi, et de Saul, nom du premier roi d’Israël, il est devenu Paul qui signifie “petit”. Il a également été libéré du zèle religieux qui l’avait rendu acharné à soutenir les traditions reçues (cf. Ga 1, 14) et violent dans la persécution des chrétiens. Il a été libéré. L’observance formelle de la religion et sa défense par l’épée tirée de la tradition, au lieu de l’ouvrir à l’amour de Dieu et des frères, l’avaient rendu rigide. Il était un fondamentaliste. Dieu l’a libéré de cela. Par contre, il ne lui a pas épargné de nombreuses faiblesses et difficultés qui ont rendu sa mission évangélisatrice plus féconde : les fatigues de l’apostolat, l’infirmité physique (cf. Ga 4, 13-14) ; les violences et les persécutions, les naufrages, la faim et la soif, et, comme il le raconte lui-même, une épine qui le tourmente dans la chair (cf. 2 Co 12, 7-10).
Paul a ainsi compris que « Dieu a choisi ce qu’il y a de faible dans le monde pour couvrir de confusion ce qui est fort » (1 Co 1, 27), que nous pouvons tout en lui qui nous donne force (cf. Ph 4, 13), que rien ne peut jamais nous séparer de son amour (cf. Rm 8, 35-39). C’est pourquoi, à la fin de sa vie – la Deuxième Lecture nous l’a raconté – Paul peut dire : « Le Seigneur, lui, m’a assisté » (2 Tm 4, 17) et « il m’arrachera encore à tout ce qu’on fait pour me nuire » (2 Tm 4, 18). Paul a fait l’expérience de la Pâque : le Seigneur l’a libéré.
Chers frères et sœurs, l’Eglise regarde ces deux géants de la foi et voit deux Apôtres qui ont libéré la puissance de l’Evangile dans le monde, uniquement parce qu’ils ont d’abord été libérés par la rencontre avec le Christ. Il ne les a pas jugés, il ne les a pas humiliés, mais il a partagé leur vie avec affection et proximité, en les soutenant de sa prière et, parfois, en les reprenant pour les provoquer au changement. A Pierre, Jésus dit tendrement : « J’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas » (Lc 22, 32) ; il demande à Paul : « Saul, Saul, pourquoi me persécuter ? » (Ac 9, 4). Jésus fait de même avec nous : il nous assure de sa proximité en priant pour nous et en intercédant auprès du Père ; et il nous reproche avec douceur quand nous faisons erreur, afin que nous puissions trouver la force de nous relever et de reprendre le chemin.
Touchés par le Seigneur, nous sommes libérés nous aussi. Et nous avons toujours besoin d’être libérés, car seule une Eglise libre est une Eglise crédible. Comme Pierre, nous sommes appelés à être libres du sentiment de défaite face à notre pêche parfois faible ; libres de la peur qui nous immobilise et nous rend craintifs, en nous enfermant dans nos sécurités et en nous ôtant le courage de la prophétie. Comme Paul, nous sommes appelés à être libres des hypocrisies de l’apparence ; libres de la tentation de nous imposer par la force du monde plutôt que par la faiblesse qui fait place à Dieu ; libres d’une observance religieuse qui nous rend rigides et inflexibles ; libres des liens ambigus avec le pouvoir et de la peur d’être incompris et attaqués.
Pierre et Paul nous livrent l’image d’une Eglise remise entre nos mains, mais conduite par le Seigneur avec fidélité et tendresse – c’est lui qui conduit l’Eglise - ; une Eglise faible, mais forte de la présence de Dieu ; l’image d’une Eglise libérée qui peut offrir au monde cette libération qu’il ne peut pas se donner tout seul : la libération du péché, de la mort, de la résignation, du sens de l’injustice, de la perte de l’espérance qui avilit la vie des femmes et des hommes de notre temps.
Demandons-nous aujourd’hui, dans cette célébration et ensuite, demandons-nous : nos villes, nos sociétés, notre monde, à quel point ont-ils besoin de libération ? Combien de chaînes doivent-elles être brisées et combien de portes fermées doivent-elles être ouvertes ! Nous pouvons être des collaborateurs de cette libération, mais seulement si nous nous laissons d’abord libérer par la nouveauté de Jésus, et si nous marchons dans la liberté de l’Esprit Saint.
Aujourd’hui, nos frères Archevêques reçoivent le pallium. Ce signe d’unité avec Pierre rappelle la mission du pasteur qui donne sa vie pour le troupeau. C’est en donnant sa vie que le pasteur, libéré de lui-même, devient instrument de libération pour les frères. Aujourd’hui, la Délégation du Patriarcat œcuménique, envoyée en cette occasion par le cher frère Bartolomeo, est avec nous : votre présence appréciée est un précieux signe d’unité sur le chemin de libération des distances qui divisent scandaleusement ceux qui croient au Christ. Merci de votre présence.
Nous prions pour vous, pour les pasteurs, pour l’Eglise, pour nous tous : afin que, libérés par le Christ, nous puissions être des apôtres de libération dans le monde entier.
Basilique vaticane
Mardi, 29 juin 2021

(vatican.va)

MESSE EN LA SOLENNITÉ DU CORPS ET DU SANG DU CHRIST

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Jésus envoie ses disciples pour qu’ils aillent préparer le lieu où célébrer le repas pascal. C’étaient eux qui lui avaient demandé : « Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour que tu manges la Pâque ? » (Mc 14, 12). Tandis que nous contemplons et adorons la présence du Seigneur dans le Pain eucharistique, nous sommes appelés nous aussi à nous demander : dans quel “lieu” voulons-nous préparer la Pâque du Seigneur? Quels sont les “lieux” de notre vie où Dieu nous demande d’être accueilli? Je voudrais répondre à ces questions en m’arrêtant sur trois images de l’Évangile que nous avons entendu (Mc 14, 12-16.22-26).

La première est celle de l’homme qui porte une cruche d’eau (cf. v. 13). C’est un détail qui semblerait superflu. Mais cet homme tout à fait anonyme devient le guide pour les disciples qui cherchent le lieu qui sera ensuite appelé le Cénacle. Et la cruche d’eau est le signe de reconnaissance : un signe qui fait penser à l’humanité assoiffée, toujours à la recherche d’une source d’eau qui la désaltère et la régénère. Nous marchons tous dans la vie avec une cruche à la main : nous tous, chacun d’entre nous, avons soif d’amour, de joie, d’une vie réussie dans un monde plus humain. Et pour cette soif, l’eau des choses mondaines ne sert pas, parce qu’il s’agit d’une soif plus profonde, que seul Dieu peut satisfaire.

Suivons encore ce “signal” symbolique. Jésus dit aux siens que là où un homme les conduira avec la cruche d’eau, là on pourra célébrer le Repas de la Pâque. Pour célébrer l’Eucharistie il faut donc reconnaître avant tout notre propre soif de Dieu : sentir que nous avons besoin de lui, désirer sa présence et son amour, être conscients que nous ne pouvons pas y arriver tout seuls mais que nous avons besoin d’une Nourriture et d’une Boisson de vie éternelle qui nous soutiennent sur le chemin. Le drame d’aujourd’hui – nous pouvons le dire - est que souvent la soif a disparue. Les questions sur Dieu se sont éteintes, le désir de lui s’est affaibli, les chercheurs de Dieu se font de plus en plus rares. Dieu n’attire plus parce que nous ne ressentons plus notre soif profonde. Mais seulement là où il y a un homme ou une femme avec la cruche pour l’eau - pensons à la Samaritaine, par exemple (Jn 4, 5-30) - le Seigneur peut se révéler comme Celui qui donne la vie nouvelle, qui nourrit d’une espérance fiable nos rêves et nos aspirations, présence d’amour qui donne sens et direction à notre pèlerinage terrestre. Comme nous l’avions déjà remarqué, c’est cet homme avec la cruche qui conduit les disciples dans la salle où Jésus instituera l’Eucharistie. C’est la soif de Dieu qui nous porte à l’autel. S’il manque la soif, nos célébrations deviennent arides.Aussi en tant qu’Eglise, alors, le petit groupe des habitués qui se réunissent pour célébrer l’Eucharistie ne peut pas suffire ; nous devons aller en ville, rencontrer les gens, apprendre à reconnaître et à réveiller la soif de Dieu et le désir de l’Evangile.

La seconde image est celle de la grande salle à l’étage (cf. v. 15). C’est là que Jésus et les siens feront le repas pascal et cette salle se trouve dans la maison d’une personne qui les accueille. Don Primo Mazzolari disait : « Voici qu’un homme sans nom, un maître de maison, lui prête sa plus belle chambre. […] Il a donné ce qu’il avait de plus grand parce qu’autour du grand sacrement il faut que tout soit grand, chambre et cœur, paroles et gestes » (La Pasqua, La Locusta 1964, 46-48).

Une grande salle pour un petit morceau de Pain. Dieu se fait petit comme un morceau de pain et c’est précisément pour cela qu’il faut un cœur grand pour pouvoir le reconnaître, l’adorer, l’accueillir. La présence de Dieu est si humble, cachée, parfois invisible, qu’elle a besoin d’un cœur préparé, éveillé et accueillant pour être reconnue. Par contre si notre cœur, plus qu’une grande salle, ressemble à un placard où nous gardons avec regret les vieilles choses ; s’il ressemble à un grenier où nous avons rangé depuis longtemps notre enthousiasme et nos rêves; s’il ressemble à une pièce étroite, une pièce sombre parce que nous ne vivons que de nous-mêmes, de nos problèmes et de nos amertumes, alors il sera impossible de reconnaître cette présence de Dieu, silencieuse et humble. Il faut une grande salle. Il faut élargir notre cœur. Il faut sortir de la petite pièce de notre moi et entrer dans le grand espace de l’émerveillement et de l’adoration. Et cela nous manque beaucoup! Cela nous manque dans de nombreux mouvements que nous faisons pour nous rencontrer, nous réunir, penser ensemble la pastorale... Mais s’il manque cela, s’il manque l’émerveillement et l’adoration, il n’y a pas de route qui nous conduise au Seigneur. Il n’y aura pas non plus de synode, rien. Telle est l’attitude devant l’Eucharistie, c’est de cela dont nous avons besoin : d’adoration. L’Église aussi doit être aussi une grande salle. Pas un petit cercle fermé, mais une Communauté avec les bras grands ouverts, accueillante envers tous. Demandons-nous ceci : quand approche quelqu’un qui est blessé, qui s’est trompé, qui a un parcours de vie différent, l’Eglise, cette Eglise, est-elle une grande salle pour l’accueillir et le conduire à la joie de la rencontre avec le Christ ? L’Eucharistie veut nourrir ceux qui sont fatigués et affamés sur le chemin, ne l’oublions pas ! L’Eglise des parfaits et des purs est une salle où il n’y a de place pour personne ; l’Eglise aux portes ouvertes, qui fait la fête autour du Christ, est par contre une grande salle où tout le monde – tous, justes et pécheurs - peut entrer.

Enfin, la troisième image, l’image de Jésus qui rompt le Pain. C’est le geste eucharistique par excellence, le geste identitaire de notre foi, le lieu de notre rencontre avec le Seigneur qui s’offre pour nous faire renaître à une vie nouvelle. Ce geste aussi est bouleversant : jusqu’alors on immolait des agneaux et on les offrait en sacrifice à Dieu, maintenant c’est Jésus qui se fait agneau et s’immole pour nous donner la vie. Dans l’Eucharistie, nous contemplons et adorons le Dieu de l’amour. C’est le Seigneur qui ne rompt personne mais qui se rompt lui-même. C’est le Seigneur qui n’exige pas de sacrifices mais qui se sacrifie lui-même. C’est le Seigneur qui ne demande rien mais qui donne tout. Pour célébrer et vivre l’Eucharistie, nous aussi nous sommes appelés à vivre cet amour. Car tu ne peux pas rompre le Pain du dimanche si ton cœur est fermé à tes frères. Tu ne peux pas manger ce Pain si tu ne donnes pas le pain à l’affamé. Tu ne peux pas partager ce Pain si tu ne partages pas les souffrances de celui qui est dans le besoin. A la fin de tout, même de nos liturgies eucharistiques solennelles, seul l’amour restera. Et dès maintenant, nos Eucharisties transforment le monde dans la mesure où nous nous laissons transformer et devenons pain rompu pour les autres.

Frères et sœurs, où “préparer le repas du Seigneur” aujourd’hui encore ? La procession avec le Saint Sacrement – caractéristique de la fête du Corpus Domini, mais que nous ne pouvons pas faire pour le moment – nous rappelle que nous sommes appelés à sortir en portant Jésus. Sortir avec enthousiasme en portant le Christ à ceux que nous rencontrons dans la vie de chaque jour. Devenons une Eglise avec la cruche en main, qui réveille la soif et apporte de l’eau. Ouvrons grand notre cœur dans l’amour, pour être la salle spacieuse et accueillante où tous peuvent entrer pour rencontrer le Seigneur. Rompons notre vie dans la compassion et la solidarité, afin que le monde voie à travers nous la grandeur de l’amour de Dieu. Et alors le Seigneur viendra, il nous surprendra encore, il se fera encore nourriture pour la vie du monde. Et il nous rassasiera pour toujours, jusqu’au jour où, au banquet du Ciel, nous contemplerons son visage et nous nous réjouirons sans fin.

Basilique Saint-Pierre
Dimanche 6 juin 2021

HIS HOLINESS BENEDICT XVI, SUPREME PONTIFF EMERITUS - 94TH BIRTHDAY

We thank God for the precious gift of his life. Happy and blessed birthday!



(Photo from Vatican Media)

MESSAGE URBI ET ORBI DU PAPE FRANÇOIS - PAQUES 2021

Chers frères et sœurs, joyeuses Pâques !

Joyeuses, saintes et sereines Pâques !

Aujourd’hui résonne partout dans le monde l’annonce de l’Eglise : “Jésus, le crucifié, est ressuscité comme il l’avait dit. Alléluia”.

L’annonce de Pâques ne montre pas un mirage, elle ne révèle pas une formule magique, elle n’indique pas une échappatoire face à la situation difficile que nous traversons. La pandémie est encore en cours ; la crise sociale et économique est très lourde, en particulier pour les plus pauvres ; malgré cela – et c’est scandaleux – les conflits armés ne cessent pas et les arsenaux militaires se renforcent. C’est le scandale d’aujourd’hui.

Face, ou mieux, au milieu de cette réalité complexe, l’annonce de Pâques renferme en quelques mots un événement qui donne l’espérance qui ne déçoit pas : “Jésus, le crucifié, est ressuscité”. Elle ne nous parle pas d’anges ou de fantômes, mais d’un homme, un homme en chair et en os, avec un visage et un nom : Jésus. L’Evangile atteste que ce Jésus, crucifié sous Ponce Pilate pour avoir dit qu’il est le Christ, le Fils de Dieu, est ressuscité le troisième jour, selon les Ecritures et comme il l’avait prédit à ses disciples.

Le crucifié, pas un autre, est ressuscité. Dieu le Père a ressuscité son Fils Jésus parce qu’il a accompli jusqu’au bout sa volonté de salut : il a pris sur lui notre faiblesse, nos infirmités, notre propre mort ; il a souffert nos douleurs, il a porté le poids de nos iniquités. C’est pourquoi Dieu le Père l’a exalté et maintenant Jésus Christ vit pour toujours, il est le Seigneur.

Les témoins rapportent un détail important : Jésus ressuscité porte gravées les plaies des mains, des pieds et du côté. Ces plaies sont le sceau éternel de son amour pour nous. Quiconque souffre une dure épreuve, dans son corps et dans son esprit, peut trouver refuge dans ces blessures, recevoir à travers elles la grâce de l’espérance qui ne déçoit pas.

Le Christ ressuscité est espérance pour tous ceux qui souffrent encore à cause de la pandémie, pour les malades et pour ceux qui ont perdu une personne chère. Que le Seigneur les réconforte et qu’il soutienne les efforts des médecins et des infirmiers. Tous, en particulier les personnes les plus fragiles, ont besoin d’assistance et ont le droit d’avoir accès aux soins nécessaires. Ceci est d’autant plus évident en ce temps où nous sommes tous appelés à combattre la pandémie et où les vaccins constituent un instrument essentiel pour cette lutte. Dans l’esprit d’un “internationalisme des vaccins”, j’exhorte donc toute la Communauté internationale à un engagement partagé afin de surmonter les retards dans leur distribution et en favoriser le partage, en particulier avec les pays les plus pauvres.

Le Crucifié ressuscité est un réconfort pour ceux qui ont perdu leur travail ou traversent de graves difficultés économiques et qui sont privés de protections sociales adéquates. Que le Seigneur inspire l’action des autorités publiques afin qu’à tous, en particulier aux familles les plus nécessiteuses, soient offertes les aides nécessaires à une subsistance suffisante. La pandémie a malheureusement augmenté dramatiquement le nombre de pauvres et le désespoir de milliers de personnes.

« Il faut que les pauvres de toute sorte se reprennent à espérer », disait saint Jean-Paul II lors de son voyage à Haïti. C’est justement au cher peuple haïtien que ma pensée et mon encouragement s’adressent en ce jour, pour qu’il ne soit pas vaincu par les difficultés mais qu’il regarde vers l’avenir avec confiance et avec espérance.

Et je dirais que ma pensée va spécialement vers vous, chers frères et sœurs haïtiens. Je vous suis proche. Je suis proche de vous et je voudrais que les problèmes se résolvent définitivement pour vous. Je prie pour cela, chers frères et sœurs Haïtiens.

Jésus ressuscité est l’espérance aussi pour de nombreux jeunes qui ont été contraints de passer de longues périodes sans aller à l’école ou à l’université ni partager le temps avec leurs amis. Nous avons tous besoin de vivre des relations humaines réelles et pas seulement virtuelles, particulièrement à l’âge où se forme le caractère et la personnalité. Nous l’avons entendu vendredi dernier dans la Via Crucis des enfants. Je suis proche des jeunes du monde entier et, en ce moment, en particulier de ceux du Myanmar, qui s’engagent pour la démocratie en faisant entendre pacifiquement leur voix, conscients que la haine ne peut être éliminée que par l’amour.

Que la lumière du Ressuscité soit source de renaissance pour les migrants fuyant la guerre et la misère. Sur leurs visages, reconnaissons le visage défiguré et souffrant du Seigneur qui monte au Calvaire. Que ne leur manquent pas des signes concrets de solidarité et de fraternité humaine, gage de la victoire de la vie sur la mort que nous célébrons en ce jour. Je remercie les pays qui accueillent avec générosité ceux qui souffrent et cherchent refuge, en particulier le Liban et la Jordanie qui accueillent de très nombreux réfugiés ayant fui le conflit syrien.

Que le peuple libanais, qui traverse une période de difficultés et d’incertitudes, fasse l’expérience de la consolation du Seigneur ressuscité et soit soutenu par la Communauté internationale dans sa vocation d’être une terre de rencontre, de coexistence et de pluralisme.

Que le Christ notre paix fasse enfin cesser le fracas des armes dans la bien-aimée et martyrisée Syrie, où des millions de personnes vivent désormais dans des conditions inhumaines, ainsi qu’au Yémen dont les événements sont entourés d’un silence assourdissant et scandaleux, et en Libye où l’on entrevoit enfin la sortie d’une décennie de disputes et d’affrontements sanglants. Que toutes les parties concernées s’engagent effectivement à faire cesser les conflits et permettre aux peuplesépuisés par la guerre de vivre en paix et d’engager la reconstruction de leurs pays respectifs.

La Résurrection nous conduit naturellement à Jérusalem. Pour elle, nous implorons du Seigneur paix et sécurité (cf. Ps 122), afin qu’elle réponde à l’appel à être un lieu de rencontre où tous puissent se sentir frères, et où Israéliens et Palestiniens retrouvent la force du dialogue pour parvenir à une solution stable, qu’elle voit deux États vivre côte à côte dans la paix et la prospérité.

En ce jour de fête, ma pensée se tourne également vers l’Irak que j’ai eu la joie de visiter le mois dernier, et je prie pour que puisse continuer le chemin de pacification entrepris, afin que se réalise le rêve de Dieu d’une famille humaine hospitalière et accueillante envers tous ses enfants.[1]

Que la force du Ressuscité soutienne les populations africaines qui voient leur avenir compromis par des violences internes et par le terrorisme international, en particulier au Sahel et au Nigeria, ainsi que dans la région du Tigré et de Cabo Delgado. Que se poursuivent les efforts pour trouver des solutions pacifiques aux conflits, dans le respect des droits humains et du caractère sacré de la vie, par un dialogue fraternel et constructif dans un esprit de réconciliation et de solidarité effective.

Il y a encore trop de guerres et trop de violences dans le monde ! Que le Seigneur, qui est notre paix, nous aide à vaincre la mentalité de la guerre. Qu’il accorde à tous ceux qui sont prisonniers dans les conflits, particulièrement en Ukraine orientale et dans le Haut-Karabakh, de retourner sains et saufs dans leurs familles, qu’il inspire aux gouvernants du monde entier de freiner la course aux nouveaux armements. Aujourd’hui, 4 avril, c’est la Journée mondiale de lutte contre les mines antipersonnel, sournois et horribles engins qui tuent ou mutilent chaque année de nombreuses personnes innocentes et empêchent l’humanité de « marcher ensemble sur les chemins de la vie, sans craindre les pièges de destruction et de mort ».[2] Comme un monde sans ces instruments de mort serait meilleur !

Chers frères et sœurs, cette année encore, en divers lieux, de nombreux chrétiens ont célébré la Pâques avec de fortes restrictions, et parfois, sans pouvoir accéder aux célébrations liturgiques. Prions pour que ces restrictions, comme toute restriction à la liberté de culte et de religion dans le monde, puissent être supprimées et que chacun soit autorisé à prier et à louer Dieu librement.

Parmi les multiples difficultés que nous traversons, n’oublions jamais que nous sommes guéris par les blessures du Christ (cf. 1 P 2, 24). A la lumière du Ressuscité, nos souffrances sont transfigurées. Là où il y avait mort, il y a maintenant vie, là où il y avait deuil, il y a maintenant consolation. En étreignant la Croix, Jésus a donné un sens à nos souffrances et maintenant prions pour que les effets bénéfiques de cette guérison s’étendent à travers le monde entier. Joyeuses, saintes et sereines Pâques !

[1] Cf. Rencontre interreligieuse à Ur, 6 mars 2021.
[2] S. Jean Paul II, Angélus, 28 février 1999.

Basilique Saint-Pierre
Dimanche 4 avril 2021

(vatican.va)

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

L’Evangile nous présente un changement de sentiments chez les personnes qui écoutent le Seigneur. Le changement est dramatique et il nous montre combien la persécution et la Croix sont liées à l’annonce de l’Evangile. L’admiration suscitée par les paroles de grâce qui sortent de la bouche de Jésus a peu duré dans l’esprit des gens de Nazareth. Une phrase que quelqu’un a murmuré à voix basse : “Mais celui-là, qui est-il ? Le fils de Joseph ?” (cf. Lc 4, 22) Cette phrase s’est propagée insidieusement. Et tous : “ Mais qui est-il, celui-là ? N’est-il pas le fils de Joseph ?”.

Il s’agit de l’une de ces phrases ambigües qu’on lâche en passant. On peut l’utiliser pour exprimer avec joie : “Quelle merveille que quelqu’un d’origine si humble parle avec cette autorité”. Et un autre peut l’utiliser pour dire avec mépris : “Et celui-ci, d’où est-il sorti ? Qui croit-il être ?”. Si nous regardons bien, la phrase se répète quand les apôtres, le jour de la Pentecôte, remplis de l’Esprit Saint, commencent à prêcher l’Evangile. Quelqu’un a dit : « Ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens ? » (Ac 2, 7). Et tandis que les uns ont accueilli la Parole, les autres les ont pris pour des ivrognes.

Formellement il semblerait qu’une option a été laissée ouverte mais, si nous considérons les fruits, dans ce contexte concret, ces paroles contenaient un germe de violence qui s’est déchainée contre Jésus.

Il s’agit d’une “phrase moteur”[1], comme quand on dit : “C’en est trop !” et on agresse l’autre ou on s’en va.

Le Seigneur, qui parfois se taisait ou allait sur l’autre rive, cette fois n’a pas renoncé à commenter, au contraire, il a démasqué la logique perverse qui se cachait sous le couvert d’un simple commérage de campagne. « Vous allez me citer le dicton : “Médecin, guéris-toi toi-même”. Nous avons appris tout ce qui s’est passé à Capharnaüm ; fais donc de même ici, dans ton lieu d’origine ! » (Lc 4, 23). “Guéris-toi toi-même…”.

“Qu’il se sauve lui-même”. Ici se trouve le venin ! C’est la même phrase qui suivra le Seigneur jusqu’à la Croix : « Il en a sauvé d’autres ! qu’il se sauve lui-même » (Lc 23, 35) ; “et qu’il nous sauve nous aussi”, ajoutera un des deux malfaiteurs (cf. v. 39).

Le Seigneur, comme toujours, ne dialogue pas avec l’esprit mauvais, il répond seulement avec l’Ecriture. Les prophètes Elie et Elisée n’ont pas non plus été acceptés par leurs compatriotes mais par contre ils le furent par une veuve phénicienne et un syrien souffrant de la lèpre : deux étrangers, deux personnes d’une autre religion. Les faits sont un signe fort et provoquent l’effet qu’avait prophétisé Siméon, ce vieillard charismatique : que Jésus aurait été « signe de contradiction » (semeion antilegomenon) (Lc 2, 34)[2]

La parole de Jésus a le pouvoir de mettre en lumière ce que l’on a dans le cœur, qui d’habitude est un mélange, comme le grain et l’ivraie. Et cela provoque un combat spirituel. En voyant les gestes de la miséricorde débordante du Seigneur et en écoutant ses béatitudes et les “malheur à vous !” de l’Evangile, on est obligé de discerner et de choisir. Dans ce cas sa parole n’a pas été acceptée et cela a fait que la foule, furieuse, a tenté de mettre fin à sa vie. Mais ce n’était pas encore “l’heure” et le Seigneur, nous dit l’Evangile, « passant au milieu d’eux, allait son chemin » (Lc 4, 30).

Ce n’était pas l’heure mais la rapidité avec laquelle se sont déclenchées la fureur et la férocité de l’acharnement, capables de tuer le Seigneur à ce moment même, montre que c’est toujours l’heure. Et c’est ce que je voudrais partager aujourd’hui avec vous, chers prêtres : l’heure de l’annonce joyeuse et l’heure de la persécution et de la Croix vont ensemble.

L’annonce de l’Evangile est toujours liée à l’étreinte d’une croix concrète. La douce lumière de la Parole produit clarté dans les cœurs bien disposés et confusion et rejet dans ceux qui ne le sont pas. Cela, nous le voyons constamment dans l’Evangile.

La bonne semence semée dans un champ donne du fruit – cent, soixante, trente pour un –, mais elle réveille aussi la jalousie de l’ennemi qui se met avec obsession à semer l’ivraie durant la nuit (cf. Mt 13, 24-30.36-43).

La tendresse du père miséricordieux attire irrésistiblement le fils prodigue pour qu’il retourne à la maison, mais elle suscite aussi l’indignation et la rancœur du fils aîné (cf. Lc 15, 11-32).

La générosité du propriétaire de la vigne est un motif de reconnaissance pour les ouvriers de la dernière heure, mais elle est aussi un motif de commentaires aigres de la part des premiers, qui se sentent offensés parce que leur maître est bon (cf. Mt 20, 1-16).

La proximité de Jésus qui va manger avec les pécheurs gagne des cœurs comme celui de Zachée, celui de Matthieu, celui de la Samaritaine…, mais elle provoque aussi des sentiments de mépris chez ceux qui se croient justes.

La magnanimité de cet homme qui envoie son fils en pensant qu’il sera respecté par les vignerons, déchaîne cependant en eux une férocité hors de toute mesure : nous sommes face au mystère de l’iniquité qui conduit à tuer le Juste (cf. Mt 21, 33-46).

Tout cela, chers frères prêtres, nous fait voir que l’annonce de la Bonne Nouvelle est liée – mystérieusement – à la persécution et à la Croix.

Saint Ignace de Loyola, dans la contemplation de la Nativité – pardonnez-moi cette publicité pour ma famille -, dans cette contemplation de la Nativité il exprime cette vérité évangélique quand il nous fait observer et considérer ce que font saint Joseph et la Vierge : « par exemple, ils marchent et travaillent pour que le Seigneur naisse dans une extrême pauvreté, et meure sur la croix après avoir souffert de faim, de soif, de chaleur et de froid, d’injures et d’affronts. Et tout cela pour moi. Puis – ajoute Ignace –, réfléchissant, pour obtenir un bénéfice spirituel » (Exercices spirituels, 116). La joie de la naissance du Seigneur, la souffrance de la Croix, la persécution.

Quelle réflexion pouvons-nous faire afin de tirer profit pour notre vie sacerdotale en contemplant cette présence précoce de la Croix – de l’incompréhension, du rejet, de la persécution – au début et au cœur même de la prédication évangélique ?

Deux réflexions me viennent à l’esprit.

La première : il n’est pas étonnant de constater que la Croix est présente dans la vie du Seigneur au début de son ministère et même avant sa naissance. Elle est déjà présente dans le premier trouble de Marie à l’annonce de l’ange ; elle est présente dans l’insomnie de Joseph, se sentant obligé d’abandonner son épouse promise ; elle est présente dans la persécution d’Hérode et dans les épreuves que subit la Sainte Famille, semblables à celles de nombreuses familles qui doivent s’exiler de leur patrie.

Cette réalité nous ouvre au mystère de la Croix vécue bien avant. Elle nous amène à comprendre que la Croix n’est pas un évènement à posteriori, un fait occasionnel, produit d’une conjoncture dans la vie du Seigneur. Il est vrai que tous ceux qui crucifient dans l’histoire font apparaître la Croix comme si elle était un dommage collatéral, mais ce n’est pas ainsi : la Croix ne dépend pas des circonstances. Les grandes Croix de l’humanité et les petites Croix – disons ainsi – de chacun de nous, ne dépendent pas des circonstances.

Pourquoi le Seigneur a-t-il embrassé la Croix dans toute son intégrité ? Pourquoi Jésus a-t-il embrassé toute la passion : il a embrassé la trahison et l’abandon de ses amis dès la dernière cène, il a accepté la détention illégale, le jugement sommaire, la sentence démesurée, la méchanceté sans motif des gifles et des crachats gratuits… ? Si les circonstances avaient déterminé le pouvoir salvifique de la Croix, le Seigneur n’aurait pas tout embrassé. Mais quand ce fut son heure, il a embrassé toute la Croix. Parce que dans la Croix, il n’y a pas d’ambigüité ! La Croix ne se négocie pas.

La seconde réflexion est la suivante. Il est vrai qu’il y a quelque chose de la Croix qui est partie intégrante de notre condition humaine, de la limite et de la fragilité. Cependant il est aussi vrai qu’il y a quelque chose de ce qui se passe sur la Croix, qui n’est pas inhérent à notre fragilité. C’est bien la morsure du serpent, qui, en voyant le crucifié sans défense, le mord et tente d’empoisonner et de discréditer toute son œuvre. Une morsure qui cherche à scandaliser – nous sommes dans une époque à scandales –, une morsure à immobiliser et à rendre stériles et insignifiants tout service et tout sacrifice d’amour pour les autres. C’est le venin du malin qui continue d’insister : sauve-toi toi-même.

Et dans cette morsure, cruelle et douloureuse, qui prétend être mortelle, apparait finalement le triomphe de Dieu. Saint Maxime le Confesseur nous a fait voir qu’avec Jésus crucifié les choses ont été inversées : en mordant la chair du Seigneur, le démon ne l’a pas empoisonné – il a seulement trouvé en lui mansuétude infinie et obéissance à la volonté du Père – En revanche, avec l’appât de la Croix, il a avalé la Chair du Seigneur qui a été un venin pour lui et est devenue pour nous l’antidote qui neutralise le pouvoir du malin.[3]

Ce sont mes réflexions. Demandons au Seigneur la grâce de tirer profit de ces enseignements : il y a la Croix dans l’annonce de l’Evangile, c’est vrai, mais c’est une Croix qui sauve. Pacifiée avec le Sang de Jésus, c’est une Croix avec la force de la victoire du Christ qui vainc le mal, qui nous libère du Malin. L’embrasser avec Jésus et comme lui, déjà “bien avant” d’aller prêcher, nous permet de discerner et de refuser le poison du scandale avec lequel le démon cherchera à nous empoisonner quand surviendra à l’improviste une croix dans notre vie.

« Or nous ne sommes pas, nous, de ceux qui abandonnent (hypostoles) » (He 10, 39), dit l’auteur de la Lettre aux Hébreux. « Nous ne sommes pas, nous, de ceux qui abandonnent », et le conseil qu’il nous donne : ne nous scandalisons pas, parce que Jésus ne s’est pas scandalisé en voyant que sa joyeuse annonce de salut aux pauvres ne retentissait pas pur, mais au milieu des cris et des menaces de ceux qui ne voulaient pas entendre sa Parole ou voulaient la réduire à un légalisme (moraliste, cléricaliste…).

Ne nous scandalisons pas parce que Jésus ne s’est pas scandalisé quand il devait guérir les malades et libérer les prisonniers au milieu des discussions et des controverses moralistes, juridiques, cléricales qui surgissaient chaque fois qu’il faisait du bien.

Ne nous scandalisons pas parce que Jésus ne s’est pas scandalisé quand il devait rendre la vue aux aveugles au milieu de gens qui fermaient les yeux pour ne pas voir ou regardaient autre part.

Ne nous scandalisons pas parce que Jésus ne s’est pas scandalisé du fait que sa proclamation de l’année de grâce du Seigneur – une année qui est toute l’histoire – ait provoqué un scandale public dans ce qui occuperait aujourd’hui à peine la troisième page d’un journal de province.

Et ne nous scandalisons pas parce que l’annonce de l’Evangile ne reçoit pas son efficacité de nos paroles éloquentes, mais de la force de la Croix (cf. 1 Co 1, 17).

De la façon dont nous embrassons la Croix en annonçant l’Evangile – avec les œuvres, si nécessaire, avec les paroles – deux choses apparaissent : les souffrances qui nous sont procurées par l’Evangile ne sont pas nôtres mais sont « les souffrances du Christ en nous » (2 Co 1, 5), et que « nous ne nous annonçons pas nous-mêmes, mais le Seigneur Jésus Christ », nous sommes « serviteurs à cause de Jésus » (2 Co 4, 5).

Je voudrais terminer par un souvenir. Une fois, dans un moment très obscur de ma vie, je demandais une grâce au Seigneur, qu’il me libère d’une situation dure et difficile. Un moment obscur. Je suis allé prêcher les Exercices Spirituels à des religieuses et, le dernier jour, comme c’était habituel à cette époque, elles se sont confessées. Une sœur très âgée est venue, avec des yeux clairs, réellement lumineux. C’était une femme de Dieu. Alors j’ai senti le désir de lui demander de prier pour moi et je lui ai dit : “Ma Sœur, comme pénitence priez pour moi, parce que j’ai besoin d’une grâce. Demandez-la au Seigneur. Et si vous la demandez au Seigneur, certainement qu’il me la donnera”. Elle a fait silence, elle a attendu un long moment, comme si elle priait, et après elle m’a regardé et elle m’a dit ceci : “Certainement que le Seigneur vous donnera la grâce, mais ne vous y trompez pas : il la donnera à sa manière divine”. Cela m’a fait beaucoup de bien : sentir que le Seigneur nous donne toujours ce que nous demandons mais le fait à sa manière divine. Cette façon implique la croix. Non pas par masochisme, mais pas amour, par amour jusqu’à la fin[4].



[1] Comme celles signalées par un maître spirituel, le père Claude Judde ; une de ces phrases qui accompagnent nos décisions et contiennent “le dernier mot”, celui qui conduit à la décision et pousse une personne ou un groupe à agir. Cf. C. Judde, Œuvres spirituelles, II, 1883 Instruction sur la connaissance de soi-même, 313-319, en M.Á. Fioritto, Buscar y hallar la voluntad de Dios, Bs. As., Paulinas, 2000, p. 248 ss.

[2] “Antilegomenon” veut dire qu’on parlerait contre lui, que certains parleraient bien de lui et que d’autres parleraient mal.

[3] Cf. Centuria 1, 8-13.

[4] Cf. Homélie de la Messe à Sainte Marthe, 29 mai 2013.

Basilique Saint-Pierre
Jeudi saint,, 1 avril 2021

(vatican.va)

PAPE FRANÇOIS - ANGÉLUS

En ce cinquième dimanche de carême, la liturgie proclame l’Evangile où saint Jean rapporte un épisode qui a eu lieu dans les derniers jours de la vie du Christ, peu avant sa Passion (cf. Jn 12, 20-33). Alors que Jésus se trouvait à Jérusalem pour la fête de Pâques, des Grecs, curieux de ce qu’Il accomplissait, expriment le désir de le voir. En abordant l’apôtre Philippe, ils lui disent: «Nous voudrions voir Jésus» (v. 21). «Nous voudrions voir Jésus». Souvenons-nous de ce désir: «Nous voudrions voir Jésus». Philippe en parle à André et tous deux le disent au Maître. Dans la demande de ces Grecs, nous pouvons entrevoir la demande que tant d’hommes et de femmes, de tout lieu et de tout temps, adressent à l’Eglise et à chacun de nous: «Nous voudrions voir Jésus».

Et comment Jésus répond-il à cette demande? D’une façon qui donne à réfléchir. Il dit ainsi: «L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié. […] Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit» (vv. 23-24). On dirait que ces paroles ne répondent pas à la question posée par ces Grecs. En réalité, elles vont au-delà. Jésus révèle en effet qu’Il est, pour tout homme qui veut le chercher, la semence cachée prête à mourir pour donner beaucoup de fruits. Comme pour dire: si vous voulez me connaître, si vous voulez me comprendre, regardez le grain de blé qui meurt en terre, c’est-à-dire regardez la croix.

Le signe de croix, devenu l’emblème des chrétiens par excellence au fil des siècles, nous vient à l’esprit. Celui qui aujourd’hui encore veut «voir Jésus», provenant peut-être de pays et de cultures où le christianisme est peu connu, que voit-il tout d’abord? Quel est le signe le plus commun qu’il rencontre? Le crucifix, la croix. Dans les églises, dans les maisons des chrétiens, et même porté sur soi. L’important est que le signe soit cohérent avec l’Evangile: la croix ne peut exprimer que l’amour, le service, le don de soi sans réserve: c’est seulement ainsi qu’elle est vraiment l’«arbre de la vie», de la vie surabondante.

Aujourd’hui aussi de nombreuses personnes, souvent sans le dire, de façon implicite, voudraient «voir Jésus», le rencontrer, le connaître. On comprend ici la grande responsabilité à nous, chrétiens, et celle de nos communautés. Nous aussi nous devons répondre à travers le témoignage d’une vie qui se donne dans le service, d’une vie qui assume le style de Dieu — proximité, compassion et tendresse — et qui se donne dans le service. Il s’agit de semer des graines d’amour non par des mots, qui s’envolent, mais par des exemples concrets, simples et courageux; non pas par des condamnations théoriques, mais par des gestes d’amour. Alors le Seigneur, par sa grâce, nous fait porter du fruit, même quand la terre est aride à cause d’incompréhensions, de difficultés ou de persécutions, ou de prétentions de légalismes ou de moralismes cléricaux. Voilà ce qu’est une terre aride. C’est précisément là, dans l’épreuve et dans la solitude, tandis que le grain meurt, que germe la vie pour produire des fruits qui seront mûrs en leur temps. C’est dans ce mélange de mort et de vie que nous pouvons faire l’expérience de la joie et de la vraie fécondité de l’amour, qui se donne toujours, je le répète, dans le style de Dieu: proximité, compassion, tendresse.

Que la Vierge Marie nous aide à suivre Jésus, à marcher forts et joyeux sur le chemin du service, afin que l’amour du Christ resplendisse dans chacune de nos attitudes et devienne toujours plus le style de notre vie quotidienne.

Bibliothèque du Palais apostolique
Dimanche 21 mars 2021

(vatican.va)

MESSE, BÉNÉDICTION ET IMPOSITION DES CENDRES

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Nous commençons le cheminement du Carême. Il s’ouvre par les paroles du prophète Joël, qui indiquent la direction à suivre. C’est une invitation qui naît du cœur de Dieu qui, avec les bras grands ouverts et les yeux pleins de nostalgie nous supplie : « Revenez à moi de tout votre cœur » (Jl 2, 12). Revenez à moi. Le Carême est un voyage de retour à Dieu. Que de fois, affairés ou indifférents, lui avons-nous dit : "Seigneur, je viendrai vers toi après, attends... Aujourd’hui je ne peux pas, mais demain je commencerai à prier et à faire quelque chose pour les autres". Et ainsi un jour après l’autre. Maintenant Dieu fait appel à notre cœur. Dans la vie nous aurons toujours des choses à faire et nous aurons des excuses à présenter, mais, frères et sœurs, aujourd’hui c’est le temps de revenir à Dieu.

Revenez à moi, dit-il, de tout votre cœur. Le Carême est un voyage qui implique toute notre vie, tout notre être. C’est le temps pour vérifier les chemins que nous sommes en train de parcourir, pour retrouver la voie qui nous ramène à la maison, pour redécouvrir le lien fondamental avec Dieu, de qui dépend toute chose. Le Carême n’est pas une collecte de bonnes actions, c’est discerner vers où est orienté notre cœur. Cela est le centre du Carême : vers où est orienté mon cœur ? Essayons de nous demander : où me mène le navigateur de ma vie, vers Dieu ou vers mon moi ? Est-ce que je vis pour plaire au Seigneur, ou pour être remarqué, loué, préféré, à la première place et ainsi de suite ? Ai-je un cœur “qui danse”, qui fait un pas en avant et un pas en arrière, qui aime un peu le Seigneur et un peu le monde, ou bien un cœur ferme en Dieu? Suis-je bien avec mes hypocrisies, ou est-ce que je lutte pour libérer mon cœur des duplicités et des faussetés qui l’enchaînent?

Le voyage du Carême est un exode, un exode de l’esclavage à la liberté. Ce sont quarante jours qui rappellent les quarante années durant lesquelles le peuple de Dieu a voyagé dans le désert pour retourner à sa terre d’origine. Mais comme il a été difficile de quitter l’Egypte ! Il a été plus difficile de quitter l’Egypte de cœur du peuple de Dieu, cette Egypte qu’ils portaient toujours en eux, que de quitter la terre d’Egypte … Il est très difficile de laisser l’Egypte. Durant la marche, il y avait toujours la tentation de regretter les oignons, de revenir en arrière, de se lier aux souvenirs du passé, à quelque idole. Pour nous aussi, il en est ainsi : le voyage de retour à Dieu est entravé par nos attachements malsains, il est retenu par les liens séduisants des vices, par les fausses sécurités de l’argent et du paraître, par la lamentation d’être victime, qui paralyse. Pour marcher, il faut démasquer ces illusions.

Mais demandons-nous : comment alors procéder dans le cheminement vers Dieu ? Les voyages de retour, que nous raconte la Parole de Dieu, nous viennent en aide.

Regardons le fils prodigue et comprenons qu’il est temps pour nous aussi de revenir vers le Père. Comme ce fils, nous avons, nous aussi oublié le parfum de la maison, nous avons dilapidé des biens précieux pour des choses de moindre valeur et nous sommes restés les mains vides et le cœur mécontent. Nous sommes tombés : nous sommes des enfants qui tombent continuellement, nous sommes comme des petits enfants qui essayent de marcher mais tombent par terre, et qui ont besoin d’être relevés à chaque fois par le papa. C’est le pardon du Père qui nous remet toujours debout : le pardon de Dieu, la Confession, est le premier pas de notre voyage de retour. J’ai dit la Confession, je recommande aux confesseurs : soyez comme le père, non avec le fouet, avec l’accolade.

Nous avons ensuite besoin de revenir vers Jésus, de faire comme ce lépreux purifié qui revint pour le remercier. Ils étaient dix à avoir été guéris, mais lui seul a été aussi sauvé, parce qu’il est revenu vers Jésus (cf. Lc 17, 12-19). Tous, tous nous avons des maladies spirituelles, nous ne pouvons pas les guérir tout seuls ; nous avons tous des vices enracinés, nous ne pouvons pas les éradiquer tout seuls ; nous avons tous des peurs qui nous paralysent, nous ne pouvons les vaincre tout seuls. Nous avons besoin d’imiter ce lépreux qui revint vers Jésus et se jeta à ses pieds. Nous avons besoin de la guérison de Jésus, il nous faut mettre devant lui nos blessures et lui dire : “Jésus, je suis ici devant toi, avec mon péché, avec mes misères. Tu es le médecin, tu peux me libérer. Guéris mon cœur”.

Encore : la Parole de Dieu nous demande de revenir au Père, nous demande de revenir à Jésus, et nous sommes appelés à revenir à l’Esprit Saint. La cendre sur la tête nous rappelle que nous sommes poussière et que nous retournerons en poussière. Mais sur notre poussière, Dieu a soufflé son Esprit de vie.Alors nous ne pouvons pas vivre en poursuivant la poussière, en suivant des choses qui aujourd’hui existent et qui demain disparaitront. Revenons à l’Esprit, dispensateur de vie, revenons au Feu qui fait renaître nos cendres, à ce Feu qui nous enseigne à aimer. Nous serons toujours poussière mais, comme dit une hymne liturgique, poussière amoureuse. Retournons prier l’Esprit Saint, redécouvrons le feu de la louange, qui brûle les cendres de la lamentation et de la résignation.

Frères et sœurs, notre voyage de retour à Dieu est possible seulement parce que son voyage aller vers nous a eu lieu. Autrement il n’aurait pas été possible. Avant que nous n’allions à lui, lui est descendu vers nous. Il nous a précédés, il est venu à notre rencontre. Pour nous, il est descendu plus bas que ce que nous pouvions imaginer : il s’est fait péché, il s’est fait mort. C’est ce que nous a rappelé Saint Paul : « Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché » (2 Co 5, 21). Afin de ne pas nous laisser seuls et pour nous accompagner dans notre marche, il est descendu dans notre péché et dans notre mort, il a touché le péché, il a touché notre mort. Alors notre voyage consiste à nous laisser prendre par la main. Le Père qui nous appelle à revenir est Celui qui sort de la maison pour venir nous rechercher ; le Seigneur qui nous guérit est Celui qui s’est laissé blesser en croix ; l’Esprit qui nous fait changer de vie est Celui qui souffle avec force et douceur sur notre poussière.

Voici alors la supplication de l’Apôtre : « Laissez-vous réconcilier avec Dieu » (v. 20). Laissez-vous réconcilier : le chemin ne se fonde pas sur nos forces ; personne ne peut se réconcilier avec Dieu par ses propres forces, il ne peut pas. La conversion du cœur, avec les gestes et les pratiques qui l’expriment, n’est possible que si elle part de la primauté de l’action de Dieu. Ce ne sont pas nos capacités et nos mérites à exhiber qui nous font revenir à lui, mais sa grâce à accueillir. La grâce nous sauve, le salut est pure grâce, pure gratuité. Jésus nous l’a dit clairement dans l’Evangile : ce n’est pas la justice que nous pratiquons devant les hommes qui nous rend justes, mais la relation sincère avec le Père. Le début du retour à Dieu c’est de reconnaître que nous avons besoin de lui, que nous avons besoin de miséricorde, besoin de sa grâce. C’est la voie juste, la voie de l’humilité. Est-ce que je sens que j’ai besoin ou est-ce que je me sens autosuffisant ?

Aujourd’hui nous baissons la tête pour recevoir les cendres. A la fin du Carême, nous nous abaisserons encore plus pour laver les pieds de nos frères. Le Carême est une descente humble au-dedans de nous-mêmes et vers les autres. C’est comprendre que le salut n’est pas une escalade pour la gloire, mais un abaissement par amour. C’est nous faire petits. Sur ce chemin, pour ne pas perdre la route, mettons-nous devant la croix de Jésus : c’est la cathèdre silencieuse de Dieu. Regardons chaque jour ses plaies, les plaies qu’il a portées au Ciel et qu’il fait voir au Père, tous les jours, dans sa prière d’intercession. Regardons chaque jour ses plaies. Dans ces ouvertures, reconnaissons notre vide, nos manques, les blessures du péché, les coups qui nous ont fait mal. Et pourtant, justement là, nous voyons que Dieu ne pointe pas le doigt contre nous, mais qu’il nous ouvre tout grand les mains. Ses plaies sont ouvertes pour nous et par ces plaies nous avons été guéris (cf. 1 P 2, 25 ; Is 53, 5). Embrassons-les et nous comprendrons que c’est justement là, dans les vides de la vie les plus douloureux, que Dieu nous attend avec sa miséricorde infinie. Parce que là, là où nous sommes plus vulnérables, là où nous avons le plus honte, il est venu à notre rencontre. Et maintenant qu’il est venu à notre rencontre, il nous invite à revenir à lui, pour retrouver la joie d’être aimés.

Basilique Saint-Pierre
Mercredi 17 février 2021

(vatican.va)

MESSE AVEC LES MEMBRES DES INSTITUTS DE VIE CONSACREE ET DES SOCIETES DE VIE APOSTOLIQUE

HOMELIE DU PAPE FRANÇOIS

Syméon – écrit saint Luc – « attendait la Consolation d’Israël » (Lc 2, 25). Montant au temple, au moment où Marie et Joseph amenaient Jésus, il accueille le Messie dans ses bras. Celui qui reconnaît dans l’Enfant la lumière venue éclairer le peuple est un vieillard qui a attendu avec patience l’accomplissement des promesses du Seigneur. Il a attendu avec patience.

La patience de Syméon. Regardons de près la patience de ce vieillard. Toute sa vie il a attendu et a exercé la patience du cœur. Dans la prière il a appris que Dieu ne vient pas dans des évènements extraordinaires, mais accomplit son œuvre dans la monotonie apparente de nos journées, dans le rythme parfois fatigant des activités, dans les petites choses que nous continuons de faire avec ténacité et humilité en cherchant à accomplir sa volonté. Cheminant avec patience, Syméon ne s’est pas laissé user par l’écoulement du temps. C’est un homme maintenant âgé, et pourtant la flamme de son cœur est encore allumée ; dans sa longue vie il aura parfois été blessé, déçu, et pourtant il n’a pas perdu l’espérance ; avec patience, il conserve la promesse, - conserver la promesse - sans se laisser envahir par l’amertume du temps passé ou par cette mélancolie résignée qui émerge lorsqu’on arrive au crépuscule de la vie. L’espérance de l’attente s’est traduite en lui dans la patience quotidienne de celui qui, malgré tout, est demeuré vigilant, jusqu’à ce que, finalement, “ses yeux voient le salut” (cf. Lc 2, 30).

Et je me demande : où Syméon a-t-il appris cette patience? Il l’a reçue de la prière et de la vie de son peuple, qui a toujours reconnu dans le Seigneur le « Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, riche en grâce et en fidélité » (Ex 34, 6) ; il a reconnu le Père qui même devant le refus et l’infidélité ne se lasse pas, mieux “patiente pendant de nombreuses années” (cf. Ne 9, 30), comme dit Néhémie, pour donner chaque fois la possibilité de la conversion.

La patience de Syméon est donc un miroir de la patience de Dieu. De la prière et de l’histoire de son peuple, Syméon a appris que Dieu est patient. Avec sa patience – affirme saint Paul – il nous « pousse à la conversion » (Rm 2, 4). J’aime rappeler Romano Guardini qui disait : la patience est une manière par laquelle Dieu répond à notre faiblesse pour nous donner le temps de changer (cf. Glaubenserkenntnis, Würzburg 1949, 28). Et surtout le Messie, Jésus, que Syméon serre dans ses bras, nous révèle la patience de Dieu, le Père qui utilise la miséricorde et qui nous appelle jusqu’à la dernière heure, qui n’exige pas la perfection mais l’élan du cœur, qui ouvre de nouvelles possibilités là où tout semble perdu, qui cherche à faire en nous une brèche, même lorsque notre cœur est fermé, qui laisse grandir le bon grain sans enlever l’ivraie. C’est le motif de notre espérance : Dieu nous attend sans jamais se lasser. Dieu nous attend sans jamais se lasser. Et c’est cela le motif de notre espérance. Quand nous nous éloignons il vient nous chercher, quand nous tombons à terre il nous relève, quand nous retournons vers lui après nous être perdus il nous attend à bras ouverts. Son amour ne se mesure pas sur la balance de nos calculs humains, mais il nous donne toujours le courage de recommencer. Il nous enseigne la résilience, le courage de recommencer. Toujours, tous les jours. Après les chutes, toujours, recommencer. Il est patient.

Et regardons notre patience. Regardons la patience de Dieu et celle de Syméon pour notre vie consacrée. Et demandons-nous : qu’est-ce que la patience ? Certainement, elle n’est pas une simple tolérance des difficultés ou un support fataliste des adversités. La patience n’est pas un signe de faiblesse : elle la force d’âme qui nous rend capables de “porter le poids”, de supporter : supporter le poids des problèmes personnels et communautaires, qui nous fait accueillir la diversité de l’autre, qui nous fait persévérer dans le bien même lorsque tout semble inutile, qui nous fait rester en chemin même quand l’ennui et l’acédie nous assaillent.

Je voudrais indiquer trois “lieux” où la patience se concrétise.

Le premier est notre vie personnelle. Un jour nous avons répondu à l’appel du Seigneur et, avec élan et générosité, nous nous sommes offerts à lui. Au long du chemin, avec les consolations, nous avons aussi reçu des déceptions et des frustrations. Parfois, le résultat souhaité ne correspond pas à l’enthousiasme de notre travail, nos semailles ne semblent pas produire les fruits attendus, la ferveur de la prière faiblit et nous ne sommes pas toujours immunisés contre l’aridité spirituelle. Il peut arriver, dans notre vie de consacrés, que l’espérance s’use à cause des attentes déçues. Nous devons être patients avec nous-mêmes et attendre avec confiance les temps et les manières de Dieu : il est fidèle à ses promesses. C’est la pierre de base : il est fidèle à ses promesses. Se rappeler de cela nous permet de repenser les parcours, de revigorer nos rêves, sans céder à la tristesse intérieure et au découragement. Frères et sœurs, la tristesse intérieure en nous consacrés est un vers, un vers qui nous mange de l’intérieur. Fuyez la tristesse intérieure !

Deuxième lieu où la patience se concrétise : la vie communautaire. Les relations humaines, spécialement quand il s’agit de partager un projet de vie et une activité apostolique, ne sont pas toujours pacifiques, nous le savons tous. Parfois naissent des conflits et on ne peut pas exiger une solution immédiate, on ne doit pas non plus juger hâtivement la personne ou la situation : il faut savoir prendre les bonnes distances, chercher à ne pas perdre la paix, attendre un temps meilleur pour s’expliquer dans la charité et dans la vérité. Ne pas se laisser troubler par les tempêtes. Dans la lecture du bréviaire il y a un beau passage – pour demain – un beau passage de Diadoque de Photice sur le discernement spirituel, et il dit ceci : « Quand la mer est agitée on ne voit pas les poissons, mais quand la mer est calme on peut les voir ». Nous ne pourrons jamais faire un bon discernement, voir la vérité, si notre cœur est agité et impatient. Jamais. Dans nos communautés cette patience réciproque est nécessaire : supporter, c’est-à-dire porter sur ses épaules la vie du frère ou de la sœur, même ses faiblesses et ses défauts. Tous. Rappelons-nous cela : le Seigneur ne nous appelle pas à être solistes, - il y en a tant, dans l’Eglise, nous le savons -, non, il ne nous appelle pas à être des solistes, mais à faire partie d’un chœur, qui parfois détonne, mais doit toujours essayer de chanter ensemble.

Enfin, troisième “lieu”, la patience vis-à-vis du monde. Syméon et Anne cultivent dans leur cœur l’espérance annoncée par les prophètes, même si elle tarde à se réaliser et grandit lentement à l’intérieur des infidélités et des ruines du monde. Ils ne commencent pas à gémir pour les choses qui ne vont pas, mais avec patience ils attendent la lumière dans l’obscurité de l’histoire. Attendre la lumière dans l’obscurité de l’histoire. Attendre la lumière dans l’obscurité de sa propre communauté. Nous avons besoin de cette patience, pour ne pas rester prisonniers de la lamentation. Certains sont maitres en lamentations, sont docteurs en lamentations, sont très bons pour se lamenter ! Non, la lamentation emprisonne : “le monde ne nous écoute plus” – tant de fois nous entendons cela -, “nous n’avons plus de vocations”, nous devons fermer la baraque, “nous vivons des temps difficiles” – « ah, ne me le dites pas !… » Ainsi commence le duo des lamentations. Parfois il arrive qu’à la patience avec laquelle Dieu travaille le terrain de l’histoire, et travaille aussi le terrain de notre cœur, nous opposions l’impatience de celui qui juge tout, tout de suite : maintenant ou jamais, maintenant, maintenant, maintenant. Et ainsi nous perdons cette vertu, la « petite » mais la plus belle : l’espérance. J’ai vu tant de consacrés qui perdent l’espérance. Simplement par impatience.

La patience nous aide à nous regarder nous-mêmes, nos communautés et le monde avec miséricorde. Nous pouvons nous demander : accueillons-nous la patience de l’Esprit dans notre vie ? Dans nos communautés nous portons-nous les uns les autres sur les épaules et montrons-nous la joie de la vie fraternelle ? Et envers le monde, poursuivons-nous notre service avec patience ou jugeons-nous avec dureté ? Ce sont des défis pour notre vie consacrée : nous, nous ne pouvons pas rester immobiles dans la nostalgie du passé ou nous limiter à répéter les choses de toujours, ni dans les lamentations de chaque jour. Nous avons besoin de la patience courageuse de marcher, d’explorer de nouvelles routes, de chercher ce que l’Esprit Saint nous suggère. Et cela se fait avec humilité, avec simplicité, sans grande propagande, sans grande publicité.

Contemplons la patience de Dieu et implorons la patience confiante de Syméon et aussi d’Anne, pour que nos yeux aussi puissent voir la lumière du salut et la porter au monde entier, comme ces deux vieillard l’ont portée dans la louange.

Basilique Saint-Pierre
Mardi 2 février 2021

(vatican.va)

CÉLÉBRATION DES SECONDES VÊPRES LIVE SEMAINE DE PRIÈRE POUR L'UNITÉ DES CHRÉTIENS

HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE FRANÇOIS

« Demeurez dans mon amour » (Jn 15, 9). Jésus lie cette demande à l’image de la vigne et des sarments, la dernière qu’il nous offre dans les Evangiles. Le Seigneur lui-même est la vigne, la « vraie » vigne (v. 1), qui ne trahit pas les attentes, mais reste fidèle dans l’amour et ne fait jamais défaut, malgré nos péchés et nos divisions. Dans cette vigne qu’il est, nous tous les baptisés nous sommes greffés comme des sarments : cela signifie que nous pouvons grandir et porter du fruit seulement si nous sommes unis à Jésus. Ce soir tournons-nous vers cette unité indispensable, qui a plusieurs niveaux. En pensant à l’arbre de la vigne, nous pourrions imaginer l’unité constituée de trois anneaux concentriques, comme ceux d’un tronc.

Le premier cercle, le plus intérieur, est le fait de demeurer en Jésus. A partir d’ici commence le chemin de chacun vers l’unité. Dans la réalité d’aujourd’hui, rapide et complexe, il est facile de perdre le fil, tirés de mille côtés. Beaucoup se sentent divisés à l’intérieur, incapables de trouver un point ferme, une situation stable dans les circonstances changeantes de la vie. Jésus nous indique le secret de la stabilité dans le fait de demeurer en lui. Dans le texte que nous avons écouté, il répète sept fois ce concept (cf. vv. 4-7.9-10). En effet, il sait que “sans lui nous ne pouvons rien faire” (cf. v. 5). Il nous a aussi montré comment faire, en nous donnant l’exemple : chaque jour il se retirait dans des lieux déserts pour prier. Nous avons besoin de la prière comme de l’eau pour vivre. La prière personnelle, le fait d’être avec Jésus, l’adoration, est l’essentiel du fait de demeurer en lui. C’est la voie pour mettre dans le cœur du Seigneur tout ce qui peuple notre cœur, espérances et peurs, joies et douleurs. Mais surtout, centrés en Jésus dans la prière, nous faisons l’expérience de son amour. Et notre existence en tire vie, comme le sarment qui prend la sève du tronc. C’est la première unité, notre intégrité personnelle, œuvre de la grâce que nous recevons en demeurant en Jésus.

Le deuxième cercle est celui de l’unité avec les chrétiens. Nous sommes des sarments de la même vigne, nous sommes des vases communicants : le bien et le mal que chacun accomplit se reverse sur les autres. Par ailleurs, dans la vie spirituelle une sorte de “loi de la dynamique” est en vigueur : dans la mesure où nous demeurons en Dieu nous nous approchons des autres et dans la mesure où nous nous approchons des autres nous demeurons en Dieu. Cela signifie que si nous prions Dieu en esprit et vérité, l’exigence d’aimer les autres en découle et, d’autre part, que « si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous » (1 Jn 4, 12). La prière ne peut que conduire à l’amour, autrement elle est un ritualisme superficiel. En effet, il n’est pas possible de rencontrer Jésus sans son Corps, composé de nombreux membres, autant qu’il y a de baptisés. Si notre adoration est authentique, nous grandirons dans l’amour pour tous ceux qui suivent Jésus, indépendamment de la communion chrétienne à laquelle ils appartiennent, parce que, même s’ils ne sont pas “des nôtres”, ils sont siens.

Nous constatons toutefois qu’aimer les frères n’est pas facile, parce que leurs défauts et leurs manques apparaissent immédiatement, et les blessures du passé reviennent à l’esprit. Ici nous vient en aide l’action du Père qui, comme un agriculteur expert (cf. Jn 15, 1), sait bien quoi faire : « Tout sarment qui est en moi, mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l’enlève ; tout sarment qui porte du fruit, il le purifie en le taillant, pour qu’il en porte davantage » (Jn 15, 2). Le Père enlève et taille. Pourquoi ? Parce que pour aimer nous avons besoin d’être dépouillés de ce qui nous égare et nous fait nous replier sur nous-mêmes, nous empêchant de porter du fruit. Demandons donc au Père d’enlever de nous les préjugés sur les autres et les attachements mondains qui empêchent la pleine unité avec tous ses fils. Ainsi purifiés dans l’amour, nous saurons mettre au second plan les entraves terrestres et les obstacles du passé, qui aujourd’hui nous détournent de l’Evangile.

Le troisième cercle de l’unité, le plus vaste, est l’humanité entière. Nous pouvons réfléchir, dans ce cadre, sur l’action de l’Esprit Saint. Dans la vigne qui est le Christ il est la sève qui rejoint toutes les parties. Mais l’Esprit souffle où il veut et partout il veut ramener à l’unité. Il nous conduit à aimer non seulement celui qui nous aime et pense comme nous, mais tous, comme Jésus nous l’a enseigné. Il nous rend capables de pardonner aux ennemis et de pardonner les torts subis. Il nous pousse à être actifs et créatifs dans l’amour. Il nous rappelle que le prochain n’est pas seulement celui qui partage nos valeurs et nos idées, mais que nous sommes appelés à nous faire proches de tous, bons Samaritains d’une humanité vulnérable, pauvre et souffrante – aujourd’hui tellement souffrante –, qui gît par les routes du monde et que Dieu désire relever avec compassion. Que l’Esprit Saint, auteur de la grâce, nous aide à vivre dans la gratuité, à aimer aussi celui qui ne nous répond pas, parce que c’est dans l’amour pur et désintéressé que l’Evangile porte du fruit. On reconnaît l’arbre à ses fruits : on reconnaît à l’amour gratuit notre appartenance à la vigne de Jésus.

L’Esprit Saint nous enseigne ainsi le caractère concret de l’amour envers tous les frères et sœurs avec lesquels nous partageons la même humanité, cette humanité que le Christ a unie à lui de façon indissoluble, en nous disant que nous le trouverons toujours dans les plus pauvres et les plus nécessiteux (cf. Mt 25, 31-45). En les servant ensemble, nous nous redécouvrirons frères et nous grandirons dans l’unité. L’Esprit, qui renouvelle la face de la terre, nous exhorte aussi à prendre soin de la maison commune, à faire des choix audacieux sur la façon dont nous vivons et consommons, parce que le contraire du fait de porter du fruit est l’exploitation et il est indigne de gaspiller les précieuses ressources dont beaucoup sont privés.

Le même Esprit, auteur du chemin œcuménique, nous a conduit ce soir à prier ensemble. Et alors que nous faisons l’expérience de l’unité qui naît du fait de s’adresser à Dieu d’une seule voix, je désire remercier tous ceux qui pendant cette Semaine ont prié et continueront à prier pour l’unité des chrétiens. J’adresse mes salutations fraternelles aux représentants des Eglises et Communautés ecclésiales réunies ici : aux jeunes orthodoxes et orthodoxes orientaux qui étudient à Rome avec le soutien du Conseil pour la Promotion de l’Unité des Chrétiens ; aux professeurs et aux étudiants de l’Institut œcuménique de Bossey, qui auraient dû venir à Rome, comme les années précédentes, mais qui n’ont pas pu à cause de la pandémie et qui nous suivent à travers les media. Chers frères et sœurs, demeurons unis dans le Christ : que l’Esprit Saint, répandu dans nos cœurs, fasse que nous nous sentions enfants du Père, frères et sœurs entre nous, frères et sœurs dans l’unique famille humaine. Que la Très Sainte Trinité, communion d’amour, nous fasse grandir dans l’unité.

Lundi 25 janvier 2021

(vatican.va)

MESSE EN LA SOLENNITÉ DE L'ÉPIPHANIE DU SEIGNEUR - HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

L’évangéliste Matthieu souligne que les Mages, quand ils arrivèrent à Bethléem, « virent l’enfant avec Marie sa mère, se prosternèrent et l’adorèrent » (Mt 2, 11). Adorer le Seigneur n’est pas facile, ce n’est pas un fait immédiat : cela exige une certaine maturité spirituelle, étant le point d’arrivée d’un cheminement intérieur, parfois long. L’attitude d’adorer Dieu n’est pas spontanée en nous. L’être humain a besoin, oui, d’adorer, mais il risque de se tromper d’objectif ; en effet, s’il n’adore pas Dieu, il adorera des idoles, – il n’y a pas de demie mesure, ou Dieu ou les idoles, ou pour prendre une expression d’un écrivain français : “Celui qui n’adore pas Dieu, adore le diable” (Léon Bloy) – et au lieu d’être croyant, il deviendra idolâtre. C’est ainsi, aut aut.

A notre époque il est particulièrement nécessaire que, aussi bien individuellement que communautairement, nous consacrions plus de temps à l’adoration, en apprenant toujours mieux à contempler le Seigneur. Si le sens de la prière d’adoration est un peu perdu, nous devons le retrouver, aussi bien communautairement que dans notre vie spirituelle. Aujourd’hui, nous nous mettons donc à l’école des Mages, pour en tirer quelques enseignements utiles : comme eux, nous voulons nous prosterner et adorer le Seigneur. L’adorer sérieusement, et non comme a dit Hérode : « Faites-moi savoir où il est et j’irai l’adorer ». Non, cette adoration ne va pas. Sérieusement !

De la liturgie de la Parole d’aujourd’hui nous tirons trois expressions qui peuvent nous aider à mieux comprendre ce que signifie être adorateurs du Seigneur. Ces expressions sont : “lever les yeux”, “se mettre en voyage” et “voir”. Ces trois expressions nous aideront à comprendre ce que signifie être des adorateurs du Seigneur.

La première expression, lever les yeux, le prophète Isaïe nous l’offre. A la communauté de Jérusalem, revenue récemment de l’exil et prostrée par le découragement dû aux nombreuses difficultés, le prophète adresse cette forte invitation : « Lève les yeux alentour, et regarde » (60, 4). C’est une invitation à mettre de côté la fatigue et les plaintes, à sortir des exigüités d’une vision étroite, à se libérer de la dictature du moi, toujours enclin à se replier sur soi-même et sur ses propres préoccupations. Pour adorer le Seigneur il faut tout d’abord “lever les yeux” : ne pas se laisser emprisonner par les fantasmes intérieurs qui éteignent l’espérance, et ne pas faire des problèmes et des difficultés le centre de l’existence. Cela ne veut pas dire nier la réalité, en faisant semblant ou en croyant que tout va bien. Non. Il s’agit au contraire de regarder d’une manière nouvelle les problèmes et les angoisses, en sachant que le Seigneur connaît nos situations difficiles, écoute attentivement nos invocations et n’est pas indifférent aux larmes que nous versons.

Ce regard qui, malgré les vicissitudes de la vie, demeure confiant dans le Seigneur, produit la gratitude filiale. Lorsque cela arrive, le cœur s’ouvre à l’adoration. Au contraire, lorsque nous fixons l’attention exclusivement sur les problèmes, en refusant de lever les yeux vers Dieu, la peur envahit le cœur et le désoriente, donnant lieu à la colère, au désarroi, à l’angoisse, à la dépression. Dans ces conditions il est difficile d’adorer le Seigneur. Si cela se vérifie, il faut avoir le courage de briser le cercle de nos conclusions acquises, sachant que la réalité est plus grande que nos pensées. Lève les yeux alentour et regarde : le Seigneur nous invite en premier lieu à avoir confiance en lui, parce qu’il prend réellement soin de tous. Si donc le Seigneur revêt ainsi l’herbe des champs, qui aujourd’hui existe et demain est jetée dans le four, combien plus il fera pour nous. (cf. Lc 12, 28). Si nous levons les yeux vers le Seigneur, et que nous considérons la réalité à sa lumière, nous découvrons qu’il ne nous abandonne jamais : le Verbe s’est fait chair (cf. Jn 1, 14) et demeure toujours avec nous, tous les jours (cf. Mt 28, 20). Toujours.

Quand nous levons les yeux vers Dieu, les problèmes de la vie ne disparaissent pas, non, mais nous sentons que le Seigneur nous donne la force nécessaire pour les affronter. “Lever les yeux” est donc le premier pas qui dispose à l’adoration. Il s’agit de l’adoration du disciple qui a découvert en Dieu une joie nouvelle, une joie différente. Celle du monde est fondée sur la possession des biens, sur le succès ou sur d’autres choses semblables, toujours avec le ‘moi’ au centre. Au contraire la joie du disciple du Christ trouve son fondement dans la fidélité de Dieu qui ne manque jamais à ses promesses, en dépit des situations de crise où nous pouvons nous trouver. Voici alors que la gratitude filiale et la joie suscitent le désir ardent d’adorer le Seigneur, qui est fidèle et ne nous laisse jamais seuls.

La deuxième expression qui peut nous aider est se mettre en voyage. Lever les yeux [la première] : la deuxième : se mettre en voyage. Avant de pouvoir adorer l’Enfant né à Bethléem, les Mages ont dû affronter un long voyage. Matthieu écrit : « Or, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : “Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’Orient et nous sommes venus l’adorer.” » (Mt 2, 1-2). Le voyage implique toujours une transformation, un changement. Après un voyage on n’est plus comme avant. Il y a toujours quelque chose de nouveau en celui qui a accompli un cheminement : ses connaissances se sont étendues, il a vu des personnes et des choses nouvelles, il a expérimenté le renforcement de la volonté d’affronter les difficultés et les risques du trajet. On ne parvient à pas adorer le Seigneur sans passer d’abord par la maturation intérieure qui nous permet de nous mettre en voyage.

On devient adorateurs du Seigneur au moyen d’un cheminement graduel. L’expérience nous enseigne, par exemple, qu’une personne à cinquante ans vit l’adoration avec un esprit différent de celui qu’elle avait à trente ans. Celui qui se laisse modeler par la grâce, habituellement, s’améliore avec le temps: l’homme extérieur vieillit – dit saint Paul –, tandis que l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour (cf. 2 Co 4, 16), se disposant toujours mieux à adorer le Seigneur. De ce point de vue, les échecs, les crises, les erreurs peuvent devenir des expériences instructives : ils servent très souvent à nous rendre conscients que seul le Seigneur est digne d’être adoré, parce que c’est seulement lui qui comble le désir de vie et d’éternité présent au plus profond de chaque personne. De plus, avec le temps, les épreuves et les fatigues de la vie – vécues dans la foi – contribuent à purifier le cœur, à le rendre plus humble et donc plus disponible à s’ouvrir à Dieu. Même les péchés, même la conscience d’être pécheurs, de trouver des choses très mauvaises. ‘Mais j’ai fait ceci… j’ai fait…’ : si tu le prends avec foi et avec repentir, avec contrition, cela t’aidera à grandir. Tout, tout aide, dit Paul de la croissance spirituelle, de la rencontre avec Jésus, même les péchés, même les péchés. Et saint Thomas ajoute : « etiam mortalia », même les gros péchés, les pires. Mais si tu le prend avec repentir cela t’aidera dans ce voyage vers la rencontre avec le Seigneur et à mieux l’adorer.

Comme les Mages, nous aussi, nous devons nous laisser instruire par le cheminement de la vie, marqué par les difficultés inévitables du voyage. Ne permettons pas que les fatigues, les chutes et les échecs nous jettent dans le découragement. En les reconnaissant au contraire avec humilité, nous devons en faire une occasion pour progresser vers le Seigneur Jésus. La vie n’est pas une démonstration d’habileté, mais un voyage vers celui qui nous aime. Nous ne devons pas à chaque pas de notre vie montrer la carte de nos vertus ; nous devons aller vers le Seigneur avec humilité. En regardant vers le Seigneur, nous trouverons la force pour progresser avec une joie renouvelée.

Et nous arrivons à la troisième expression : voir. Lever les yeux, se mettre en voyage, voir. L’Evangéliste écrit : « Ils entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère, ils se prosternèrent et l’adorèrent » (Mt 2, 10-11). L’adoration était l’acte d’hommage réservé aux souverains, aux grands dignitaires. Les Mages, en effet, ont adoré celui qu’ils savaient être le roi des Juifs (cf. Mt 2, 2). Mais, de fait, qu’ont-ils vu ? Ils ont vu un pauvre enfant avec sa mère. Et pourtant ces sages, venus de pays lointains, ont su transcender cette scène si humble et presque insignifiante, en reconnaissant en cet Enfant la présence d’un souverain. Ils ont été capables de “voir” au-delà de l’apparence. En se prosternant devant l’Enfant né à Bethléem, ils ont exprimé une adoration qui était avant tout intérieure : l’ouverture des coffrets apportés en dons fut un signe de l’offrande de leurs cœurs.

Pour adorer le Seigneur, il faut “voir” au-delà du voile du visible, qui souvent se révèle trompeur. Hérode et les notables de Jérusalem représentent la mondanité, perpétuellement esclave de l’apparence. Ils voient et ne savent pas voir – je ne dis pas qu’ils ne croient pas, c’est trop – ils ne savent pas voir parce que leur capacité est esclave de l’apparence et en quête d’attraits : elle donne de la valeur seulement aux choses sensationnelles, aux choses qui attirent l’attention de la plupart. Par ailleurs, dans les Mages nous voyons une attitude différente, que nous pourrions définir réalisme théologal – un mot trop ‘grande’, mais nous pouvons dire ainsi, un réalisme théologal : il perçoit avec objectivité la réalité des choses, en parvenant finalement à la compréhension que Dieu fuit toute ostentation. Le Seigneur est dans l’humilité, le Seigneur est comme cet enfant humble, il fuit l’ostentation, qui est justement le fruit de la mondanité. Cette manière de “voir” qui transcende le visible fait en sorte que nous adorons le Seigneur souvent caché dans des situations simples, dans des personnes humbles et exclues. Il s’agit donc d’un regard qui, en ne se laissant pas éblouir par les feux artificiels de l’exhibitionnisme, cherche, à chaque occasion, ce qui ne passe pas, cherche le Seigneur. C’est pourquoi, comme l’écrit l’apôtre Paul, « notre regard ne s’attache pas à ce qui se voit, mais à ce qui ne se voit pas ; ce qui se voit est provisoire, mais ce qui ne se voit pas est éternel » (2 Co 4, 18).

Que le Seigneur Jésus fasse de nous ses vrais adorateurs, capables de manifester par la vie son dessein d’amour qui embrasse l’humanité entière. Demandons la grâce pour chacun de nous et pour l’Eglise tout entière, d’apprendre à adorer, de continuer à adorer, de pratiquer beaucoup cette prière d’adoration, parce que Dieu seul est adoré.

Basilique Saint-Pierre
Mercredi 6 janvier 2021

(vatican.va)

MESSAGE URBI ET ORBI DU PAPE FRANÇOIS

Chers frères et sœurs,

avec les paroles du prophète Isaïe, je voudrais faire parvenir à tous le message que l’Eglise annonce en cette fête : « Un enfant nous est né, un fils nous a été donné » (Is 9, 5).

Un enfant est né : la naissance est toujours source d’espérance, elle est vie qui s’épanouit, elle est promesse d’avenir. Et cet Enfant, Jésus, est “né pour nous” : un nous sans frontières, sans privilèges ni exclusions. L’Enfant que la Vierge Marie a mis au jour à Bethléem est né pour tous : il est le “fils” que Dieu a donné à toute la famille humaine.

Grâce à cet Enfant, nous pouvons tous nous adresser à Dieu en l’appelant “Père”, “Papa”. Jésus est le Fils unique. Personne ne connaît le Père sinon lui. Mais il est venu dans le monde justement pour nous révéler le visage du Père. Et ainsi, grâce à cet Enfant, nous pouvons tous nous appeler, et être réellement, frères : de tous les continents, de n’importe quelle langue et culture, avec nos identités et diversités, nous sommes tous frères et sœurs.

En ce moment historique, marqué par la crise écologique, et par de graves déséquilibres économiques et sociaux aggravés par la pandémie du coronavirus, nous avons plus que jamais besoin de fraternité. Et Dieu nous l’offre en nous donnant son Fils Jésus : non pas une fraternité faite de belles paroles, d’idéaux abstraits, de vagues sentiments… Non. Une fraternité basée sur l’amour réel, capable de faire rencontrer l’autre différent de moi, de com-patir à ses souffrances, de s’approcher et d’en prendre soin même s’il n’est pas de ma famille, de mon ethnie, de ma religion. Il est différent de moi, mais il est mon frère et ma sœur. Et cela est vrai aussi dans les relations entre les peuples et les nations : tous frères !

A Noël nous célébrons la lumière du Christ qui vient au monde et il vient pour tous : non seulement pour certains. Aujourd’hui, en ce moment d’obscurité et d’incertitudes causé par la pandémie, apparaissent diverses lumières d’espérance, comme les découvertes des vaccins. Mais pour que ces lumières puissent illuminer et amener l’espérance au monde entier, elles doivent demeurer à la disposition de tous. Nous ne pouvons pas laisser que les nationalismes fermés nous empêchent de vivre comme la vraie famille humaine que nous sommes. Nous ne pouvons pas non plus laisser que le virus de l’individualisme radical nous vainque et nous rende indifférents à la souffrance des autres frères et sœurs. Je ne peux pas faire de moi la priorité avant les autres, en mettant les lois du marché et des brevets d’invention au-dessus des lois de l’amour et de la santé de l’humanité. Je demande à tous : aux responsables des Etats, des entreprises, aux organismes internationaux, de promouvoir la coopération et non la concurrence, et de chercher une solution pour tous : des vaccins pour tous, spécialement pour les plus vulnérables et les plus nécessiteux de toutes les régions de la planète. En premier, les plus vulnérables et les plus nécessiteux !

L’Enfant de Bethléem nous aide alors à être disponibles, généreux et solidaires, spécialement envers les personnes les plus fragiles, les malades et toutes celles qui, en cette période, se sont retrouvés sans travail ou sont en grave difficulté en raison des conséquences économiques de la pandémie, comme aussi envers les femmes qui, durant ces mois de confinement, ont subi des violences domestiques.

Face à un défi qui ne connait pas de frontières, on ne peut pas ériger de barrières. Nous sommes tous dans le même bateau. Toute personne m’est un frère. Je vois en chacun le reflet du visage de Dieu et je découvre le Seigneur qui demande mon aide en tous ceux qui souffrent. Je le vois dans la personne malade, dans le pauvre, dans le chômeur, dans l’exclu, dans le migrant et dans le réfugié : tous, frères et sœurs !

En ce jour où le Verbe de Dieu se fait enfant, tournons le regard vers les trop nombreux enfants qui, partout dans le monde, spécialement en Syrie, en Irak et au Yémen, payent encore le prix fort de la guerre. Que leurs visages ébranlent les consciences des hommes de bonne volonté pour que les causes des conflits soient affrontées et que l’on s’emploie avec courage à construire un avenir de paix.

Que ce temps soit propice à désamorcer les tensions dans tout le Moyen Orient et en Méditerranée orientale.

Que Jésus Enfant guérisse les blessures du peuple syrien bien aimé qui depuis maintenant dix ans est épuisé par la guerre et ses conséquences, aggravées ensuite par la pandémie. Qu’il porte réconfort au peuple irakien et à tous ceux qui sont engagés sur le chemin de la réconciliation, en particulier aux Yézidis durement touchés par les dernières années de guerre. Qu’il apporte la paix à la Libye et fasse que la nouvelle phase des négociations en cours conduise à la fin de toute forme d’hostilité dans le pays.

Que l’Enfant de Bethléem donne la fraternité à la terre qui l’a vu naître. Qu’Israéliens et Palestiniens puissent retrouver la confiance réciproque pour chercher une paix juste et durable à travers un dialogue direct capable de vaincre la violence et de dépasser les ressentiments endémiques afin de témoigner au monde de la beauté de la fraternité.

Que l’étoile qui a éclairé la nuit de Noël soit un guide et un encouragement pour le peuple libanais pour que, dans les difficultés qu’il est en train d’affronter, avec le soutien de la Communauté internationale, il ne perde pas l’espérance. Que le Prince de la Paix aide les responsables du pays à mettre de côté les intérêts particuliers et à s’engager avec sérieux, honnêteté et transparence, pour que le Liban puisse parcourir un chemin de réformes et continuer dans sa vocation de liberté et de cohabitation pacifique.

Que le Fils du Très Haut soutienne l’engagement de la Communauté internationale et des pays concernés à poursuivre le cessez-le-feu au Haut- Karabagh, comme aussi dans les régions orientales de l’Ukraine, et à favoriser le dialogue, unique voie qui conduise à la paix et à la réconciliation.

Que le Divin Enfant allège la souffrance des populations du Burkina Faso, du Mali et du Niger touchées par une grave crise humanitaire à la base de laquelle il y a des extrémismes et des conflits armés, mais aussi la pandémie et d’autres désastres naturels. Qu’il fasse cesser les violences en Ethiopie où beaucoup de personnes sont contraintes de fuir en raison des affrontements. Qu’il apporte réconfort aux habitants de la région de Cabo Delgado, au Nord du Mozambique, victimes de la violence du terrorisme international. Qu’il incite les responsables du Sud Soudan, du Nigéria et du Cameroun à poursuivre le chemin de fraternité et de dialogue entrepris.

Que le Verbe éternel du Père soit source d’espérance pour le continent américain, particulièrement touché par le coronavirus qui a exacerbé les nombreuses souffrances qui l’oppriment, souvent aggravées par les conséquences de la corruption et du narcotrafic. Qu’il aide à dépasser les récentes tensions sociales au Chili et à mettre fin aux souffrances du peuple vénézuélien.

Que le Roi du Ciel protège les populations affligées par les catastrophes naturelles dans le Sud-Est asiatique, en particulier aux Philippines et au Vietnam où de nombreuses tempêtes ont causé des inondations aux conséquences dévastatrices, pour les familles qui habitent ces régions, en termes de pertes de vies humaines, de dommages pour l’environnement et de conséquences pour les économies locales.

En pensant à l’Asie, je ne peux pas oublier le peuple Rohingya : que Jésus né pauvre parmi les pauvres, leur apporte une espérance dans leurs souffrances.

Chers frères et sœurs,

« Un enfant nous est né » (Is 9, 5). Il est venu nous sauver ! Il nous annonce que la souffrance et le mal n’ont pas le dernier mot. Se résigner à la violence et aux injustices voudrait dire refuser la joie et l’espérance de Noël.

En ce jour de fête j’adresse une pensée particulière à tous ceux qui ne se laissent pas écraser par les circonstances adverses mais qui agissent pour porter espérance, réconfort et aide en secourant ceux qui souffrent et en accompagnant ceux qui sont seuls.

Jésus est né dans une étable, mais entouré de l’amour de la Vierge Marie et de saint Joseph. Naissant dans la chair, le Fils de Dieu a consacré l’amour familial. Ma pensée va en ce moment aux familles : à celles qui aujourd’hui ne peuvent pas se réunir, comme aussi celles qui sont obligées de rester à la maison. Que Noël soit pour tous l’occasion de redécouvrir la famille comme berceau de vie et de foi ; lieu d’amour accueillant, de dialogue, de pardon, de solidarité fraternelle et de joie partagée, source de paix pour toute l’humanité.

Bon Noël à tous !

Chers frères et sœurs, je renouvelle mes vœux de Joyeux Noël à vous tous, reliés de partout dans le monde par la radio, la télévision et les autres moyens de communication. Je vous remercie pour votre présence spirituelle en ce jour caractérisé par la joie. En ces jours, où l’atmosphère de Noël invite les hommes à devenir meilleurs et plus fraternels, n’oublions pas de prier pour les familles et les communautés qui vivent parmi tant de souffrances. S’il vous plaît, continuez aussi de prier pour moi. Bon repas de Noël et au revoir!


Salle de la Bénédiction
Vendredi, 25 décembre 2020

(vatican.va)

MESSE EN LA SOLENNITÉ DU CORPS ET DU SANG DU CHRIST

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

« Souviens-toi de la longue marche que tu as faite ; le Seigneur ton Dieu te l’a imposée » (Dt 8, 2). Souviens-toi : avec cette invitation de Moïse s’est ouverte aujourd’hui la Parole de Dieu. Peu de temps après, Moïse réaffirmait : “n’oublie pas le Seigneur ton Dieu” (cf. v. 14). L’Ecriture nous a été donnée pour vaincre l’oubli de Dieu. Il est si important d’en faire mémoire quand nous prions ! comme l’enseigne un Psaume qui dit : « Je me souviens des exploits du Seigneur, je rappelle ta merveille de jadis » (76, 12). Aussi, les merveilles et les prodiges que le Seigneur a accomplis dans notre propre vie.

Il est essentiel de se souvenir du bien reçu : sans en faire mémoire, nous devenons étrangers à nous-mêmes, “passants” de l’existence ; sans mémoire nous nous déracinons du terrain qui nous nourrit et nous nous laissons emporter comme des feuilles par le vent. Faire mémoire au contraire est se renouer aux liens plus forts, c’est faire partie d’une histoire, c’est respirer avec un peuple. La mémoire n’est pas une chose privée, c’est la vie qui nous unit à Dieu et aux autres. Pour cela, dans la Bible, la mémoire du Seigneur sera transmise de génération en génération, sera racontée de père en fils, comme le dit ce beau passage : « Demain, quand ton fils te demandera : “ Quels sont donc ces édits, ces décrets et ces ordonnances que le Seigneur notre Dieu vous a prescrits ? ”, alors tu diras à ton fils : “Nous étions esclaves – toute l’histoire de l’esclavage - et sous nos yeux, le Seigneur a accompli des signes et des prodiges” » (Dt 6, 20-22). Tu transmettras la mémoire à ton fils.

Mais il y a un problème : si la chaîne de transmission des souvenirs s’interrompt ? Et puis, comment peut-on se souvenir de ce qu’on a seulement entendu dire, sans en avoir fait l’expérience ? Dieu sait combien elle est difficile, combien elle est fragile notre mémoire, et pour nous il a accompli une chose inouïe : il nous laissé un mémorial. Il ne nous a pas laissé seulement des paroles, parce qu’il est facile d’oublier ce qu’on lit. Il ne nous a pas laissé seulement des signes, parce qu’on peut aussi oublier ce qu’on voit. Il nous a donné une Nourriture, et il est difficile d’oublier une saveur. Il nous a laissé un Pain dans lequel Il est là, vivant et vrai, avec toute la saveur de son amour. En le recevant nous pouvons dire : “C’est le Seigneur, il se souvient de moi !”. C’est pourquoi Jésus nous a demandé : « Faites cela en mémoire de moi » (1 Co 11, 24). Faites : l’Eucharistie n’est pas un simple souvenir, c’est un fait : c’est la Pâques du Seigneur qui revit pour nous. Dans la Messe, la mort et la résurrection de Jésus sont devant nous. Faites cela en mémoire de moi : réunissez-vous et comme communauté, comme peuple, comme famille, célébrez l’Eucharistie pour vous rappeler de moi. Nous ne pouvons pas nous en passer, c’est le mémorial de Dieu. Et il guérit notre mémoire blessée.

Il guérit avant tout notre mémoire orpheline. Nous vivons dans une époque de tant de cas d’orphelins. Il guérit la mémoire orpheline. Beaucoup ont la mémoire marquée par le manque d’affection et par les déceptions brûlantes, reçues de celui qui aurait dû donner de l’amour et qui au contraire a rendu le cœur orphelin. Ou voudrait retourner en arrière et changer le passé, mais on ne peut pas. Mais Dieu peut guérir ces blessures, en mettant dans notre mémoire un amour plus grand : le sien. L’Eucharistie nous apporte l’amour fidèle du Père, qui guérit notre état d’orphelins. Elle nous donne l’amour de Jésus, qui a transformé un sépulcre de point d’arrivée en point de départ et de la même manière elle peut bouleverser nos vies. Elle nous remplit de l’amour de l’Esprit Saint, qui console, parce qu’il ne nous laisse jamais seuls, et soigne les blessures.

Avec l’Eucharistie le Seigneur guérit aussi notre mémoire négative, cette négativité qui vient si souvent dans notre cœur. Le Seigneur guérit cette mémoire négative, qui fait toujours ressortir les choses qui ne vont pas et laisse dans notre tête la triste idée que nous ne sommes bons à rien, que nous ne faisons que des erreurs, que nous sommes “mauvais”. Jésus vient nous dire que ce n’est pas le cas. Il est content de se faire intime à nous et, chaque fois que nous le recevons, il nous rappelle que nous sommes précieux : nous sommes des invités attendus à son banquet, les convives qu’il désire. Et pas seulement parce qu’il est généreux, mais parce qu’il est vraiment amoureux de nous : il voit et aime le beau et le bon que nous sommes. Le Seigneur sait que le mal et les péchés ne sont pas notre identité ; ce sont des maladies, des infections. Et il vient pour les soigner avec l’Eucharistie, qui contient les anticorps pour notre mémoire malade de négativité. Avec Jésus nous pouvons nous immuniser contre la tristesse. Nous aurons toujours devant nos yeux nos chutes, nos fatigues, les problèmes à la maison et au travail, les rêves non réalisés. Mais leur poids ne nous écrasera pas parce que, plus en profondeur, il y a Jésus qui nous encourage avec son amour. Voici la force de l’Eucharistie, qui nous transforme en porteurs de Dieu : porteurs de joie et non de négativité. Nous pouvons nous demander, nous qui allons à la Messe, qu’apportons-nous au monde ? Nous faisons la Communion et ensuite nous continuons à nous plaindre, à critiquer et à pleurer ? Mais cela n’améliore rien, tandis que la joie du Seigneur change la vie.

Enfin, l’Eucharistie guérit notre mémoire fermée. Les blessures que nous gardons à l’intérieur ne créent pas des problèmes seulement à nous, mais aussi aux autres. Elles nous rendent peureux et suspicieux : au début fermés, à la longue cyniques et indifférents. Elles nous amènent à réagir envers les autres avec détachement et arrogance, en nous leurrant que de cette manière nous pouvons contrôler les situations. Mais c’est un mensonge : seul l’amour guérit à la racine la peur et libère des fermetures qui emprisonnent. Jésus fait ainsi, en venant à notre rencontre avec douceur, dans la fragilité désarmante de l’Hostie ; Jésus fait ainsi, Pain rompu pour briser les coques de nos égoïsmes ; Jésus fait ainsi, lui qui se donne pour nous dire que c’est seulement en nous ouvrant que nous nous libérons des blocages intérieurs, des paralysies du cœur. Le Seigneur, en s’offrant à nous tout simplement comme le pain, nous invite aussi à ne pas gaspiller la vie en suivant mille choses inutiles qui créent des dépendances et laissent un vide à l’intérieur. L’Eucharistie éteint en nous la faim des choses et allume le désir de servir. Elle nous relève de notre confortable sédentarité, elle nous rappelle que nous ne sommes pas seulement des bouches à nourrir, mais aussi ses mains pour nourrir le prochain. Il est urgent maintenant de prendre soin de celui qui a faim de nourriture et de dignité, de celui qui ne travaille pas et peine à aller de l’avant. Et le faire d’une manière concrète, comme concret est le Pain que Jésus nous donne. Il faut une proximité réelle, il faut de vraies chaînes de solidarité. Jésus dans l’Eucharistie se fait proche de nous : ne laissons pas seul celui qui nous est proche !

Chers frères et sœurs, continuons à célébrer le Mémorial qui guérit notre mémoire – rappelons-nous : guérir la mémoire, la mémoire est la mémoire du cœur -, ce mémorial est : la Messe. Elle est le trésor à mettre à la première place dans l’Eglise et dans la vie. Et au même moment redécouvrons l’adoration, qui poursuit en nous l’œuvre de la Messe. Cela nous fait du bien, nous guérit à l’intérieur. Surtout maintenant, nous en avons vraiment besoin.

Dimanche 14 juin 2020

(Vatican.va)

MESSE A L'OCCASION DU CENTENAIRE DE LA NAISSANCE DE SAINT JEAN-PAUL II

HOMELIE DU PAPE FRANÇOIS

«Le Seigneur aime son peuple» (Ps 149, 4) avons-nous chanté, c’était le refrain du chant entre les lectures, et également une vérité que le peuple d’Israël répétait, il aimait répéter: «Le Seigneur aime son peuple». Et dans les moments obscurs, toujours «Le Seigneur aime»; il faut attendre comment se manifestera cet amour. Et quand le Seigneur envoyait un prophète pour cet amour, un homme de Dieu, la réaction du peuple était: «Le Seigneur a visité son peuple» (Ex 4, 31), parce qu’il l’aime, «il l’a visité». Et la foule qui suivait Jésus disait la même chose en voyant ce que faisait Jésus: «Le Seigneur a visité son peuple» (Lc 7, 16).
Aujourd’hui, nous pouvons dire ici: il y a cent ans, Dieu a visité son peuple. Il a envoyé un homme, il l’a préparé à être évêque, et à guider l’Eglise. En faisant mémoire de saint Jean-Paul II, reprenons cela: «Le Seigneur aime son peuple», le Seigneur a visité son peuple, il a envoyé un pasteur.
Et quels sont, disons, «les traits» du bon pasteur que nous pouvons trouver en saint Jean-Paul II? Ils sont nombreux! Mais citons-en trois seulement. Comme on dit que les jésuites disent toujours les choses... Trois, disons trois: la prière, la proximité avec le peuple, et l’amour de la justice. Saint Jean-Paul II était un homme de Dieu parce qu’il priait et il priait beaucoup. Mais comment se fait-il qu’un homme qui a tant à faire, tant de travail pour guider l’Eglise... a tant de temps pour prier? Il savait bien que le premier devoir d’un évêque est de prier. Et ce n’est pas Vatican II qui l’a dit, c’est saint Pierre qui l’a dit, quand ils ont fait les diacres ils ont dit: «quant à nous, évêques nous resterons assidus à la prière et au service de la parole» (cf. Ac 6, 4). Le premier devoir d’un évêque est de prier. Et lui le savait, et il le faisait. Modèle de l’évêque qui prie, le premier devoir. Et il nous a enseigné que lorsqu’un évêque fait son examen de conscience le soir, il doit se demander: combien d’heures ai-je prié aujourd’hui? Un homme de prière.
Deuxième trait, homme de proximité. Ce n’était pas un homme séparé de son peuple, au contraire, il allait à la rencontre de son peuple; et voyagea dans le monde entier pour rencontrer son peuple, pour chercher son peuple, pour être proche. Et la proximité est l’un des traits de Dieu avec son peuple. Rappelons que le Seigneur dit au peuple d’Israël: «Quelle est la grande nation dont les dieux se fassent aussi proches que Yahvé notre Dieu l’est pour nous?» (cf. Dt 4, 7). Une proximité de Dieu avec le peuple qui se fait ensuite étroite en Jésus, qui se fait forte en Jésus. Un pasteur est proche de son peuple, au contraire s’il n’est pas proche, ce n’est pas un pasteur, c’est un hiérarque, c’est un administrateur, bon peut-être, mais ce n’est pas un pasteur. Proximité avec son peuple. Et saint Jean-Paul II nous a donné l’exemple de cette proximité: proche des grands et des petits, de ceux qui sont proches et de ceux qui sont loin, toujours proche, il se faisait proche.
Troisième trait, l’amour de la justice. Mais la justice pleine! Un homme qui voulait la justice, la justice sociale, la justice des peuples, la justice qui chasse les guerres. Mais la justice pleine! C’est pour cela que saint Jean-Paul II était l’homme de la miséricorde, car miséricorde et justice vont ensemble, on ne peut pas les distinguer [dans le sens de séparer], elles vont ensemble: la justice est la justice, la miséricorde est la miséricorde, mais on ne trouve pas l’une sans l’autre. Et, en parlant de l’homme de la justice et de la miséricorde, pensons à ce qu’a fait saint Jean-Paul II afin que les gens comprennent la miséricorde de Dieu. Pensons combien il a promu la dévotion à sainte Faustine [Kowalska], dont à partir d’aujourd’hui, la mémoire liturgique sera pour toute l’Eglise. Il avait senti que la justice de Dieu avait ce visage de miséricorde, cette attitude de miséricorde. Et cela est un don qu’il nous a laissé: la justice-miséricorde et la miséricorde juste.
Prions-le aujourd’hui, pour qu’il nous donne à tous, spécialement aux pasteurs de l’Eglise, mais à tous, la grâce de la prière, la grâce de la proximité, et la grâce de la justice-miséricorde et de la miséricorde-justice.

Basilique vaticane - Autel Saint Jean-Paul II
Lundi 18 mai 2020

(vatican.va)

VEILLEE PASCALE EN LA NUIT SAINTE

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

« Après le sabbat » (Mt 28, 1) les femmes allèrent au tombeau. C’est ainsi qu’a commencé l’Evangile de cette Veillée sainte, avec le sabbat. C’est le jour du Triduum pascal que nous négligeons le plus, pris par la frémissante attente de passer de la croix du vendredi à l’alleluia du dimanche. Cette année, cependant, nous percevons plus que jamais le samedi saint, le jour du grand silence. Nous pouvons nous retrouver dans les sentiments des femmes en ce jour. Comme nous, elles avaient dans les yeux le drame de la souffrance, d’une tragédie inattendue arrivée trop vite. Elles avaient vu la mort et avaient la mort dans leur cœur. A la souffrance s’ajoutait la peur : leur sera-t-il réservé, à elles aussi, le même sort qu’à leur Maître ? Et puis les craintes pour l’avenir, tout à reconstruire. La mémoire blessée, l’espérance étouffée. Pour elles c’était l’heure la plus sombre, comme pour nous.

Mais dans cette situation les femmes ne se laissent pas paralyser. Elles ne cèdent pas aux forces obscures de la lamentation et du regret, elles ne se renferment pas dans le pessimisme, elles ne fuient pas la réalité. Elles font quelque chose de simple et d’extraordinaire : dans leurs maisons elles préparent les parfums pour le corps de Jésus. Elles ne renoncent pas à l’amour : dans l’obscurité du cœur, elles allument la miséricorde. La Vierge, le samedi, jour qui lui sera dédié, prie et espère. Dans le défi de la souffrance, elle a confiance dans le Seigneur. Ces femmes, sans le savoir, préparaient dans l’obscurité de ce samedi « l’aube du premier jour de la semaine », le jour qui aurait changé l’histoire. Jésus, comme une semence dans la terre, allait faire germer dans le monde une vie nouvelle ; et les femmes, par la prière et l’amour, aidaient l’espérance à éclore. Combien de personnes, dans les jours tristes que nous vivons, ont fait et font comme ces femmes, en semant des germes d’espérance ! Avec de petits gestes d’attention, d’affection, de prière.

A l’aube, les femmes vont au sépulcre. Là l’ange leur dit : « Vous, soyez sans crainte. Il n’est pas ici, il est ressuscité » (vv.5-6). Devant une tombe, elles entendent des paroles de vie… Et ensuite elles rencontrent Jésus, l’auteur de l’espérance, qui confirme l’annonce et dit : « Soyez sans crainte » (v. 10). N’ayez pas peur, soyez sans crainte : voici l’annonce d’espérance. Elle est pour nous, aujourd’hui. Aujourd’hui ! Ce sont les paroles que Dieu nous répète dans la nuit que nous traversons.

Cette nuit nous conquerrons un droit fondamental, qui ne nous sera pas enlevé : le droit à l’espérance. C’est une espérance nouvelle, vivante, qui vient de Dieu. Ce n’est pas un simple optimisme, ce n’est pas une tape sur l’épaule ou un encouragement de circonstance, avec un sourire fuyant. Non ! C’est un don du Ciel que nous ne pouvons pas nous procurer tout seuls. Tout ira bien, disons-nous avec ténacité en ces semaines, nous agrippant à la beauté de notre humanité et faisant monter du cœur des paroles d’encouragement. Mais, avec les jours qui passent et les peurs qui grandissent, même l’espérance la plus audacieuse peut s’évaporer. L’espérance de Jésus est autre. Elle introduit dans le cœur la certitude que Dieu sait tout tourner en bien, parce que, même de la tombe, il fait sortir la vie.

La tombe est le lieu d’où celui qui rentre ne sort pas. Mais Jésus est sorti pour nous, il est ressuscité pour nous, pour apporter la vie là où il y avait la mort, pour commencer une histoire nouvelle là où on avait mis une pierre dessus. Lui, qui a renversé le rocher à l’entrée de la tombe, peut déplacer les rochers qui scellent notre cœur. Par conséquent, ne cédons pas à la résignation, ne mettons pas une pierre sur l’espérance. Nous pouvons et nous devons espérer, parce que Dieu est fidèle. Il ne nous a pas laissé seuls, il nous a visité : il est venu dans chacune de nos situations, dans la souffrance, dans l’angoisse, dans la mort. Sa lumière a illuminé l’obscurité du sépulcre : aujourd’hui il veut rejoindre les coins les plus obscures de la vie. Sœur, frère, même si dans ton cœur tu as enseveli l’espérance, ne te rends pas : Dieu est plus grand. L’obscurité et la mort n’ont pas le dernier mot. Confiance, avec Dieu rien n’est perdu.

Confiance : C’est une parole qui dans l’Evangile sort toujours de la bouche de Jésus. Une seule fois d’autres la prononcent, pour dire à une personne dans le besoin : « Confiance ! lève-toi, [Jésus] t’appelle » (Mc 10, 49). C’est lui, le Ressuscité, qui nous relève nous qui sommes dans le besoin. Si tu es faible et fragile sur le chemin, si tu tombes, ne crains pas, Dieu te tend la main et te dit : “Confiance”. Mais tu pourrais dire, comme don Abbondio : « La confiance, personne ne peut se la donner » ( I Promessi Sposi - Les fiancés, XXV). Tu ne peux pas te la donner, mais tu peux la recevoir, comme un don. Il suffit d’ouvrir ton cœur dans la prière, il suffit de soulever un peu cette pierre mise à l’entrée de ton cœur pour laisser entrer la lumière de Jésus. Il suffit de l’inviter : “Viens, Jésus, dans mes peurs et dis-moi aussi : Confiance”. Avec toi, Seigneur, nous serons éprouvés mais non ébranlés. Et, quelle que soit la tristesse qui habite en nous, nous sentirons devoir espérer, parce qu’avec toi la croix débouche sur la résurrection, parce que tu es avec nous dans l’obscurité de nos nuits : tu es certitude dans nos incertitudes, Parole dans nos silences, et rien ne pourra jamais nous voler l’amour que tu nourris pour nous.

Voilà l’annonce pascale, une annonce d’espérance. Elle contient une deuxième partie, l’envoi. « Allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée » (Mt 28, 10), dit Jésus. « Il vous précède en Galilée » (v. 7), dit l’ange. Le Seigneur nous précède, il nous précède toujours. Il est beau de savoir qu’il marche devant nous, qu’il a visité notre vie et notre mort pour nous précéder en Galilée, c’est-à-dire dans le lieu qui pour lui et pour ses disciples rappelait la vie quotidienne, la famille, le travail. Jésus désire que nous portions l’espérance là, dans la vie de chaque jour. Mais la Galilée, pour les disciples, c’était aussi le lieu des souvenirs, surtout du premier appel. Retourner en Galilée c’est se souvenir d’avoir été aimés et appelés par Dieu. Chacun d’entre nous a sa propre Galilée. Nous avons besoin de reprendre le chemin, en nous rappelant que nous naissons et renaissons d’un appel gratuit d’amour, là, dans ma Galilée. Cela est le point d’où repartir toujours, surtout dans les crises, dans les temps d’épreuve, en me souvenant de ma Galilée.

Mais il y a plus. La Galilée était la région la plus éloignée d’où ils se trouvaient, de Jérusalem. Et pas seulement géographiquement : la Galilée était le lieu le plus distant de la sacralité de la Ville sainte. C’était une région peuplée de gens divers qui pratiquaient des cultes variés : c’était la « Galilée des nations » (Mt 4, 15). Jésus envoie là, il demande de repartir de là. Qu’est-ce que cela nous dit ? Que l’annonce de l’espérance ne doit pas être confinée dans nos enceintes sacrées, mais doit être portée à tous. Parce que tous ont besoin d’être encouragés et, si nous ne le faisons pas nous, qui avons touché de la main « le Verbe de vie » (1 Jn 1, 1), qui le fera ? Qu’il est beau d’être des chrétiens qui consolent, qui portent les poids des autres, qui encouragent : annonciateurs de vie en temps de mort ! En chaque Galilée, en chaque région de cette humanité à laquelle nous appartenons et qui nous appartient, parce que nous sommes tous frères et sœurs, portons le chant de la vie ! Faisons taire le cri de mort, ça suffit les guerres ! Que s’arrête la production et le commerce des armes, parce que c’est de pain et non de fusils dont nous avons besoin. Que cessent les avortements, qui tuent la vie innocente. Que s’ouvrent les cœurs de ceux qui ont, pour remplir les mains vides de ceux qui sont privés du nécessaire.

Les femmes, à la fin, « embrassèrent les pieds » de Jésus (Mt 28, 9), ces pieds qui pour venir à leur rencontre avaient fait un long chemin, jusqu’à entrer et sortir de la tombe. Elles embrassèrent les pieds qui avaient piétiné la mort et ouvert le chemin de l’espérance. Nous, pèlerins en recherche d’espérance, aujourd’hui nous nous serrons contre toi, Jésus Ressuscité. Nous tournons le dos à la mort et nous t’ouvrons nos cœurs, toi qui es la Vie.

Basilique vaticane
Samedi saint, 11 avril 2020

(vatican.va)

MESSE DE LA CÈNE DU SEIGNEUR

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

L’Eucharistie, le service, l’onction

La réalité que nous vivons aujourd’hui, en cette célébration : le Seigneur qui veut rester avec nous dans l’Eucharistie. Et nous devenons toujours davantage des tabernacles du Seigneur, nous portons le Seigneur avec nous, au point qu’il nous dit lui-même que si nous ne mangeons pas son corps et ne buvons pas son sang, nous n’entrerons pas dans le Royaume des Cieux. C’est le mystère du pain et du vin, du Seigneur avec nous, en nous, à l’intérieur de nous.

Le service. Ce geste qui est la condition pour entrer dans le Royaume des Cieux. Servir, oui, tous. Mais le Seigneur, dans cet échange de paroles qu’il a eu avec Pierre (cf. Jn 13, 6-9), lui fait comprendre que, pour entrer dans le Royaume des Cieux, nous devons permettre au Seigneur de nous servir, permettre que le Serviteur de Dieu soit notre serviteur. Et cela est difficile à comprendre. Si je ne permets pas que le Seigneur soit mon serviteur, que le Seigneur me lave, me fasse grandir, me pardonne, je n’entrerai pas dans le Royaume des Cieux.

Et le sacerdoce. Je voudrais aujourd’hui être proche des prêtres, de tous les prêtres, du dernier ordonné jusqu’au Pape. Nous sommes tous prêtres. Les évêques, tous… Nous sommes oints, oints par le Seigneur ; oints pour faire l’Eucharistie, oints pour servir.

Aujourd’hui il n’y a pas la Messe Chrismale – j’espère que nous pourrons l’avoir avant la Pentecôte, autrement nous devrons la renvoyer à l’année prochaine -, mais je ne peux pas laisser passer cette Messe sans rappeler les prêtres. Les prêtres qui offrent leur vie pour le Seigneur, les prêtres qui sont des serviteurs. Ces jours-ci plus de 60 sont morts ici, en Italie, dans l’attention portée au malade dans les hôpitaux, avec les médecins, les infirmiers, les infirmières… Ils sont les “saints de la porte d’à côté”, des prêtres qui ont donné leur vie en servant. Et je pense à ceux qui sont loin. J’ai reçu aujourd’hui la lettre d’un prêtre, aumônier d’une prison lointaine, qui raconte comment il vit cette Semaine Sainte avec les détenus. Un franciscain. Des prêtres qui partent loin pour porter l’Evangile et qui meurent là. Un évêque disait que la première chose qu’il faisait, lorsqu’il arrivait dans un lieu de mission, c’était d’aller au cimetière, sur la tombe des prêtres qui ont laissé la vie, en raison des maladies du lieu : les prêtres anonymes. Les curés de campagne, qui sont curés de 4, 5, 7 villages, en montagne, et vont de l’un à l’autre, qui connaissent les gens… Une fois, l’un d’eux me disait qu’il connaissait le nom de tout le monde dans les villages. “Vraiment ?” lui ai-je dit. Et lui m’a dit : “aussi le nom des chiens !”. Ils connaissent tout le monde. La proximité sacerdotale. Bons, bons prêtres.

Aujourd’hui, je vous porte dans mon cœur et je vous porte à l’autel. Prêtres calomniés. Cela arrive souvent aujourd’hui, ils ne peuvent pas aller dans la rue car on leur dit des méchancetés, à cause du drame que nous avons vécu dans la découverte des prêtres qui ont fait des choses horribles. Certains me disaient qu’ils ne peuvent pas sortir de chez eux en clergyman car ils se font insulter ; et eux, continuent. Prêtres pécheurs, qui, avec les évêques et avec le Pape, pécheurs, n’oublient pas de demander pardon, et apprennent à pardonner, car ils savent qu’ils ont besoin de demander pardon et de pardonner. Nous sommes tous pécheurs. Prêtres qui souffrent des crises, qui ne savent que faire, qui sont dans l’obscurité…

Vous-tous, aujourd’hui, frères prêtres, vous êtes avec moi sur l’autel, vous qui êtes consacrés. Je vous dis une seule chose : se soyez pas entêtés comme Pierre. Laissez-vous laver les pieds. Le Seigneur est votre serviteur, il est proche de vous pour vous donner la force, pour vous laver les pieds.

Et ainsi, avec la conscience de cette nécessité d’être lavés, soyez de grands pardonneurs ! Pardonnez ! le cœur plein de générosité dans le pardon. C’est la mesure avec laquelle nous serons évalués. Comme tu as pardonné, tu seras pardonné : la même mesure. N’ayez pas peur de pardonner. Il y a parfois des doutes… regardez le Crucifié. Là se trouve le pardon de tous. Soyez courageux ; également dans le risque de pardonner, pour consoler. Et si vous ne pouvez pas donner le pardon sacramentel à ce moment-là, donnez au moins la consolation d’un frère qui accompagne et qui laisse la porte ouverte afin que cette personne revienne.

Je remercie Dieu pour la grâce du sacerdoce ; nous tous, remercions. Je remercie Dieu pour vous, prêtres. Jésus vous aime ! Il veut seulement que vous vous laissiez laver les pieds.

Basilique Saint-Pierre - Autel de la Chaire
Jeudi Saint, 9 avril 2020

(vatican.va)

MOMENT EXTRAORDINAIRE DE PRIERE EN TEMPS DE EPIDEMIE PRESIDE PAR LE PAPE FRANÇOIS

« Le soir venu » (Mc 4, 35). Ainsi commence l’Evangile que nous avons écouté. Depuis des semaines, la nuit semble tomber. D’épaisses ténèbres couvrent nos places, nos routes et nos villes ; elles se sont emparées de nos vies en remplissant tout d’un silence assourdissant et d’un vide désolant, qui paralyse tout sur son passage : cela se sent dans l’air, cela se ressent dans les gestes, les regards le disent. Nous nous retrouvons apeurés et perdus. Comme les disciples de l’Evangile, nous avons été pris au dépourvu par une tempête inattendue et furieuse. Nous nous nous rendons compte que nous nous trouvons dans la même barque, tous fragiles et désorientés, mais en même temps tous importants et nécessaires, tous appelés à ramer ensemble, tous ayant besoin de nous réconforter mutuellement. Dans cette barque… nous nous trouvons tous. Comme ces disciples qui parlent d’une seule voix et dans l’angoisse disent : « Nous sommes perdus » (v. 38), nous aussi, nous nous nous apercevons que nous ne pouvons pas aller de l’avant chacun tout seul, mais seulement ensemble.

Il est facile de nous retrouver dans ce récit. Ce qui est difficile, c’est de comprendre le comportement de Jésus. Alors que les disciples sont naturellement inquiets et désespérés, il est à l’arrière, à l’endroit de la barque qui coulera en premier. Et que fait-il ? Malgré tout le bruit, il dort serein, confiant dans le Père – c’est la seule fois où, dans l’Evangile, nous voyons Jésus dormir –. Puis, quand il est réveillé, après avoir calmé le vent et les eaux, il s’adresse aux disciples sur un ton de reproche : « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? » (v. 40).

Cherchons à comprendre. En quoi consiste le manque de foi de la part des disciples, qui s’oppose à la confiance de Jésus ? Ils n’avaient pas cessé de croire en lui. En effet, ils l’invoquent. Mais voyons comment ils l’invoquent : « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? » (v. 38). Cela ne te fait rien : ils pensent que Jésus se désintéresse d’eux, qu’il ne se soucie pas d’eux. Entre nous, dans nos familles, l’une des choses qui fait le plus mal, c’est quand nous nous entendons dire : "Tu ne te soucies pas de moi ?". C’est une phrase qui blesse et déclenche des tempêtes dans le cœur. Cela aura aussi touché Jésus, car lui, plus que personne, tient à nous. En effet, une fois invoqué, il sauve ses disciples découragés.

La tempête démasque notre vulnérabilité et révèle ces sécurités, fausses et superflues, avec lesquelles nous avons construit nos agendas, nos projets, nos habitudes et priorités. Elle nous démontre comment nous avons laissé endormi et abandonné ce qui alimente, soutient et donne force à notre vie ainsi qu’à notre communauté. La tempête révèle toutes les intentions d’"emballer" et d’oublier ce qui a nourri l’âme de nos peuples, toutes ces tentatives d’anesthésier avec des habitudes apparemment "salvatrices", incapables de faire appel à nos racines et d’évoquer la mémoire de nos anciens, en nous privant ainsi de l’immunité nécessaire pour affronter l’adversité.

À la faveur de la tempête, est tombé le maquillage des stéréotypes avec lequel nous cachions nos "ego" toujours préoccupés de leur image ; et reste manifeste, encore une fois, cette appartenance commune (bénie), à laquelle nous ne pouvons pas nous soustraire : le fait d’être frères.

« Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? ». Seigneur, ce soir, ta Parole nous touche et nous concerne tous. Dans notre monde, que tu aimes plus que nous, nous sommes allés de l’avant à toute vitesse, en nous sentant forts et capables dans tous les domaines. Avides de gains, nous nous sommes laissé absorber par les choses et étourdir par la hâte. Nous ne nous sommes pas arrêtés face à tes rappels, nous ne nous sommes pas réveillés face à des guerres et à des injustices planétaires, nous n’avons pas écouté le cri des pauvres et de notre planète gravement malade. Nous avons continué notre route, imperturbables, en pensant rester toujours sains dans un monde malade. Maintenant, alors que nous sommes dans une mer agitée, nous t’implorons : "Réveille-toi Seigneur !".

« Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? ». Seigneur, tu nous adresses un appel, un appel à la foi qui ne consiste pas tant à croire que tu existes, mais à aller vers toi et à se fier à toi. Durant ce Carême, ton appel urgent résonne : "Convertissez-vous", « Revenez à moi de tout votre cœur » (Jl 2, 12). Tu nous invites à saisir ce temps d’épreuve comme un temps de choix. Ce n’est pas le temps de ton jugement, mais celui de notre jugement : le temps de choisir ce qui importe et ce qui passe, de séparer ce qui est nécessaire de ce qui ne l’est pas. C’est le temps de réorienter la route de la vie vers toi, Seigneur, et vers les autres. Et nous pouvons voir de nombreux compagnons de voyage exemplaires qui, dans cette peur, ont réagi en donnant leur vie. C’est la force agissante de l’Esprit déversée et transformée en courageux et généreux dévouements. C’est la vie de l’Esprit capable de racheter, de valoriser et de montrer comment nos vies sont tissées et soutenues par des personnes ordinaires, souvent oubliées, qui ne font pas la une des journaux et des revues ni n’apparaissent dans les grands défilés du dernier show mais qui, sans aucun doute, sont en train d’écrire aujourd’hui les évènements décisifs de notre histoire : médecins, infirmiers et infirmières, employés de supermarchés, agents d’entretien, fournisseurs de soin à domicile, transporteurs, forces de l’ordre, volontaires, prêtres, religieuses et tant et tant d’autres qui ont compris que personne ne se sauve tout seul. Face à la souffrance, où se mesure le vrai développement de nos peuples, nous découvrons et nous expérimentons la prière sacerdotale de Jésus : « Que tous soient un » (Jn 17, 21). Que de personnes font preuve chaque jour de patience et insuffle l’espérance, en veillant à ne pas créer la panique mais la coresponsabilité ! Que de pères, de mères, de grands-pères et de grands-mères, que d’enseignants montrent à nos enfants, par des gestes simples et quotidiens, comment affronter et traverser une crise en réadaptant les habitudes, en levant les regards et en stimulant la prière ! Que de personnes prient, offrent et intercèdent pour le bien de tous. La prière et le service discret : ce sont nos armes gagnantes !

« Pourquoi avez-vous peur ? N’avez-vous pas encore la foi ? ». Le début de la foi, c’est de savoir qu’on a besoin de salut. Nous ne sommes pas autosuffisants ; seuls, nous faisons naufrage : nous avons besoin du Seigneur, comme les anciens navigateurs, des étoiles. Invitons Jésus dans les barques de nos vies. Confions-lui nos peurs, pour qu’il puisse les vaincre. Comme les disciples, nous ferons l’expérience qu’avec lui à bord, on ne fait pas naufrage. Car voici la force de Dieu : orienter vers le bien tout ce qui nous arrive, même les choses tristes. Il apporte la sérénité dans nos tempêtes, car avec Dieu la vie ne meurt jamais.

Le Seigneur nous interpelle et, au milieu de notre tempête, il nous invite à réveiller puis à activer la solidarité et l’espérance capables de donner stabilité, soutien et sens en ces heures où tout semble faire naufrage. Le Seigneur se réveille pour réveiller et raviver notre foi pascale. Nous avons une ancre : par sa croix, nous avons été sauvés. Nous avons un gouvernail : par sa croix, nous avons été rachetés. Nous avons une espérance : par sa croix, nous avons été rénovés et embrassés afin que rien ni personne ne nous sépare de son amour rédempteur. Dans l’isolement où nous souffrons du manque d’affections et de rencontres, en faisant l’expérience du manque de beaucoup de choses, écoutons une fois encore l’annonce qui nous sauve : il est ressuscité et vit à nos côtés. Le Seigneur nous exhorte de sa croix à retrouver la vie qui nous attend, à regarder vers ceux qui nous sollicitent, à renforcer, reconnaître et stimuler la grâce qui nous habite. N’éteignons pas la flamme qui faiblit (cf. Is 42, 3) qui ne s’altère jamais, et laissons-la rallumer l’espérance.

Embrasser la croix, c’est trouver le courage d’embrasser toutes les contrariétés du temps présent, en abandonnant un moment notre soif de toute puissance et de possession, pour faire place à la créativité que seul l’Esprit est capable de susciter. C’est trouver le courage d’ouvrir des espaces où tous peuvent se sentir appelés, et permettre de nouvelles formes d’hospitalité et de fraternité ainsi que de solidarité. Par sa croix, nous avons été sauvés pour accueillir l’espérance et permettre que ce soit elle qui renforce et soutienne toutes les mesures et toutes les pistes possibles qui puissent aider à nous préserver et à sauvegarder. Étreindre le Seigneur pour embrasser l’espérance, voilà la force de la foi, qui libère de la peur et donne de l’espérance.

« Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? » Chers frères et sœurs, de ce lieu, qui raconte la foi, solide comme le roc, de Pierre, je voudrais ce soir vous confier tous au Seigneur, par l’intercession de la Vierge, salut de son peuple, étoile de la mer dans la tempête. Que, de cette colonnade qui embrasse Rome et le monde, descende sur vous, comme une étreinte consolante, la bénédiction de Dieu. Seigneur, bénis le monde, donne la santé aux corps et le réconfort aux cœurs. Tu nous demandes de ne pas avoir peur. Mais notre foi est faible et nous sommes craintifs. Mais toi, Seigneur, ne nous laisse pas à la merci de la tempête. Redis encore : « N’ayez pas peur » (Mt 28, 5). Et nous, avec Pierre, "nous nous déchargeons sur toi de tous nos soucis, car tu prends soin de nous" (cf. 1P 5, 7).

Parvis de la basilique Saint-Pierre
Vendredi 27 mars 2020

(vatican.va)

APPEL DU PAPE FRANçOIS À RÉPONDRE À LA PANDÉMIE AU TRAVERS DE « L’UNIVERSALITÉ DE LA PRIÈRE, DE LA COMPASSION, DE LA TENDRESSE »

Cité du Vatican (Agence Fides) – « A la pandémie du virus, nous désirons répondre au travers de l'universalité de la prière, de la compassion, de la tendresse » a déclaré le Pape François au terme de l'Angelus d'hier, Dimanche 22 mars, récité en la Bibliothèque du Palais apostolique, comme cela est le cas depuis quelque temps à cause de la situation d'urgence sanitaire en cours.
« En ces jours d'épreuve, alors que l'humanité tremble à cause de la menace de la pandémie, je voudrais proposer à tous les chrétiens d'unir leurs voix vers le Ciel – a indiqué le Saint-Père. J'invite tous les chefs des Eglises et les responsables de toutes les communautés chrétiennes, ainsi que tous les chrétiens des différentes confessions, à invoquer le Très-Haut, Dieu Tout-Puissant, en récitant simultanément la prière que Jésus Notre Seigneur nous a enseigné. J'invite donc tout un chacun à le faire plusieurs fois par jour mais, tous ensemble, à réciter le Notre Père mercredi prochain, 25 mars, à midi, tous ensemble. En ce jour où de nombreux chrétiens font mémoire de l'Annonce faite à la Très Sainte Vierge Marie de l'Incarnation du Verbe, puisse le Seigneur écouter la prière unanime de tous Ses disciples qui se préparent à célébrer la victoire du Christ ressuscité ».
Une deuxième initiative a été également annoncée par le Souverain Pontife. « Dans cette même intention, vendredi prochain, 27 mars, à 18.00, je présiderai un moment de prière sur le parvis de la Basilique Saint-Pierre, devant la place vide. Dès à présent, je vous invite tous à participer spirituellement au travers des moyens de communication. Nous écouterons la Parole de Dieu, élèverons notre prière, adorerons le Très Saint Sacrement, avec Lequel, à la fin, je donnerai la Bénédiction Urbi et Orbi, à laquelle sera liée la possibilité de recevoir l'indulgence plénière ».
Le Pape François a enfin exhorté à « demeurer unis » et à « faire entendre notre proximité » aux personnes les plus seules et les plus éprouvées, aux médecins, aux opérateurs sanitaires, aux infirmiers et infirmières, aux bénévoles... aux autorités qui doivent prendre des mesures dures mais pour notre bien, aux agents de police, aux militaires. Proximité vis-à-vis de tous ». (SL) (Agence Fides 23/03/2020)

MESSE, BÉNÉDICTION ET IMPOSITION DES CENDRES

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Nous commençons le Carême en recevant les cendres : « Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras à la poussière » (cf. Gn 3, 19). La poussière sur la tête nous ramène à la terre, elle nous rappelle que nous venons de la terre et qu’en terre nous retournerons. Cela veut dire que nous sommes faibles, fragiles, mortels. Dans le cours des siècles et des millénaires, nous sommes de passage ; devant l’immensité des galaxies et de l’espace nous sommes minuscules. Nous sommes poussière dans l’univers. Mais nous sommes la poussière aimée de Dieu. Le Seigneur a aimé recueillir notre poussière dans ses mains et y insuffler son haleine de vie (cf. Gn 2, 7). Nous sommes ainsi une poussière précieuse, destinée à vivre pour toujours. Nous sommes la terre sur laquelle Dieu a versé son ciel, la poussière qui contient ses rêves. Nous sommes l’espérance de Dieu, son trésor, sa gloire.

La cendre nous rappelle ainsi le parcours de notre existence : de la poussière à la vie. Nous sommes poussière, terre, argile, mais si nous nous laissons modeler par les mains de Dieu nous devenons une merveille. Et cependant, souvent, surtout dans les difficultés et dans la solitude, nous ne voyons que notre poussière ! Mais le Seigneur nous encourage : le peu que nous sommes a une valeur infinie à ses yeux. Courage, nous sommes nés pour être aimés, nous sommes nés pour être enfants de Dieu.

Chers frères et sœurs, au début du Carême rendons-nous compte de cela. Parce que le Carême n’est pas un temps pour verser sur les gens un moralisme inutile, mais pour reconnaître que nos pauvres cendres sont aimées de Dieu. Il est un temps de grâce, pour accueillir le regard d’amour de Dieu sur nous et, regardés de la sorte, changer de vie. Nous sommes au monde pour marcher de la cendre à la vie. Alors, ne réduisons pas l’espérance en poussière, n’incinérons pas le rêve que Dieu a sur nous. Ne cédons pas à la résignation. Et toi tu dis “Comment puis-je avoir confiance ? Le monde va mal, la peur se répand, il y a beaucoup de méchanceté et la société se déchristianise…” Mais tu ne crois pas que Dieu peut transformer notre poussière en gloire ?

La cendre que nous recevons sur la tête ébranle les pensées que nous avons. Elle nous rappelle que, enfants de Dieu, nous ne pouvons pas vivre pour suivre la poussière qui disparait. Une question peut descendre de la tête vers cœur : “Moi, qu’est-ce qui me fait vivre ? ” Si je vis pour les choses du monde qui passent, je retourne à la poussière, je renie ce que Dieu a fait en moi. Si je vis seulement pour rapporter à la maison un peu d’argent et me divertir, pour chercher un peu de prestige, faire un peu carrière, je vis de poussière. Si je juge mal la vie seulement parce que je ne suis pas pris suffisamment en considération ou que je ne reçois pas des autres ce que je crois mériter, je reste encore à regarder la poussière.

Nous ne sommes pas au monde pour cela. Nous vallons beaucoup plus, nous vivons pour beaucoup plus : pour réaliser le rêve de Dieu, pour aimer. Les cendres sont mises sur notre tête pour que le feu de l’amour s’allume dans nos cœurs. Car nous sommes citoyens du ciel et l’amour envers Dieu et le prochain est le passeport pour le ciel, c’est notre passeport. Les biens terrestres que nous possédons ne nous serviront pas, ils sont poussière qui disparaît, mais l’amour que nous donnons – en famille, au travail, dans l’Eglise, dans le monde – nous sauvera, il restera pour toujours.

Les cendres que nous recevons nous rappellent un second parcours, inverse, celui qui va de la vie à la poussière. Nous regardons tout autour et nous voyons des poussières de mort. Des vies réduites en cendres. Des décombres, des destructions, la guerre. Des vies de petits innocents non accueillis, des vies de pauvres rejetés, des vies de personnes âgées mises à l’écart. Nous continuons à nous détruire, à nous faire retourner en poussière. Et que de poussière il y a dans nos relations ! Regardons chez nous, dans les familles : que de disputes, que d’incapacités à désarmer les conflits, que de difficultés à s’excuser, à pardonner, à repartir, alors qu’avec tant de facilité nous réclamons nos espaces et nos droits. Il y a beaucoup de poussière qui salit l’amour et affaiblit la vie. Même dans l’Eglise, la maison de Dieu, nous avons laissé se déposer beaucoup de poussière, la poussière de la mondanité.

Et regardons-nous à l’intérieur, dans le cœur : que de fois nous étouffons le feu de Dieu avec la cendre de l’hypocrisie ! L’hypocrisie : c’est la saleté que Jésus, aujourd’hui dans l’Evangile, demande d’enlever. En effet, le Seigneur ne dit pas seulement d’accomplir des œuvres de charité, de prier, de jeûner, mais de faire tout cela sans feintes, sans duplicités, sans hypocrisie (cf. Mt 6, 2.5.16). Que de fois, en revanche, nous faisons quelque chose pour être approuvés, pour notre image, pour notre ego ! Que de fois nous nous proclamons chrétiens et dans le cœur nous cédons sans problème aux passions qui nous rendent esclaves ! Que de fois nous prêchons une chose et en faisons une autre ! Que de fois nous nous montrons bons au dehors et nourrissons des rancunes au-dedans ! Que de duplicités nous avons dans le cœur… c’est la poussière qui salit, les cendres qui étouffent le feu de l’amour.

Nous avons besoin de nettoyer la poussière qui se dépose sur le cœur. Comment faire ? L’appel pressant de saint Paul dans la seconde lecture nous aide : « Laissez-vous réconcilier avec Dieu ! » Paul ne demande pas, il supplie : « Nous vous le demandons au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2Co 5, 20). Nous aurions dit “Réconciliez-vous avez Dieu”. Mais non, il utilise le passif : laissez-vous réconcilier. Parce que la sainteté n’est pas notre activité, elle est une grâce ! Parce que, seuls, nous ne sommes pas capables d’enlever la poussière qui salit notre cœur. Parce que seul Jésus, qui connaît et aime notre cœur, peut le guérir. Le Carême est le temps de la guérison.

Que faut-il donc faire ? Sur le chemin vers Pâques nous pouvons accomplir deux passages : le premier, de la poussière à la vie, de notre humanité fragile à l’humanité de Jésus qui nous guérit. Nous pouvons nous mettre devant le Crucifié, rester là, regarder et répéter : “Jésus, tu m’aimes, transforme-moi… Jésus, tu m’aimes, transforme-moi…” Et après avoir accueilli son amour, après avoir pleuré devant cet amour, le second passage, pour ne pas retomber de la vie à la poussière. Aller recevoir le pardon de Dieu, dans la confession, parce que là, le feu de l’amour de Dieu consume la cendre de notre péché. L’étreinte du Père dans la Confession nous renouvelle à l’intérieur, nous nettoie le cœur. Laissons-nous réconcilier pour vivre comme des enfants aimés, comme des pécheurs pardonnés, comme des malades guéris, comme des voyageurs accompagnés. Laissons-nous aimer pour aimer. Laissons-nous relever, pour marcher vers le but, Pâques. Nous aurons la joie de découvrir que Dieu nous ressuscite de nos cendres.

Basilique Sainte-Sabine
Mercredi, 26 février 2020

(vatican.va)

MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS À L'OCCASION DE LA XXVIIIE JOURNÉE MONDIALE DU MALADE 2020

« Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau,
et moi je vous soulagerai » (Mt 11, 28)



Chers frères et sœurs,

1. Les paroles que Jésus prononce : « Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai » (Mt 11, 28) indiquent le mystérieux chemin de la grâce qui se révèle aux simples et qui offre un soulagement à ceux qui peinent et qui sont fatigués. Ces mots expriment la solidarité du Fils de l’homme, Jésus-Christ, face à une humanité affligée et souffrante. Que de personnes souffrent dans leur corps et dans leur esprit ! Il appelle tous les hommes à aller vers lui, « venez à moi », et il leur promet soulagement et repos. « Quand Jésus dit cela, il a face à lui les personnes qu’il rencontre chaque jour sur les routes de Galilée : tant de gens simples, pauvres, malades, pécheurs, exclus par le poids de la loi et du système social oppressif... Ces personnes l’ont sans cesse poursuivi pour écouter sa parole – une parole qui donnait l’espérance » (Angélus, 6 juillet 2014).

En cette XXVIIIème Journée Mondiale du Malade, Jésus adresse son invitation aux malades et aux opprimés, aux pauvres qui savent bien qu’ils dépendent entièrement de Dieu et qui, blessés par le poids des épreuves, ont besoin de guérison. Jésus-Christ, n’impose pas de lois à ceux qui vivent l’angoisse de leur propre situation de fragilité, de douleur et de faiblesse, mais il offre sa miséricorde, c’est-à-dire sa personne qui les réconforte. Jésus regarde l’humanité blessée. Lui, il a des yeux qui voient, qui s’aperçoivent, car ils regardent en profondeur. Il ne s’agit pas d’un regard rapide et indifférent, mais qui s’attarde et accueille tout l’homme, tout homme, dans sa condition de santé, sans écarter personne, mais en invitant chacun à entrer dans sa vie pour faire une expérience de tendresse.

2. Pourquoi Jésus-Christ nourrit-il ces sentiments ? Parce qu’il s’est fait faible lui-même, faisant ainsi l’expérience de la souffrance humaine et recevant à son tour le réconfort du Père. De fait, seul celui qui fait personnellement cette expérience saura être un réconfort pour l’autre. Il existe diverses formes graves de souffrance : les maladies incurables et chroniques, les pathologies psychiques, celles qui nécessitent de la rééducation ou des soins palliatifs, les divers handicaps, les maladies de l’enfance et de la vieillesse… Dans ces circonstances, on ressent parfois un manque d’humanité et il apparaît alors nécessaire de personnaliser l’approche à l’égard du malade, non plus seulement en soignant mais aussi en prenant soin, pour une guérison humaine intégrale. Lorsqu’elle est malade, la personne ressent que, non seulement son intégrité physique est compromise, mais aussi ses dimensions relationnelle, intellectuelle, affective et spirituelle. Elle attend donc, en plus des thérapies, un soutien, une sollicitude, une attention… en somme, de l’amour. En outre, aux côtés du malade, il y a une famille qui souffre et qui demande, elle aussi, réconfort et proximité.

3. Chers frères et sœurs malades, la maladie vous place d’une façon toute particulière parmi ceux qui sont « fatigués et opprimés », ceux qui attirent le regard et le cœur de Jésus. C’est de là que vient la lumière pour vos moments d’obscurité, l’espérance pour votre réconfort. Il vous invite à aller à lui : « Venez ». En lui, en effet, les inquiétudes et les interrogations qui surgissent en vous, dans cette “ nuit ” du corps et de l’esprit, trouveront de la force pour être traversées. Certes, le Christ ne nous a pas donné de recettes, mais, par sa passion, sa mort et sa résurrection, il nous libère de l’oppression du mal.

Dans votre condition, vous avez certainement besoin d’un lieu pour vous réconforter. L’Église veut être toujours davantage et toujours mieux l’“ auberge ” du bon Samaritain qu’est le Christ (cf. Lc 10, 34), à savoir la maison où vous pouvez trouver sa grâce, qui s’exprime par la familiarité, l’accueil, le soulagement. Dans cette maison, vous pourrez rencontrer des personnes qui, guéries par la miséricorde de Dieu dans leur fragilité, sauront vous aider à porter la croix en faisant de leurs propres blessures des ouvertures par lesquelles regarder l’horizon au-delà de la maladie et recevoir la lumière et l’air pour votre vie.

C’est dans cette œuvre de réconfort envers les frères malades que se situe le service du personnel de santé, médecin, infirmiers, agents sanitaires et administratifs, aides-soignants et volontaires qui, par leur compétence, agissent en faisant sentir la présence du Christ, qui offre sa consolation et se charge de la personne malade en soignant ses blessures. Mais, eux aussi, sont des hommes et des femmes, avec leurs fragilités et leurs maladies. Pour eux, en particulier, s’applique ce propos selon lequel « une fois que nous avons reçu le repos et le réconfort du Christ, nous sommes appelés à notre tour à devenir repos et réconfort pour nos frères, avec une attitude douce et humble, à l’imitation du Maître » (Angélus, 6 juillet 2014).

4. Chers agents du monde de la santé, toute intervention diagnostique, préventive, thérapeutique, de recherche, de soin et de rééducation, s’adresse à la personne malade, où le substantif “ personne ” prime toujours sur l’adjectif “ malade ”. Par conséquent, votre action doit tendre constamment à la dignité et à la vie de la personne, sans jamais céder à des actes de nature euthanasiste, de suicide assisté ou de suppression de la vie, pas même quand le stade de la maladie est irréversible.

Dans l’expérience de la limite et même de l’échec possible de la science médicale face à des cas cliniques toujours plus problématiques et à des diagnostics funestes, vous êtes appelés à vous ouvrir à la dimension transcendante, qui peut vous offrir le sens plénier de votre profession. Rappelons que la vie est sacrée, qu’elle appartient à Dieu et, par conséquent, qu’elle est inviolable et qu’on ne peut en disposer (cf. Instr. Donum vitae, n. 5 ; Enc. Evangelium vitae, n. 29-53). La vie doit être accueillie, protégée, respectée et servie, de la naissance à la mort : c’est à la fois une exigence tant de la raison que de la foi en Dieu auteur de la vie. Dans certains cas, l’objection de conscience est pour vous le choix nécessaire pour rester cohérents au “ oui ” à la vie et à la personne. En tout cas, votre professionnalisme, animé par la charité chrétienne, sera le meilleur service rendu au vrai droit humain : le droit à la vie. Quand vous ne pouvez pas guérir, vous pouvez toujours soigner grâce à des gestes et à des procédures qui apportent soulagement et réconfort au malade.

Hélas, dans certains contextes de guerre et de conflit violent, le personnel de santé et les structures qui s’occupent de l’accueil et de l’assistance des malades sont pris pour cibles. Dans certaines zones, le pouvoir politique aussi prétend manipuler l’assistance médicale en sa faveur, limitant la juste autonomie de la profession sanitaire. En réalité, attaquer ceux qui se consacrent au service des membres souffrants du corps social ne profite à personne.

5. En cette XXVIIIème Journée Mondiale du Malade, je pense aux nombreux frères et sœurs qui, dans le monde entier, n’ont pas la possibilité d’accéder aux soins, parce qu’ils vivent dans la pauvreté. Je m’adresse donc aux institutions sanitaires et aux Gouvernants de tous les pays du monde, afin qu’ils ne négligent pas la justice sociale au profit de l’aspect économique. Je souhaite qu’en conjuguant les principes de solidarité et de subsidiarité, il soit possible de coopérer pour que tous aient accès aux soins appropriés pour sauvegarder et retrouver la santé. Je remercie de tout cœur les volontaires qui se mettent au service des malades, en allant souvent suppléer les carences structurelles et en reflétant, par des gestes de tendresse et de proximité, l’image du Christ bon Samaritain.

Je confie à la Vierge Marie, Santé des malades, toutes les personnes qui portent le poids de la maladie, avec leurs familles, ainsi que tous les personnels de santé. Je vous assure que je suis proche de vous tous dans la prière et je vous envoie de grand cœur la Bénédiction apostolique.

Du Vatican, le 3 janvier 2020, Mémoire du Saint Nom de Jésus.

François

11 février 2020

(vatican.va)

MESSE EN LA SOLENNITÉ DE L'ÉPIPHANIE DU SEIGNEUR

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Dans l’Evangile (Mt 2, 1-12), nous avons entendu que les Mages commencent par manifester leurs intentions: « Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui » (v. 2). Adorer est l’objectif de leur parcours, le but de leur cheminement. En effet, arrivés à Bethléem, « ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, ils se prosternèrent devant lui » (v. 11). Si nous perdons le sens de l’adoration, nous perdons le sens de la marche de la vie chrétienne, qui est un cheminement vers le Seigneur, non pas vers nous. C’est le risque contre lequel l’Evangile nous met en garde, en présentant, à côté des Mages, des personnages qui n’arrivent pas à adorer.

Il y a surtout le roi Hérode, qui utilise le verbe adorer, mais avec une intention fallacieuse. Il demande, en effet, aux Mages de l’informer sur le lieu où se trouve l’Enfant « pour que – dit-il – j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui » (v. 8). En réalité, Hérode n’adorait que lui-même, et c’est pourquoi il voulait se libérer de l’Enfant par le mensonge. Qu’est-ce que cela nous enseigne ? Que l’homme, quand il n’adore pas Dieu, est amené à adorer son moi. Et même la vie chrétienne, sans adorer le Seigneur, peut devenir un moyen raffiné pour s’affirmer soi-même et son talent : des chrétiens qui ne savent pas adorer, qui ne savent pas prier en adorant. C’est un risque sérieux : nous servir de Dieu plutôt que de servir Dieu. Combien de fois n’avons-nous pas échangé les intérêts de l’Evangile avec les nôtres, combien de fois n’avons-nous pas couvert de religiosité ce qui nous arrangeait, combien de fois n’avons-nous pas confondu le pouvoir selon Dieu, qui est de servir les autres, avec le pouvoir selon le monde, qui est de se servir soi-même !

En plus d’Hérode, il y a d’autres personnes dans l’Evangile qui n’arrivent pas à adorer : ce sont les chefs des prêtres et les scribes du peuple. Ils indiquent à Hérode, avec une précision extrême, où serait né le Messie : à Bethléem de Judée (cf. v. 5). Ils connaissent les prophéties et les citent avec exactitude. Ils savent où aller – des grands théologiens, des grands ! –, mais n’y vont pas. De cela aussi, nous pouvons tirer un enseignement. Dans la vie chrétienne, il ne suffit pas de savoir : sans sortir de soi-même, sans rencontrer, sans adorer, on ne connaît pas Dieu. La théologie et l’efficacité pastorale servent à peu de choses ou même à rien si on ne plie pas les genoux ; si on ne fait pas comme les Mages, qui ne furent pas seulement des savants organisateurs d’un voyage, mais qui marchèrent et adorèrent. Quand on adore, on se rend compte que la foi ne se réduit pas à un ensemble de belles doctrines, mais qu’elle est la relation avec une Personne vivante à aimer. C’est en étant face à face avec Jésus que nous en connaissons le visage. En adorant, nous découvrons que la vie chrétienne est une histoire d’amour avec Dieu, où les bonnes idées ne suffisent pas, mais qu’il faut lui accorder la priorité, comme le fait un amoureux avec la personne qu’il aime. C’est ainsi que l’Eglise doit être, une adoratrice amoureuse de Jésus son époux.

Au début de l’année, redécouvrons l’adoration comme une exigence de la foi. Si nous savons nous agenouiller devant Jésus, nous vaincrons la tentation de continuer à marcher chacun de son côté. Adorer, en effet, c’est accomplir un exode depuis l’esclavage le plus grand, celui de soi-même. Adorer, c’est mettre le Seigneur au centre pour ne pas être centrés sur nous-mêmes. C’est remettre les choses à leur place, en laissant à Dieu la première place. Adorer, c’est mettre les plans de Dieu avant mon temps, mes droits, mes espaces. C’est accueillir l’enseignement de l’Ecriture : « C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras » (Mt 4, 10). Ton Dieu : adorer c’est se sentir de appartenir mutuellement avec Dieu. C’est lui dire “tu” dans l’intimité, c’est lui apporter notre vie en lui permettant d’entrer dans nos vies. C’est faire descendre sa consolation sur le monde. Adorer, c’est découvrir que, pour prier, il suffit de dire : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » (Jn 20, 28), et se laisser envahir par sa tendresse.

Adorer, c’est rencontrer Jésus sans une liste des demandes, mais avec l’unique demande de demeurer avec lui. C’est découvrir que la joie et la paix grandissent avec la louange et l’action de grâce. Quand nous adorons, nous permettons à Jésus de nous guérir et de nous changer. En adorant, nous donnons au Seigneur la possibilité de nous transformer avec son amour, d’illuminer nos obscurités, de nous donner la force dans la faiblesse et le courage dans les épreuves. Adorer, c’est aller à l’essentiel : c’est la voie pour nous désintoxiquer de nombreuses choses inutiles, des dépendances qui anesthésient le cœur et engourdissent l’esprit. En adorant, en effet, on apprend à refuser ce qu’il ne faut pas adorer : le dieu argent, le dieu consommation, le dieu plaisir, le dieu succès, notre moi érigé en dieu. Adorer, c’est se faire petit en présence du Très Haut, pour découvrir devant Lui que la grandeur de la vie ne consiste pas dans l’avoir, mais dans le fait d’aimer. Adorer, c’est nous redécouvrir frères et sœurs devant le mystère de l’amour qui surmonte toute distance : c’est puiser le bien à la source, c’est trouver dans le Dieu proche le courage d’approcher les autres. Adorer, c’est savoir se taire devant le Verbe divin, pour apprendre à dire des paroles qui ne blessent pas, mais qui consolent.

Adorer, c’est un geste d’amour qui change la vie. C’est faire comme les Mages : c’est apporter au Seigneur l’or, pour lui dire que rien n’est plus précieux que lui ; c’est lui offrir l’encens, pour lui dire que c’est seulement avec lui que notre vie s’élève vers le haut ; c’est lui présenter la myrrhe, avec laquelle on oignait les corps blessés et mutilés, pour promettre à Jésus de secourir notre prochain marginalisé et souffrant, parce que là il est présent. D’habitude, nous savons prier – nous demandons, nous remercions le Seigneur –, mais l’Eglise doit encore aller plus loin avec la prière d’adoration, nous devons grandir dans l’adoration. C’est une sagesse que nous devons apprendre tous les jours. Prier en adorant : la prière d’adoration.

Chers frères et sœurs, aujourd’hui chacun de nous peut se demander : “Suis-je un chrétien adorateur ?”. De nombreux chrétiens qui prient ne savent pas adorer. Faisons-nous cette demande. Trouvons du temps pour l’adoration dans nos journées et créons des espaces pour l’adoration dans nos communautés. C’est à nous, comme Eglise, de mettre en pratique les paroles que nous avons priées aujourd’hui dans le Psaume : “Toutes les nations, Seigneur, se prosterneront devant toi”. En adorant, nous aussi, nous découvrirons, comme les Mages, le sens de notre cheminement. Et, comme les Mages, nous expérimenterons « une très grande joie » (Mt 2, 10).

Basilique vaticane
Lundi 6 janvier 2020

(vatican.va)

SOLENNITÉ DE LA NATIVITÉ DU SEIGNEUR

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi » (Is 9, 1). Cette prophétie de la première Lecture s’est réalisée dans l’Evangile : en effet, alors que les bergers veillaient la nuit sur leurs terres, « la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière » (Lc 2, 9). Dans la nuit de la terre est apparue une lumière venant du ciel. Que signifie cette lumière apparue dans l’obscurité ? L’Apôtre Paul nous le suggère, lui qui nous a dit : « La grâce de Dieu est apparue ». La grâce de Dieu, qui « s’est manifestée pour le salut de tous les hommes » (Tt 2, 11), a enveloppé le monde cette nuit.

Mais qu’est-ce que cette grâce ? C’est l’amour divin, l’amour qui transforme la vie, qui renouvelle l’histoire, qui libère du mal, qui répand la paix et la joie. Cette nuit, l’amour de Dieu s’est montré à nous : c’est Jésus. En Jésus, le Très Haut s’est fait petit, pour être aimé de nous. En Jésus, Dieu s’est fait Enfant, pour se laisser embrasser par nous. Mais, nous pouvons encore nous demander, pourquoi saint Paul appelle la venue de Dieu dans le monde “grâce” ? Pour nous dire qu’elle est complètement gratuite. Alors qu’ici sur terre, tout paraît répondre à la logique du donner pour avoir, Dieu arrive gratuitement. Son amour n’est pas négociable : nous n’avons rien fait pour le mériter et nous ne pourrons jamais le récompenser.

La grâce de Dieu est apparue. Cette nuit, nous nous rendons compte que, tandis que nous n’étions pas à la hauteur, Il s’est fait pour nous petitesse ; tandis que nous allions à nos affaires, Il est venu au milieu de nous. Noël nous rappelle que Dieu continue d’aimer tout homme, même le pire. A moi, à toi, à chacun de nous aujourd’hui, il dit : “Je t’aime et je t’aimerai toujours, tu es précieux à mes yeux”. Dieu ne t’aime pas parce que tu penses juste et que tu te comportes bien ; il t’aime et c’est tout. Son amour est inconditionnel, il ne dépend pas de toi. Tu peux avoir des idées erronées, tu peux avoir créé des situations très compliquées, mais le Seigneur ne renonce pas à t’aimer. Combien de fois ne pensons-nous pas que Dieu est bon si nous sommes bons et qu’il nous châtie si nous sommes mauvais. Ce n’est pas ainsi. Dans nos péchés, il continue de nous aimer. Son amour ne change pas, il n’est pas susceptible ; il est fidèle, il est patient. Tel est le don que nous trouvons à Noël : nous découvrons avec stupeur que le Seigneur est toute la gratuité possible, toute la tendresse possible. Sa gloire ne nous aveugle pas, sa présence ne nous effraie pas. Il naît pauvre de tout, pour nous conquérir avec la richesse de son amour.

La grâce de Dieu est apparue. Grâce est synonyme de beauté. Cette nuit, dans la beauté de l’amour de Dieu, nous redécouvrons aussi notre beauté, parce que nous sommes les bien-aimés de Dieu. Dans le bien et dans le mal, dans la santé et dans la maladie, heureux ou tristes, à ses yeux nous apparaissons beaux : non pas pour ce que nous faisons, mais pour ce que nous sommes. Il y a en nous une beauté indélébile, intangible, une beauté irrépressible qui est le noyau de notre être. Aujourd’hui Dieu nous le rappelle, en prenant avec amour notre humanité et en la faisant sienne, “en l’épousant” pour toujours.

Vraiment la « grande joie » annoncée cette nuit aux bergers est « pour tout le peuple ». Parmi ces bergers, qui n’étaient certes pas des saints, nous y sommes aussi, avec nos fragilités et faiblesses. Comme il les a appelés, Dieu nous appelle aussi, parce qu’il nous aime. Et, dans les nuits de la vie, à nous comme à eux il dit : « Ne craignez pas » (Lc 2, 10). Courage, ne perds pas confiance, ne perds pas l’espérance, ne pense pas qu’aimer est du temps perdu ! Cette nuit, l’amour a vaincu la crainte, une espérance nouvelle est apparue, la douce lumière de Dieu a vaincu les ténèbres de l’arrogance humaine. Ô Humanité, Dieu t’aime et pour toi il s’est fait homme, tu n’es plus seule !

Chers frères et sœurs, que faire devant cette grâce ? Une seule chose : accueillir le don. Avant d’aller à la recherche de Dieu, laissons-nous chercher par lui, qui nous cherche en premier. Ne partons pas de nos capacités, mais de sa grâce, parce que c’est Lui, Jésus, le Sauveur. Posons le regard sur l’Enfant et laissons-nous envelopper de sa tendresse. Nous n’aurons plus d’excuses pour ne pas nous laisser aimer par Lui : ce qui dans la vie va mal, ce qui dans l’Eglise ne fonctionne pas, ce qui dans le monde ne va pas ne sera plus une justification. Cela passera au second plan, parce que devant l’amour fou de Jésus, un amour toute douceur et proximité, il n’y a pas d’excuses. La question à Noël est : “Est-ce que je me laisse aimer par Dieu ? Est-ce que je m’abandonne à son amour qui vient pour me sauver ?”.

Un don aussi grand mérite une profonde gratitude. Accueillir la grâce est savoir remercier. Mais nos vies sont souvent vécues loin de la gratitude. Aujourd’hui, c’est le jour idéal pour nous approcher du tabernacle, de la crèche, de la mangeoire, pour dire merci. Accueillons le don qui est Jésus, pour ensuite devenir don comme Jésus. Devenir don est donner du sens à la vie. Et c’est le meilleur moyen pour changer le monde : nous changeons, l’Eglise change, l’histoire change quand nous commençons non pas à vouloir changer les autres, mais nous-mêmes, en faisant de notre vie un don.

Jésus nous le montre cette nuit : il n’a pas changé l’histoire en forçant quelqu’un ou à force de paroles, mais avec le don de sa vie. Il n’a pas attendu que nous devenions bons pour nous aimer, mais il s’est donné gratuitement à nous. Nous aussi, n’attendons pas que notre prochain devienne bon pour lui faire du bien, que l’Eglise soit parfaite pour l’aimer, que les autres nous considèrent pour les servir. Commençons les premiers. Ça, c’est accueillir le don de la grâce. Et la sainteté n’est autre que conserver cette gratuité.

Une belle légende raconte qu’à la naissance de Jésus, les bergers accourraient à la grotte avec divers dons. Chacun apportait ce qu’il avait, celui-ci des fruits de son travail, celui-là quelque chose de précieux. Mais, tandis que tous se dépensaient avec générosité, il y avait un berger qui n’avait rien. Il était très pauvre, il n’avait rien à offrir. Tandis que tous rivalisaient pour présenter leurs dons, il se tenait de côté, tout honteux. A un certain moment, saint Joseph et la Vierge se trouvèrent en difficulté pour recevoir tous ces dons, si nombreux, surtout Marie, qui devait porter l’Enfant. Alors, en voyant ce berger avec les mains vides, elle lui demanda de s’approcher. Et elle lui mit dans les bras Jésus. Ce berger, en l’accueillant, se rendit compte d’avoir reçu ce qu’il ne méritait pas, d’avoir entre les bras le don le plus grand de l’histoire. Il regarda ses mains, ces mains qui lui paraissaient toujours vides : elles étaient devenues le berceau de Dieu. Il se sentit aimé et, en surmontant la honte, il commença à montrer Jésus aux autres, parce qu’il ne pouvait pas garder pour lui le don des dons.

Cher frère, chère sœur, si tes mains te semblent vides, si tu vois ton cœur pauvre d’amour, cette nuit est pour toi. La grâce de Dieu est apparue pour resplendir dans ta vie. Accueille-la et la lumière de Noël brillera en toi.

Basilique vaticane
Mardi 24 décembre 2019

(vatican.va)

PAPE FRANÇOIS - ANGÉLUS

Aujourd’hui, premier dimanche de l’Avent, une nouvelle année liturgique commence. Au cours de ces quatre semaines de l’Avent, la liturgie nous conduit à célébrer le Noël de Jésus, alors qu’elle nous rappelle qu’il vient tous les jours dans nos vies et qu’il reviendra glorieusement à la fin des temps. Cette certitude nous conduit à envisager l’avenir avec confiance, comme nous le demande le prophète Isaïe, qui par sa voix inspirée accompagne tout le chemin de l’Avent.

Dans la première lecture d’aujourd’hui, Isaïe prophétise que «dans la suite des temps la montagne de la maison de Yahvé sera établie en tête des montagnes et s’élèvera au-dessus des collines. Alors toutes les nations afflueront vers elle» (2, 2). Le temple du Seigneur à Jérusalem est présenté comme le point de convergence et de rencontre de tous les peuples. Après l’incarnation du Fils de Dieu, Jésus lui-même s’est révélé comme le véritable temple. Par conséquent, la vision merveilleuse d’Isaïe est une promesse divine et nous pousse à adopter une attitude de pèlerinage, de chemin vers le Christ, sens et fin de toute l’histoire. Ceux qui ont faim et soif de justice ne peuvent la trouver qu’en suivant les voies du Seigneur; tandis que le mal et le péché viennent du fait que les individus et les groupes sociaux préfèrent suivre des chemins dictés par des intérêts égoïstes, qui provoquent des conflits et des guerres. L’Avent est le moment propice pour accueillir la venue de Jésus, qui vient comme messager de la paix nous indiquer les voies de Dieu.

Dans l’Evangile d’aujourd’hui, Jésus nous exhorte à être prêts pour sa venue: «Veillez donc, parce que vous ne savez pas quel jour va venir votre Maître» (Mt 24, 42). Veiller ne signifie pas avoir matériellement les yeux grands ouverts, mais avoir le cœur libre et orienté dans la bonne direction, c’est-à-dire disposé au don et au service. Voilà ce qu’est veiller! Le sommeil dont nous devons nous réveiller est constitué par l’indifférence, par la vanité, par l’impossibilité d’établir des relations humaines authentiques, par l’incapacité de prendre en charge un frère qui est seul, abandonné ou malade. L’attente de Jésus qui vient doit donc se traduire par un engagement de vigilance. Il s’agit tout d’abord de s’émerveiller face à l’action de Dieu, à ses surprises et de lui donner la primauté. La vigilance signifie aussi, concrètement, être attentifs à notre prochain en difficulté, se laisser interpeller par ses besoins, sans attendre qu’il ou elle nous demande de l’aide, mais apprendre à prévenir, anticiper, comme Dieu le fait toujours avec nous.

Que Marie, Vierge vigilante et Mère de l’espérance, nous guide sur ce chemin en nous aidant à tourner notre regard vers la «montagne du Seigneur», image de Jésus Christ, qui attire à lui tous les hommes et tous les peuples.

Place Saint-Pierre
Dimanche 1er décembre 2019

(vatican.va)

VÊPRES POUR LE COMMENCEMENT DU MOIS MISSIONNAIRE

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Dans la parabole que nous avons écoutée, le Seigneur se présente comme un homme qui, avant de partir en voyage, appelle ses serviteurs pour leur confier ses biens (cf. Mt 25, 14). Dieu nous a confié ses plus grands biens : notre vie, celle des autres, tant de dons différents à chacun. Et ces biens, ces talents ne sont pas quelque chose à garder dans le coffre-fort, elle représente un appel : le Seigneur nous appelle à faire fructifier nos talents avec audace et créativité. Dieu nous demandera si nous nous sommes engagés, en prenant des risques, même en perdant la face. Ce mois missionnaire extraordinaire se veut comme une secousse pour nous inciter à être actifs dans le bien, non des notaires de la foi ni des gardiens de la grâce, mais des missionnaires.

On devient missionnaire en vivant comme des témoins : en témoignant par la vie qu’on connaît Jésus. C’est la vie qui parle. Témoin, c’est le mot-clef, un mot ayant, par sa racine, le même sens que martyre. Or les martyrs sont les premiers témoins de la foi : non par des paroles, mais par la vie. Ils savent que la foi n’est ni de la propagande ni du prosélytisme, c’est un don respectueux de la vie. Ils vivent en diffusant la paix et la joie, en aimant tout le monde, même leurs ennemis par amour pour Jésus. Ainsi, nous qui avons découvert que nous sommes enfants du Père céleste, comment pouvons-nous taire la joie d’être aimés, la certitude d’être toujours précieux aux yeux de Dieu ? C’est l’annonce que beaucoup de personnes attendent. Et c’est notre responsabilité. Demandons-nous en ce mois : comment je vis mon témoignage ?

À la fin de la parabole, le Seigneur déclare ‘‘bon et fidèle’’ celui qui a été entreprenant, mais ‘‘mauvais et paresseux’’ le serviteur qui a été sur la défensive (cf. 21.23.26). Pourquoi Dieu est-il si sévère avec ce serviteur qui a eu peur ? Quel mal a-t-il fait ? Le mal qu’il a commis, c’est de n’avoir pas fait du bien, il a péché par omission. Saint Alberto Hutardo disait : « il est bon de ne pas faire du mal. Mais c’est mauvais de ne pas faire du bien ». C’est le péché d’omission. Et ce peut être le péché de toute une vie, car nous avons reçu la vie non pas pour l’enfouir en terre, mais pour la mettre en valeur ; non pas pour la thésauriser, mais pour la donner. Celui qui est avec Jésus sait qu’on a ce qu’on donne, qu’on possède ce qu’on donne ; et le secret pour posséder la vie, c’est de la donner. Vivre d’omissions, c’est renier notre vocation : l’omission, c’est le contraire de la mission.

Nous péchons par omission, c’est-à-dire contre la mission, quand au lieu de faire rayonner la joie, nous nous enfermons dans une victimisation triste, en pensant que personne ne nous aime et ne nous comprend. Nous péchons contre la mission quand nous cédons à la résignation : ‘‘Je n’y arrive pas, je ne suis pas capable’’. Mais comment ? Dieu t’a donné des talents et tu te crois pauvre au point de ne pouvoir enrichir personne ? Nous péchons contre la mission quand, en nous lamentant, nous continuons à dire que tout va mal dans le monde comme l’Église. Nous péchons contre la mission quand nous sommes esclaves des peurs qui immobilisent et nous nous laissons paralyser par le ‘‘on a toujours fait comme ça’’. Puis nous péchons contre la mission quand nous vivons notre vie comme on porte un poids et non comme un don, quand nous nous mettons au centre avec nos peines, à la place de nos frères et sœurs qui attendent d’être aimés.

« Dieu aime celui qui donne joyeusement » (2 Co 9, 7) ; il aime une Église en sortie. Mais faisons attention : si elle n’est pas en sortie, elle n’est pas Église. L’Église est pour la route, l’Église marche. Une Église en sortie, missionnaire, c’est une Église qui ne perd pas de temps à déplorer les choses qui ne vont pas bien, le manque de fidèles, les valeurs d’autrefois qui n’existent plus. C’est une Église qui ne cherche pas des oasis protégées pour être tranquille ; elle ne cherche qu’à être sel de la terre et levain pour le monde. Cette Église sait que c’est sa force, la force même de Jésus : non pas l’importance sociale ou institutionnelle, mais l’amour humble et gratuit.

Nous entamons aujourd’hui le mois missionnaire d’octobre, accompagnés de trois ‘‘serviteurs’’ qui ont porté beaucoup de fruit. Sainte Thérèse de Jésus nous montre le chemin, elle qui a fait de la prière le carburant de l’action missionnaire dans le monde. C’est aussi le mois du Rosaire : comment prions-nous pour la diffusion de l’Évangile, pour nous convertir de l’omission à la mission ? Il y a ensuite saint François Xavier, un des grands missionnaires de l’Église. Lui aussi nous secoue : sortons de nos coquilles ! Sommes-nous capables de nous départir de notre confort pour l’Évangile ? Et il y a la vénérable Pauline Jaricot, une ouvrière qui a soutenu les missions par son travail quotidien : par les offrandes qu’elle prélevait de son salaire, elle a été à l’origine des Œuvres Pontificales Missionnaires. Et nous, faisons-nous de chaque journée un don pour combler la fracture entre l’Évangile et la vie ? S’il vous plaît, ne vivons pas une foi ‘‘de sacristie’’.

Une religieuse, un prêtre et une laïque nous accompagnent. Ils nous disent que personne n’est exclu de la mission de l’Église. Oui, en ce mois, le Seigneur t’appelle toi aussi. Il t’appelle, père ou mère de famille ; toi, jeune qui rêves de grandes choses ; toi, qui travailles dans une usine, dans une boutique, dans une banque, dans un restaurant ; toi qui es au chômage, toi qui es dans un lit d’hôpital… Le Seigneur te demande d’être un don là où tu es, comme tu es, pour celui qui est à côté de toi ; de ne pas subir la vie, mais de la donner, de ne pas te lamenter, mais de te laisser toucher par les larmes de celui qui souffre. Courage, le Seigneur attend beaucoup de toi ! Il attend aussi que quelqu’un ait le courage de partir, d’aller là où manquent le plus l’espérance et la dignité, là où trop de personnes vivent encore sans la joie de l’Évangile. “Mais où dois-je aller tout seul ?”. Non, ça ne va pas. Si nous envisageons de faire la mission avec les organisations commerciales, avec des plans de travail, ça ne va pas. Le protagoniste de la mission est l’Esprit Saint. C’est le protagoniste de la mission. Toi, va avec l’Esprit Saint. Va, le Seigneur ne te laissera pas seul ! En témoignant, tu découvriras que l’Esprit Saint t’a précédé pour te préparer le chemin. Courage, frères et sœurs ! Courage, Mère Église : retrouve ta fécondité dans la joie de la mission !

Basilique vaticane
Mardi 1er octobre 2019

(vatican.va)

PAPE FRANÇOIS - ANGÉLUS

Chers frères et sœurs, bonjour!

Dans le passage évangélique d’aujourd’hui (cf. Lc 11, 1-13), saint Luc raconte les circonstances dans lesquelles Jésus enseigne le «Notre Père». Les disciples savent déjà prier, en récitant les formules de la tradition juive, mais ils désirent eux aussi pouvoir vivre la même «qualité» que la prière de Jésus. Car ils peuvent constater que la prière est une dimension essentielle dans la vie de leur Maître; en effet, chacune de ses actions importantes est caractérisée par des moments de prière prolongées. En outre, ils sont fascinés parce qu’ils voient qu’Il ne prie pas comme les autres maîtres de cette époque, mais que sa prière est un lien intime avec le Père, au point qu’ils désirent participer à ces moments d’union avec Dieu, pour en savourer totalement la douceur.

Ainsi, un jour, ils attendent que Jésus conclue sa prière, dans un lieu isolé, et ensuite ils demandent: «Seigneur, apprends-nous à prier» (v. 1).

Répondant à la requête explicite des disciples, Jésus ne donne pas une définition abstraite de la prière et n’enseigne pas de technique efficace pour prier et «obtenir» quelque chose. En revanche, il invite ses disciples à faire une expérience de prière, en les mettant directement en communication avec le Père, en suscitant en eux la nostalgie d’une relation personnelle avec Dieu, avec le Père. C’est là que réside la nouveauté de la prière chrétienne! Celle-ci est un dialogue entre des personnes qui s’aiment, un dialogue fondé sur la confiance, soutenu par l’écoute et ouvert à l’engagement solidaire. C’est un dialogue du Fils avec le Père, un dialogue entre enfants et Père. Telle est la prière chrétienne.

C’est pourquoi il leur remet la prière du «Notre Père», peut-être le don le plus précieux que nous a laissé le divin Maître dans sa mission terrestre. Après nous avoir révélé son mystère de Fils et de frère, à travers cette prière, Jésus nous fait pénétrer dans la paternité de Dieu; je veux souligner cela: quand Jésus nous enseigne le Notre Père, il nous fait entrer dans la paternité de Dieu et nous indique la façon d’entrer en dialogue priant et direct avec Lui, à travers le chemin de la confiance filiale. C’est un dialogue entre un père et son enfant, d’un enfant avec son père. Ce que nous demandons dans le «Notre Père» est déjà entièrement réalisé pour nous dans le Fils unique: la sanctification de son Nom, l’avènement de son Règne, le don du pain, du pardon et de la libération du mal. Alors que nous demandons, nous ouvrons la main pour recevoir. Recevoir les dons que le Père nous a montrés dans son Fils. La prière que nous a enseignée le Seigneur est la synthèse de chaque prière, et nous l’adressons au Père toujours en communion avec nos frères. Parfois, il arrive que l’on soit distrait dans la prière, mais très souvent, nous sentons comme l’envie de nous arrêter sur le premier mot: «Père» et de sentir cette paternité dans notre cœur.

Jésus raconte ensuite la parabole de l’ami importun et dit: «Il faut insister dans la prière». Il me vient à l’esprit ce que font les enfants vers trois ans, trois ans et demi: ils commencent à poser des questions sur ce qu’ils ne comprennent pas. Dans mon pays, cela s’appelle «l’âge des pourquoi», je crois qu’ici aussi. Les enfants commencent à regarder leur père et disent: «Papa, pourquoi?, Papa, pourquoi?». Ils demandent des explications. Faisons attention: quand le père commence à expliquer le pourquoi, ils arrivent avec une autre question sans écouter toute l’explication. Que se passe-t-il? C’est que les enfants ne se sentent pas sûrs d’eux sur beaucoup de choses qu’ils commencent à comprendre à moitié. Ils veulent seulement attirer sur eux le regard de leur père et c’est pourquoi ils disent: «Pourquoi, pourquoi, pourquoi?». Nous, dans le Notre Père, si nous nous arrêtons sur le premier mot, nous ferons la même chose que lorsque nous étions enfants, attirer sur nous le regard du père. Dire: «Père, Père», et dire aussi: «Pourquoi?» et Il nous regardera.

Demandons à Marie, femme de prière, de nous aider à prier le Notre Père unis à Jésus pour vivre l’Evangile, guidés l’Esprit Saint.

Place Saint-Pierre
Dimanche 28 juillet 2019

(vatican.va)

MESSAGE DU SAINT-PÈRE FRANÇOIS POUR LA JOURNÉE MONDIALE DES MISSIONS 2019

Baptisés et envoyés :
l’Église du Christ en mission dans le monde



Chers frères et sœurs,

J’ai demandé à toute l’Église de vivre un temps missionnaire extraordinaire au mois d’Octobre 2019, afin de commémorer le centenaire de la promulgation de la Lettre apostolique Maximum illud du Pape Benoît XV (30 novembre 1919). La clairvoyance prophétique de sa proposition apostolique m’a confirmé dans l’importance aujourd’hui de renouveler l’engagement missionnaire de l’Église, de repréciser de manière évangélique sa mission d’annoncer et de porter au monde le salut de Jésus Christ, mort et ressuscité.

Le titre du présent message est identique à celui du mois d’octobre missionnaire : Baptisés et envoyés : l’Église du Christ en mission dans le monde. Célébrer ce mois nous aidera en premier lieu à retrouver le sens missionnaire de notre adhésion de foi à Jésus Christ, foi gratuitement reçue comme don dans le Baptême. Notre appartenance filiale à Dieu n’est jamais un acte individuel mais un acte toujours ecclésial : de la communion avec Dieu, Père, Fils et Esprit Saint, naît une vie nouvelle avec beaucoup d’autres frères et sœurs. Et cette vie divine n’est pas un produit à vendre – nous ne faisons pas de prosélytisme – mais il s’agit d’une richesse à donner, à communiquer, à annoncer : voilà le sens de la mission. Nous avons reçu gratuitement ce don et nous le partageons gratuitement (cf. Mt 10, 8), sans exclure personne. Dieu veut que tous les hommes soient sauvés en arrivant à la connaissance de la vérité et à l’expérience de sa miséricorde grâce à l’Église, sacrement universel du salut (cf. 1Tm 2, 4 ; 3, 15 ; Conc. Œc. Vat. II, Const. Dogm. Lumen gentium, n. 48).

L’Église est en mission dans le monde : la foi en Jésus Christ nous donne la juste dimension de toute chose, en nous faisant voir le monde avec les yeux et le cœur de Dieu ; l’espérance nous ouvre aux horizons éternels de la vie divine à laquelle nous participons vraiment ; la charité dont nous avons l’avant-goût dans les sacrements et dans l’amour fraternel nous pousse jusqu’aux confins de la terre (cf. Mi 5, 3 ; Mt 28, 19, Ac 1, 8 ; Rm 10, 18). Une Église en sortie jusqu’aux lointains confins demande une conversion missionnaire constante et permanente. Que de saints, que de femmes et d’hommes de foi nous donnent le témoignage, nous montrent comme possible et praticable cette ouverture illimitée, cette sortie miséricordieuse comme une incitation urgente de l’amour et de sa logique intrinsèque de don, de sacrifice et de gratuité (cf. 2 Co 5, 14-21) ! Que celui qui annonce Dieu soit homme de Dieu (cf. Lett. ap. Maximum illud) !

C’est un mandat qui nous touche de près : je suis toujours une mission ; tu es toujours une mission ; toute baptisée et tout baptisé est une mission. Celui qui aime se met en mouvement, il est poussé en dehors de lui-même, il est attiré et attire, il se donne à l’autre et tisse des relations qui engendrent la vie. Personne n’est inutile et insignifiant pour l’amour de Dieu. Chacun d’entre nous est une mission dans le monde parce qu’il est fruit de l’amour de Dieu. Même si mon père et ma mère trahissaient l’amour par le mensonge, la haine et l’infidélité, Dieu ne se soustrait jamais au don de la vie, en destinant chacun de ses enfants, depuis toujours, à sa vie divine et éternelle (cf. Ep 1, 3-6).

Cette vie nous est communiquée dans le Baptême qui nous donne la foi en Jésus Christ vainqueur du péché et de la mort, nous régénère à l’image et à la ressemblance de Dieu et nous insère dans le corps du Christ qu’est l’Église. En ce sens, le Baptême est donc vraiment nécessaire pour le salut parce qu’il nous garantit que nous sommes fils et filles, toujours et partout, jamais orphelins, étrangers ou esclaves, dans la maison du Père. Ce qui est une réalité sacramentelle chez le chrétien – dont l’Eucharistie est l’accomplissement – demeure une vocation et une destinée pour chaque homme et chaque femme en attente de conversion et de salut. Le Baptême, en effet, est la promesse réalisée du don divin qui rend l’être humain fils dans le Fils. Nous sommes les enfants de nos parents naturels, mais dans le baptême nous sont données la paternité originelle et la vraie maternité : Ne peut pas avoir Dieu pour Père celui qui n’a pas l’Eglise comme Mère (cf. saint Cyprien, L’unité de l’Église, n. 4).

Ainsi, notre mission s’enracine dans la paternité de Dieu et dans la maternité de l’Église, car l’envoi exprimé par Jésus dans le mandat pascal est inhérent au Baptême : comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie remplis de l’Esprit Saint pour la réconciliation du monde (cf. Jn 20, 19-23 ; Mt 28, 16-20). Le chrétien reçoit ce mandat, afin que ne manquent à personne l’annonce de sa vocation d’enfant adoptif, la certitude de sa dignité personnelle et de la valeur intrinsèque de toute vie humaine depuis sa conception jusqu’à sa mort naturelle. La sécularisation déferlante, quand elle devient un refus patent et culturel de la paternité active de Dieu dans notre histoire, empêche toute fraternité universelle authentique qui s’exprime dans le respect réciproque de la vie de chacun. Sans le Dieu de Jésus Christ, toute différence se réduit à une menace infernale en rendant impossibles tout accueil fraternel et toute unité féconde du genre humain.

La destination universelle du salut offerte par Dieu en Jésus Christ a conduit Benoît XV à exiger que soit surmontées toute fermeture nationaliste et ethnocentrique, toute compromission de l’annonce de l’Evangile avec les puissances coloniales, avec leurs intérêts économiques et militaires. Dans sa lettre apostolique Maximum illud, le Pape rappelait que l’universalité divine de la mission de l’Église exige la sortie d’une appartenance exclusiviste à sa propre patrie et à sa propre ethnie. L’ouverture de la culture et de la communauté à la nouveauté salvifique de Jésus Christ demande que soit surmontée toute intrusion ethnique et ecclésiale indue. Aujourd’hui également, l’Église continue d’avoir besoin d’hommes et de femmes qui, en vertu de leur Baptême, répondent généreusement à l’appel à sortir de chez eux, de leur famille, de leur patrie, de leur langue, de leur Église locale. Ils sont envoyés aux peuples, dans le monde qui n’est pas encore transfiguré par les sacrements de Jésus Christ et de son Église sainte. En annonçant la Parole de Dieu, en témoignant de l’Évangile et en célébrant la vie de l’Esprit, ils appellent à la conversion, ils baptisent et offrent le salut chrétien dans le respect de la liberté personnelle de chacun, dans le dialogue avec les cultures et les religions des peuples auxquels ils sont envoyés. La missio ad gentes, toujours nécessaire pour l’Église, contribue ainsi de manière fondamentale au processus permanent de conversion de tous les chrétiens. La foi dans la Pâque de Jésus, l’envoi ecclésial baptismal, la sortie géographique et culturelle de soi-même et de chez soi, le besoin de salut du péché et la libération du mal personnel et social exigent la mission jusqu’aux lointains confins de la terre.

La coïncidence providentielle avec la célébration du Synode Spécial sur les Églises en Amazonie m’amène à souligner comment la mission qui nous a été confiée par Jésus avec le don de son Esprit est encore actuelle et nécessaire également pour ces terres et pour leurs habitants. Une Pentecôte renouvelée ouvre grand les portes de l’Église afin qu’aucune culture ne reste repliée sur elle-même et qu’aucun peuple ne soit isolé mais s’ouvre à la communion universelle de la foi. Que personne ne reste replié sur lui-même, dans l’auto-référentialité de sa propre appartenance ethnique et religieuse. La Pâque de Jésus rompt les limites étroites des mondes, des religions et des cultures, en les appelant à grandir dans le respect pour la dignité de l’homme et de la femme, vers une conversion toujours plus accomplie à la Vérité du Seigneur ressuscité qui donne la vraie vie à tous.

À ce propos, me viennent à l’esprit les paroles du Pape Benoît XVI au début de notre rencontre d’Évêques latino-américains à Aparecida au Brésil, en 2007, paroles que je voudrais rapporter ici et faire miennes : « Qu'a signifié l'acceptation de la foi chrétienne pour les pays de l'Amérique latine et des Caraïbes ? Pour eux, cela a signifié connaître et accueillir le Christ, le Dieu inconnu que leurs ancêtres, sans le savoir, cherchaient dans leurs riches traditions religieuses. Le Christ était le Sauveur auquel ils aspiraient silencieusement. Cela a également signifié qu'ils ont reçu, avec les eaux du Baptême, la vie divine qui a fait d'eux les enfants de Dieu par adoption ; qu'ils ont reçu, en outre, l'Esprit Saint qui est venu féconder leurs cultures, en les purifiant et en développant les nombreux germes et semences que le Verbe incarné avait déposés en elles, en les orientant ainsi vers les routes de l'Evangile. […] Le Verbe de Dieu, en se faisant chair en Jésus Christ, se fit également histoire et culture. L'utopie de redonner vie aux religions précolombiennes, en les séparant du Christ et de l'Eglise universelle, ne serait pas un progrès, mais plutôt une régression. En réalité, il s'agirait d'un retour vers un moment historique ancré dans le passé. » (Discours lors de la Session inaugurale, 13 mai 2007 : Insegnamenti III, 1[2207], pp.855-856).

À Marie notre Mère, nous confions la mission de l’Église. Unie à son Fils, depuis l’Incarnation, la Vierge s’est mise en mouvement, elle s’est laissé totalement impliquer dans la mission de Jésus, mission qui est également devenue au pied de la croix sa propre mission : collaborer comme Mère de l’Église à engendrer dans l’Esprit et dans la foi de nouveaux fils et filles de Dieu.

Je voudrais conclure par quelques mots sur les Œuvres Pontificales Missionnaires, déjà proposées dans Maximum illud comme instrument missionnaire. Les Œuvres Pontificales Missionnaires accomplissent leur service en faveur de l’universalité ecclésiale comme un réseau mondial qui soutient le Pape dans son engagement missionnaire par la prière, âme de la mission, et la charité des chrétiens répandus dans le monde entier. Leur don soutient le Pape dans l’évangélisation des Églises particulières (Œuvre de Propagation de la Foi), dans la formation du clergé local (Œuvre de Saint Pierre Apôtre), dans l’éducation d’une conscience missionnaire des enfants dans le monde entier (Œuvre de la Sainte Enfance) et dans la formation missionnaire de la foi des chrétiens (Union Pontificale Missionnaire). En renouvelant mon soutien à ces Œuvres, je forme le vœu que le Mois missionnaire extraordinaire d’octobre 2019 contribue au renouvellement de leur service missionnaire à mon ministère.

Aux missionnaires hommes et femmes, ainsi qu’à tous ceux qui de quelque manière participent, en vertu de leur Baptême, à la mission de l’Église, j’adresse de tout cœur ma bénédiction.

Du Vatican, le 9 juin 2019, Solennité de la Pentecôte

(vatican.va)

MESSAGE DU SAINT-PÈRE FRANÇOIS POUR LA JOURNÉE MONDIALE DES MISSIONS 2019

Baptisés et envoyés :
l’Église du Christ en mission dans le monde



Chers frères et sœurs,

J’ai demandé à toute l’Église de vivre un temps missionnaire extraordinaire au mois d’Octobre 2019, afin de commémorer le centenaire de la promulgation de la Lettre apostolique Maximum illud du Pape Benoît XV (30 novembre 1919). La clairvoyance prophétique de sa proposition apostolique m’a confirmé dans l’importance aujourd’hui de renouveler l’engagement missionnaire de l’Église, de repréciser de manière évangélique sa mission d’annoncer et de porter au monde le salut de Jésus Christ, mort et ressuscité.

Le titre du présent message est identique à celui du mois d’octobre missionnaire : Baptisés et envoyés : l’Église du Christ en mission dans le monde. Célébrer ce mois nous aidera en premier lieu à retrouver le sens missionnaire de notre adhésion de foi à Jésus Christ, foi gratuitement reçue comme don dans le Baptême. Notre appartenance filiale à Dieu n’est jamais un acte individuel mais un acte toujours ecclésial : de la communion avec Dieu, Père, Fils et Esprit Saint, naît une vie nouvelle avec beaucoup d’autres frères et sœurs. Et cette vie divine n’est pas un produit à vendre – nous ne faisons pas de prosélytisme – mais il s’agit d’une richesse à donner, à communiquer, à annoncer : voilà le sens de la mission. Nous avons reçu gratuitement ce don et nous le partageons gratuitement (cf. Mt 10, 8), sans exclure personne. Dieu veut que tous les hommes soient sauvés en arrivant à la connaissance de la vérité et à l’expérience de sa miséricorde grâce à l’Église, sacrement universel du salut (cf. 1Tm 2, 4 ; 3, 15 ; Conc. Œc. Vat. II, Const. Dogm. Lumen gentium, n. 48).

L’Église est en mission dans le monde : la foi en Jésus Christ nous donne la juste dimension de toute chose, en nous faisant voir le monde avec les yeux et le cœur de Dieu ; l’espérance nous ouvre aux horizons éternels de la vie divine à laquelle nous participons vraiment ; la charité dont nous avons l’avant-goût dans les sacrements et dans l’amour fraternel nous pousse jusqu’aux confins de la terre (cf. Mi 5, 3 ; Mt 28, 19, Ac 1, 8 ; Rm 10, 18). Une Église en sortie jusqu’aux lointains confins demande une conversion missionnaire constante et permanente. Que de saints, que de femmes et d’hommes de foi nous donnent le témoignage, nous montrent comme possible et praticable cette ouverture illimitée, cette sortie miséricordieuse comme une incitation urgente de l’amour et de sa logique intrinsèque de don, de sacrifice et de gratuité (cf. 2 Co 5, 14-21) ! Que celui qui annonce Dieu soit homme de Dieu (cf. Lett. ap. Maximum illud) !

C’est un mandat qui nous touche de près : je suis toujours une mission ; tu es toujours une mission ; toute baptisée et tout baptisé est une mission. Celui qui aime se met en mouvement, il est poussé en dehors de lui-même, il est attiré et attire, il se donne à l’autre et tisse des relations qui engendrent la vie. Personne n’est inutile et insignifiant pour l’amour de Dieu. Chacun d’entre nous est une mission dans le monde parce qu’il est fruit de l’amour de Dieu. Même si mon père et ma mère trahissaient l’amour par le mensonge, la haine et l’infidélité, Dieu ne se soustrait jamais au don de la vie, en destinant chacun de ses enfants, depuis toujours, à sa vie divine et éternelle (cf. Ep 1, 3-6).

Cette vie nous est communiquée dans le Baptême qui nous donne la foi en Jésus Christ vainqueur du péché et de la mort, nous régénère à l’image et à la ressemblance de Dieu et nous insère dans le corps du Christ qu’est l’Église. En ce sens, le Baptême est donc vraiment nécessaire pour le salut parce qu’il nous garantit que nous sommes fils et filles, toujours et partout, jamais orphelins, étrangers ou esclaves, dans la maison du Père. Ce qui est une réalité sacramentelle chez le chrétien – dont l’Eucharistie est l’accomplissement – demeure une vocation et une destinée pour chaque homme et chaque femme en attente de conversion et de salut. Le Baptême, en effet, est la promesse réalisée du don divin qui rend l’être humain fils dans le Fils. Nous sommes les enfants de nos parents naturels, mais dans le baptême nous sont données la paternité originelle et la vraie maternité : Ne peut pas avoir Dieu pour Père celui qui n’a pas l’Eglise comme Mère (cf. saint Cyprien, L’unité de l’Église, n. 4).

Ainsi, notre mission s’enracine dans la paternité de Dieu et dans la maternité de l’Église, car l’envoi exprimé par Jésus dans le mandat pascal est inhérent au Baptême : comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie remplis de l’Esprit Saint pour la réconciliation du monde (cf. Jn 20, 19-23 ; Mt 28, 16-20). Le chrétien reçoit ce mandat, afin que ne manquent à personne l’annonce de sa vocation d’enfant adoptif, la certitude de sa dignité personnelle et de la valeur intrinsèque de toute vie humaine depuis sa conception jusqu’à sa mort naturelle. La sécularisation déferlante, quand elle devient un refus patent et culturel de la paternité active de Dieu dans notre histoire, empêche toute fraternité universelle authentique qui s’exprime dans le respect réciproque de la vie de chacun. Sans le Dieu de Jésus Christ, toute différence se réduit à une menace infernale en rendant impossibles tout accueil fraternel et toute unité féconde du genre humain.

La destination universelle du salut offerte par Dieu en Jésus Christ a conduit Benoît XV à exiger que soit surmontées toute fermeture nationaliste et ethnocentrique, toute compromission de l’annonce de l’Evangile avec les puissances coloniales, avec leurs intérêts économiques et militaires. Dans sa lettre apostolique Maximum illud, le Pape rappelait que l’universalité divine de la mission de l’Église exige la sortie d’une appartenance exclusiviste à sa propre patrie et à sa propre ethnie. L’ouverture de la culture et de la communauté à la nouveauté salvifique de Jésus Christ demande que soit surmontée toute intrusion ethnique et ecclésiale indue. Aujourd’hui également, l’Église continue d’avoir besoin d’hommes et de femmes qui, en vertu de leur Baptême, répondent généreusement à l’appel à sortir de chez eux, de leur famille, de leur patrie, de leur langue, de leur Église locale. Ils sont envoyés aux peuples, dans le monde qui n’est pas encore transfiguré par les sacrements de Jésus Christ et de son Église sainte. En annonçant la Parole de Dieu, en témoignant de l’Évangile et en célébrant la vie de l’Esprit, ils appellent à la conversion, ils baptisent et offrent le salut chrétien dans le respect de la liberté personnelle de chacun, dans le dialogue avec les cultures et les religions des peuples auxquels ils sont envoyés. La missio ad gentes, toujours nécessaire pour l’Église, contribue ainsi de manière fondamentale au processus permanent de conversion de tous les chrétiens. La foi dans la Pâque de Jésus, l’envoi ecclésial baptismal, la sortie géographique et culturelle de soi-même et de chez soi, le besoin de salut du péché et la libération du mal personnel et social exigent la mission jusqu’aux lointains confins de la terre.

La coïncidence providentielle avec la célébration du Synode Spécial sur les Églises en Amazonie m’amène à souligner comment la mission qui nous a été confiée par Jésus avec le don de son Esprit est encore actuelle et nécessaire également pour ces terres et pour leurs habitants. Une Pentecôte renouvelée ouvre grand les portes de l’Église afin qu’aucune culture ne reste repliée sur elle-même et qu’aucun peuple ne soit isolé mais s’ouvre à la communion universelle de la foi. Que personne ne reste replié sur lui-même, dans l’auto-référentialité de sa propre appartenance ethnique et religieuse. La Pâque de Jésus rompt les limites étroites des mondes, des religions et des cultures, en les appelant à grandir dans le respect pour la dignité de l’homme et de la femme, vers une conversion toujours plus accomplie à la Vérité du Seigneur ressuscité qui donne la vraie vie à tous.

À ce propos, me viennent à l’esprit les paroles du Pape Benoît XVI au début de notre rencontre d’Évêques latino-américains à Aparecida au Brésil, en 2007, paroles que je voudrais rapporter ici et faire miennes : « Qu'a signifié l'acceptation de la foi chrétienne pour les pays de l'Amérique latine et des Caraïbes ? Pour eux, cela a signifié connaître et accueillir le Christ, le Dieu inconnu que leurs ancêtres, sans le savoir, cherchaient dans leurs riches traditions religieuses. Le Christ était le Sauveur auquel ils aspiraient silencieusement. Cela a également signifié qu'ils ont reçu, avec les eaux du Baptême, la vie divine qui a fait d'eux les enfants de Dieu par adoption ; qu'ils ont reçu, en outre, l'Esprit Saint qui est venu féconder leurs cultures, en les purifiant et en développant les nombreux germes et semences que le Verbe incarné avait déposés en elles, en les orientant ainsi vers les routes de l'Evangile. […] Le Verbe de Dieu, en se faisant chair en Jésus Christ, se fit également histoire et culture. L'utopie de redonner vie aux religions précolombiennes, en les séparant du Christ et de l'Eglise universelle, ne serait pas un progrès, mais plutôt une régression. En réalité, il s'agirait d'un retour vers un moment historique ancré dans le passé. » (Discours lors de la Session inaugurale, 13 mai 2007 : Insegnamenti III, 1[2207], pp.855-856).

À Marie notre Mère, nous confions la mission de l’Église. Unie à son Fils, depuis l’Incarnation, la Vierge s’est mise en mouvement, elle s’est laissé totalement impliquer dans la mission de Jésus, mission qui est également devenue au pied de la croix sa propre mission : collaborer comme Mère de l’Église à engendrer dans l’Esprit et dans la foi de nouveaux fils et filles de Dieu.

Je voudrais conclure par quelques mots sur les Œuvres Pontificales Missionnaires, déjà proposées dans Maximum illud comme instrument missionnaire. Les Œuvres Pontificales Missionnaires accomplissent leur service en faveur de l’universalité ecclésiale comme un réseau mondial qui soutient le Pape dans son engagement missionnaire par la prière, âme de la mission, et la charité des chrétiens répandus dans le monde entier. Leur don soutient le Pape dans l’évangélisation des Églises particulières (Œuvre de Propagation de la Foi), dans la formation du clergé local (Œuvre de Saint Pierre Apôtre), dans l’éducation d’une conscience missionnaire des enfants dans le monde entier (Œuvre de la Sainte Enfance) et dans la formation missionnaire de la foi des chrétiens (Union Pontificale Missionnaire). En renouvelant mon soutien à ces Œuvres, je forme le vœu que le Mois missionnaire extraordinaire d’octobre 2019 contribue au renouvellement de leur service missionnaire à mon ministère.

Aux missionnaires hommes et femmes, ainsi qu’à tous ceux qui de quelque manière participent, en vertu de leur Baptême, à la mission de l’Église, j’adresse de tout cœur ma bénédiction.

Du Vatican, le 9 juin 2019, Solennité de la Pentecôte

(vatican.va)

MESSAGE URBI ET ORBI DU PAPE FRANÇOIS - PÂQUES 2019

Chers frères et sœurs, bonne fête de Pâques !

Aujourd’hui l’Église renouvelle l’annonce des premiers disciples : ‘‘Jésus est ressuscité’’. Et de bouche en bouche, de cœur en cœur, elle rappelle l’invitation à la louange : ‘‘Alléluia… Alléluia’’. Ce matin de Pâques, jeunesse éternelle de l’Église et de l’humanité tout entière, je voudrais adresser à chacun d’entre vous les premières paroles de la récente Exhortation apostolique consacrée en particulier aux jeunes :

« Il vit, le Christ, notre espérance et il est la plus belle jeunesse de ce monde. Tout ce qu’il touche devient jeune, devient nouveau, se remplit de vie. Les premières paroles que je voudrais adresser à chacun des jeunes chrétiens sont donc : Il vit et il te veut vivant ! Il est en toi, il est avec toi et jamais ne t’abandonne. Tu as beau t’éloigner, le Ressuscité est là, t’appelant et t’attendant pour recommencer. Quand tu te sens vieilli par la tristesse, les rancœurs, les peurs, les doutes ou les échecs, il sera toujours là pour te redonner force et espérance » (Christus vivit, nn. 1-2).

Chers frères et sœurs, ce message est adressé en même temps à chaque personne et au monde entier. La Résurrection du Christ est le début d’une vie nouvelle pour chaque homme et chaque femme, parce que le vrai renouvellement part toujours du cœur, de la conscience. Mais Pâques est aussi le début du monde nouveau, libéré de l’esclavage du péché et de la mort : le monde finalement ouvert au Royaume de Dieu, Royaume d’amour, de paix et de fraternité.

Le Christ vit et reste avec nous. Il montre la lumière de son visage de Ressuscité et n’abandonne pas ceux qui sont dans l’épreuve, dans la souffrance et dans le deuil. Que Lui, le Vivant, soit espérance pour le bien-aimé peuple syrien, victime d’un conflit qui perdure, et qui risque de nous trouver toujours davantage résignés et même indifférents. C’est plutôt le moment de renouveler l’engagement pour une solution politique qui réponde aux justes aspirations de liberté, de paix et de justice, qui affronte la crise humanitaire et favorise le retour en sécurité des personnes déplacées et de celles qui se sont réfugiées dans les pays limitrophes, surtout au Liban et en Jordanie.

Pâques nous porte à tourner le regard vers le Moyen-Orient, déchiré par des divisions et des tensions continues. Que les chrétiens dans la région, avec une persévérance patiente, témoignent du Seigneur ressuscité et de la victoire de la vie sur la mort. J’ai une pensée particulière pour la population du Yémen, en particulier pour les enfants épuisés par la faim et la guerre. Que la lumière pascale éclaire tous les gouvernants et tous les peuples du Moyen-Orient, à commencer par les Israéliens et les Palestiniens, et les incite à soulager tant de souffrances et à poursuivre un avenir de paix et de stabilité.

Que les armes cessent d’ensanglanter la Libye où, de nouveau, des personnes sans défense meurent ces dernières semaines et où de nombreuses familles sont contraintes à quitter leurs propres maisons. J’exhorte les parties concernées à choisir le dialogue plutôt que l’oppression, en évitant que s’ouvrent à nouveau les blessures d’une décennie de conflits et d’instabilité politique.

Que le Christ Vivant donne sa paix à tout le bien-aimé continent africain, encore parsemé de tensions sociales, de conflits et parfois d’extrémismes violents qui provoquent l’insécurité, la destruction et la mort, surtout au Burkina Faso, au Mali, au Niger, au Nigéria et au Cameroun. Ma pensée va également au Soudan, qui traverse un moment d’incertitude politique et où je souhaite que toutes les instances puissent s’exprimer et que chacun s’efforce de permettre au pays de trouver la liberté, le développement et le bien-être auxquels il aspire depuis longtemps.

Que le Seigneur ressuscité accompagne les efforts accomplis par les Autorités civiles et religieuses du Sud Soudan, soutenues par les fruits de la retraite spirituelle vécue il y a quelques jours ici au Vatican. Puisse s’ouvrir une nouvelle page de l’histoire du pays, dans laquelle toutes les composantes politiques, sociales et religieuses s’engagent activement pour le bien-être commun et la réconciliation de la Nation.

Lors de cette fête de Pâques que trouve du réconfort la population des régions orientales de l’Ukraine, qui continue de souffrir du conflit encore en cours. Que le Seigneur encourage les initiatives humanitaires et celles visant à atteindre une paix durable.

Que la joie de la Résurrection remplisse les cœurs de ceux qui, sur le continent américain, subissent les conséquences de situations politiques et économiques difficiles. Je pense en particulier au peuple vénézuélien : à beaucoup de personnes privées des conditions minimales pour mener une vie digne et sûre, à cause d’une crise qui perdure et s’approfondit. Que le Seigneur donne à ceux qui ont des responsabilités politiques d’œuvrer pour mettre fin aux injustices sociales, aux abus ainsi qu’aux violences et de faire des pas concrets permettant de guérir les divisions et d’offrir à la population les aides dont elle a besoin.

Que le Seigneur ressuscité éclaire les efforts qui se font au Nicaragua en vue de trouver au plus tôt une solution pacifique et négociée au bénéfice de tous les nicaraguayens.

Face aux nombreuses souffrance de notre temps, que le Seigneur de la vie ne nous trouve pas froids et indifférents. Qu’il fasse de nous des constructeurs de ponts et non pas de murs. Lui, qui nous donne sa paix, qu’il fasse cesser le bruit des armes, aussi bien dans les situations de guerre que dans nos villes, et qu’il inspire les gouvernants des Nations afin qu’ils s’engagent à mettre fin à la course aux armements et à la diffusion préoccupante des armes, surtout dans les pays économiquement plus développés. Que le Ressuscité, qui a ouvert grand les portes du sépulcre, ouvre nos cœurs aux besoins des personnes défavorisées et sans défense, des pauvres, des sans emploi, des personnes marginalisées, de ceux qui frappent à notre porte à la recherche de pain, d’un refuge et de la reconnaissance de leur dignité.

Chers frères et sœurs, le Christ vit ! Il est espérance et jeunesse pour chacun d’entre nous et pour le monde entier. Laissons-nous renouveler par lui ! Bonne Pâques !

Loge centrale de la Basilique vaticane
Dimanche 21 avril 2019

(vatican.va)

MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS À MGR MICHEL AUPETIT, ARCHEVÊQUE DE PARIS

S.E. Mgr Michel AUPETIT
Archevêque de Paris

Suite à l’incendie qui a ravagé une grande partie de la cathédrale Notre Dame, je m’associe à votre tristesse, ainsi qu’à celle des fidèles de votre diocèse, des habitants de Paris et de tous les Français. En ces Jours Saints où nous faisons mémoire de la passion de Jésus, de sa mort et de sa résurrection, je vous assure de ma proximité spirituelle et de ma prière.

Cette catastrophe a gravement endommagé un édifice historique. Mais j’ai conscience qu’elle a aussi affecté un symbole national cher au cœur des Parisiens et des Français dans la diversité de leurs convictions. Car Notre Dame est le joyau architectural d’une mémoire collective, le lieu de rassemblement pour nombre de grands évènements, le témoin de la foi et de la prière des catholiques au sein de la cité.

En saluant le courage et le travail des pompiers qui sont intervenus pour circonscrire l’incendie, je forme le vœu que la cathédrale Notre Dame puisse redevenir, grâce aux travaux de reconstruction et à la mobilisation de tous, ce bel écrin au cœur de la cité, signe de la foi de ceux qui l’ont édifié, église-mère de votre diocèse, patrimoine architectural et spirituel de Paris, de la France et de l’humanité.

Avec cette espérance, je vous accorde de grand cœur la bénédiction apostolique, ainsi qu’aux Évêques de France et aux fidèles de votre diocèse, et j’appelle la bénédiction de Dieu sur les habitants de Paris et sur tous les Français.

16 avril 2019

Franciscus Pp.

(vatican.va)

CÉLÉBRATION DU DIMANCHE DES RAMEAUX ET DE LA PASSION DU SEIGNEUR

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Les acclamations de l’entrée à Jérusalem et l’humiliation de Jésus. Les cris festifs et l’acharnement féroce. Ce double mystère accompagne chaque année l’entrée dans la Semaine Sainte, dans les deux moments caractéristiques de cette célébration : la procession avec des rameaux de palmier et d’olivier au début et puis la lecture solennelle du récit de la Passion.

Laissons-nous impliquer dans cette action animée par l’Esprit Saint, pour obtenir ce que nous avons demandé dans la prière : accompagner avec foi notre Sauveur sur son chemin et garder toujours présent à l’esprit le grand enseignement de sa passion comme modèle de vie et de victoire contre l’esprit du mal.

Jésus nous montre comment affronter les moments difficiles et les tentations les plus insidieuses, en gardant dans le cœur une paix qui n’est pas une prise de distance, ni une insensibilité ou une attitude de surhomme, mais abandon confiant au Père et à sa volonté de salut, de vie, de miséricorde ; et dans toute sa mission, il est passé à travers la tentation de ‘‘faire son œuvre’’, en choisissant lui sa façon de faire et en se détachant de l’obéissance au Père. Dès le début, dans la lutte des quarante jours au désert, jusqu’à la fin, dans la Passion, Jésus repousse cette tentation par l’obéissance confiante au Père.

Aujourd’hui aussi, lors de son entrée à Jérusalem, il nous montre le chemin. Car dans cet événement, le malin, le Prince de ce monde avait une carte à jouer : la carte du triomphalisme, et le Seigneur a répondu en restant fidèle à son chemin, le chemin de l’humilité.

Le triomphalisme cherche à atteindre le but par des raccourcis, de faux compromis. Il vise à monter sur le char des vainqueurs. Le triomphalisme vit de gestes et de paroles qui cependant ne sont pas passés par le creuset de la croix ; il s’alimente de la confrontation avec les autres en les jugeant toujours pires, limités, ratés… Une forme subtile de triomphalisme est la mondanité spirituelle, qui est le pire danger, la tentation la plus perfide qui menace l’Église (De Lubac). Jésus a détruit le triomphalisme par sa passion.

Le Seigneur a vraiment partagé et s’est réjoui avec le peuple, avec les jeunes qui criaient son nom en l’acclamant comme Roi et Messie. Son cœur se réjouissait en voyant l’enthousiasme et la fête des pauvres d’Israël. Au point qu’à ces pharisiens qui lui demandaient de réprimander ses disciples à cause de leurs acclamations scandaleuses, il a répondu : « Si eux se taisent, les pierres crieront » (Lc 19, 40). L’humilité ne veut pas dire nier la réalité et Jésus est réellement le Messie, le Roi.

Mais en même temps, le cœur du Christ est sur une autre voie, sur la voie sainte que seuls lui et le Père connaissent : celle qui conduit de la « condition de Dieu » à la « condition de serviteur », la voie de l’humiliation dans l’obéissance « jusqu’à la mort, et la mort de la croix » (Ph 2, 6-8). Il sait que pour atteindre le vrai triomphe, il doit faire de la place à Dieu ; et pour faire de la place à Dieu, il n’y a qu’une seule manière : se dépouiller et se vider de soi-même. Se taire, prier, s’humilier. Avec la croix, on ne négocie pas, ou on l’embrasse ou bien on la rejette. Et par son humiliation, Jésus a voulu nous ouvrir la voie de la foi et nous y précéder.

Derrière lui, la première à la parcourir a été sa Mère, Marie, la première disciple. La Vierge et les saints ont dû souffrir pour marcher dans la foi et dans la volonté de Dieu. Face aux événements durs et douloureux de la vie, répondre avec foi coûte « une certaine peine du cœur » (cf. S. Jean-Paul II, Enc. Redemptoris Mater, n. 17). C’est la nuit de la foi. Mais ce n’est que de cette nuit que pointe l’aube de la résurrection. Aux pieds de la croix, Marie a repensé aux paroles par lesquelles l’Ange lui avait annoncé son Fils : « Il sera grand […] ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin » (Lc 1, 32-33). Au Golgotha, Marie se trouve face au démenti total de cette promesse : son Fils agonise sur une croix comme un malfaiteur. Ainsi le triomphalisme, détruit par l’humiliation de Jésus, a été également détruit dans le cœur de la Mère ; tous deux ont su se taire.

Précédés par Marie, d’innombrables saints et saintes ont suivi Jésus sur le chemin de l’humilité et de l’obéissance. Aujourd’hui, Journée Mondiale de la Jeunesse, je voudrais évoquer les nombreux saints et saintes jeunes, surtout de ‘‘la porte d’à côté’’, que Dieu seul connaît, et que parfois il se plaît à nous révéler par surprise. Chers jeunes, n’ayez pas honte de manifester votre enthousiasme pour Jésus, de crier qu’il vit, qu’il est votre vie. Mais en même temps, n’ayez pas peur de le suivre sur le chemin de la croix. Et quand vous sentirez qu’il vous demande de renoncer à vous-mêmes, de vous dépouiller de vos sécurités, de vous confier complètement au Père qui est dans les cieux, alors réjouissez-vous et exultez ! Vous êtes sur le chemin du Royaume de Dieu.

Des acclamations festives et un acharnement féroce ; le silence de Jésus dans sa passion est impressionnant. Il vainc aussi la tentation de répondre, d’être ‘‘médiatique’’. Dans les moments d’obscurité et de grande tribulation, il faut se taire, avoir le courage de se taire, pourvu que ce soit un silence serein et non rancunier. La douceur du silence nous fera apparaître encore plus fragiles, plus humiliés, et alors le démon, en reprenant courage, sortira à visage découvert. Il faudra lui résister dans le silence, ‘‘en maintenant la position’’, mais dans la même attitude que Jésus. Lui sait que la guerre est entre Dieu et le Prince de ce monde et qu’il ne s’agit pas de saisir une épée, mais de rester calmes, fermes dans la foi. C’est l’heure de Dieu. Et à l’heure où Dieu descend dans la bataille, il faut le laisser faire. Notre place sûre sera sous le manteau de la sainte Mère de Dieu. Et tandis que nous attendons que le Seigneur vienne et calme la tempête (cf. Mc 4, 37-41), par notre témoignage silencieux en prière, nous rendons à nous-mêmes et aux autres « raison de l’espérance qui est en [nous] » (1P 3, 15). Cela nous aidera à vivre dans la sainte tension entre la mémoire des promesses, la réalité de la détermination présente sur la croix et l’espérance de la résurrection.

Place Saint-Pierre
XXXIVe Journée mondiale de la Jeunesse
Dimanche 14 avril 2019

(vatican.va)

CÉLÉBRATION PÉNITENTIELLE

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

« Il ne resta seulement qu’elles deux : la misère et la miséricorde » (In Joh 33,5). C’est de cette manière que Saint Augustin resitue le final de l’Évangile que nous venons d’entendre. Ceux qui étaient venus pour jeter des pierres à la femme ou pour accuser Jésus vis-à-vis de la Loi sont partis. Ils sont partis, ils n’avaient pas d’autres intérêts. Jésus, au contraire, reste. Il reste parce qu’elle est précieuse à ses yeux : cette femme, cette personne. Pour lui, avant le péché, il y a le pécheur. Moi, toi, chacun de nous, nous venons en premier dans le cœur de Dieu : avant les erreurs, les règles, les jugements, et avant nos chutes. Demandons la grâce d’un regard semblable à celui de Jésus, demandons d’avoir l’image chrétienne de la vie, qui voit le pécheur avec amour avant le péché, celui qui a erré avant l’erreur, la personne avant son histoire.

« Il ne resta seulement qu’elles deux : la misère et la miséricorde ». Pour Jésus, cette femme surprise en adultère ne représente pas un paragraphe de la Loi, mais une situation concrète dans laquelle s’impliquer. C’est pourquoi il reste là avec la femme, restant le plus souvent en silence. Et en attendant il fait deux fois un geste mystérieux : il écrit parterre avec le doigt (Jn 8, 6.8). Nous ne savons pas ce qu’il a écrit, et peut-être ce n’est pas la chose la plus importante : l’attention de l’Évangile porte sur le fait que le Seigneur écrit. L’épisode du Sinaï vient à l’esprit, quand Dieu avait écrit les tables de la Loi avec son doigt (cf. Ex 31, 18), comme fait à présent Jésus. Par la suite, Dieu avait promis, par les prophètes, de ne plus écrire sur des tables de pierre, mais directement dans les cœurs (cf. Jr 31, 33), sur les tables de chair de nos cœurs (cf. 2 Co 3,3). Avec Jésus, miséricorde de Dieu incarnée, le moment d’écrire dans le cœur de l’homme est arrivé, de donner une espérance sûre à la misère humaine : de donner, non seulement des lois extérieures qui laissent souvent Dieu et l’homme distants, mais la loi de l’Esprit qui entre dans le cœur et le libère. C’est ce qui arrive pour la femme qui rencontre Jésus et qui se remet à vivre. Et elle part pour ne plus pécher (cf. Jn 8, 11). C’est Jésus qui, avec la force de l’Esprit Saint, nous libère du mal que nous avons à l’intérieur, du péché que la Loi pouvait entraver mais non pas enlever.

Et cependant le mal est fort, il a un pouvoir séduisant : il attire, il fascine. Pour s’en détacher, notre engagement ne suffit pas, il faut un amour plus grand. On ne peut pas vaincre le mal sans Dieu : seul son amour redresse à l’intérieur, seule sa tendresse déversée dans le cœur rend libre. Si nous voulons être libérés du mal, de la place doit être faite au Seigneur qui pardonne et qui guérit. Et il le fait surtout à travers le sacrement que nous sommes en train de célébrer. La Confession, c’est le passage de la misère à la miséricorde, c’est l’écriture de Dieu dans le cœur. A chaque fois, nous y lisons que nous sommes précieux aux yeux de Dieu, qu’il est Père et qu’il nous aime plus que nous nous aimons nous-mêmes.

« Il ne resta seulement qu’elles deux : la misère et la miséricorde ». Elles seules. Combien de fois nous nous sentons seuls et perdons le fil de la vie. Combien de fois nous ne savons plus comment recommencer, oppressés par la difficulté de nous accepter. Nous avons besoin de recommencer mais nous ne savons pas à partir d’où. Le chrétien naît du pardon qu’il reçoit au Baptême. Et il renaît toujours de là : du pardon surprenant de Dieu, de sa miséricorde qui restaure. C’est seulement en tant que pardonnés que nous pouvons repartir rassurés, après avoir éprouvé la joie d’être aimés du Père jusqu’au bout. Des choses vraiment nouvelles en nous se produisent seulement à travers le pardon de Dieu. Réécoutons une phrase que le Seigneur nous a dite aujourd’hui à travers le prophète Isaïe : « Je fais une chose nouvelle » (Is 43, 19). Le pardon nous donne un nouveau départ, il fait de nous une créature nouvelle, il nous fait toucher du doigt la vie nouvelle. Le pardon de Dieu n’est pas une photocopie qui se répète à l’identique à chaque passage au confessionnal. Recevoir, par l’intermédiaire du prêtre, le pardon des péchés est une expérience toujours nouvelle, originale et inimitable. Elle nous fait passer du fait d’être seuls avec nos misères et nos accusateurs, comme la femme de l’Evangile, au fait d’être relevés et encouragés par le Seigneur qui nous fait repartir.

« Il ne resta seulement qu’elles deux : la misère et la miséricorde ». Que faire pour s’attacher à la miséricorde, pour vaincre la peur de la confession ? Accueillons encore l’invitation d’Isaïe : « Ne voyez-vous pas ? » (Is 43, 19). Se rendre compte du pardon de Dieu. C’est important. Il serait beau, après la confession, de rester comme cette femme, le regard fixé sur Jésus qui vient de nous libérer : non plus sur nos misères, mais sur sa miséricorde. Regarder le Crucifix et dire avec étonnement : “Voilà où sont allés finir mes péchés. Tu les as pris sur toi. Tu ne m’as pas pointé du doigt, tu m’as ouvert les bras et tu m’as encore pardonné”. Il est important de faire mémoire du pardon de Dieu, de se rappeler sa tendresse, de savourer de nouveau la paix et la liberté dont nous avons fait l’expérience. Parce que c’est le cœur de la confession : non pas les péchés que nous disons, mais l’amour divin que nous recevons et dont nous avons toujours besoin. Il peut nous venir encore un doute : “se confesser ne sert à rien, je fais toujours les mêmes péchés”. Mais le Seigneur nous connaît, il sait que le combat intérieur est dur, que nous sommes faibles et prêts à tomber, souvent récidivistes dans le mal. Et il nous propose de recommencer à être des récidivistes dans le bien et à faire de nous des créatures nouvelles. Repartons alors de la Confession, redonnons à ce sacrement la place qu’il mérite dans la vie et dans la pastorale.

« Il ne resta seulement qu’elles deux : la misère et la miséricorde ». Nous aussi aujourd’hui nous vivons dans la Confession cette rencontre de salut : nous, avec nos misères et notre péché ; le Seigneur, qui nous connaît, nous aime et nous libère du mal. Entrons dans cette rencontre, en demandant la grâce de la découvrir de nouveau.

Basilique Saint-Pierre
Vendredi 29 mars 2019


(vatican.va)

MESSE, BÉNÉDICTION ET IMPOSITION DES CENDRES

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

« Sonnez du cor, prescrivez un jeûne sacré » (Jl 2, 15), dit le prophète dans la Première Lecture. Le Carême s’ouvre avec un son strident, celui d’une corne qui ne caresse pas les oreilles, mais organise un jeûne. C’est un son puissant, qui veut ralentir notre vie qui va toujours au pas de course, mais souvent ne sait pas bien où. C’est un appel à s’arrêter - un arrête-toi - , à aller à l’essentiel, à jeûner du superflu qui distrait. C’est un réveil pour l’âme.

Au son de ce réveil est joint le message que le Seigneur transmet par la bouche du prophète, un message bref et pressant : « Revenez à moi » (v. 12). Revenir. Si nous devons revenir, cela signifie que nous sommes allés ailleurs. Le Carême est le temps pour retrouver la route de la vie. Parce que dans le parcours de la vie, comme sur tout chemin, ce qui compte vraiment est de ne pas perdre de vue le but. Lorsqu’au contraire dans le voyage, ce qui intéresse est de regarder le paysage ou de s’arrêter pour manger, on ne va pas loin. Chacun de nous peut se demander : sur le chemin de la vie, est-ce que je cherche la route ? Ou est-ce que je me contente de vivre au jour le jour, en pensant seulement à aller bien, à résoudre quelques problèmes et à me divertir un peu ? Quelle est la route ? Peut-être la recherche de la santé, que beaucoup disent venir avant tout mais qui un jour ou l’autre passera ? Peut-être les biens et le bien-être ? Mais nous ne sommes pas au monde pour cela. Revenez à moi, dit le Seigneur. A moi. C’est le Seigneur le but de notre voyage dans le monde. La route est fondée sur Lui.

Pour retrouver la route, aujourd’hui nous est offert un signe : des cendres sur la tête. C’est un signe qui nous fait penser à ce que nous avons en tête. Nos pensées poursuivent souvent des choses passagères, qui vont et viennent. La légère couche de cendres que nous recevrons est pour nous dire, avec délicatesse et vérité : des nombreuses choses que tu as en tête, derrière lesquelles chaque jour tu cours et te donne du mal, il ne restera rien. Pour tout ce qui te fatigue, de la vie tu n’emporteras avec toi aucune richesse. Les réalités terrestres s’évanouissent, comme poussière au vent. Les biens sont provisoires, le pouvoir passe, le succès pâlit. La culture de l’apparence, aujourd’hui dominante, qui entraîne à vivre pour les choses qui passent, est une grande tromperie. Parce que c’est comme une flambée : une fois finie, il reste seulement la cendre. Le Carême est le temps pour nous libérer de l’illusion de vivre en poursuivant la poussière. Le Carême c’est redécouvrir que nous sommes faits pour le feu qui brûle toujours, non pour la cendre qui s’éteint tout de suite; pour Dieu, non pour le monde ; pour l’éternité du Ciel, non pour la duperie de la terre ; pour la liberté des enfants, non pour l’esclavage des choses. Nous pouvons nous demander aujourd’hui : de quel côté suis-je ? Est-ce que je vis pour le feu ou pour la cendre ?

Dans ce voyage de retour à l’essentiel qu’est le Carême, l’Evangile propose trois étapes que le Seigneur demande de parcourir sans hypocrisie, sans comédie : l’aumône, la prière, le jeûne. A quoi servent-elles ? L’aumône, la prière et le jeûne nous ramènent aux trois seules réalités qui ne disparaissent pas. La prière nous rattache à Dieu ; la charité au prochain ; le jeûne à nous-mêmes. Dieu, les frères, ma vie : voilà les réalités qui ne finissent pas dans le néant, sur lesquelles il faut investir. Voilà où le Carême nous invite à regarder : vers le Haut, avec la prière qui nous libère d’une vie horizontale, plate, où on trouve le temps pour le ‘je’ mais où l’on oublie Dieu. Et puis vers l’autre avec la charité qui libère de la vanité de l’avoir, du fait de penser que les choses vont bien si elles me vont bien à moi. Enfin, il nous invite à regarder à l’intérieur, avec le jeûne, qui nous libère de l’attachement aux choses, de la mondanité qui anesthésie le cœur. Prière, charité, jeûne : trois investissements pour un trésor qui dure.

Jésus a dit : « Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur » (Mt 6, 21). Notre cœur regarde toujours dans quelque direction : il est comme une boussole en recherche d’orientation. Nous pouvons aussi le comparer à un aimant : il a besoin de s’attacher à quelque chose. Mais s’il s’attache seulement aux choses terrestres, tôt ou tard, il en devient esclave : les choses dont on se sert deviennent des choses à servir. L’aspect extérieur, l’argent, la carrière, les passe-temps : si nous vivons pour eux, ils deviendront des idoles qui nous utilisent, des sirènes qui nous charment et ensuite nous envoient à la dérive. Au contraire, si le cœur s’attache à ce qui ne passe pas, nous nous retrouvons nous-même et nous devenons libres. Le Carême est un temps de grâce pour libérer le cœur des vanités. C’est un temps de guérison des dépendances qui nous séduisent. C’est un temps pour fixer le regard sur ce qui demeure.

Où fixer alors le regard le long du chemin du Carême ? C'est simple: sur le Crucifié. Jésus en croix est la boussole de la vie, qui nous oriente vers le Ciel. La pauvreté du bois, le silence du Seigneur, son dépouillement par amour nous montrent les nécessités d’une vie plus simple, libre de trop de soucis pour les choses. De la Croix Jésus nous enseigne le courage ferme du renoncement. Parce que chargés de poids encombrants, nous n’irons jamais de l’avant. Nous avons besoin de nous libérer des tentacules du consumérisme et des liens de l’égoïsme, du fait de vouloir toujours plus, de n’être jamais content, du cœur fermé aux besoins du pauvre. Jésus sur le bois de la croix brûle d’amour, il nous appelle à une vie enflammée de Lui, qui ne se perd pas parmi les cendres du monde ; une vie qui brûle de charité et ne s’éteint pas dans la médiocrité. Est-il difficile de vivre comme lui le demande ? Oui, c'est difficile, mais il conduit au but. Le Carême nous le montre. Il commence avec la cendre, mais à la fin, il nous mène au feu de la nuit de Pâques ; à découvrir que, dans le tombeau, la chair de Jésus ne devient pas cendre, mais resurgit glorieuse. Cela vaut aussi pour nous, qui sommes poussière : si avec nos fragilités nous revenons au Seigneur, si nous prenons le chemin de l’amour, nous embrasserons la vie qui n’a pas de couchant. Et nous serons certainement dans la joie.

Basilique Sainte-Sabine
Mercredi 6 mars 2019

(vatican.va)

FÊTE DE LA PRÉSENTATION DU SEIGNEUR XXIIIE JOURNÉE MONDIALE DE LA VIE CONSACRÉE

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Aujourd’hui la Liturgie montre Jésus qui va à la rencontre de son peuple. C’est la fête de la rencontre : la nouveauté de l’Enfant rencontre la tradition du temple ; la promesse trouve un accomplissement ; Marie et Joseph, jeunes, rencontrent Syméon et Anne âgés. Tout, en somme, se rencontre quand arrive Jésus.

Qu’est-ce-que cela nous dit à nous ? Surtout que nous aussi sommes appelés à accueillir Jésus qui vient à notre rencontre. Le rencontrer : le Dieu de la vie se rencontre chaque jour de la vie ; non de temps en temps, mais chaque jour. Suivre Jésus n’est pas une décision prise une fois pour toutes, c’est un choix quotidien. Et le Seigneur ne se rencontre pas virtuellement, mais directement, en le rencontrant dans la vie, dans la vie concrète. Autrement, Jésus devient seulement un beau souvenir du passé. Lorsqu’au contraire nous l’accueillons comme Seigneur de la vie, centre de tout, cœur battant de toute chose, alors il vit et revit en nous. Et il nous arrive aussi ce qui arrive dans le temple : autour de lui tout le monde se rencontre, la vie devient harmonieuse. Avec Jésus on retrouve le courage d’aller de l’avant et la force de rester solides. La rencontre avec le Seigneur est la source. Il est important alors de revenir aux sources : retourner par la mémoire aux rencontres décisives qu’on a eues avec lui, raviver le premier amour, peut-être écrire notre histoire d‘amour avec le Seigneur. Cela fera du bien à notre vie consacrée, afin qu’elle ne devienne pas temps qui passe, mais qu’elle soit temps de rencontre.

Si nous faisons mémoire de notre rencontre fondatrice avec le Seigneur, nous nous apercevons qu’elle n’est pas arrivée comme une question privée entre nous et Dieu. Non, elle s’est épanouie dans le peuple croyant, à côté de nombreux frères et sœurs, dans des temps et des lieux précis. L’Evangile nous le dit, montrant comment la rencontre se passe dans le peuple de Dieu, dans son histoire concrète, dans ses traditions vivantes : dans le temple, selon la Loi, dans le climat de la prophétie, avec les jeunes et les aînés ensemble (cf. Lc 2, 25-28.34). Ainsi la vie consacrée : elle s’épanouit et fleurit dans l’Eglise ; si elle s’isole, elle se fane. Elle mûrit lorsque les jeunes et les aînés marchent ensemble, lorsque les jeunes retrouvent les racines et les aînés accueillent les fruits. Elle stagne au contraire quand on marche seul, quand on reste fixé sur le passé ou qu’on se jette en avant pour chercher à survivre. Aujourd’hui, fête de la rencontre, demandons la grâce de redécouvrit le Seigneur vivant, dans le peuple croyant, et de faire rencontrer le charisme reçu avec la grâce de l’aujourd’hui.

L’Evangile nous dit aussi que la rencontre de Dieu avec son peuple a un début et un objectif. Elle commence par l’appel au temple et elle aboutit à la vision dans le temple. L’appel est double. Il y a un premier appel « ce qui est écrit dans la Loi » (v. 23). C’est celui de Joseph et Marie, qui vont au temple pour accomplir ce que la Loi prescrit. Le texte le souligne presque comme un refrain, bien quatre fois (cf. v. 22.23.24.27). Ce n’est pas une contrainte : les parents de Jésus ne viennent pas par force ou pour satisfaire une simple formalité extérieure ; ils viennent pour répondre à l’appel de Dieu. Ensuite il y a un second appel, selon l’Esprit. C’est celui de Syméon et Anne. Cela aussi est mis en évidence avec insistance : par trois fois, au sujet de Syméon, on parle de l’Esprit Saint (cf. v. 25.26.27) et on termine avec la prophétesse Anne qui, inspirée, loue Dieu (cf. v. 38). Deux jeunes accourent au temple appelés par la Loi ; deux aînés mus par l’Esprit. Ce double appel, de la Loi et de l’Esprit, que dit-il à notre vie spirituelle et à notre vie consacrée ? Que tous nous sommes appelés à une double obéissance : à la loi – dans le sens de ce qui donne bon ordre à la vie – et à l’Esprit, qui fait des choses nouvelles dans la vie. Ainsi naît la rencontre avec le Seigneur : l’Esprit révèle le Seigneur, mais pour l’accueillir il faut la constance fidèle de chaque jour. Même les charismes les plus grands, sans une vie ordonnée, ne portent pas de fruit. D’autre part les meilleures règles ne suffisent pas sans la nouveauté de l’Esprit : loi et Esprit vont ensemble.

Pour mieux comprendre cet appel que nous voyons aujourd’hui dans les premiers jours de vie de Jésus, au temple, nous pouvons aller aux premiers jours de son ministère public, à Cana, où il transforme l’eau en vin. Là aussi, il y a un appel à l’obéissance, avec Marie qui dit : « Tout ce qu’il [Jésus] vous dira, faites-le » (Jn 2, 5). Tout. Et Jésus demande une chose particulière ; il ne fait pas tout de suite une chose nouvelle, il ne procure pas de rien le vin qui manque – il aurait pu le faire –, mais il demande une chose concrète et exigeante. Il demande de remplir six grandes amphores de pierre pour la purification rituelle, qui rappellent la Loi. Il voulait dire de transvaser environ six cent litres d’eau du puits : du temps et de la fatigue, qui paraissaient inutiles, puisque ce qui manquait ce n’était pas l’eau mais le vin ! Pourtant justement de ces amphores bien remplies « jusqu’au bord » (v. 7), Jésus tire le vin nouveau. Il en est ainsi pour nous : Dieu nous appelle à la rencontre à travers la fidélité à des choses concrètes – On rencontre toujours Dieu dans le concret – : la prière quotidienne, la Messe, la Confession, une vraie charité, la Parole de Dieu chaque jour, la proximité, surtout avec ceux qui sont dans le besoin, spirituellement et matériellement. Ce sont des choses concrètes, comme dans la vie consacrée, l’obéissance au Supérieur et aux Règles. Si on met en pratique avec amour cette loi – avec amour ! – l’Esprit survient et apporte la surprise de Dieu, comme au temple et à Cana. L’eau du quotidien se transforme alors en vin de la nouveauté et la vie, qui semble plus contrainte, devient en réalité plus libre. En ce moment je me souviens d’une sœur, humble, qui avait précisément le charisme d’être proche des prêtres et des séminaristes. Avant-hier, a été introduite ici, dans le diocèse [de Rome], sa cause de béatification. Une sœur simple : elle n’avait pas de grandes lumières, mais elle avait la sagesse de l’obéissance, de la fidélité et de ne pas avoir peur des nouveautés. Demandons au Seigneur, à travers sœur Bernadette, de nous donner à nous tous la grâce d’emprunter ce chemin.

La rencontre qui naît de l’appel, culmine dans la vision. Syméon dit : « Mes yeux ont vu le salut » (Lc 2, 30). Il voit l’Enfant et il voit le salut. Il ne voit pas le Messier qui accomplit des prodiges, mais un petit enfant. Il ne voit pas quelque chose d’extraordinaire, mais Jésus avec ses parents, qui portent au temple deux tourterelles et deux colombes, c’est-à-dire l’offrande la plus humble (cf. v. 24). Syméon voit la simplicité de Dieu et accueille sa présence. Il ne cherche pas autre chose, il ne demande pas et ne veut pas davantage, il lui suffit de voir l’Enfant et de le prendre dans ses bras : « nunc dimittis, maintenant tu peux me laisser m’en aller » (cf. v. 29). Dieu lui suffit comme il est. En lui il trouve le sens ultime de sa vie. C’est la vision de la vie consacrée, une vision simple et prophétique dans sa simplicité, où on tient le Seigneur devant les yeux et entre les bras, et rien d’autre ne sert. La vie c’est Lui, l’espérance c’est Lui, l’avenir c’est Lui. La vie consacrée est cette vision prophétique dans l’Eglise : c’est un regard qui voit Dieu présent dans le monde, même si beaucoup ne s’en aperçoivent pas ; c’est une voix qui dit : “Dieu suffit, le reste passe” ; c’est une louange qui jaillit malgré tout, comme le montre la prophétesse Anne. C’était une femme très âgée, qui avait vécu de nombreuses d’années de veuvage, mais elle n’était pas maussade, nostalgique ou repliée sur elle ; au contraire, elle survient, loue Dieu et parle seulement de Lui (cf. v. 38). J’aime penser que cette femme ‘‘bavardait bien’’, et contre le mal du papotage elle serait une bonne marraine pour nous convertir, car elle allait d’un endroit à un autre en ne faisant que dire : ‘‘C’est lui ! C’est cet enfant ! Allez le voir !’’. J’aime la voir ainsi, comme une femme du quartier.

Voilà la vie consacrée : louange qui donne joie au peuple de Dieu, vision prophétique qui révèle ce qui compte. Quand c’est ainsi, elle fleurit et devient un rappel pour tous contre la médiocrité : contre les baisses de profondeur dans la vie spirituelle, contre la tentation de jouer au rabais avec Dieu, contre l’accommodation à une vie facile et mondaine, contre la lamentation – les plaintes –, l’insatisfaction et le fait de pleurer sur son sort, contre l’habitude du “on fait ce qu’on peut” et du “on a toujours fait ainsi” : ce ne sont pas des phrases en accord avec Dieu. La vie consacrée n’est pas survivance, ce n’est pas de se préparer à l’‘‘ars bene moriendi’’ : cela, c’est la tentation d’aujourd’hui face à la baisse des vocations. Non, elle n’est pas une survivance, elle est vie nouvelle. ‘‘Mais… nous sommes peu nombreux…’’ – c’est une vie nouvelle. C’est une rencontre vivante avec le Seigneur dans son peuple. C’est un appel à l’obéissance fidèle de chaque jour et aux surprises inédites de l’Esprit. C’est une vision de ce qu’il importe d’embrasser pour avoir la joie: Jésus.

Basilique vaticane
Samedi 2 février 2019

(vatican.va)

MESSE EN LA SOLENNITÉ DE L'ÉPIPHANIE DU SEIGNEUR

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Epiphanie : ce mot signifie la manifestation du Seigneur, qui, comme le dit saint Paul dans la deuxième lecture (cf. Ep. 3,6), se révèle à tous les peuples, représentés aujourd’hui par les Mages. Se dévoile ainsi la merveilleuse réalité de Dieu qui est venu pour tous : toutes les nations, langues et peuples sont accueillis par lui et aimés de lui. Le symbole de cela est la lumière qui rejoint et illumine toutes choses.

Maintenant, si notre Dieu se manifeste à tous, il est cependant surprenant de constater de quelle façon il se manifeste. Dans l’Évangile est raconté un va-et-vient autour du palais du roi Hérode, alors même que Jésus est présenté comme roi : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? » (Mt 2,2), demandent les Mages. Ils le trouveront, mais pas là où ils pensaient : non pas dans le palais royal de Jérusalem, mais dans une humble demeure à Bethléem. Le même paradoxe émergeait à Noël, quand l’Évangile parlait du recensement de toute la terre à l’époque de l’empereur Auguste et du gouverneur Quirinius (cf. Lc 2,2). Mais aucun des puissants d’alors n’a réalisé que le Roi de l’histoire était né en leur temps. Et encore, quand Jésus, âgé d’une trentaine d’années, se manifeste publiquement, précédé par Jean le Baptiste, l’Évangile offre une autre présentation solennelle du contexte, en énumérant tous les "grands" d’alors, les pouvoirs séculiers et spirituels : l’empereur Tibère, Ponce Pilate, Hérode, Philippe, Lysanias, les grands prêtres Hanne et Caïphe. Et il conclut : « la Parole de Dieu fut adressée dans le désert à Jean » (Lc 3,2). Donc à aucun des grands, mais à un homme qui s’était retiré dans le désert. Voilà la surprise : Dieu ne s’élève pas au-devant de la scène du monde pour se manifester.

En écoutant cette liste de personnages illustres, pourrait surgir la tentation de "tourner les projecteurs" sur eux. Nous pourrions penser : c’eût été meilleur si l’étoile de Jésus était apparue à Rome, sur la colline du Palatin, d’où Auguste régnait sur le monde ; tout l’empire serait devenu immédiatement chrétien. Ou, s’il avait illuminé le palais d’Hérode, celui-ci aurait pu faire le bien, plutôt que le mal. Mais la lumière de Dieu ne va pas chez celui qui brille de sa propre lumière. Dieu se propose, il ne s’impose pas ; il éclaire, mais il n’éblouit pas. C’est toujours une grande tentation de confondre la lumière de Dieu et les lumières du monde. Combien de fois nous avons suivi les éclats séduisants du pouvoir et de la scène, convaincus de rendre un bon service à l’Évangile ! Mais nous avons ainsi détourné les lumières du mauvais côté, parce que Dieu n’était pas là. Sa douce lumière resplendit dans l’amour humble. Combien de fois, en tant qu’Église, nous avons essayé de briller de notre propre lumière ! Mais nous ne sommes pas le soleil de l’humanité. Nous sommes la lune, qui, même avec ses ombres, reflète la lumière véritable, le Seigneur. L’Église est le mysterium lunae et le Seigneur est la lumière du monde (cf. Jn 9,5). Lui, non pas nous.

La lumière de Dieu va chez celui qui l’accueille. Isaïe, dans la première lecture (cf. 60,2) nous rappelle que la lumière divine n’empêche pas les ténèbres et les brumes épaisses de recouvrir la terre, mais qu’elle resplendit en celui qui est disposé à la recevoir. C’est pourquoi le prophète lance une invitation qui interpelle chacun de nous : « Debout, resplendis » (60,1). Il faut se mettre debout, c’est-à-dire se lever de sa propre sédentarité et se disposer à marcher. Autrement on reste immobile, comme les scribes consultés par Hérode, qui savaient bien où devait naître le Messie, mais qui n’ont pas bougé. Et puis il est nécessaire de se revêtir de Dieu qui est la lumière, chaque jour, jusqu’à ce que Jésus devienne notre vêtement quotidien. Mais pour mettre l’habit de Dieu, qui est simple comme la lumière, il faut d’abord se défaire des vêtements somptueux. Autrement on fait comme Hérode qui, à la lumière divine, préférait les lumières terrestres du succès et du pouvoir. Les Mages, au contraire, réalisent la prophétie, ils se lèvent pour être revêtus de lumière. Eux seuls voient l’étoile dans le ciel : ni les scribes, ni Hérode, personne à Jérusalem. Pour trouver Jésus, il faut déterminer un itinéraire différent, il faut prendre une voie alternative, la sienne, la voie de l’amour humble. Et il faut s’y maintenir. En effet l’Évangile de ce jour conclut en disant que les Mages, ayant rencontré Jésus, « regagnèrent leur pays par un autre chemin » (Mt 2, 12). Un autre chemin, différent de celui d’Hérode. Une voie alternative au monde, comme celle suivie par ceux qui à Noël sont avec Jésus : Marie et Joseph, les bergers. Eux, comme les Mages, ont laissé leurs maisons et sont devenus pèlerins sur les chemins de Dieu. Parce que seul celui qui abandonne ses attachements mondains pour se mettre en chemin trouve le mystère de Dieu.

C’est aussi valable pour nous. Il ne suffit pas de savoir où Jésus est né, comme les scribes, si nous ne rejoignons pas ce où. Quand son où devient le nôtre, que son quand devient notre quand, sa personne notre vie, alors les prophéties s’accomplissent en nous. Alors Jésus naît au-dedans de nous et il devient Dieu vivant pour moi. Aujourd’hui, frères et sœurs, nous sommes invités à imiter les Mages. Ils ne discutent pas, mais ils marchent ; ils ne restent pas à regarder, mais ils entrent dans la maison de Jésus ; ils ne se mettent pas au centre, mais ils se prosternent devant lui qui est le centre ; ils ne se fixent pas sur leurs plans, mais ils se disposent à prendre d’autres chemins. Dans leurs actes, il y a un contact étroit avec le Seigneur, une ouverture radicale à lui, une implication totale en lui. Avec lui, ils utilisent le langage de l’amour, la même langue que Jésus, encore enfant, parle déjà. En effet, les Mages vont chez le Seigneur non pas pour recevoir, mais pour donner. Demandons-nous : à Noël avons-nous porté un cadeau à Jésus, pour sa fête, ou avons-nous échangé des cadeaux seulement entre nous ?

Si nous sommes allés chez le Seigneur les mains vides, aujourd’hui nous pouvons y remédier. L’֤Évangile présente, en effet, pour ainsi dire, une petite liste de cadeaux : l’or, l’encens et la myrrhe. L’or, considéré comme l’élément le plus précieux, rappelle qu’à Dieu revient la première place. Il doit être adoré. Mais pour le faire, il est nécessaire de se priver soi-même de la première place et de se reconnaître pauvres, et non pas autosuffisants. Voilà alors l’encens, pour symboliser la relation avec le Seigneur, la prière, qui comme un parfum monte vers Dieu (cf. Ps 141,2). Mais, comme l’encens doit brûler pour parfumer, ainsi faut-il pour la prière "brûler" un peu de temps, le dépenser pour le Seigneur. Et le faire vraiment, pas seulement en paroles. A propos des faits, voici la myrrhe, un onguent qui sera utilisé pour envelopper avec amour le corps de Jésus descendu de la croix (cf. Jn 19,39). Le Seigneur désire que nous prenions soin des corps éprouvés par la souffrance, de sa chair la plus faible, de celui qui est laissé en arrière, de celui qui peut seulement recevoir sans rien donner de matériel en échange. Elle est précieuse aux yeux de Dieu la miséricorde envers celui qui n’a rien à redonner, la gratuité ! Elle est précieuse aux yeux de Dieu la gratuité. En ce temps de Noël qui arrive à sa fin, ne perdons pas l’occasion de faire un beau cadeau à notre Roi, venu pour tous, non pas sur les scènes somptueuses du monde, mais dans la pauvreté lumineuse de Bethléem. Si nous le faisons, sa lumière resplendira sur nous.

Basilique vaticane
Dimanche 6 janvier 2019

(vatican.va)

MESSE EN LA SOLENNITÉ SOLENNITÉ DE SAINTE MARIE TRÈS SAINTE MÈRE DE DIEU LIIE JOURNÉE MONDIALE DE LA PAIX

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

« Tous ceux qui entendirent s’étonnaient de ce que leur racontaient les bergers » (Lc 2, 18). S’étonner : c’est à cela que nous sommes conviés aujourd’hui, en conclusion de l’Octave de Noël, le regard encore posé sur l’enfant né pour nous, pauvre de tout et riche en amour. Etonnement : c’est l’attitude qu’il convient d’avoir en début d’année, parce que la vie est un don qui nous donne la possibilité de toujours recommencer, même de très bas.

Mais aujourd’hui c’est aussi le jour de s’étonner devant la Mère de Dieu : Dieu est un petit enfant dans les bras d’une femme qui nourrit son Créateur. La statue qui se trouve devant représente la Mère et l’Enfant unis au point de sembler n’être qu’une seule chose. C’est le mystère de ce jour qui suscite un étonnement infini : Dieu s’est lié à l’humanité pour toujours. Dieu et l’homme toujours ensemble : voilà la bonne nouvelle de début d’année. Dieu n’est pas un maître distant qui habite, solitaire, dans les cieux, mais il est l’Amour incarné, né comme nous d’une mère pour être le frère de chacun, pour être proche : le Dieu de la proximité. Il est sur les genoux de sa mère, qui est aussi notre mère, et, de là, il reverse sur l’humanité une tendresse nouvelle. Et nous comprenons mieux l’amour divin - qui est paternel et maternel - comme celui d’une mère qui ne cesse de croire en ses fils et qui ne les abandonne jamais. Le Dieu-avec-nous nous aime indépendamment de nos erreurs, de nos péchés, de la manière dont nous faisons aller le monde. Dieu croit en l’humanité dont se détache, première et inégalable, sa Mère.

Au début de l’année, demandons-lui la grâce de l’étonnement devant le Dieu des surprises. Renouvelons l’étonnement des origines, quand la foi est née en nous. La Mère de Dieu nous aide : la Mère, qui a engendré le Seigneur, nous engendre au Seigneur. Elle est mère, et elle régénère chez ses enfants l’étonnement de la foi, parce que la foi est une rencontre, ce n’est pas une religion. La vie sans étonnement devient grise, routinière ; il en est de même de la foi. Et l’Eglise aussi a besoin de renouveler son étonnement d’être la demeure du Dieu vivant, l’Epouse du Seigneur, la Mère qui engendre des fils. Autrement, elle risque de ressembler à un beau musée du passé. L’“Eglise musée”. La Vierge, au contraire, apporte dans l’Eglise l’atmosphère de la maison, d’une maison habitée par le Dieu de la nouveauté. Accueillons avec étonnement le mystère de la Mère de Dieu, comme les habitants d’Ephèse à l’époque du Concile. Comme eux, acclamons-la : “Sainte Mère de Dieu”. Laissons-nous regarder par elle, laissons-nous embrasser, laissons-nous prendre par la main.

Laissons-nous regarder. Cela, surtout dans les moments de besoin, quand nous nous trouvons empêtrés dans les nœuds les plus compliqués de la vie, regardons à juste titre vers la Vierge vers la Mère. Mais il est beau, surtout, de se laisser regarder par la Vierge. Quand elle nous regarde, elle ne voit pas des pécheurs, mais des fils. On dit que les yeux sont le miroir de l’âme ; les yeux de la pleine de grâce reflètent la beauté de Dieu, ils réfléchissent sur nous le paradis. Jésus a dit que l’œil est « la lampe du corps » (Mt 6, 22) : les yeux de la Vierge savent éclairer toute obscurité, ils rallument partout l’espérance. Son regard, tourné vers nous, nous dit : “Chers enfants courage ; je suis là, votre mère !”.

Ce regard maternel, qui donne confiance, aide à grandir dans la foi. La foi est un lien avec Dieu qui engage la personne tout entière, et qui, pour être gardée, a besoin de la Mère de Dieu. Son regard maternel nous aide à nous voir comme des enfants aimés dans le peuple croyant de Dieu, et à nous aimer entre nous, au-delà des limites et des orientations de chacun. La Vierge nous enracine dans l’Eglise où l’unité compte plus que la diversité, et elle nous exhorte à prendre soin les uns des autres. Le regard de Marie rappelle que la tendresse, qui remédie à la tiédeur, est essentielle pour la foi. Tendresse : l’Eglise de la tendresse. Tendresse, parole qu’aujourd’hui beaucoup veulent effacer du dictionnaire. Quand, dans la foi, il y a de la place pour la Mère de Dieu, on ne perd jamais le centre, le Seigneur, car Marie ne se désigne jamais elle-même, mais Jésus ; et les frères, parce que Marie est mère.

Regard de la Mère, regard des mères. Un monde qui regarde l’avenir sans regard maternel est myope. Peut-être, les profits augmenteront ils, mais il ne saura plus voir, dans les hommes, des enfants. Il y aura des gains, mais ils ne seront pas pour tous. Nous habiterons la même maison, mais non comme des frères. La famille humaine se fonde sur les mères. Un monde dans lequel la tendresse maternelle est reléguée à un pur sentiment pourra être riche de choses, mais pas riche de lendemains. Mère de Dieu, enseigne-nous ton regard sur la vie, et tourne ton regard vers nous, vers nos misères. Tourne vers nous tes yeux miséricordieux.

Laissons-nous embrasser. Après le regard, entre ici en jeu le cœur dans lequel, dit l’Evangile de ce jour, « Marie, retenait tous ces événements et les méditait » (Lc 2, 19). Cela veut dire que la Vierge avait tout à cœur, elle embrassait tout, évènements favorables et contraires. Et elle méditait tout, c’est-à-dire portait tout à Dieu. Voilà son secret. De la même manière, elle tient à cœur la vie de chacun de nous : elle désire embrasser toutes nos situations et les présenter à Dieu.

Dans la vie dispersée d’aujourd’hui, où nous risquons de perdre le fil, l’étreinte de la Mère est essentielle. Il y a partout tant d’éparpillement et de solitude : le monde est entièrement connecté, mais il semble être de plus en plus désuni. Nous avons besoin de nous confier à la Mère. Dans l’Ecriture elle embrasse beaucoup de situations concrètes et elle est présente là où il y a besoin : elle se rend chez sa cousine Elisabeth, elle porte secours aux époux de Cana, elle encourage les disciples au Cénacle… Marie est un remède à la solitude et à la désagrégation. Elle est la Mère de la consolation, qui con-sole : elle est avec celui qui est seul. Elle sait que, pour consoler, les paroles ne suffisent pas, il faut la présence ; là elle est présente comme mère. Permettons-lui d’embrasser notre vie. Dans le Salve Regina nous l’appelons “notre vie” : cela paraît exagéré car c’est le Christ qui est notre vie (cf. Jn 14, 6) ; mais Marie est si unie à lui et si proche de nous qu’il n’y a rien de mieux que de mettre notre vie entre ses mains et de la reconnaître comme “notre vie, notre douceur, et notre espérance”.

Et puis, sur le chemin de la vie, laissons-nous prendre par la main. Les mères prennent par la main les enfants et les introduisent avec amour dans la vie. Mais combien d’enfants aujourd’hui, allant à leur propre compte, perdent la direction, se croient forts et s’égarent, de libres ils deviennent esclaves. Combien, oublieux de l’affection maternelle, vivent fâchés avec eux-mêmes et indifférents à tout ! Combien, malheureusement, réagissent à tout et à tous avec venin et méchanceté ! La vie est ainsi. Se montrer méchant semble même être parfois un signe de force. Mais c’est seulement de la faiblesse. Nous avons besoin d’apprendre des mères que l’héroïsme réside dans le fait de se donner ; la force, dans le fait d’avoir de la pitié ; la sagesse, dans la douceur.

Dieu ne s’est pas passé de sa Mère : à plus forte raison en avons-nous besoin. Jésus lui-même nous l’a donnée, non pas à n’importe quel moment, mais de la croix ; il dit au disciple, à tout disciple : « Voici ta mère » (Jn 19, 27). La Vierge n’est pas optionnelle : elle doit être accueillie dans la vie. Elle est la Reine de la paix, qui vainc le mal et conduit sur les voies du bien, qui rétablit l’unité entre ses enfants, qui éduque à la compassion.

Prends-nous par la main, Marie. Agrippés à toi nous passerons les virages les plus difficiles de l’histoire. Par la main, amène-nous à redécouvrir les liens qui nous unissent. Rassemble-nous tous sous ton manteau, dans la tendresse de l’amour vrai, où se reconstitue la famille humaine : “Sous ta protection nous cherchons refuge, Sainte Mère de Dieu”. Disons-le tous ensemble à la Vierge : “Sous ta protection nous cherchons refuge, Sainte Mère de Dieu”.

Basilique vaticane
Mardi 1er janvier 2019

(vatican.va)

SOLENNITÉ DE LA NATIVITÉ DU SEIGNEUR - CHAPELLE PAPALE

Joseph, avec Marie son épouse, monta jusqu’à « la ville de David appelée Bethléem » (Lc 2, 4). Cette nuit, nous aussi, nous montons jusqu’à Bethléem pour y découvrir le mystère de Noël.

1. Bethléem : le nom signifie maison du pain. Dans cette ‘‘maison’’, le Seigneur donne aujourd’hui rendez-vous à l’humanité. Il sait que nous avons besoin de nourriture pour vivre. Mais il sait aussi que les aliments du monde ne rassasient pas le cœur. Dans l’Écriture, le péché originel de l’humanité est associé précisément au manger : « elle prit de son fruit, et en mangea » dit le livre de la Genèse (3, 6). Elle prit et elle mangea. L’homme est devenu avide et vorace. Avoir, amasser des choses semble pour beaucoup de personnes le sens de la vie. Une insatiable voracité traverse l’histoire humaine, jusqu’aux paradoxes d’aujourd’hui ; ainsi quelques-uns se livrent à des banquets tandis que beaucoup d’autres n’ont pas de pain pour vivre.

Bethléem, c’est le tournant pour changer le cours de l’histoire. Là, Dieu, dans la maison du pain, naît dans une mangeoire. Comme pour nous dire : me voici tout à vous, comme votre nourriture. Il ne prend pas, il offre à manger : il ne donne pas quelque chose, mais lui-même. À Bethléem, nous découvrons que Dieu n’est pas quelqu’un qui prend la vie mais celui qui donne la vie. À l’homme, habitué depuis les origines à prendre et à manger, Jésus commence à dire : « Prenez, mangez : ceci est mon corps » (Mt 26, 26). Le petit corps de l’Enfant de Bethléem lance un nouveau modèle de vie : non pas dévorer ni accaparer, mais partager et donner. Dieu se fait petit pour être notre nourriture. En nous nourrissant de lui, Pain de vie, nous pouvons renaître dans l’amour et rompre la spirale de l’avidité et de la voracité. De la ‘‘maison du pain’’, Jésus ramène l’homme à la maison, pour qu’il devienne un familier de son Dieu et frère de son prochain. Devant la mangeoire, nous comprenons que ce ne sont pas les biens qui entretiennent la vie, mais l’amour ; non pas la voracité, mais la charité ; non pas l’abondance à exhiber, mais la simplicité à préserver.

Le Seigneur sait que nous avons besoin chaque jour de nous nourrir. C’est pourquoi il s’est offert à nous chaque jour de sa vie, depuis la mangeoire de Bethléem jusqu’au cénacle de Jérusalem. Et aujourd’hui encore sur l’autel, il se fait Pain rompu pour nous : il frappe à notre porte pour entrer et prendre son repas avec nous (cf. Ap 3, 20). À Noël, nous recevons sur terre Jésus, Pain du ciel : c’est une nourriture qui ne périme jamais, mais qui nous fait savourer déjà la vie éternelle.

À Bethléem, nous découvrons que la vie de Dieu court dans les veines de l’humanité. Si nous l’accueillons, l’histoire change à commencer par chacun d’entre nous. En effet, quand Jésus change le cœur, le centre de la vie n’est plus mon moi affamé et égoïste, mais lui qui naît et vit par amour. Appelés cette nuit à sortir de Bethléem, maison du pain, demandons-nous : quelle est la nourriture de ma vie, dont je ne peux me passer ? Est-ce le Seigneur ou quelque chose d’autre ? Puis, en entrant dans la grotte, flairant dans la tendre pauvreté de l’Enfant un nouveau parfum de vie, celle de la simplicité, demandons-nous : ai-je vraiment besoin de beaucoup de choses, de recettes compliquées pour vivre ? Est-ce j’arrive à me passer de tant de garnitures superflues, pour mener une vie plus simple ? À Bethléem, à côté de Jésus, nous voyons des gens qui ont marché, comme Marie, Joseph et les pasteurs. Jésus est le Pain de la route. Il n’aime pas des digestions paresseuses, longues et sédentaires, mais il demande qu’on se lève en hâte de table pour servir, comme des pains rompus pour les autres. Demandons-nous : à Noël, est-ce je partage mon pain avec celui qui n’en a pas ?

2. Après Bethléem maison du pain, réfléchissons sur Bethléem maison de David. Là, David, jeune garçon, faisait le pasteur et à ce titre il a été choisi par Dieu, pour être pasteur et guide de son peuple. À Noël, dans la ville de David, pour accueillir Jésus, il y a précisément les pasteurs. Dans cette nuit « ils furent saisis d’une grande crainte, nous dit l’Évangile » (Lc 2, 9), mais l’ange leur dit : « Ne craignez pas » (v. 10). Dans l’Évangile revient tant de fois ce ne craignez pas : c’est comme un refrain de Dieu à la recherche de l’homme. En effet, l’homme depuis les origines, encore à cause du péché, a peur de Dieu : « j’ai eu peur […], et je me suis caché » (Gn 3, 10), a dit Adam après le péché. Bethléem est le remède à la peur, parce que malgré les ‘‘non’’ de l’homme, là Dieu dit pour toujours ‘‘oui’’ : pour toujours il sera Dieu-avec-nous. Et pour que sa présence n’inspire pas la peur, il s’est fait un tendre enfant. Ne craignez pas : cela n’est pas dit à des saints, mais à des pasteurs, des gens simples qui en même temps ne se distinguent pas par la finesse ni par la dévotion. Le Fils de David naît parmi les pasteurs pour nous dire que personne n’est jamais seul ; nous avons un Pasteur qui surmonte nos peurs et nous aime tous, sans exceptions.

Les pasteurs de Bethléem nous disent aussi comment aller à la rencontre du Seigneur. Ils veillent dans la nuit : ils ne dorment pas, mais font ce que Jésus demandera à plusieurs reprises : veiller (cf. Mt 25, 13 ; Mc 13, 35 ; Lc 21, 36). Ils restent éveillés, attendent éveillés dans l’obscurité ; et Dieu « les enveloppa de sa lumière » (Lc 2, 9). Cela vaut aussi pour nous. Notre vie peut être une attente, qui également dans les nuits des problèmes s’en remet au Seigneur et le désire ; alors elle recevra sa lumière. Ou bien une prétention, où ne comptent que les forces et les moyens propres : mais dans ce cas, le cœur reste fermé à la lumière de Dieu. Le Seigneur aime être attendu et on ne peut pas l’attendre dans le divan, en dormant. En effet, les pasteurs se déplacent : « ils se hâtèrent » dit le texte (v. 16). Ils ne restent pas sur place comme celui qui sent qu’il est arrivé et n’a besoin de rien, mais ils s’en vont ; laissant le troupeau sans surveillance, ils prennent des risques pour Dieu. Et après avoir vu Jésus, sans même être des experts de discours, ils vont l’annoncer, à telle enseigne que « tous ceux qui entendirent s’étonnaient de ce que leurs racontaient les bergers » (v. 18).

Attendre éveillé, aller, risquer, raconter la beauté : ce sont des gestes d’amour. Le bon Pasteur, qui à Noël vient donner la vie aux brebis, à Pâques adressera à Pierre et, à travers lui à nous tous, la question finale : « M’aimes-tu » (Jn 21, 15). C’est de la réponse que dépendra l’avenir du troupeau. Cette nuit, nous sommes appelés à répondre, à lui dire nous aussi : ‘‘Je t’aime’’. La réponse de chacun est essentielle pour le troupeau tout entier.

« Allons jusqu’à Bethléem » (Lc 2, 15) : c’est ce qu’ont dit et fait les pasteurs. Nous aussi, Seigneur, nous voulons venir à Bethléem. Aujourd’hui également la route est ascendante : on doit dépasser le sommet de l’égoïsme, il ne faut pas glisser dans les ravins de la mondanité et du consumérisme. Je veux arriver à Bethléem, Seigneur, parce que c’est là que tu m’attends. Et me rendre compte que toi, déposé dans une mangeoire, tu es le pain de ma vie. J’ai besoin du parfum tendre de ton amour pour être, à mon tour, pain rompu pour le monde. Prends-moi sur tes épaules, bon Pasteur : aimé par toi, je pourrai moi aussi aimer et prendre mes frères par la main. Alors, ce sera Noël quand je pourrai te dire : ‘‘Seigneur, tu sais tout, tu sais que je t’aime’’ (cf. Jn 21, 17).

Basilique vaticane
Lundi 24 décembre 2018

(vatican.va)

JOURNÉE MONDIALE DES PAUVRES

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Regardons trois actions que Jésus accomplit dans l’Evangile.

La première. En plein jour, il laisse : il laisse la foule au moment du succès, quand il est acclamé pour avoir multiplié les pains. Et tandis que les disciples voulaient se réjouir de la gloire, il les oblige immédiatement à s’en aller et il renvoie la foule (cf. Mt 14,22-23). Recherché par les gens, il s’en va seul : lorsque tout était “en descente”, il monte sur la montagne pour prier. Puis, au cœur de la nuit, il descend de la montagne et rejoint les siens en marchant sur les eaux agitées par le vent. En tout, Jésus va à contre-courant : d’abord, il laisse le succès, puis la tranquillité. Il nous enseigne le courage de laisser : laisser le succès qui enfle le cœur et la tranquillité qui endort l’âme.

Pour aller où ? Vers Dieu, en priant, et vers celui qui a besoin, en aimant. Ce sont les vrais trésors de la vie : Dieu et le prochain. Monter vers Dieu et descendre vers les frères, voilà la route indiquée par Jésus. Il nous détourne de pâturer, sans être dérangés dans les plaines faciles de la vie, de vivoter oisivement au milieu des petites satisfactions quotidiennes. Les disciples de Jésus ne sont pas faits pour la tranquillité banale d’une vie normale. Comme le Seigneur Jésus, ils vivent leur chemin, légers, prêts à laisser les gloires du moment, attentifs à ne pas s’attacher aux biens qui passent. Le chrétien sait que sa patrie est ailleurs, il sait qu’il y est déjà – comme le rappelle l’apôtre Paul dans la seconde lecture – « concitoyens des saints, membres de la famille de Dieu » (cf. Ep 2,19). Il est un voyageur agile de l’existence. Nous ne vivons pas, nous, pour accumuler, notre gloire se trouve dans le fait de laisser ce qui passe pour retenir ce qui demeure. Demandons à Dieu de ressembler à l’Eglise décrite dans la première Lecture : toujours en mouvement, experte dans le détachement et fidèle dans le service (cf. Ac 28,11-14). Réveille-nous, Seigneur de l’oisiveté tranquille, du calme paisible de nos ports sûrs où nous sommes en sécurité. Détache-nous des amarres de l’autoréférentialité qui leste la vie, libère-nous de la recherche de nos succès. Enseigne-nous, Seigneur, à savoir laisser pour fonder la route de notre vie sur la tienne : vers Dieu et vers le prochain.

La seconde action : en pleine nuit, Jésus encourage. Il va vers les siens, plongés dans l’obscurité, en marchant « sur la mer » (v. 25). En réalité, il s’agissait d’un lac, mais la mer, avec la profondeur de ses obscurités souterraines, évoquait à cette époque les forces du mal. Jésus, en d’autres paroles, va à la rencontre des siens en piétinant les ennemis mauvais de l’homme. Voilà la signification de ce signe : ce n’est pas une manifestation célébrant la puissance, mais la révélation pour nous de la rassurante certitude que Jésus, seulement Lui, Jésus, vainc nos grands ennemis : le diable, le péché, la mort, la peur, la mondanité. A nous aussi aujourd’hui, il dit : « Confiance ! c’est moi, n’ayez plus peur » (v.27).

La barque de notre vie est souvent ballottée par les flots et secouée par les vents, et lorsque les eaux sont calmes elles recommencent vite à s’agiter. Alors nous nous en prenons aux tempêtes du moment, qui semblent nos uniques problèmes. Mais le problème n’est pas la tempête du moment, c’est la manière de naviguer dans la vie. Le secret pour bien naviguer est d’inviter Jésus à bord. Le gouvernail de la vie lui est donné, afin que ce soit Lui qui conduise la route. Lui seul en effet donne vie dans la mort et espérance dans la douleur ; Lui seul guérit le cœur par le pardon et libère de la peur par la confiance. Aujourd’hui, invitons Jésus dans la barque de notre vie. Comme les disciples, nous ferons l’expérience qu’avec Lui à bord, les vents se calment (cf. v.31) et on ne fait jamais naufrage. Avec Lui à bord, on ne fait jamais naufrage ! Et c’est seulement avec Jésus que nous devenons capables nous aussi d’encourager. Il y a un grand besoin de gens qui sachent consoler, non pas avec des paroles vides, mais bien avec des paroles de vie, avec des gestes de vie. Au nom de Jésus on donne une consolation véritable. Ce ne sont pas des encouragements formels et limités, mais c’est la présence de Jésus qui redonne des forces. Encourage-nous, Seigneur : consolés par toi, nous serons de vrais consolateurs pour les autres.

Et troisième action de Jésus : au milieu de la tempête, il tend la main (cf. v.31). Il saisit Pierre qui, apeuré, doutait et, en s’enfonçant, criait : « Seigneur, sauve-moi ! ». Nous pouvons nous mettre à la place de Pierre : nous sommes des gens de peu de foi et nous sommes ici pour mendier le salut. Nous sommes des pauvres de vraie vie et nous avons besoin de la main tendue du Seigneur, qui nous tire hors du mal. C’est le début de la foi : se vider de l’orgueilleuse conviction de nous croire en ordre, capables, autonomes, et reconnaître que nous avons besoin de salut. La foi croît dans ce climat, un climat auquel on s’habitue en se tenant avec tous ceux qui ne se mettent pas sur un piédestal, mais qui ont besoin et demandent de l’aide. Pour cela, vivre la foi au contact de ceux qui ont besoin est important pour nous tous. Ce n’est pas une option sociologique, ce n’est pas la mode d’un pontificat, c’est une exigence théologique. C’est nous reconnaître mendiants de salut, frères et sœurs de tous, mais spécialement des pauvres, les préférés du Seigneur. Ainsi nous atteignons l’esprit de l’Evangile : « l’esprit de pauvreté et de charité – dit le Concile – est, en effet, la gloire et le témoignage de l’Eglise du Christ » (Const. Gaudium et spes, n. 88).

Jésus a entendu le cri de Pierre. Demandons la grâce d’entendre le cri de celui qui vit dans des eaux tumultueuses. Le cri des pauvres : c’est le cri étranglé des enfants qui ne peuvent naître, des petits qui souffrent de la faim, des enfants habitués au fracas des bombes au lieu des cris joyeux des jeux. C’est le cri des personnes âgées mises de côté et laissées seules. C’est le cri de celui qui se trouve à affronter les tempêtes de la vie sans une présence amie. C’est le cri de celui qui doit fuir, laissant sa maison et sa terre sans la certitude d’un but. C’est le cri de populations entières, privées même des ressources naturelles considérables dont ils disposent. C’est le cri des nombreux Lazare qui pleurent, tandis qu’une poignée de riches fait des banquets avec ce qui, en justice, revient à tous. L’injustice est la racine perverse de la pauvreté. Le cri des pauvres devient chaque jour plus fort, mais chaque jour moins écouté. Chaque jour ce cri est plus fort, mais chaque jour moins écouté, dominé par le vacarme de quelques riches, qui sont toujours moins nombreux et toujours plus riches.

Devant la dignité humaine piétinée, souvent on reste les bras croisés ou on ouvre les bras, impuissants face à la force obscure du mal. Mais le chrétien ne peut rester les bras croisés, indifférent, ou les bras ouverts, fataliste, non. Le croyant tend la main, comme fait Jésus avec lui. Auprès de Dieu le cri des pauvres trouve une écoute. Je demande : et en nous ? Avons-nous des yeux pour voir, des oreilles pour entendre, des mains tendues pour aider, ou bien répétons-nous ce “reviens demain” ? « Le Christ lui-même, dans la personne des pauvres, en appelle comme à haute voix à la charité de ses disciples » (ibid.). Il nous demande de le reconnaître dans celui qui a faim et soif, qui est étranger et dépouillé de sa dignité, malade et en prison (cf. Mt 25,35-36).

Le Seigneur tend la main : c’est un geste gratuit, ce n’est pas un dû. C’est ainsi qu’on fait. Nous ne sommes pas appelés à faire le bien seulement à celui qui nous aime. Echanger est normal, mais Jésus nous demande d’aller au-delà (cf. Mt 5,46) : de donner à celui qui ne peut pas rendre, c’est-à-dire d’aimer gratuitement (cf. Lc 6,32-36). Regardons nos journées : parmi les nombreuses choses, faisons-nous quelque chose de gratuit, quelque chose pour celui qui n’a rien à donner en échange ? Ce sera notre main tendue, notre véritable richesse au ciel.

Tends-nous la main, Seigneur, saisis-nous. Aide-nous à aimer comme tu aimes, toi. Enseigne-nous à laisser ce qui passe, à encourager celui qui se trouve à côté de nous, à donner gratuitement à celui qui est dans le besoin. Amen.


Basilique vaticane
XXXIIIe Dimanche du Temps ordinaire, 18 novembre 2018

MESSAGE OF THE HOLY FATHER FRANCIS TO THE PARTICIPANTS IN THE INTERNATIONAL CONFERENCE “THE MANAGEMENT OF A COMMON ASSET: ACCESS TO DRINKABLE WATER FOR ALL”

Mister Cardinal,
Magnificent Rector,
Brothers and sisters

I congratulate you for the organization of the Conference The management of a common asset: access to drinkable water for all.

Water is fundamental for life. In many areas of the world, our brothers and sisters cannot have a dignified life precisely due to the lack of access to clean water. The dramatic statistics on thirst, especially the situation of those people who sicken and often die as a result of contaminated water, is a great shame for humanity of the 21st century.

Unfortunately, in many of the countries where the population does not have regular access to drinkable water, there is no lack of supply of weapons and ammunition, which continue to deteriorate the situation! Corruption and the interests of an economy that excludes and kills too often prevail over efforts made in solidarity to guarantee access to water. The statistics on thirst demand commitment and determination, and all the institutional, organizational, educational, technological and financial efforts must not be lacking.

I have already proposed several considerations on this issue in the Encyclical Laudato si’, and in the recent Message for the Day of Prayer for the protection of creation. I hope that those who intervene and participate in this Conference may share in their professional and political environments the necessary urgency, will and determination. The Holy See and the Church are committed to promoting access to drinkable water for all. This commitment is made manifest in many initiatives such as the realization of infrastructure, training, advocacy, assistance to endangered populations whose water supply is compromised, including migrants, and the reiteration of the set of ethical references and principles that spring from the Gospel and from a healthy anthropology.

A suitable anthropology is indeed indispensable for responsible and solidary lifestyles, for a true ecology (cf. Laudato si’, 118; 122), as well as for the acknowledgement of access to water as a right deriving from human dignity, and therefore incompatible with the concept of water as an asset like any other. Gospel principles and values must lead to concrete effort on the part of all to achieve the common good of the entire human family (cf. Apostolic Exhortation Evangelii gaudium, 179-183). This Conference opportunely involves representatives of various faiths and cultures; the dual spiritual and cultural dimension of water must never be neglected, inasmuch as it is central in forming the social fabric, co-existence and community organization.

I invite you to reflect on the symbolism of water in the main religious traditions, also urging you to contemplate this resource that, as Saint Francis of Assisi wrote, is «multo utile et humile et preziosa et casta».

I implore the blessing of the Most High Creator upon each one of you, your families, and the initiatives aiming at a better management of water. I wish you all the best in your work, and I ask you, please, to pray for me.

From the Vatican, 7 November 2018

[PONTIFICAL URBAN UNIVERSITY, 8 NOVEMBER 2018]

(From vatican.va)

CHAPELLE PAPALE À L'INTENTION DES CARDINAUX ET ÉVÊQUES DÉCÉDÉS AU COURS DE L'ANNÉE

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Nous avons entendu dans la parabole de l’Evangile que les vierges « sortirent à la rencontre de l’époux » (Mt 25, 1), toutes les dix. Pour chacun, la vie est un appel continuel à sortir : du sein de sa mère, de la maison où il est né, de l’enfance à la jeunesse, et de la jeunesse à l’âge adulte, jusqu’à la sortie de ce monde. Pour les ministres de l’Evangile également, la vie est une sortie continuelle : de la maison de famille à celle où l’Eglise nous envoie, d’un service à l’autre ; nous sommes toujours de passage, jusqu’au passage définitif.

L’Evangile rappelle le sens de cette sortie continuelle qu’est la vie : aller à la rencontre de l’époux. Voilà la raison de vivre : pour cette annonce qui, dans l’Evangile, résonne dans la nuit et que nous pourrons accueillir pleinement au moment de la mort : « Voici l’époux, sortez à sa rencontre ! » (v. 6). La rencontre avec Jésus, un Epoux qui « a aimé l’Eglise et s’est livré lui-même pour elle » (Ep 5, 25), donne sens et orientation à la vie. Rien d’autre. C’est la fin qui éclaire ce qui précède. Et de même que la semence se détermine en fonction la récolte, le chemin de la vie se trace à partir du but.

Alors, si la vie est un chemin en sortie vers l’époux, elle est le temps qui nous est donné pour grandir en amour. Vivre est une préparation quotidienne aux noces, de grandes fiançailles. Demandons-nous : est-ce que je vis comme quelqu’un qui prépare ma rencontre avec l’époux ? Dans le ministère, derrière toutes les rencontres, les activités à organiser et les dossiers à traiter, le fil qui unit toute la trame ne doit pas être oublié : l’attente de l’époux. Le centre ne peut qu’être un cœur qui aime le Seigneur. C’est seulement ainsi que le corps visible de notre ministère sera soutenu par une âme invisible. Nous comprenons alors ce que dit l’Apôtre Paul dans la seconde lecture : « Notre regard ne s’attache pas à ce qui se voit, mais à ce qui ne se voit pas ; ce qui se voit est provisoire, mais ce qui ne se voit pas est éternel » (2Co 4, 18). Nous ne nous fixons pas sur les dynamiques terrestres, nous regardons au-delà. Cette célèbre expression : « l’essentiel est invisible pour les yeux », est vraie. L’essentiel dans la vie c’est d’écouter la voix de l’époux. Elle nous invite à entrevoir chaque jour le Seigneur qui vient et à transformer toute activité en une préparation aux noces avec lui.

Dans l’Evangile, l’élément qui est essentiel pour les vierges en attente des noces nous le rappelle : non pas le vêtement, ni même les lampes, mais l’huile, conservée dans de petits vases.

Une première caractéristique de cette huile apparaît : elle n’est pas voyante. Elle reste cachée, elle n’apparaît pas, mais sans elle, il n’y a pas de lumière. Qu’est-ce que cela nous suggère ? Que face au Seigneur les apparences ne comptent pas, c’est le cœur qui compte (cf. 1Sm 16, 7). Ce que le monde cherche et étale – les honneurs, la puissance, les apparences, la gloire – passe sans rien laisser. Prendre les distances par rapport aux apparences mondaines est indispensable pour se préparer au ciel. Il faut dire non à la “culture du maquillage” qui apprend à soigner les apparences. Le cœur doit, au contraire, être purifié et gardé, l’intérieur de l’homme, précieux aux yeux de Dieu ; non pas l’extérieur qui disparaît.

Après cette première caractéristique – ne pas être voyante mais essentielle – il y a un autre aspect de l’huile : elle existe pour se consumer. Elle brille seulement en brûlant. Il en est de même pour la vie : elle répand la lumière seulement si elle se consume, si elle se dépense dans le service. Le secret pour vivre c’est de vivre pour servir. Le service est le billet à présenter à l’entrée des noces éternelles. Ce qui reste de la vie au seuil de l’éternité, ce n’est pas ce que nous avons gagné, mais ce que nous avons donné (cf. Mt 6, 19-21 ; 1Co 13, 8). Le sens de la vie c’est donner réponse à la proposition d’amour de Dieu. Et la réponse, elle passe à travers le véritable amour, le don de soi, le service. Servir coûte, car il signifie se dépenser, se consumer, mais dans notre ministère, celui qui ne vit pas pour servir ne sert pas à la vie. Celui qui garde trop sa vie, la perd.

Une troisième caractéristique de l’huile apparait de manière significative dans l’Evangile : la préparation. L’huile doit être préparée à temps et portée avec soi (cf. v. 7.7). L’amour, certes, est spontané, mais il ne s’improvise pas. C’est dans le manque de préparation que réside la sottise des vierges qui restent au dehors des noces. C’est maintenant le temps des préparatifs : l’amour doit être alimenté dans le moment présent, jour après jour. Demandons la grâce de renouveler chaque jour notre premier amour avec le Seigneur (cf. Ap 2, 4), de ne pas le laisser s’éteindre. La grande tentation est de s’aplatir dans une vie sans amour, qui est comme un vase vide, comme une lampe éteinte. Si l’on ne s’investit pas dans l’amour, la vie s’éteint. Les appelés aux noces avec Dieu ne peuvent pas se coucher dans une vie sédentaire, plate et horizontale, qui se poursuit sans élan, cherchant de petites satisfactions et courant après des reconnaissances éphémères. Une vie terne, de routine, qui se contente de faire son devoir sans se donner, n’est pas digne de l’Epoux.

Alors que nous prions pour les Cardinaux et les Evêques décédés dans le cours de l’année, demandons l’intercession de ceux qui ont vécu sans vouloir paraître, de ceux qui ont servi avec cœur, de ceux qui se sont préparés jour après jour à la rencontre avec le Seigneur. A l’exemple de ces témoins - grâce à Dieu il y en a, et nombreux – ne nous contentons pas d’un regard court sur l’aujourd’hui ; désirons au contraire un regard qui porte au-delà, aux noces qui nous attendent. Une vie traversée du désir de Dieu et formée à l’amour sera prête à entrer dans la demeure de l’Epoux, et ceci pour toujours.

Basilique Saint-Pierre, Autel de la Chaire
Samedi 3 novembre 2018

(vatican.va)

MESSE D'OUVERTURE DE LA XVE ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE DU SYNODE DES ÉVÊQUES

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

« L’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, vous enseignera tout et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit » (Jn 14, 26).

De cette manière très simple, Jésus offre à ses disciples la garantie qu’il accompagnera toute l’œuvre missionnaire qui leur sera confiée : l’Esprit Saint sera le premier à garder et à maintenir toujours vivante et actuelle la mémoire du Maître dans le cœur des disciples. C’est Lui qui permettra que la richesse et la beauté de l’Evangile soient source de joie et de nouveauté constantes.

Au début de ce moment de grâce pour toute l’Église, en syntonie avec la Parole de Dieu, demandons avec insistance au Paraclet qu’il nous aide à faire mémoire et à raviver les paroles du Seigneur qui ont fait brûler notre cœur (cf. Lc 24, 32). Ardeur et passion évangélique qui engendrent l’ardeur et la passion pour Jésus. Mémoire qui puisse réveiller et renouveler en nous la capacité de rêver et d’espérer. Parce que nous savons que nos jeunes seront capables de prophétie et de vision dans la mesure où, désormais adultes ou âgés, nous sommes capables de rêver et ainsi de rendre contagieux et de partager les rêves et les espérances que nous portons dans notre cœur (cf. Jl 3, 1).

Que l’Esprit nous donne la grâce d’être des Pères synodaux oints du don des rêves et de l’espérance, afin que nous puissions, à notre tour, oindre nos jeunes du don de la prophétie et de la vision ; qu’il nous donne la grâce d’être une mémoire active, vivante, efficace, qui de génération en génération ne se laisse pas étouffer ni écraser par des prophètes de calamités et de malheur, ni par nos limites, erreurs et péchés, mais qui est capable de trouver des espaces pour enflammer le cœur et discerner les chemins de l’Esprit. C’est avec cette attitude d’écoute docile de la voix de l’Esprit que nous sommes réunis de toutes les parties du monde. Aujourd’hui, pour la première fois, sont aussi ici avec nous deux confrères évêques de la Chine continentale. Nous leur exprimons notre chaleureuse bienvenue : la communion de l’Episcopat tout entier avec le Successeur de Pierre est encore plus visible grâce à leur présence.

Oints dans l’espérance, nous commençons une nouvelle rencontre ecclésiale capable d’élargir les horizons, de dilater le cœur et de transformer ces structures qui aujourd’hui nous paralysent, nous séparent et nous éloignent des jeunes, les laissant exposés aux intempéries et orphelins d’une communauté de foi qui les soutienne, d’un horizon de sens et de vie (cf. Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 49).

L’espérance nous interpelle, nous déplace et rompt avec le conformisme du “on a toujours fait ainsi”, et elle nous demande de nous lever pour regarder directement le visage des jeunes et les situations dans lesquelles ils se trouvent. La même espérance nous demande de travailler pour renverser les situations de précarité, d’exclusion et de violence, auxquelles sont exposés nos enfants.

Les jeunes, qui sont le fruit de nombreuses décisions prises dans le passé, nous appellent à prendre en charge avec eux le présent, en nous engageant davantage et à lutter contre ce qui, de toutes les façons, empêche leur vie de se développer avec dignité. Ils nous demandent et exigent un dévouement créatif, une dynamique intelligente, enthousiaste et pleine d’espérance, et que nous ne les laissions pas seuls aux mains de tant de marchands de mort qui oppriment leur vie et obscurcissent leur vision.

Cette capacité de rêver ensemble, qu’aujourd’hui le Seigneur nous offre à nous comme Église, exige – selon ce que disait Saint Paul dans la première Lecture – de développer entre nous une attitude bien précise : « Que chacun de vous ne soit pas préoccupé de ses propres intérêts ; pensez aussi à ceux des autres » (Ph 2, 4). Et en même temps, il vise plus haut, demandant qu’avec humilité nous considérions les autres supérieurs à nous-mêmes (cf. v. 3). Avec cet esprit nous chercherons à nous mettre à l’écoute les uns des autres pour discerner ensemble ce que le Seigneur demande à son Église. Et cela exige de nous que nous soyons attentifs et veillions bien à ce que ne prévale pas la logique de l’auto-préservation et de l’autoréférentialité, qui finit par faire devenir important ce qui est secondaire et secondaire ce qui est important. L’amour pour l’Evangile et pour le peuple qui nous a été confié nous demande d’élargir le regard et de ne pas perdre de vue la mission à laquelle il nous appelle pour viser un plus grand bien qui profitera à nous tous. Sans cette attitude, tous nos efforts seront vains.

Le don de l’écoute sincère, priante et le plus possible sans préjugés ni conditions nous permettra d’entrer en communion avec les diverses situations que vit le Peuple de Dieu. Ecouter Dieu, pour écouter avec lui le cri des gens ; écouter les gens pour respirer avec eux la volonté à laquelle Dieu nous appelle (cf. Discours lors de la veillée de prière en préparation au Synode sur la famille, 4 octobre 2014).

Cette attitude nous défend de la tentation de tomber dans une position moralisante ou élitiste, comme aussi de l’attraction pour des idéologies abstraites qui ne correspondent jamais à la réalité de nos gens (cf. J.M. Bergoglio, Meditaciones para religiosos, 45-46).

Frères et sœurs, plaçons ce temps sous la protection maternelle de la Vierge Marie. Femme de l’écoute et de la mémoire, qu’elle nous accompagne pour reconnaître les traces de l’Esprit afin que, avec empressement (cf. Lc 1, 39), entre rêves et espérances, nous accompagnions et stimulions nos jeunes afin qu’ils ne cessent pas de prophétiser.

Pères synodaux,

beaucoup d’entre nous étaient jeunes ou faisaient leurs premiers pas dans la vie religieuse alors que se terminait le Concile Vatican II. Aux jeunes d’alors a été adressé le dernier message des Pères conciliaires. Cela nous fera du bien de repasser de nouveau dans notre cœur ce que nous avons entendu lorsque nous étions jeunes en rappelant les paroles du poète : que « l’homme conserve ce qu’il a promis lorsqu’il était enfant » (F. Hölderlin)

Les Pères conciliaires nous ont ainsi parlé: « L’Église, quatre années durant, vient de travailler à rajeunir son visage, pour mieux répondre au dessein de son Fondateur, le grand Vivant, le Christ éternellement jeune. Et au terme de cette imposante “révision de vie”, elle se tourne vers vous. C’est pour vous, les jeunes, pour vous surtout, qu’elle vient, par son Concile, d’allumer une lumière: lumière qui éclaire l’avenir, votre avenir. L’Église est soucieuse que cette société que vous allez constituer respecte la dignité, la liberté, le droit des personnes: et ces personnes, c’est vous […] Elle a confiance […] que vous saurez affirmer votre foi dans la vie et dans ce qui donne un sens à la vie: la certitude de l’existence d’un Dieu juste et bon.

C’est au nom de ce Dieu et de son Fils Jésus que nous vous exhortons à élargir vos cœurs aux dimensions du monde, à entendre l’appel de vos frères et à mettre hardiment à leur service vos jeunes énergies. Luttez contre tout égoïsme. Refusez de laisser libre cours aux instincts de violence et de haine, qui engendrent les guerres et leur cortège de misères. Soyez généreux, purs, respectueux, sincères. Et construisez dans l’enthousiasme un monde meilleur que celui de vos aînés! » (Paul VI, Message aux jeunes à la fin du Concile Vatican II, 8 décembre 1965).

Pères synodaux, l’Église vous regarde avec confiance et amour.

Basilique vaticane
Mercredi 3 octobre 2018

(vatican.va)

PAPE FRANÇOIS - ANGÉLUS

L’Evangile de ce dimanche (Mc 3, 20-35) nous montre deux types d’incompréhensions auxquelles Jésus a été confronté: celle des scribes et celle de sa propre famille.

La première incompréhension. Les scribes étaient des hommes instruits dans les Ecritures Saintes et chargés de les expliquer au peuple. Certains d’entre eux sont envoyés de Jérusalem en Galilée, où la renommée de Jésus commençait à se diffuser, pour le discréditer aux yeux des gens: pour se faire les colporteurs de commérages, discréditer l’autre, lui enlever son autorité, cette vilaine chose. Et ils ont été envoyés pour faire cela. Et ces scribes arrivent avec une accusation précise et terrible — ceux-ci ne ménagent pas les moyens, ils vont droit au but et ils disent: «Il est possédé de Béelzéboul [...] C’est par le prince des démons qu’il expulse les démons» (v 22). C’est-à-dire: le chef des démons est celui qui le pousse; ce qui revient à dire plus ou moins: «c’est un possédé». En effet, Jésus guérissait beaucoup de malades, et ils veulent faire croire qu’il le faisait non par l’Esprit de Dieu — comme le faisait Jésus — mais par celui du malin, par la force du diable. Jésus réagit avec des paroles fortes et claires, il ne tolère pas cela, parce que ces scribes, peut-être sans s’en rendre compte, étaient en train de tomber dans le péché le plus grave: nier et blasphémer l’Amour de Dieu qui est présent et agit en Jésus. Et le blasphème, le péché contre le Saint-Esprit, est le seul péché impardonnable — c’est ce que dit Jésus — parce qu’il part d’une fermeture du cœur à la miséricorde de Dieu qui agit en Jésus.

Mais cet épisode contient un avertissement qui nous sert à tous. En effet, il peut arriver qu’une forte envie pour la bonté et les bonnes œuvres d’une personne puisse conduire à l’accuser faussement. Il y a ici un véritable poison mortel: la malice avec laquelle, de façon préméditée, on veut détruire la bonne réputation de l’autre. Que Dieu nous libère de cette terrible tentation! Et si, en examinant notre conscience, nous nous rendons compte que cette mauvaise herbe est en train de germer en nous, allons immédiatement le confesser dans le sacrement de pénitence, avant qu’elle ne se développe et produise ses effets néfastes, qui sont incurables. Soyez attentifs parce que cette attitude détruit les familles, les amitiés, les communautés et même la société.

L’Evangile d’aujourd’hui nous parle aussi d’une autre incompréhension, très différente, à l’égard de Jésus: celle de sa famille. Ces derniers étaient préoccupés parce que sa nouvelle vie itinérante leur semblait une folie (cf. v. 21). En effet, il se montrait si disponible pour les gens, surtout les malades et les pécheurs, qu’il n’avait même plus le temps de manger. Jésus était ainsi: d’abord les gens, servir les gens, aider les gens, enseigner les gens, guérir les gens. Il était pour les gens. Il n’avait même pas le temps de manger. Par conséquent, sa famille décide de le ramener à Nazareth, à la maison. Ils arrivent à l’endroit où Jésus prêche et ils le font appeler. On lui dit: «Voilà que ta mère et tes frères et tes sœurs sont là dehors qui te cherchent» (v. 32). Il répond: «Qui est ma mère? et mes frères?», et en regardant les gens qui étaient autour de lui pour l’écouter, il ajoute: «Voici ma mère et mes frères. Quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là m’est un frère et une sœur et une mère» (vv. 33-34). Jésus a formé une nouvelle famille, non plus fondée sur les liens naturels, mais sur la foi en lui, sur son amour qui nous accueille et nous unit entre nous, dans l’Esprit Saint. Tous ceux qui accueillent la parole de Jésus sont fils de Dieu et frères entre eux. Accueillir la parole de Jésus fait de nous des frères, fait de nous la famille de Jésus. Mal parler des autres, détruire la réputation des autres, fait de nous la famille du diable.

Cette réponse de Jésus n’est pas un manque de respect envers sa mère et sa famille. Au contraire, pour Marie, c’est la plus grande reconnaissance, parce qu’elle est justement la disciple parfaite qui a obéi en tout à la volonté de Dieu. Que la Vierge Mère nous aide à vivre toujours en communion avec Jésus, en reconnaissant l’œuvre de l’Esprit Saint qui agit en Lui et dans l’Eglise, en régénérant le monde à la vie nouvelle.

Place Saint-Pierre
Dimanche 10 juin 2018

(vatican.va)

MESSE ET PROCESSION EUCHARISTIQUE EN LA SOLENNITÉ DU CORPS ET DU SANG DU CHRIST

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Dans l’Evangile que nous avons entendu, la Dernière Cène est racontée, mais d’une façon surprenante, l’attention est placée davantage sur ses préparatifs que sur le repas même. Le verbe “préparer” revient plusieurs fois. Les disciples demandent, par exemple : “Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour que tu manges la Pâque ? » (Mc 14, 12). Jésus les envoie préparer avec des indications précises et ils trouvent « une grande pièce aménagée et prête pour un repas » (v. 15). Les disciples vont préparer mais le Seigneur avait déjà préparé.

Quelque chose de semblable arrive après la résurrection, quand Jésus apparaît aux disciples pour la troisième fois : tandis qu’ils pêchent, il les attend sur le rivage, où il a déjà préparé le pain et le poisson pour eux. Mais en même temps, il demande aux siens d’apporter un peu de poisson qu’ils viennent de prendre et qu’il avait indiqué comment pêcher (cf. Jn 21, 6.9-10). Là aussi, Jésus prépare à l’avance et demande aux siens de collaborer. Et encore, avant la Pâque, Jésus avait dit aux disciples « Je pars vous préparer une place […] afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi » (Jn 14, 2.3). C’est Jésus qui prépare, le même Jésus qui cependant avec des rappels forts et des paraboles, avant sa Pâque, nous demande de nous préparer, de nous tenir prêts (cf. Mt 24, 44 ; Lc 12, 40).

Jésus, en somme, prépare pour nous et nous demande aussi de préparer. Que prépare Jésus pour nous ? Il prépare une place et une nourriture. Une place beaucoup plus digne que la « grande pièce aménagée » de l’Evangile. C’est notre maison spacieuse et vaste ici-bas, l’Eglise, où il y a et il doit y avoir une place pour tous. Mais il nous a réservé aussi une place là-haut, dans le paradis, pour être avec lui et entre nous pour toujours. En plus de la place, il nous prépare une nourriture, un Pain qu’il est lui-même : « Prenez, ceci est mon corps » (Mc 14, 22). Ces deux dons, la place et la nourriture, sont ce qui nous sert pour vivre. Ils sont le vivre et le couvert définitifs. Les deux nous sont donnés dans l’Eucharistie. Nourriture et place.

Là, Jésus nous prépare une place ici-bas, parce que l’Eucharistie est le cœur battant de l’Église, la génère et la régénère, la rassemble et lui donne la force. Mais l’Eucharistie nous prépare aussi une place là-haut, dans l’éternité, parce qu’elle est le Pain du ciel. Il vient de là, c’est l’unique matière sur cette terre qui soit vraiment d’éternité. C’est le pain de l’avenir, qui déjà maintenant nous fait goûter à l’avance un avenir infiniment plus grand que tout ce qu’on peut attendre de mieux. C’est le pain qui nourrit nos attentes les plus grandes et alimente nos rêves les plus beaux. C’est, en un mot, le gage de la vie éternelle : non seulement une promesse, mais un gage, c’est-à-dire une anticipation, une anticipation concrète de ce qui nous sera donné. L’Eucharistie est la “réservation” du paradis; c’est Jésus, viatique de notre chemin vers cette vie bienheureuse qui ne finira jamais.

Dans l’Hostie consacrée, en plus de la place, Jésus nous prépare l’aliment, la nourriture. Dans la vie nous avons continuellement besoin de nous nourrir, et non seulement d’aliments, mais aussi de projets et d’affections, de désirs et d’espérances. Nous avons faim d’être aimés. Mais les compliments les plus appréciés, les cadeaux les plus beaux et les technologies les plus avancées ne suffisent pas, ne nous rassasient jamais complètement. L’Eucharistie est un aliment simple, comme le pain, mais c’est l’unique qui rassasie, parce qu’il n’y a pas d’amour plus grand. Là nous rencontrons réellement Jésus, nous partageons sa vie, nous sentons son amour ; là tu peux faire l’expérience que sa mort et sa résurrection sont pour toi. Et quand tu adores Jésus dans l’Eucharistie, tu reçois de lui l’Esprit Saint et tu trouves paix et joie. Chers frères et sœurs, choisissons cette nourriture de vie : mettons la messe à la première place, redécouvrons l’adoration dans nos communautés ! Demandons la grâce d’être affamés de Dieu, jamais rassasiés de recevoir ce qu’il prépare pour nous.

Mais comme aux disciple d’alors, à nous aussi aujourd’hui, Jésus demande de préparer. Comme les disciples, demandons-lui : « Seigneur où veux-tu que nous allions faire les préparatifs ? ». Où : Jésus ne préfère pas des lieux et n’en exclut pas d’autres. Il recherche des lieux qui ne sont pas rejoints par l’amour, qui ne sont pas touchés par l’espérance. Dans ces lieux inconfortables, il désire aller et il nous demande d’y faire les préparatifs. Tant de personnes sont privées d’un lieu digne pour vivre et de nourriture pour manger ! Mais tous nous connaissons des personnes seules, souffrantes, dans le besoin : ce sont des tabernacles abandonnés. Nous, qui recevons de Jésus le vivre et le couvert, nous sommes là pour préparer une place et un aliment à ces frères plus faibles. Il s’est fait pain rompu pour nous ; il nous demande de nous donner aux autres, de ne plus vivre pour nous-même, mais l’un pour l’autre. Ainsi on vit de façon eucharistique : en répandant dans le monde l’amour que nous prenons de la chair du Seigneur. L’Eucharistie se traduit dans la vie en passant du je au tu.

Les disciples, dit encore l’Evangile, firent les préparatifs de la Cène après être « allés à la ville » (v. 16). Le Seigneur nous appelle aussi aujourd’hui à préparer sa venue en ne restant pas au dehors, distants, mais en entrant dans nos villes. Dans cette ville aussi, dont le nom –“Ostie” – rappelle justement l’entrée, la porte. Seigneur, quelles portes veux-tu que nous t’ouvrions ici ? Quels portails nous appelles-tu à ouvrir tout grand, quelles fermetures devons-nous dépasser ? Jésus désire que soient abattus les murs de l’indifférence et de l’omerta, que soient arrachées les grilles des abus et des tyrannies, que soient ouverts les chemins de la justice, de l’honneur et de la légalité. Le vaste lido de cette ville appelle à la beauté de s’ouvrir et de prendre le large dans la vie. Mais pour le faire, il convient de défaire les nœuds qui nous lient aux amarres de la peur et de l’oppression. L’Eucharistie nous invite à nous laisser porter par la vague de Jésus, à ne pas rester lestés sur la plage dans l’attente que quelque chose arrive, mais à lever l’ancre libres, courageux, unis.

Les disciples, conclut l’Evangile, « après avoir chanté les psaumes, partirent » (v. 26). A la fin de la messe, nous serons nous aussi en sortie. Nous marcherons avec Jésus, qui parcourra les rues de cette ville. Il désire habiter au milieu de vous. Il veut visiter les situations, entrer dans les maisons, offrir sa miséricorde libératrice, bénir, consoler. Vous avez connu l’épreuve de situations douloureuses ; le Seigneur veut être proche de vous. Ouvrons-lui les portes et disons-lui :

Viens, Seigneur, nous visiter.
Nous t’accueillons dans nos cœurs,
dans nos familles, dans notre ville.
Merci, parce que tu nous prépares la nourriture de la vie
et une place dans ton Royaume.
Fais-que nous soyons actifs dans les préparatifs,
que nous te portions avec joie toi qui est la vie,
pour apporter fraternité, justice et paix
dans nos rues. Amen.

Parvis de la paroisse Santa Monica d'Ostie, Rome
Dimanche 3 juin 2018

(vatican.va)

MESSE DE LA SOLENNITÉ DE PENTECÔTE

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Dans la première Lecture de la liturgie d’aujourd’hui, la venue de l’Esprit Saint à la Pentecôte est comparée à « un violent coup de vent » (Ac 2, 2). Que nous dit cette image ? Le coup de vent violent fait penser à une grande force, mais qui n’est pas une fin en soi : c’est une force qui change la réalité. Le vent, en effet, apporte du changement : des courants chauds quand il fait froid, des courants frais quand il fait chaud, la pluie quand il fait sec…Ainsi fait-il. L’Esprit Saint aussi, à un tout autre niveau, fait de même : il est la force divine qui change, qui change le monde. La Séquence nous l’a rappelé : l’Esprit est « dans le labeur, le repos, dans les pleurs, le réconfort » ; et nous le supplions ainsi : « Lave ce qui est souillé, baigne ce qui est aride, guéris ce qui est blessé ». Il entre dans les situations et les transforme ; il change les cœurs et il change les événements.

Il change les cœurs. Jésus avait dit à ses Apôtres : « Vous allez recevoir une force quand le Saint Esprit viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins » (Ac 1, 8). Et il en fut exactement ainsi : ces disciples, auparavant craintifs, confinés dans une chambre fermée même après la résurrection du Maître, sont transformés par l’Esprit et, comme Jésus l’annonce dans l’Évangile de ce jour, lui rendent témoignage (cf. Jn 15, 27). Titubants, ils sont devenus courageux et, en partant de Jérusalem, ils vont aux confins du monde. Craintifs quand Jésus était parmi eux, ils sont devenus audacieux sans lui, car l’Esprit a changé leurs cœurs.

L’Esprit libère les esprits paralysés par la peur. Il vainc les résistances. À celui qui se contente de demi-mesures, il donne des élans de don. Il dilate les cœurs étriqués. Il pousse au service celui qui se vautre dans le confort. Il fait marcher celui qui croit être arrivé. Il fait rêver celui qui est gagné par la tiédeur. Voilà le changement du cœur. Beaucoup promettent des saisons de changement, de nouveaux départs, de prodigieux renouvellements, mais l’expérience enseigne qu’aucune tentative terrestre de changer les choses ne satisfait pleinement le cœur de l’homme. Le changement de l’Esprit est différent : il ne révolutionne pas la vie autour de nous, mais il change notre cœur ; il ne nous libère pas d’un seul coup des problèmes, mais il nous libère intérieurement pour les affronter ; il ne nous donne pas tout immédiatement, mais il nous fait marcher avec confiance, sans jamais nous lasser de la vie. L’Esprit garde le cœur jeune –c’est lui qui en renouvelle la jeunesse. La jeunesse, malgré tous les efforts pour la prolonger, passe tôt ou tard ; c’est l’Esprit qui, au contraire, prémunit contre l’unique vieillissement malsain, le vieillissement intérieur. Comment procède-t-il ? En renouvelant le cœur, en le transformant de pécheur en pardonné. Voilà le grand changement : de coupables, il nous fait devenir des justes et ainsi tout change, car esclaves du péché nous devenons libres, serviteurs nous devenons des fils, marginalisés nous devenons des personnes importantes, déçus nous devenons des personnes remplies d’espérance. Ainsi, l’Esprit Saint fait renaître la joie, il fait ainsi fleurir la paix dans le cœur.

Aujourd’hui donc, nous apprenons ce qu’il faut faire quand nous avons besoin d’un vrai changement. Qui d’entre nous n’en a pas besoin ? Surtout quand nous sommes à terre, quand nous peinons sous le poids de la vie, quand nos faiblesses nous oppriment, quand aller de l’avant est difficile et aimer semble impossible. Alors, il nous faudrait un ‘‘fortifiant’’ efficace : c’est lui, la force de Dieu. C’est lui qui, comme nous le professons dans le ‘‘Credo’’, « donne la vie ». Comme il nous ferait du bien de prendre chaque jour ce fortifiant de vie ! Dire, au réveil : « Viens, Esprit Saint, viens dans mon cœur, viens dans ma journée ».

L’Esprit, après les cœurs, change les événements. Comme le vent souffle partout, de même il atteint également les situations les plus impensables. Dans les Actes des Apôtres – qui est un livre tout à découvrir, où l’Esprit est protagoniste – nous voyons un dynamisme continuel, riche de surprises. Quand les disciples ne s’y attendent pas, l’Esprit les envoie vers les païens. Il ouvre des chemins nouveaux, comme dans l’épisode du diacre Philippe. L’Esprit le pousse sur une route déserte, conduisant de Jérusalem à Gaza – comme ce nom sonne douloureusement aujourd’hui ! Que l’Esprit change les cœurs ainsi que les événements et apporte la paix en Terre sainte ! – Sur cette route, Philippe prêche au fonctionnaire éthiopien et le baptise ; ensuite l’Esprit le conduit à Ashdod, puis à Césarée : toujours dans de nouvelles situations, pour qu’il diffuse la nouveauté de Dieu. Il y a, en outre, Paul, qui « contraint par l’Esprit » (Ac 20, 22) voyage jusqu’aux confins lointains, en portant l’Évangile à des populations qu’il n’avait jamais vues. Quand il y a l’Esprit, il se passe toujours quelque chose, quand il souffle il n’y a pas d’accalmie, jamais !

Quand la vie de nos communautés traverse des périodes ‘‘d’essoufflement’’, où on préfère la quiétude de la maison à la nouveauté de Dieu, c’est un mauvais signe. Cela veut dire qu’on cherche un refuge contre le vent de l’Esprit. Quand on vit pour l’autoconservation et qu’on ne va pas vers ceux qui sont loin, ce n’est pas bon signe. L’Esprit souffle, mais nous baissons pavillon. Pourtant tant de fois nous l’avons vu faire des merveilles. Souvent, précisément dans les moments les plus obscurs, l’Esprit a suscité la sainteté la plus lumineuse ! Parce qu’il est l’âme de l’Eglise, il la ranime toujours par l’espérance, la comble de joie, la féconde de nouveautés, lui donne des germes de vie. C’est comme quand, dans une famille, naît un enfant : il bouleverse les horaires, fait perdre le sommeil, mais il apporte une joie qui renouvelle la vie, en la faisant progresser, en la dilatant dans l’amour. Voilà, l’Esprit apporte une ‘‘saveur d’enfance’’ dans l’Eglise ! Il réalise des renaissances continuelles. Il ravive l’amour des débuts. L’Esprit rappelle à l’Église que, malgré ses siècles d’histoire, elle a toujours vingt ans, la jeune Épouse dont le Seigneur est éperdument amoureux. Ne nous lassons pas alors d’inviter l’Esprit dans nos milieux, de l’invoquer avant nos activités : « Viens, Esprit Saint ! ».

Il apportera sa force de changement, une force unique qui est, pour ainsi dire, en même temps centripète et centrifuge. Elle est centripète, c’est-à-dire qu’elle pousse vers le centre, car elle agit dans l’intime du cœur. Elle apporte l’unité dans ce qui est fragmentaire, la paix dans les afflictions, le courage dans les tentations. Paul le rappelle dans la Deuxième Lecture, en écrivant que le fruit de l’Esprit est joie, paix, fidélité, maîtrise de soi (cf. Ga 5, 22). L’Esprit donne l’intimité avec Dieu, la force intérieure pour aller de l’avant. Mais en même temps, il est une force centrifuge, c’est-à-dire qu’il pousse vers l’extérieur. Celui qui conduit vers le centre est le même qui envoie vers la périphérie, vers toute périphérie humaine ; celui qui nous révèle Dieu nous pousse vers nos frères. Il envoie, il fait de nous des témoins et pour cela il répand – écrit encore Paul - amour, bienveillance, bonté, douceur. Seulement dans l’Esprit Consolateur, nous disons des paroles de vie et encourageons vraiment les autres. Celui qui vit selon l’Esprit est dans cette tension spirituelle : il est tendu à la fois vers Dieu et vers le monde.

Demandons-lui d’être ainsi. Esprit Saint, vent impétueux de Dieu, souffle sur nous. Souffle dans nos cœurs et fais-nous respirer la tendresse du Père. Souffle sur l’Église et pousse-la vers les confins lointains afin que, guidée par toi, elle n’apporte rien d’autre que toi. Souffle sur le monde la tiédeur délicate de la paix et la fraicheur rénovatrice de l’espérance. Viens, Esprit Saint, change-nous intérieurement et renouvelle la face de la terre ! Amen.

Basilique vaticane
Dimanche 20 mai 2018

(vatican.va)

MESSE DE LA DIVINE MISÉRICORDE

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Dans l’Evangile de ce jour, le verbe voir revient plusieurs fois : « Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur » (Jn 20, 20). Ils dirent ensuite à Thomas : « Nous avons vu le Seigneur » (v.25). Mais l’Evangile ne décrit pas comment ils l’ont vu, il ne décrit pas le Ressuscité, il met seulement en évidence un détail : « Il leur montra ses mains et son côté » (v. 20). L’Evangile semble vouloir nous dire que les disciples ont reconnu Jésus ainsi : par ses plaies. La même chose est arrivée à Thomas : lui aussi voulait voir « dans ses mains la marque des clous » (v. 25) et croire après avoir vu (v. 27).

Malgré son incrédulité, nous devons remercier Thomas car il ne s’est pas contenté d’entendre dire par les autres que Jésus était vivant, ni même de le voir en chair et en os ; mais il a voulu voir dedans, toucher de la main ses plaies, les signes de son amour. L’Evangile appelle Thomas « Didyme » (v. 24), ce qui veut dire jumeau, et, en cela, il est vraiment notre frère jumeau. Car il ne nous suffit pas non plus de savoir que Dieu existe : un Dieu ressuscité mais lointain ne remplit pas notre vie ; un Dieu distant ne nous attire pas, même s’il est juste et saint. Non, nous avons besoin, nous aussi, de “voir Dieu”, de toucher de la main qu’il est ressuscité, et ressuscité pour nous.

Comment pouvons-nous le voir ? Comme les disciples : à travers ses plaies. En regardant ces plaies, ils ont compris qu’il ne les aimait pas pour plaisanter et qu’il les pardonnait même s’il y en avait un parmi eux qui l’avait renié et qui l’avait abandonné. Entrer dans ses plaies, c’est contempler l’amour démesuré qui déborde de son cœur. Voilà le chemin ! C’est comprendre que son cœur bat pour moi, pour toi, pour chacun de nous. Chers frères et sœurs, nous pouvons nous estimer et nous dire chrétiens, et parler de nombreuses belles valeurs de la foi, mais, comme les disciples, nous avons besoin de voir Jésus en touchant son amour. C’est seulement ainsi que nous allons au cœur de la foi et, comme les disciples, nous trouvons une paix et une joie (cf. vv. 19-20) plus fortes que tout doute.

Thomas s’est exclamé après avoir vu les plaies du Seigneur : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » (v. 28). Je voudrais attirer l’attention sur cet adjectif que Thomas répète : mon. C’est un adjectif possessif et, si nous y réfléchissons bien, il pourrait sembler déplacé de le référer à Dieu : Comment Dieu peut-il être à moi ? Comment puis-je faire mien le Tout Puissant ? En réalité, en disant mon nous ne profanons pas Dieu, mais nous honorons sa miséricorde, parce que c’est lui qui a voulu se “faire nôtre”. Et nous lui disons, comme dans une histoire d’amour : “Tu t’es fait homme pour moi, tu es mort et ressuscité pour moi, et donc tu n’es pas seulement Dieu, tu es mon Dieu, tu es ma vie. En toi j’ai trouvé l’amour que je cherchais, et beaucoup plus, comme jamais je ne l’aurais imaginé”.

Dieu ne s’offense pas d’être “nôtre”, car l’amour demande de la familiarité, la miséricorde demande de la confiance. Déjà, au début des dix commandements, Dieu disait : « Je suis le Seigneur ton Dieu » (Ex 20, 2) et il confirmait : « Moi le Seigneur ton Dieu, je suis un Dieu jaloux » (v. 5). Voilà la proposition de Dieu, amoureux jaloux qui se présente comme ton Dieu. Et du cœur ému de Thomas jaillit la réponse : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ». En entrant aujourd’hui, à travers les plaies, dans le mystère de Dieu, nous comprenons que la miséricorde n’est pas une de ses qualités parmi les autres, mais le battement de son cœur même. Et alors, comme Thomas, nous ne vivons plus comme des disciples hésitants, dévots mais titubants ; nous devenons, nous aussi, de vrais amoureux du Seigneur ! Nous ne devons pas avoir peur de ce mot : amoureux du Seigneur.

Comment savourer cet amour, comment toucher aujourd’hui de la main la miséricorde de Jésus ? C’est encore l’Evangile qui nous le suggère lorsqu’il souligne que, le soir même de Pâques (cf. v. 19), c’est-à-dire à peine ressuscité, Jésus, avant toute chose, donne l’Esprit pour pardonner les péchés. Pour faire l’expérience de l’amour, il faut passer par là : se laisser pardonner. Se laisser pardonner. Je me demande, ainsi qu’à chacun d’entre vous : est-ce que moi, je me laisse pardonner ? Pour faire l’expérience de cet amour, il faut passer par là. Est-ce que je me laisser pardonner, moi ? ‘‘Mais, mon Père, aller se confesser semble difficile...’’. Face à Dieu, nous sommes tentés de faire comme les disciples dans l’Evangile : nous barricader, les portes fermées. Ils le faisaient par crainte, et, nous aussi, nous avons peur, honte de nous ouvrir et de dire nos péchés. Que le Seigneur nous donne la grâce de comprendre la honte, de la voir non pas comme une porte fermée, mais comme le premier pas de la rencontre. Quand nous éprouvons de la honte, nous devons être reconnaissants : cela veut dire que nous n’acceptons pas le mal, et cela est bon. La honte est une invitation secrète de l’âme qui a besoin du Seigneur pour vaincre le mal. Le drame c’est quand on n’a plus honte de rien. N’ayons pas peur d’éprouver de la honte ! Et passons de la honte au pardon ! N’ayez pas peur d’éprouver de la honte ! N’ayez pas peur !

Il y a, en revanche, une porte fermée face au pardon du Seigneur, celle de la résignation. La résignation est toujours une porte fermée. Les disciples en ont fait l’expérience qui, à Pâques, constataient amèrement que tout était redevenu comme avant : ils étaient encore là, à Jérusalem, découragés ; le “chapitre Jésus” semblait clos, et après tant de temps passé avec lui, rien n’avait changé ; résignons-nous ! Nous aussi nous pouvons penser : “Je suis chrétien depuis si longtemps, et pourtant rien ne change en moi, je commets toujours les mêmes péchés”. Alors, découragés, nous renonçons à la miséricorde. Mais le Seigneur nous interpelle : “Ne crois-tu pas que ma miséricorde est plus grande que ta misère ? Tu récidives en péchant ? Récidive en demandant la miséricorde, et nous verrons qui l’emportera ! ” Et puis – celui qui connaît le Sacrement du pardon le sait – il n’est pas vrai que tout reste comme avant. A chaque pardon nous sommes ragaillardis, encouragés, car nous nous sentons à chaque fois plus aimés, davantage embrassés par le Père. Et quand, aimés, nous retombons, nous éprouvons davantage de souffrance qu’avant. C’est une souffrance bénéfique qui lentement nous éloigne du péché. Nous découvrons alors que la force de la vie, c’est de recevoir le pardon de Dieu et d’aller de l’avant, de pardon en pardon. Ainsi va la vie : de honte en honte, de pardon en pardon. C’est cela la vie chrétienne !

Après la honte et la résignation, il y a une autre porte fermée, blindée parfois : notre péché, le même péché. Quand je commets un gros péché, si moi, en toute honnêteté, je ne veux pas me pardonner, pourquoi Dieu devrait-il le faire ? Mais cette porte est verrouillée seulement d’un côté, le nôtre ; pour Dieu elle n’est jamais infranchissable. Comme nous l’apprend l’Evangile, il aime, justement, entrer “les portes étant fermées” – nous l’avons entendu –, quand tout passage semble barré. Là, Dieu fait des merveilles. Il ne décide jamais de se séparer de nous, c’est nous qui le laissons dehors. Mais quand nous nous confessons il se produit une chose inouïe : nous découvrons que précisément ce péché qui nous tenait à distance du Seigneur devient le lieu de la rencontre avec lui. Là, le Dieu blessé d’amour vient à la rencontre de nos blessures. Et il rend nos misérables plaies semblables à ses plaies glorieuses. Il y a une transformation : ma misérable plaie ressemble à ses plaies glorieuses. Car il est miséricorde et fait des merveilles dans nos misères. Comme Thomas, demandons aujourd’hui la grâce de reconnaître notre Dieu : de trouver dans son pardon notre joie, de trouver dans sa miséricorde notre espérance.

Place Saint-Pierre
II Dimanche de Pâques 8 avril 2018

(vatican.va)

MESSAGE URBI ET ORBI DU PAPE FRANÇOIS

PÂQUES 2018

Jésus est ressuscité d’entre les morts.

Cette annonce résonne dans l’Église par le monde entier, avec le chant de l’Alleluia : Jésus est le Seigneur, le Père l’a ressuscité et il est vivant pour toujours au milieu de nous.

Jésus lui-même avait annoncé à l’avance sa mort et sa résurrection avec l’image du grain de blé. Il disait : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12, 24). Voilà, justement cela est arrivé : Jésus, le grain de blé semé par Dieu dans les sillons de la terre, est mort tué par le péché du monde, il est resté deux jours dans le tombeau ; mais dans sa mort était contenue toute la puissance de l’amour de Dieu, qui s’est dégagée et qui s’est manifestée le troisième jour, celui que nous célébrons aujourd’hui : la Pâque du Christ Seigneur.

Nous chrétiens, nous croyons et nous savons que la résurrection du Christ est la véritable espérance du monde, celle qui ne déçoit pas. C’est la force du grain de blé, celle de l’amour qui s’abaisse et qui se donne jusqu’au bout, et qui renouvelle vraiment le monde. Cette force porte du fruit aussi aujourd’hui dans les sillons de notre histoire, marquée de tant d’injustices et de violences. Elle porte des fruits d’espérance et de dignité là où il y a de la misère et de l’exclusion, là où il y a la faim et où manque le travail, au milieu des personnes déplacées et des réfugiés – tant de fois rejetés par la culture actuelle du rebut –, aux victimes du narcotrafic, de la traite des personnes et des esclavages de notre temps.

Et nous aujourd’hui, demandons des fruits de paix pour le monde entier, à commencer par la bien-aimée et tourmentée Syrie, dont la population est épuisée par une guerre qui ne voit pas de fin. En cette fête de Pâques, que la lumière du Christ Ressuscité éclaire les consciences de tous les responsables politiques et militaires, afin que soit mis un terme immédiatement à l’extermination en cours, que soit respecté le droit humanitaire et qu’il soit pourvu à faciliter l’accès aux aides dont ces frères et sœurs ont un urgent besoin, assurant en même temps des conditions convenables pour le retour de tous ceux qui ont été dispersés.

Invoquons des fruits de réconciliation pour la Terre Sainte, blessée encore ces jours-ci par des conflits ouverts qui n’épargnent pas les personnes sans défense, pour le Yémen et pour tout le Moyen Orient, afin que le dialogue et le respect réciproque prévalent sur les divisions et sur la violence. Puissent nos frères en Christ, qui souvent subissent brimades et persécutions, être des témoins lumineux du Ressuscité et de la victoire du bien sur le mal.

Demandons instamment des fruits d’espérance en ce jour pour tous ceux qui aspirent à une vie plus digne, surtout dans ces parties du continent africain tourmentées par la faim, par des conflits endémiques et par le terrorisme. Que la paix du Ressuscité guérisse les blessures au Sud Soudan : qu’elle ouvre les cœurs au dialogue et à la compréhension réciproque. N’oublions pas les victimes de ces conflits, surtout les enfants ! Que ne manque pas la solidarité pour les nombreuses personnes contraintes à abandonner leurs terres et privées du minimum nécessaire pour vivre.

Implorons des fruits de dialogue pour la péninsule coréenne, pour que les entretiens en cours promeuvent l’harmonie et la pacification de la région. Que ceux qui ont des responsabilités directes agissent avec sagesse et discernement pour promouvoir le bien du peuple coréen et construire des relations de confiance au sein de la communauté internationale.

Demandons des fruits de paix pour l’Ukraine, afin que se renforcent les pas en faveur de la concorde et soient facilitées les initiatives humanitaires dont la population a besoin.

Appelons des fruits de consolation pour le peuple vénézuélien, qui – comme l’ont écrit ses pasteurs – vit dans une espèce de « terre étrangère » dans son propre pays. Puisse-t-il, par la force de la Résurrection du Seigneur Jésus, trouver le chemin juste, pacifique et humain pour sortir au plus vite de la crise politique et humanitaire qui le tenaille, et que accueil et assistance ne manquent pas à tous ceux de ses enfants qui sont contraints d’abandonner leur patrie.

Que le Christ Ressuscité apporte des fruits de vie nouvelle aux enfants qui, à cause des guerres et de la faim, grandissent sans espérance, privés d’éducation et d’assistance sanitaire ; et aussi pour les aînés mis à l’écart par la culture égoïste, qui met de côté celui qui n’est pas « productif ».

Invoquons des fruits de sagesse pour ceux qui dans le monde entier ont des responsabilités politiques, afin qu’ils respectent toujours la dignité humaine, se prodiguent avec dévouement au service du bien commun et assurent développement et sécurité à leurs propres citoyens.

Chers frères et sœurs,

A nous aussi, comme aux femmes accourues au tombeau, sont adressées ces paroles : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici, il est ressuscité ! » (Lc 24, 5-6). La mort, la solitude et la peur ne sont plus la parole ultime. Il y a une parole qui va au-delà et que Dieu seul peut prononcer : c’est la parole de la Résurrection (cf. Jean-Paul II, Paroles au terme de la Via Crucis, 18 avril 2003). Avec la force de l’amour de Dieu, elle « chasse les crimes et lave les fautes, rend l’innocence aux coupables et l’allégresse aux affligés, dissipe la haine, dispose à l’amitié et soumet toute puissance » (Annonce de la Pâque).

Bonne fête de Pâques à tous !

Loggia centrale de la Basilique vaticane
Dimanche 1er avril 2018

(vatican.va)

VEILLÉE PASCALE EN LA NUIT SAINTE

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Nous avons commencé cette célébration à l’extérieur, immergés dans l’obscurité de la nuit et dans le froid qui l’accompagne. Nous sentons le poids du silence devant la mort du Seigneur, un silence dans lequel chacun de nous peut se reconnaître et qui descend profondément dans les replis du cœur du disciple qui, devant la croix, reste sans parole.

Ce sont les heures du disciple, sans voix devant la douleur engendrée par la mort de Jésus : que dire devant une telle réalité ? Le disciple qui reste sans voix prenant conscience de ses propres réactions durant les heures cruciales de la vie du Seigneur : devant l’injustice qui a condamné le Maître, les disciples ont fait silence ; devant les calomnies et le faux témoignage subi par le Maître, les disciples se sont tus. Durant les heures difficiles et douloureuses de la Passion, les disciples ont fait l’expérience de manière dramatique de leur incapacité à prendre un risque et à parler en faveur du Maître ; de plus, ils l’ont renié, ils se sont cachés, ils ont fui, ils sont restés muets (cf. Jn 18, 25-27).

C’est la nuit du silence du disciple qui se trouve transi et paralysé, sans savoir où aller face à tant de situations douloureuses qui l’oppriment et l’entourent. C’est le disciple d’aujourd’hui, sans voix devant une réalité qui s’impose à lui, lui faisant sentir et, ce qui est pire, croire qu’on ne peut rien faire pour vaincre tant d’injustices que nombre de nos frères vivent dans leur chair.

C’est le disciple étourdi parce qu’immergé dans une routine accablante qui le prive de la mémoire, qui fait taire l’espérance et l’habitue au “on a toujours fait ainsi”. C’est le disciple sans voix et enténébré qui finit par s’habituer et par considérer normale l’expression de Caïphe : « Vous ne voyez pas quel est votre intérêt : il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple, et que l’ensemble de la nation ne périsse pas » (Jn 11, 50)

Et au milieu de nos silences, quand nous nous taisons de manière si accablante, alors les pierres commencent à crier (cf. Lc 19, 40)[1] et à laisser la place à la plus grande annonce que l’histoire ait jamais pu contenir dans son sein : « Il n’est pas ici, car il est ressuscité » (Mt 28, 6). La pierre du tombeau a crié et par son cri, elle a annoncé à tous un nouveau chemin. Ce fut la création la première à se faire l’écho du triomphe de la Vie sur toutes les réalités qui chercheront à faire taire et à museler la joie de l’Evangile. Ce fut la pierre du tombeau la première à sauter et, à sa manière, à entonner un chant de louange et d’enthousiasme, de joie et d’espérance auquel nous sommes tous invités à prendre part.

Et si hier, avec les femmes, nous avons contemplé « celui qu’ils ont transpercé » (Jn 19, 37 ; cf. Za 12, 10), aujourd’hui avec elles nous sommes appelés à contempler la tombe vide et à écouter les paroles de l’ange : « Vous, soyez sans crainte ! […] Il est ressuscité » (Mt 28, 5-6). Paroles qui veulent atteindre nos convictions et nos certitudes les plus profondes, nos manières de juger et d’affronter les événements quotidiens ; spécialement notre manière d’entrer en relation avec les autres. Le tombeau vide veut défier, secouer, interroger, mais surtout il veut nous encourager à croire et à avoir confiance que Dieu “vient” dans toute situation, dans toute personne, et que sa lumière peut arriver dans les coins les plus imprévisibles et les plus fermés de l’existence. Il est ressuscité de la mort, il est ressuscité du lieu dont personne n’attendait rien et il nous attend – comme il attendait les femmes – pour nous rendre participants de son œuvre de salut. Voilà le fondement et la force que nous avons comme chrétiens pour répandre notre vie et notre énergie, notre intelligence, nos affections et notre volonté dans la recherche et spécialement dans le fait de produire des chemins de dignité. Il n’est pas ici… Il est ressuscité ! C’est l’annonce qui soutient notre espérance et la transforme en gestes concrets de charité. Comme nous avons besoin de faire en sorte que notre fragilité soit marquée de cette expérience ! Comme nous avons besoin que notre foi soit renouvelée, que nos horizons myopes soient remis en question et renouvelés par cette annonce ! Il est ressuscité et avec Lui ressuscite notre espérance créative pour affronter les problèmes actuels, parce que nous savons que nous ne sommes pas seuls.

Célébrer Pâques signifie croire de nouveau que Dieu fait irruption et ne cesse de faire irruption dans nos histoires, défiant nos déterminismes uniformisants et paralysants. Célébrer Pâques signifie faire en sorte que Jésus soit vainqueur de cette attitude lâche qui tant de fois, nous assiège et cherche à ensevelir tout type d’espérance.

La pierre du tombeau a fait sa part, les femmes ont fait leur part, maintenant l’invitation est adressée encore une fois à vous et à moi : invitation à rompre avec les habitudes répétitives, à renouveler notre vie, nos choix et notre existence. Une invitation qui nous est adressée là où nous nous trouvons, dans ce que nous faisons et ce que nous sommes ; avec la “part de pouvoir” que nous avons. Voulons-nous participer à cette annonce de vie ou resterons-nous muets devant les événements ?

Il n’est pas ici, il est ressuscité ! Et il t’attend en Galilée, il t’invite à retourner au temps et au lieu du premier amour pour te dire : “ N’aies pas peur, suis-moi”.

Basilique vaticane
Samedi saint, 31 mars 2018

(vatican.va)

CÉLÉBRATION DU DIMANCHE DES RAMEAUX ET DE LA PASSION DU SEIGNEUR

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Jésus entre à Jérusalem. La liturgie nous a invités à intervenir et à participer à la joie ainsi qu’à la fête du peuple qui est capable de crier et de louer son Seigneur ; une joie qui se ternit et laisse un goût amer et douloureux lorsqu’on a fini d’écouter le récit de la Passion. Dans cette célébration semblent s’entrecroiser des histoires de joie et de souffrance, d’erreurs et de succès qui font partie de notre vie quotidienne de disciples, car elles parviennent à mettre à nu des sentiments et des contradictions que nous aussi nous éprouvons souvent aujourd’hui, hommes et femmes de ce temps : capables de beaucoup aimer… mais aussi de haïr – et beaucoup - ; capables de courageux sacrifices, mais aussi capables de savoir ‘‘se laver les mains’’ au moment opportun ; capables de fidélité mais aussi de grands abandons et de grandes trahisons.

Et on voit clairement dans tout le récit évangélique que la joie suscitée par Jésus est, pour certains, un motif de gêne et d’agacement.

Entouré de ses gens, Jésus entre dans la ville, parmi les chants et les cris bruyants. Nous pouvons imaginer que c’est la voix du fils pardonné, celle du lépreux guéri ou le bêlement de la brebis égarée qui, tous ensemble, résonnent fortement lors de cette entrée. C’est le chant du publicain et de l’homme impur ; c’est le cri de celui qui vivait en marge de la ville. C’est le cri des hommes et des femmes qui l’ont suivi parce qu’ils ont fait l’expérience de sa compassion face à leur douleur et à leur misère… C’est le chant et la joie spontanés de tant de personnes marginalisées qui, touchées par Jésus, peuvent crier : “Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !”. Comment ne pas acclamer celui qui leur avait redonné la dignité et l’espérance ? C’est la joie de tant de pécheurs pardonnés qui ont retrouvé confiance et espérance. Et ils crient. Ils se réjouissent. C’est la joie !

Cette joie de l’hosanna se révèle gênante et devient absurde et scandaleuse pour ceux qui se considèrent justes et ‘‘fidèles’’ à la loi et aux préceptes rituels.[1] Joie insupportable pour ceux qui sont restés insensibles à la douleur, à la souffrance et à la misère. Et beaucoup d’entre ceux-ci pensent : ‘‘Regarde, quel peuple mal éduqué !’’. Joie intolérable pour ceux qui ont perdu la mémoire et oublié les nombreuses faveurs reçues. Pour celui qui cherche à se justifier lui-même et à s’installer, comme il est difficile de comprendre la joie et la fête de la miséricorde de Dieu ! Pour ceux qui ne mettent leur confiance qu’en leurs propres forces et qui se sentent supérieurs aux autres[2], comme il est difficile de pouvoir partager cette joie !

Et c’est ainsi que naît le cri de celui dont la voix ne tremble pas pour hurler : ‘‘Crucifie-le !’’ Il ne s’agit pas d’un cri spontané, mais c’est le cri artificiel, construit, fait du mépris, de la calomnie, de faux témoignages suscités. C’est le cri qui naît dans le passage du fait au compte-rendu, qui naît dans le compte-rendu. C’est la voix de celui qui manipule la réalité, crée une version à son avantage et ne se pose aucun problème pour ‘‘coincer” les autres afin de s’en sortir. C’est un [faux] compte-rendu ! C’est le cri de celui qui n’a pas de scrupules à chercher les moyens de se renforcer et à faire taire les voix dissonantes. C’est le cri qui naît de la réalité ‘‘truquée’’ et présentée de telle sorte qu’elle finit par défigurer le visage de Jésus et le transformer en ‘‘malfaiteur’’. C’est la voix de celui qui veut défendre sa propre position en discréditant spécialement celui qui ne peut pas se défendre. C’est le cri, fabriqué par les ‘‘intrigues’’ de l’autosuffisance, de l’orgueil et de l’arrogance, qui proclame sans problèmes : ‘‘Crucifie-le, crucifie-le !’’.

Et on finit ainsi par faire taire la fête du peuple, on détruit l’espérance, on tue les rêves, on supprime la joie ; on finit ainsi par blinder le cœur, on refroidit la charité. C’est le cri du ‘‘sauve-toi toi-même’’ qui veut endormir la solidarité, éteindre les idéaux, rendre le regard insensible… le cri qui veut effacer la compassion, ce ‘‘pâtir avec’’, la compassion, qui est la faiblesse de Dieu.

Face à toutes ces voix qui hurlent, le meilleur antidote, c’est de regarder la croix du Christ et de nous laisser interpeller par son dernier cri. Le Christ est mort en criant son amour pour chacun d’entre nous : pour les jeunes et pour les personnes âgées, pour les saints et les pécheurs, son amour pour ceux de son temps et pour ceux de notre temps. Nous avons été sauvés sur sa croix pour que personne n’éteigne la joie de l’Evangile ; pour que personne, dans la situation où il se trouve, ne reste éloigné du regard miséricordieux du Père. Regarder la croix signifie se laisser interpeller dans nos priorités, nos choix et nos actions. Cela signifie laisser notre sensibilité être interpelée par celui qui passe ou vit un moment difficile. Chers frères et sœurs, que voit notre cœur ? Jésus continue-t-il d’être un motif de joie et de louange dans notre cœur ou bien avons-nous honte de ses priorités pour les pécheurs, les derniers, ceux qui sont oubliés ?

Et vous, chers jeunes, la joie que Jésus suscite en vous est un motif de gêne et également d’agacement pour certains, parce qu’il est difficile de manipuler jeune joyeux. Il est difficile de manipuler jeune joyeux !

Mais il y a aujourd’hui la possibilité d’un troisième cri : « Quelques pharisiens qui se trouvaient dans la foule dirent à Jésus : “Maître, réprimande tes disciples”. Mais il prit la parole en disant : “Je vous le dis, si eux se taisent, les pierres crieront” » (Lc 19, 39-40).

Faire taire les jeunes est une tentation qui a toujours existé. Les mêmes pharisiens s’en prennent à Jésus et lui demandent de les calmer et de les faire taire.

Il y a de nombreuses manières de rendre les jeunes silencieux et invisibles. De nombreuses manières de les anesthésier et de les endormir pour qu’ils ne fassent pas de bruit, pour qu’ils ne s’interrogent pas et ne se remettent pas en question. ‘‘Vous, taisez-vous !’’ Il y a de nombreuses manières de les faire tenir tranquilles pour qu’ils ne s’impliquent pas et que leurs rêves perdent de la hauteur et deviennent des rêvasseries au ras du sol, mesquines, tristes.

En ce Dimanche des Rameaux, célébrant la Journée Mondiale de la Jeunesse, il nous est bon d’entendre la réponse de Jésus aux pharisiens d’hier et de tous les temps, également à ceux d’aujourd’hui : « Si eux se taisent, les pierres crieront » (Lc 19, 40).

Chers jeunes, c’est à vous de prendre la décision de crier, c’est à vous de vous décider pour l’Hosanna du dimanche, pour ne pas tomber dans le “crucifie-le !” du vendredi… et cela dépend de vous de ne pas rester silencieux. Si les autres se taisent, si nous, les aînés et les responsables – bien des fois corrompus – restons silencieux, si le monde se tait et perd la joie, je vous le demande : vous, est-ce que vous crierez ?

S’il vous plaît, décidez-vous avant que les pierres ne crient !

Place Saint-Pierre
XXXIIIe Journée mondiale de la Jeunesse
Dimanche 25 mars 2018

(vatican.va)

CÉLÉBRATION DE LA PÉNITENCE

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Chers frères et sœurs,

Quelle grande joie et quelle consolation nous sont offertes par les paroles de saint Jean que nous avons entendues : l’amour de Dieu est tel qu’il a fait de nous ses enfants, et quand nous pourrons le voir face à face nous découvrirons encore plus la grandeur de cet amour (cf. 1Jn 3, 1-10.19-22). Mais pas seulement. L’amour de Dieu est toujours plus grand que ce que nous pouvons imaginer, et il s’étend même au-delà de tous les péchés que notre conscience peut nous reprocher. C’est un amour sans limites et qui n’a pas de frontières ; il n’a d’obstacles que ceux que nous, au contraire, avons l’habitude de poser devant une personne par peur qu’elle vienne nous priver de notre liberté.

Nous savons que l’état de péché a comme conséquence l’éloignement de Dieu. Et en effet, le péché est une modalité par laquelle nous nous éloignons de lui. Mais cela ne signifie pas que lui s’éloigne de nous. L’état de faiblesse et de confusion dans lequel le péché nous met est une raison de plus pour Dieu de rester proche de nous. Cette certitude doit toujours nous accompagner dans notre vie. La parole de l’Apôtre est une confirmation qui rassure notre cœur en ayant toujours une confiance indestructible dans l’amour du Père : « Si notre cœur nous accuse, Dieu est plus grand que notre cœur » (v. 20).

Sa grâce continue à travailler en nous pour rendre plus forte l’espérance que nous ne serons jamais privés de son amour, malgré tous les péchés que nous pourrions avoir commis en refusant sa présence dans notre vie.

Voilà cette espérance qui nous pousse à prendre conscience de la mauvaise orientation que prend souvent notre existence, comme cela est arrivé à Pierre dans le récit évangélique que nous avons entendu : « Et aussitôt un coq chanta. Alors Pierre se souvint de la parole que Jésus lui avait dite : “Avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois”. Il sortit et, dehors, pleura amèrement » (Mt 26, 74-75). L’évangéliste est très sobre. Le chant du coq semble saisir un homme encore confus, puis il se rappelle les paroles de Jésus et enfin le voile se déchire et Pierre commence à entrevoir dans les larmes que Dieu se révèle dans le Christ giflé, insulté, renié par lui mais qui, pour lui, va mourir. Pierre qui aurait voulu mourir pour Jésus comprend maintenant qu’il doit laisser Jésus mourir pour lui. Pierre voulait enseigner son Maître, il voulait le précéder ; au contraire c’est Jésus qui va mourir pour Pierre ; et Pierre ne l’avait pas compris, il n’avait pas voulu le comprendre.

Pierre est confronté maintenant à la charité du Seigneur et il comprend enfin que lui l’aime et lui demande de se laisser aimer. Pierre se rend compte qu’il avait toujours refusé de se laisser aimer, qu’il avait toujours refusé de se laisser sauver pleinement par Jésus, et qu’il ne voulait donc pas que Jésus l’aime totalement.

Comme il est difficile de se laisser vraiment aimer ! Nous voudrions toujours qu’il y ait quelque chose de nous qui ne soit pas lié par la reconnaissance, alors qu’en réalité nous sommes débiteurs de tout, car Dieu est le premier et il nous sauve totalement, par amour.

Demandons maintenant au Seigneur la grâce de nous faire connaître la grandeur de son amour qui efface tous nos péchés.

Laissons-nous purifier par l’amour pour reconnaître le véritable amour!

Basilique Saint-Pierre
Vendredi 9 mars 2018

(vatican.va)

MESSE, BÉNÉDICTION ET IMPOSITION DES CENDRES

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Le temps du Carême est un temps favorable pour corriger les accords dissonants de notre vie chrétienne et accueillir l’annonce de la Pâque du Seigneur toujours nouvelle, joyeuse et pleine d’espérance. L’Église dans sa sagesse maternelle nous propose de prêter une attention particulière à tout ce qui peut refroidir et rouiller notre cœur de croyant.

Les tentations auxquelles nous sommes exposés sont nombreuses. Chacun d’entre nous connaît les difficultés qu’il doit affronter. Et il est triste de constater comment, face aux vicissitudes quotidiennes, profitant de la souffrance et de l’insécurité, se lèvent des voix qui ne savent que semer la méfiance. Et si le fruit de la foi est la charité – comme aimait le répéter Mère Térésa de Calcutta -, le fruit de la méfiance est l’apathie et la résignation. Méfiance, apathie et résignation : ces démons qui cautérisent et paralysent l’âme du peuple croyant.

Le Carême est un temps précieux pour débusquer ces dernières, ainsi que d’autres tentations et laisser notre cœur recommencer à battre au rythme du cœur de Jésus. Toute cette liturgie est imprégnée par ces sentiments et nous pourrions dire que cela fait écho à trois expressions qui nous sont offertes pour « réchauffer le cœur du croyant » : arrête-toi, regarde et reviens.

Arrête-toi un peu, laisse cette agitation et cette course insensée qui remplit le cœur de l’amertume de sentir que l’on n’arrive jamais à rien. Arrête-toi, laisse cette injonction à vivre en accéléré qui disperse, divise et finit par détruire le temps de la famille, le temps de l’amitié, le temps des enfants, le temps des grands-parents, le temps de la gratuité… le temps de Dieu.

Arrête-toi un peu devant la nécessité d’apparaître et d’être vu par tous, d’être continuellement à “l’affiche ”, ce qui fait oublier la valeur de l’intimité et du recueillement.

Arrête-toi un peu devant le regard hautain, le commentaire fugace et méprisant qui naît de l’oubli de la tendresse, de la compassion et du respect dans la rencontre des autres, en particulier de ceux qui sont vulnérables, blessés et même de ceux qui sont empêtrés dans le péché et l’erreur.

Arrête-toi un peu devant l’obsession de vouloir tout contrôler, tout savoir, tout dévaster, qui naît de l’oubli de la gratitude face au don de la vie et à tant de bien reçu.

Arrête-toi un peu devant le bruit assourdissant qui atrophie et étourdit nos oreilles et qui nous fait oublier le pouvoir fécond et créateur du silence.

Arrête-toi un peu devant l’attitude favorisant des sentiments stériles, inféconds qui surgissent de l’enfermement et de l’apitoiement sur soi-même et qui conduisent à oublier d’aller à rencontre des autres pour partager les fardeaux et les souffrances.

Arrête-toi devant la vacuité de ce qui est immédiat, momentané et éphémère, qui nous prive de nos racines, de nos liens, de la valeur des parcours et du fait de nous savoir toujours en chemin.

Arrête-toi pour regarder et contempler !

Regarde les signes qui empêchent d’éteindre la charité, qui maintiennent vive la flamme de la foi et de l’espérance. Visages vivants de la tendresse et de la bonté de Dieu qui agit au milieu de nous.

Regarde le visage de nos familles qui continuent à miser jour après jour, avec beaucoup d’effort, pour aller de l’avant dans la vie et qui, entre les contraintes et les difficultés, ne cessent pas de tout tenter pour faire de leur maison une école de l’amour.

Regarde les visages interpellant de nos enfants et des jeunes porteurs d’avenir et d’espérance, porteurs d’un lendemain et d’un potentiel qui exigent dévouement et protection. Germes vivants de l’amour et de la vie qui se fraient toujours un passage au milieu de nos calculs mesquins et égoïstes.

Regarde les visages de nos anciens, marqués par le passage du temps ; visages porteurs de la mémoire vivante de nos peuples. Visages de la sagesse agissante de Dieu.

Regarde les visages de nos malades et de tous ceux qui s’en occupent ; visages qui, dans leur vulnérabilité et dans leur service, nous rappellent que la valeur de chaque personne ne peut jamais être réduite à une question de calcul ou d’utilité.

Regarde les visages contrits de tous ceux qui cherchent à corriger leurs erreurs et leurs fautes et qui, dans leurs misères et leurs maux, luttent pour transformer les situations et aller de l’avant.

Regarde et contemple le visage de l’Amour Crucifié qui, aujourd’hui, sur la croix, continue d’être porteur d’espérance ; main tendue à ceux qui se sentent crucifiés, qui font l’expérience dans leur vie du poids leurs échecs, de leurs désenchantements et de leurs déceptions.

Regarde et contemple le visage concret du Christ crucifié par amour de tous sans exclusion. De tous ? Oui, de tous. Regarder son visage est l’invitation pleine d’espérance de ce temps de Carême pour vaincre les démons de la méfiance, de l’apathie et de la résignation. Visage qui nous incite à nous écrier : le Royaume de Dieu est possible !

Arrête-toi, regarde et reviens. Reviens à la Maison de ton Père. Reviens, sans peur, vers les bras ouverts et impatients de ton Père riche en miséricorde qui t’attend (cf. Ep. 2,4).

Reviens ! Sans peur, c’est le temps favorable pour revenir à la maison, à la maison « de mon Père et de votre Père » (cf. Jn. 20,17). C’est le temps pour se laisser toucher le cœur… Rester sur le chemin du mal n’est que source d’illusion et de tristesse. La vraie vie est quelque chose de bien différent et notre cœur le sait bien. Dieu ne se lasse pas et ne se lassera pas de tendre la main (Cf. Bulle Misericordiae Vultus, n.19).

Reviens, sans peur, pour faire l’expérience de la tendresse de Dieu qui guérit et réconcilie. Laisse le Seigneur guérir les blessures du péché et accomplir la prophétie faite à nos pères : « Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J’ôterai de votre chair le cœur de pierre, je vous donnerai un cœur de chair » (Ez. 36,26).

Arrête-toi, regarde et reviens !

Basilique Sainte-Sabine
Mercredi 14 février 2018

(vatican.va)

FÊTE DE LA PRÉSENTATION DU SEIGNEUR - XXIIE JOURNÉE DE LA VIE CONSACRÉE

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS



Quarante jours après Noël, nous célébrons le Seigneur qui, en entrant dans le temple, va à la rencontre de son peuple. Dans l’Orient chrétien, cette fête est précisément désignée comme la ‘‘Fête de la rencontre’’ : c’est la rencontre entre le Divin Enfant, qui apporte la nouveauté, et l’humanité en attente, représentée par les anciens du temple.

Dans le temple se produit également une autre rencontre, celle entre deux couples : d’une part les jeunes gens Marie et Joseph, d’autre part les anciens Siméon et Anne. Les anciens reçoivent des jeunes gens, les jeunes gens se ressourcent auprès des anciens. Marie et Joseph retrouvent en effet dans le temple les racines du peuple, et c’est important, car la promesse de Dieu ne se réalise pas individuellement et d’un seul coup, mais ensemble et tout au long de l’histoire. Et ils trouvent aussi les racines de la foi, car la foi n’est pas une notion à apprendre dans un livre, mais l’art de vivre avec Dieu, qui s’apprend par l’expérience de ceux qui nous ont précédés sur le chemin. Ainsi, les deux jeunes, en rencontrant les anciens, se retrouvent eux-mêmes. Et les deux anciens, vers la fin de leurs jours, reçoivent Jésus, le sens de leur vie. Cet épisode accomplit ainsi la prophétie de Joël : « Vos anciens seront instruits par des songes, et vos jeunes gens par des visions » (3, 1). Dans cette rencontre, les jeunes voient leur mission et les anciens réalisent leurs rêves. Tout cela parce qu’au centre de la rencontre se trouve Jésus.

Regardons-nous, chers frères et sœurs consacrés. Tout a commencé par la rencontre avec le Seigneur. D’une rencontre et d’un appel, est né le chemin de consécration. Il faut en faire mémoire. Et si nous faisons bien mémoire, nous verrons que dans cette rencontre nous n’étions pas seuls avec Jésus : il y avait également le peuple de Dieu, l’Église, les jeunes et les anciens, comme dans l’Évangile. Il y a là un détail intéressant : tandis que les jeunes gens Marie et Joseph observent fidèlement les prescriptions de la Loi – l’Évangile le dit quatre fois – ils ne parlent jamais ; les anciens Siméon et Anne arrivent et prophétisent. Ce devrait être le contraire : en général, ce sont les jeunes qui parlent avec enthousiasme de l’avenir, tandis que les anciens gardent le passé. Dans l’Evangile c’est l’inverse qui se passe, car quand on rencontre le Seigneur, les surprises de Dieu arrivent à point nommé. Pour leur permettre d’avoir lieu dans la vie consacrée, il convient de se rappeler qu’on ne peut pas renouveler la rencontre avec le Seigneur sans l’autre : ne jamais laisser quelqu’un derrière, ne jamais faire de mise à l’écart générationnelle, mais s’accompagner chaque jour, mettant le Seigneur au centre. Car si les jeunes sont appelés à ouvrir de nouvelles portes, les anciens ont les clefs. Et la jeunesse d’un institut se trouve dans le ressourcement aux racines, en écoutant les anciens. Il n’y a pas d’avenir sans cette rencontre entre les anciens et les jeunes ; il n’y a pas de croissance sans racines et il n’y a pas de floraison sans de nouveaux bourgeons. Jamais de prophétie sans mémoire, jamais de mémoire sans prophétie ; et il faut toujours se rencontrer.

La vie frénétique d’aujourd’hui conduit à fermer de nombreuses portes à la rencontre, souvent par peur de l’autre. - Les portes des centres commerciaux et les connexions de réseau demeurent toujours ouvertes -. Mais que dans la vie consacrée ceci ne se produise pas : le frère et la sœur que Dieu me donne font partie de mon histoire, ils sont des dons à protéger. Qu’il n’arrive pas de regarder l’écran du téléphone portable plus que les yeux du frère ou de s’attacher à nos programmes plus qu’au Seigneur. Car quand on place au centre les projets, les techniques et les structures, la vie consacrée cesse d’attirer et ne communique plus ; elle ne fleurit pas, parce qu’elle oublie ‘‘ce qu’elle a sous terre’’, c’est-à-dire les racines.

La vie consacrée naît et renaît de la rencontre avec Jésus tel qu’il est : pauvre, chaste et obéissant. Il y a une double voie qu’elle emprunte : d’une part l’initiative d’amour de Dieu, d’où tout part et à laquelle nous devons toujours retourner ; d’autre part, notre réponse, qui est la réponse d’un amour authentique quand il est sans si et sans mais, quand il imite Jésus pauvre, chaste et obéissant. Ainsi, tandis que la vie du monde cherche à accaparer, la vie consacrée renonce aux richesses qui passent pour embrasser Celui qui reste. La vie du monde poursuit les plaisirs et les aspirations personnelles, la vie consacrée libère l’affection de toute possession pour aimer pleinement Dieu et les autres. La vie du monde s’obstine à faire ce qu’elle veut, la vie consacrée choisit l’obéissance humble comme une liberté plus grande. Et tandis que la vie du monde laisse rapidement vides les mains et le cœur, la vie selon Jésus remplit de paix jusqu’à la fin, comme dans l’Évangile, où les anciens arrivent heureux au soir de leur vie, avec le Seigneur entre les mains et la joie dans le cœur.

Que de bien cela nous fait, comme à Siméon, de tenir le Seigneur « dans les bras » (Lc 2, 28) ! Non pas seulement dans la tête et dans le cœur, mais dans les mains, en tout ce que nous faisons : dans la prière, au travail, à table, au téléphone, à l’école, auprès des pauvres, partout. Avoir le Seigneur dans les mains, c’est l’antidote contre le mysticisme isolé et l’activisme effréné, car la rencontre réelle avec Jésus redresse aussi bien les sentimentalistes dévots que les affairistes frénétiques. Vivre la rencontre avec Jésus, c’est aussi le remède à la paralysie de la normalité, c’est s’ouvrir au remue-ménage quotidien de la grâce. Se laisser rencontrer par Jésus, faire rencontrer Jésus : c’est le secret pour maintenir vivante la flamme de la vie spirituelle. C’est la manière de ne pas se faire absorber par une vie morne, où les plaintes, l’amertume et les inévitables déceptions prennent le dessus. Se rencontrer en Jésus comme frères et sœurs, comme jeunes et anciens, pour surmonter la rhétorique stérile des ‘‘beaux temps passés’’ – cette nostalgie qui tue l’âme -, pour faire taire le ‘‘ici plus rien ne va’’. Si on rencontre chaque jour Jésus et les frères, le cœur ne se polarise pas vers le passé ou vers l’avenir, mais il vit l’aujourd’hui de Dieu en paix avec tous.

À la fin des Évangiles, il y a une autre rencontre avec Jésus qui peut inspirer la vie consacrée : celle des femmes au tombeau. Elles étaient allées rencontrer un mort, leur chemin semblait inutile. Vous aussi, vous allez à contre-courant dans le monde : la vie du monde rejette facilement la pauvreté, la chasteté et l’obéissance. Mais, comme ces femmes, vous allez de l’avant, malgré les préoccupations concernant les lourdes pierres à enlever (cf. Mc 16, 3). Et comme ces femmes, les premiers, vous rencontrez le Seigneur ressuscité et vivant, vous l’étreignez (cf. Mt 28, 9) et vous l’annoncez immédiatement aux frères, les yeux pétillants d’une grande joie (cf. v. 8). Vous êtes aussi l’aube sans fin de l’Église : vous, personnes consacrées, vous êtes l’aube sans fin de l’Eglise ! Je vous souhaite de raviver aujourd’hui même la rencontre avec Jésus, en marchant ensemble vers lui : et cela donnera de la lumière à vos yeux et de la vigueur à vos pas.

Basilique vaticane
Vendredi 2 février 2018

(vatican.va)

SOLENNITÉ DE LA TRÈS SAINTE MÈRE DE DIEU - L JOURNÉE MONDIALE DE LA PAIX

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS


L’année s’ouvre au nom de la Mère de Dieu. Mère de Dieu est le titre le plus important de la Vierge. Mais une question pourrait surgir : pourquoi disons-nous Mère de Dieu et non Mère de Jésus ? Certains, dans le passé, ont demandé de se limiter à cela, mais l’Eglise a affirmé : Marie est Mère de Dieu. Nous devons être reconnaissants parce que dans ces paroles est contenue une splendide vérité sur Dieu et sur nous. C’est-à-dire que, depuis que le Seigneur s’est incarné en Marie, dès lors et pour toujours, il porte notre humanité attachée à lui. Il n’y a plus Dieu sans homme : la chair que Jésus a prise de sa Mère est sienne aussi maintenant et le sera pour toujours. Dire Mère de Dieu nous rappelle ceci : Dieu est proche de l’humanité comme un enfant de sa mère qui le porte en son sein.
Le mot mère (mater), renvoie aussi au mot matière. Dans sa Mère, le Dieu du ciel, le Dieu infini s’est fait petit, s’est fait matière, pour être non seulement avec nous, mais aussi comme nous. Voilà le miracle, voilà la nouveauté : l’homme n’est plus seul ; plus jamais orphelin, il est pour toujours fils. L’année s’ouvre avec cette nouveauté. Et nous la proclamons ainsi, en disant : Mère de Dieu ! C’est la joie de savoir que notre solitude est vaincue. C’est la beauté de nous savoir fils aimés, de savoir que notre enfance ne pourra jamais nous être enlevée. C’est nous regarder dans le Dieu fragile et enfant entre les bras de sa Mère et voir que l’humanité est chère et sacrée au Seigneur. C’est pourquoi, servir la vie humaine c’est servir Dieu ; et toute vie, depuis celle qui est dans le sein de la mère jusqu’à celle qui est âgée, souffrante et malade, à celle qui est gênante et même répugnante, doit être accueillie, aimée et aidée.
Laissons-nous maintenant guider par l’Evangile d’aujourd’hui. De la Mère de Dieu il est dit une seule phrase : « Elle gardait avec soin toutes ces choses, les méditant en son cœur » (Lc 2, 19). Elle gardait. Simplement elle gardait. Marie ne parle pas : l’Evangile ne rapporte pas même une seule de ses paroles dans tout le récit de Noël. Même en cela la Mère est unie à son Fils. Jésus est un bébé, c’est-à-dire « sans parole ». Lui, le Verbe, la Parole de Dieu qui « à bien des reprises et de bien des manières, dans le passé, a parlé » (He 1, 1), maintenant, à la « plénitude des temps » (Ga 4, 4), il est muet. Le Dieu devant qui on se tait est un bébé qui ne parle pas. Sa majesté est sans paroles, son mystère d’amour se révèle dans la petitesse. Cette petitesse silencieuse est le langage de sa royauté. La Mère s’associe à son Fils et elle garde dans le silence.
Et le silence nous dit que nous aussi, si nous voulons nous garder, nous avons besoin de silence. Nous avons besoin de demeurer en silence en regardant la crèche. Parce que devant la crèche, nous nous redécouvrons aimés, nous savourons le sens authentique de la vie. Et en regardant en silence, nous laissons Jésus parler à notre cœur : que sa petitesse démonte notre orgueil, que sa pauvreté dérange notre faste, que sa tendresse remue notre cœur insensible. Ménager chaque jour un moment de silence avec Dieu, c’est garder notre âme ; c’est garder notre liberté des banalités corrosive de la consommation et des étourdissements de la publicité, du déferlement de paroles vides et des vagues irrésistibles des bavardages et du bruit.
Marie, poursuit l’Evangile, gardait toutes ces choses et les méditait. Qu’étaient ces choses ? C’étaient des joies et des souffrances : d’une part la naissance de Jésus, l’amour de Joseph, la visite des bergers, cette nuit de lumière. Mais de l’autre : un avenir incertain, l’absence de maison, « car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune » (Lc 2, 7) ; la désolation du refus ; la déception d’avoir dû faire naitre Jésus dans une étable . Espérance et angoisse, lumière et ténèbre : toutes ces choses peuplaient le cœur de Marie. Et elle, qu’a-t-elle fait ? Elle les a méditées, c’est-à-dire elle les a passées en revue avec Dieu dans son cœur. Elle n’a rien gardé pour elle, elle n’a rien renfermé dans la solitude ou noyé dans l’amertume, elle a tout porté à Dieu. C’est ainsi qu’elle a gardé. En confiant on garde : non en laissant la vie en proie à la peur, au découragement ou à la superstition, non en se fermant ou en cherchant à oublier, mais en faisant de tout un dialogue avec Dieu. Et Dieu qui nous a à cœur, vient habiter nos vies.
Voilà les secrets de la Mère de Dieu : garder dans le silence et porter à Dieu. Cela se passait, conclut l’Evangile, dans son cœur. Le cœur invite à regarder au centre de la personne, des affections, de la vie. Nous aussi, chrétiens en chemin, au commencement de l’année nous ressentons le besoin de repartir du centre, de laisser derrière nous les fardeaux du passé et de recommencer à partir de ce qui compte. Voici aujourd’hui devant nous le point de départ : la Mère de Dieu. Parce que Marie est comme Dieu nous veut, comme il veut son Eglise : Mère tendre, humble, pauvre de choses et riche d’amour, libre du péché, unie à Jésus, qui garde Dieu dans le cœur et le prochain dans la vie. Pour repartir, regardons vers la Mère. Dans son cœur bat le cœur de l’Eglise. Pour avancer, nous dit la fête d’aujourd’hui, il faut revenir en arrière : recommencer depuis la crèche, de la Mère qui tient Dieu dans ses bras.
La dévotion à Marie n’est pas une bonne manière spirituelle, elle est une exigence de la vie chrétienne. En regardant vers la Mère nous sommes encouragés à laisser tant de boulets inutiles et à retrouver ce qui compte. Le don de la Mère, le don de toute mère et de toute femme est très précieux pour l’Eglise, qui est mère et femme. Et alors que souvent l’homme fait des abstractions, affirme et impose des idées, la femme, la mère, sait garder, unir dans le cœur, vivifier. Parce que la foi ne se réduit pas seulement à une idée ou à une doctrine, nous avons besoin, tous, d’un cœur de mère, qui sache garder la tendresse de Dieu et écouter les palpitations de l’homme. Que la Mère, signature d’auteur de Dieu sur l’humanité, garde cette année et porte la paix de son Fils dans les cœurs, dans nos cœurs, et dans le monde. Et je vous invite à lui adresser aujourd’hui, en tant que ses enfants, simplement, la salutation des chrétiens d’Éphèse, en présence de leurs évêques : ‘‘Sainte Mère de Dieu’’. Disons, trois fois, du fond du cœur, tous ensemble, en la regardant [se tournant vers la statue placée près de l’autel] : ‘‘Sainte Mère de Dieu’’.


Basilique Vaticane
Lundi, 1er Janvier 2018




(Vatican.va, Flickr.com)

MESSAGE URBI ET ORBI DU PAPE FRANÇOIS

NOËL 2017

Chers frères et sœurs, bon Noël !

À Bethléem, Jésus est né de la Vierge Marie. Il n’est pas né d’une volonté humaine, mais du don d’amour de Dieu le Père, qui « a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle » (Jn 3,16).

Cet évènement se renouvelle aujourd’hui dans l’Église, en pèlerinage dans le temps : la foi du peuple chrétien revit dans la liturgie de Noël le mystère de Dieu qui vient, qui prend notre chair mortelle, qui se fait petit et pauvre pour nous sauver. Et cela nous nous remplit d’émotion, parce que la tendresse de notre Père est très grande.

Les premiers à voir l’humble gloire du Sauveur, après Marie et Joseph, ont été les bergers de Bethléem. Ils ont reconnu le signe que les anges leur avait annoncé et ils ont adoré l’Enfant. Ces hommes humbles mais vigilants sont un exemple pour les croyants de tous les temps qui, en présence du mystère de Jésus, ne se scandalisent pas de sa pauvreté, mais, comme Marie, se fient à la parole de Dieu et contemplent sa gloire avec un regard simple. Devant le mystère du Verbe fait chair, les chrétiens de tous lieux confessent, avec les paroles de l’évangéliste Jean : « Nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité » (Jn 1,14).

Aujourd’hui, alors que soufflent sur le monde des vents de guerre et qu’un modèle de développement déjà dépassé continue à engendrer de la dégradation humaine, sociale et environnementale, Noël nous renvoie au signe de l’Enfant, et nous appelle à le reconnaître sur les visages des enfants, spécialement de ceux pour qui, comme pour Jésus, « il n’y a plus de place dans la salle commune » (Lc 2,7).

Nous voyons Jésus dans les enfants du Moyen Orient, qui continuent à souffrir à cause de l’aggravation des tensions entre Israéliens et Palestiniens. En ce jour de fête, demandons au Seigneur la paix pour Jérusalem et pour toute la Terre Sainte ; prions pour qu’entre les partis la volonté de reprendre le dialogue l’emporte et que l’on puisse finalement parvenir à une solution négociée qui permette la coexistence pacifique de deux États à l’intérieur de frontières définies entre eux et reconnues internationalement. Que le Seigneur soutienne aussi l’effort de ceux qui, au sein de la Communauté internationale, sont animés par la bonne volonté d’aider cette terre meurtrie à trouver, malgré les graves obstacles, la concorde, la justice et la sécurité qu’elle attend depuis longtemps.

Nous voyons Jésus sur les visages des enfants syriens, encore marqués par la guerre qui a ensanglanté le pays en ces années. Que la bien-aimée Syrie puisse retrouver finalement le respect de la dignité de chaque personne, à travers un engagement commun à reconstituer le tissu social indépendamment de l’appartenance ethnique et religieuse. Nous voyons Jésus dans les enfants de l’Irak, encore blessé et divisé par les hostilités qui l’ont affecté au cours de ces quinze dernières années, et dans les enfants du Yémen, où se déroule un conflit en grande partie oublié, avec de profondes implications humanitaires sur la population qui subit la faim et la propagation de maladies.

Nous voyons Jésus dans les enfants de l’Afrique, en particulier en ceux qui souffrent au Sud Soudan, en Somalie, au Burundi, dans la République Démocratique du Congo, dans la République Centrafricaine et au Nigéria.

Nous voyons Jésus dans les enfants du monde entier là où la paix et la sécurité sont menacées par le risque de tensions et de nouveaux conflits. Prions pour que dans la péninsule coréenne les oppositions puissent être dépassées et que la confiance réciproque puisse se développer dans l’intérêt du monde entier. A l’Enfant Jésus nous confions le Venezuela pour qu’une relation sereine puisse reprendre entre les différentes composantes sociales au bénéfice de l’ensemble du bien-aimé peuple vénézuélien. Nous voyons Jésus dans les enfants qui, avec leurs familles, souffrent de la violence du conflit en Ukraine et de ses graves répercussions humanitaires et nous prions pour que le Seigneur accorde la paix au plus vite à ce cher pays.

Nous voyons Jésus dans les enfants dont les parents n’ont pas de travail et ont du mal à leur offrir un avenir sûr et serein. Et dans ceux dont l’enfance a été volée, obligés de travailler depuis tout-petits ou enrôlés comme soldats par des mercenaires sans scrupule.

Nous voyons Jésus dans les nombreux enfants contraints de quitter leurs propres pays, de voyager seuls dans des conditions inhumaines, proies faciles des trafiquants d’êtres humains. Dans leurs yeux, voyons le drame de tant de migrants forcés qui mettent en danger même leur vie pour affronter des voyages exténuants qui tant de fois finissent en tragédie. Je revois Jésus dans les enfants que j’ai rencontré durant mon dernier voyage au Myanmar et au Bengladesh, et je souhaite que la Communauté internationale ne cesse pas d’agir pour que la dignité des minorités présentes dans la région soit adéquatement protégée. Jésus connait bien la souffrance de ne pas être accueilli et la fatigue de ne pas avoir un lieu où pouvoir reposer la tête. Que notre cœur ne soit pas fermé comme le furent les maisons de Bethléem.

Chers frères et sœurs,

A nous aussi est montré le signe de Noël : « un nouveau-né emmailloté… » (Lc 2,12). Comme la Vierge Marie et saint Joseph, comme les bergers de Bethléem, accueillons dans l’Enfant Jésus l’amour de Dieu fait homme pour nous, et engageons-nous, avec sa grâce, à rendre notre monde plus humain, plus digne des enfants d’aujourd’hui et de demain.

A vous, chers frères et sœurs, arrivés de toutes les parties du monde sur cette place, et à tous ceux qui, de différents pays, sont reliés par la radio, la télévision et les autres moyens de communication, j’adresse mes vœux les meilleurs.

Que la naissance du Christ Sauveur renouvelle nos cœurs, qu’elle suscite le désir de construire un avenir plus fraternel et solidaire, qu’elle apporte à tous joie et espérance. Joyeux Noël !

Balcon central de la Basilique vaticane
Lundi, 25 décembre 2017

(vatican.va)

SOLENNITÉ DE LA NATIVITÉ DE NOTRE SEIGNEUR JÉSUS CHRIST

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS - MESSE DE LA NUIT DE NOËL

Marie « mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune » (Lc 2, 7). Par cette expression simple mais claire, Luc nous conduit au cœur de cette nuit sainte : Marie mit au monde, Marie nous donna la Lumière. Un récit simple pour nous immerger dans l’événement qui change pour toujours notre histoire. Tout, dans cette nuit, devenait source d’espérance.

Retournons en arrière de quelques versets. Par décret de l’empereur, Marie et Joseph se sont vus obligés de partir. Ils ont dû quitter leurs proches, leur maison, leur terre et se mettre en route pour être recensés. Un trajet pas du tout commode ni facile pour un jeune couple qui était sur le point d’avoir un enfant : ils étaient contraints de quitter leur terre. Dans leur cœur, ils étaient pleins d’espérance et d’avenir à cause de l’enfant qui était sur le point de naître ; leurs pas, au contraire, étaient chargés d’incertitude et des dangers propres à qui doit quitter sa maison.

Et ensuite, ils se trouvaient à affronter la chose peut-être la plus difficile : arriver à Bethléem et faire l’expérience que c’était une terre qui ne les attendait pas, une terre où il n’y avait pas de place pour eux.

Et justement là, dans cette situation qui était un défi, Marie nous a offert l’Emmanuel. Le Fils de Dieu a dû naître dans une étable parce que les siens n’avaient pas de place pour lui. « Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu » (Jn 1, 11). Et là… dans l’obscurité d’une ville qui n’a ni espace ni place pour l’étranger qui vient de loin, dans l’obscurité d’une ville en plein mouvement et qui, dans ce cas, semblerait vouloir se construire en tournant le dos aux autres, précisément là, s’allume l’étincelle révolutionnaire de la tendresse de Dieu. À Bethléem, s’est ouverte une petite brèche pour ceux qui ont perdu leur terre, leur patrie, leurs rêves ; même pour ceux qui ont cédé à l’asphyxie causée par une vie renfermée.

Dans les pas de Joseph et de Marie, se cachent de nombreux pas. Nous voyons les traces de familles entières qui, aujourd’hui, se voient obligées de partir. Nous voyons les traces de millions de personnes qui ne choisissent pas de s’en aller mais qui sont obligées de se séparer de leurs proches, sont expulsées de leur terre. Dans beaucoup de cas, ce départ est chargé d’espérance, chargé d’avenir ; dans beaucoup d’autres, ce départ a un seul nom : la survie. Survivre aux Hérode de l’heure qui, pour imposer leur pouvoir et accroître leurs richesses, n’ont aucun problème à verser du sang innocent.

Marie et Joseph, pour qui il n’y avait pas de place, sont les premiers à embrasser Celui qui vient nous donner à tous le document de citoyenneté. Celui qui, dans sa pauvreté et dans sa petitesse, dénonce et manifeste que le vrai pouvoir et la liberté authentique sont ceux qui honorent et secourent la fragilité du plus faible.

En cette nuit, Celui qui n’avait pas de place pour naître est annoncé à ceux qui n’avaient pas de place aux tables et dans les rues de la ville. Les bergers sont les premiers destinataires de cette Bonne Nouvelle. Par leur travail, c’étaient des hommes et des femmes qui devaient vivre en marge de la société. Leurs conditions de vie, les endroits où ils étaient contraints à se trouver, les empêchaient d’observer toutes les prescriptions rituelles de purification religieuse et, par conséquent, ils étaient considérés comme impurs. Leurs peaux, leurs vêtements, leur odeur, leur façon de parler, leur origine les trahissaient. Tout en eux suscitait de la méfiance. C’étaient des hommes et femmes dont il fallait se tenir éloigné, avoir peur ; on les considérait comme des païens parmi les croyants, des pécheurs parmi les justes, des étrangers parmi les citoyens. À eux – païens, pécheurs et étrangers –, l’ange dit : « Ne craignez pas, car je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple : aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur » (Lc 2, 10-11).

Voilà la joie qu’en cette nuit nous sommes invités à partager, à célébrer et à annoncer. La joie par laquelle Dieu, dans son infinie miséricorde, nous a embrassés, nous païens, pécheurs et étrangers, et nous incite à faire de même.

La foi de cette nuit nous porte à reconnaître Dieu présent dans toutes les situations où nous le croyons absent. Il se trouve dans l’hôte indiscret, bien des fois méconnaissable, qui marche par nos villes, dans nos quartiers, voyageant dans nos autobus, frappant à nos portes.

Et cette même foi nous incite à faire de la place à une nouvelle créativité sociale, à ne pas avoir peur de faire l’expérience de nouvelles formes de relation dans lesquelles personne ne doit sentir qu’il n’a pas de place sur cette terre. Noël, c’est le temps pour transformer la force de la peur en force de la charité, en force pour une nouvelle créativité de la charité. La charité qui ne s’habitue pas à l’injustice comme si celle-ci était naturelle, mais qui a le courage, au milieu des tensions et des conflits, de se faire ‘‘maison du pain’’, terre d’hospitalité. Saint Jean-Paul II nous le rappelait : « N’ayez pas peur ! Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ « (Homélie de la Messe d’inauguration du Pontificat, 22 octobre 1978).

Dans l’Enfant de Bethléem, Dieu vient à notre rencontre pour faire de nous des protagonistes de la vie qui nous entoure. Il s’offre afin que nous le prenions dans les bras, afin que nous le soulevions et l’embrassions. Afin qu’en Lui, nous n’ayons pas peur de prendre dans les bras, de soulever et d’embrasser celui qui a soif, l’étranger, celui qui est nu, celui qui est malade, le détenu (cf. Mt 25, 35-36). « N’ayez pas peur ! Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ ». En cet Enfant, Dieu nous invite à prendre en charge l’espérance. Il nous invite à être des sentinelles pour beaucoup de personnes qui ont cédé sous le poids du désespoir qui naît du fait de trouver fermées de nombreuses portes. En cet Enfant, Dieu fait de nous des protagonistes de son hospitalité.

Émus par la joie du don, petit Enfant de Bethléem, nous te demandons que tes pleurs nous réveillent de notre indifférence, ouvrent nos yeux devant celui qui souffre. Que ta tendresse réveille notre sensibilité et fasse que nous nous sentions invités à te reconnaître dans tous ceux qui arrivent dans nos villes, dans nos histoires, dans nos vies. Que ta tendresse révolutionnaire nous amène à nous sentir invités à prendre en charge l’espérance et la tendresse de nos gens.

Basilique Vaticane
Dimanche, 24 décembre 2017

(vatican.va)

JOURNÉE MONDIALE DES PAUVRES - MESSE

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Nous avons la joie de rompre le pain de la Parole, et d’ici peu de rompre et de recevoir le Pain eucharistique, nourritures pour le chemin de la vie. Nous en avons tous besoin, personne n’est exclu, parce que nous sommes tous des mendiants de l’essentiel, de l’amour de Dieu, qui nous donne le sens de la vie et une vie sans fin. Donc aujourd’hui aussi tendons la main vers Lui pour recevoir ses dons.

La parabole de l’Evangile parle justement de dons. Elle nous dit que nous sommes destinataires des talents de Dieu, « à chacun selon ses capacités » (Mt 25, 15). Avant tout reconnaissons ceci : nous avons des talents, nous sommes « talentueux » aux yeux de Dieu. Par conséquent personne ne peut penser être inutile, personne ne peut se dire si pauvre au point de ne pas pouvoir donner quelque chose aux autres. Nous sommes choisis et bénis par Dieu, qui désire nous combler de ses dons, plus qu’un papa et une maman désirent donner à leurs enfants. Et Dieu, aux yeux de qui aucun enfant ne peut être écarté, confie à chacun une mission.

En effet, comme un Père aimant et exigeant qu’il est, il nous responsabilise. Nous voyons que, dans la parabole, des talents à multiplier sont donnés à chaque serviteur. Mais, tandis que les deux premiers réalisent la mission, le troisième serviteur ne fait pas fructifier les talents ; il restitue seulement ce qu’il avait reçu : « J’ai eu peur – dit-il - et je suis allé cacher ton talent dans la terre. Le voici. Tu as ce qui t’appartient » (v. 25). Ce serviteur reçoit en échange des paroles dures : « mauvais et paresseux » (v. 26). Qu’est-ce qui en lui n’a pas plu au Seigneur ? En un mot, peut-être tombé un peu en désuétude mais très actuel, je dirais : l’omission. Son mal a été de ne pas faire le bien. Nous aussi souvent nous sommes dans l’idée de n’avoir rien fait de mal et pour cela nous nous contentons, présumant être bons et justes. Ainsi, cependant, nous risquons de nous comporter comme le serviteur mauvais : lui aussi n’a rien fait de mal, il n’a pas abimé le talent, au contraire, il l’a bien conservé sous la terre. Mais ne rien faire de mal ne suffit pas. Parce que Dieu n’est pas un contrôleur à la recherche de billets non compostés, il est un Père à la recherche d’enfants à qui confier ses biens et ses projets (cf. v. 14). Et c’est triste quand le Père de l’amour ne reçoit pas une réponse généreuse d’amour de ses enfants qui se limitent à respecter les règles, à s’acquitter des commandements, comme des salariés dans la maison du Père (cf. Lc 15, 17).

Le serviteur mauvais, malgré le talent reçu du Seigneur, qui aime partager et multiplier ses dons, l’a jalousement conservé, il s’est contenté de le préserver. Mais celui qui se préoccupe seulement de conserver, de garder les trésors du passé n’est pas fidèle à Dieu. Au contraire, dit la parabole, celui qui ajoute des talents nouveaux est vraiment « fidèle » (v.v. 21.23), parce qu’il a la même mentalité que Dieu et ne reste pas immobile : il risque par amour, il met en jeu sa vie pour les autres, il n’accepte pas de tout laisser comme c’est. Il omet seulement une chose : ce qui lui est utile à lui. Voilà l’unique omission juste.

L’omission est aussi le grand péché par rapport aux pauvres. Ici, elle prend un nom précis : indifférence. C’est dire : “ Cela ne me regarde pas, ce n’est pas mon affaire, c’est la faute de la société”. C’est se tourner de l’autre côté quand le frère est dans le besoin, c’est changer de chaîne dès qu’une question sérieuse nous gêne, c’est aussi s’indigner devant le mal sans rien faire. Dieu, cependant ne nous demandera pas si nous avons eu une juste indignation, mais si nous avons fait du bien.

Comment, concrètement, pouvons-nous alors plaire à Dieu ? Quand on veut faire plaisir à une personne chère, par exemple en lui faisant un cadeau, il faut d’abord connaître ses goûts, pour éviter que le cadeau soit plus agréable à celui qui le fait qu’à celui qui le reçoit. Quand nous voulons offrir quelque chose au Seigneur, nous trouvons ses goûts dans l’Evangile. Tout de suite après le passage que nous avons écouté aujourd’hui, il dit : « Chaque fois que vous l’avez fait à un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40). Ces frères plus petits, préférés par Lui, sont l’affamé et le malade, l’étranger et le prisonnier, le pauvre et l’abandonné, celui qui souffre sans aide et celui qui est dans le besoin et exclu. Sur leur visage nous pouvons imaginer imprimé son visage ; sur leurs lèvres, même si elles sont fermées par la douleur, ses paroles : « Ceci est mon corps » (Mt 26, 26). Dans le pauvre, Jésus frappe à la porte de notre cœur et, assoiffé, nous demande de l’amour. Lorsque nous vainquons l’indifférence et qu’au nom de Jésus nous nous dépensons pour ses frères plus petits, nous sommes ses amis bons et fidèles, avec lesquels il aime s’entretenir. Dieu l’apprécie beaucoup, il apprécie l’attitude que nous avons entendue dans la première Lecture, celle de la « femme parfaite » dont « les doigts s’ouvrent en faveur du pauvre », qui « tend la main au malheureux » (Pr 31, 10.20). Voilà la véritable force : non des poings fermés et des bras croisés, mais des mains actives et tendues vers les pauvres, vers la chair blessée du Seigneur.

Là dans les pauvres, se manifeste la présence de Jésus, qui de riche s’est fait pauvre (cf. 2 Co 8, 9). Pour cela, en eux, dans leur faiblesse, il y a une “force salvatrice”. Et si aux yeux du monde, ils ont peu de valeur, ce sont eux qui nous ouvrent le chemin du ciel, ils sont nos “passeports pour le paradis”. Pour nous c’est un devoir évangélique de prendre soin d’eux, qui sont notre véritable richesse, et de le faire non seulement en donnant du pain, mais aussi en rompant avec eux le pain de la Parole, dont ils sont les destinataires les plus naturels. Aimer le pauvre signifie lutter contre toutes les pauvretés, spirituelles et matérielles.

Et cela nous fera du bien : s’approcher de celui qui est plus pauvre que nous touchera notre vie. Cela nous rappellera ce qui compte vraiment : aimer Dieu et le prochain. Cela seulement dure toujours, tout le reste passe ; donc ce que nous investissons dans l’amour demeure, le reste s’évanouit. Aujourd’hui, nous pouvons nous demander : “Qu’est-ce qui compte pour moi dans la vie, où est-ce que je m’engage ?” Dans la richesse qui passe, dont le monde n’est jamais rassasié, ou dans la richesse de Dieu, qui donne la vie éternelle ? Ce choix est devant nous : vivre pour avoir sur terre ou donner pour gagner le ciel. Parce que pour le ciel, ne vaut pas ce que l’on a, mais ce que l’on donne, et celui qui amasse des trésors pour lui-même ne s’enrichit pas auprès de Dieu (cf. Lc 12, 21). Alors ne cherchons pas le superflu pour nous, mais le bien pour les autres, et rien de précieux ne nous manquera. Que le Seigneur, qui a compassion pour nos pauvretés et nous revêt de ses talents, nous donne la sagesse de chercher ce qui compte et le courage d’aimer, non en paroles mais avec des faits.

Basilique Saint-Pierre
XXXIIIe Dimanche du temps ordinaire, 19 novembre 2017

(vatican.va)

NOUVELLES MENACES DJIHADISTES À L’ENCONTRE DES COPTES, À ÉLIMINER EN TANT QUE RESPONSABLES DE LA CONSTRUCTION D’ÉGLISES, D’ÉVANGÉLISATION ET DE NON RESPECT DE LA CHARIA


Les coptes en Egypte n’acceptent pas la condition de soumission imposée aux chrétiens dans les sociétés islamiques. Ils continuent à construire des églises et même à promouvoir des chaînes de télévision pour diffuser le message chrétien. C’est pourquoi ils doivent être frappés en tant qu’infidèles combattants et leurs églises faites exploser. Tel est, en synthèse, le message d’instigation à la violence à l’encontre des coptes égyptiens contenu dans un dossier diffusé ces jours derniers par la Fondation Wafa Media, organe de propagande djihadiste considérée comme affiliée au réseau du prétendu « Etat islamique ».
Au cours de la seule année 2017, le terrorisme djihadiste a perpétré trois massacres de chrétiens coptes outre différents assassinats. Le 9 avril, Dimanche des Rameaux, les attentats contre deux églises coptes – l’une de la région de Tanta et l’autre à Alexandrie – ont fait 45 morts et plus de 130 blessés. Le 26 mai, une attaque terroriste contre un autobus de pèlerins dans le gouvernorat de Minya a porté à la mort de 28 coptes.

(vatican.va)

CHAPELLE PAPALE À L'INTENTION DES CARDINAUX ET ÉVÊQUES DÉCÉDÉS AU COURS DE L'ANNÉE

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

La célébration de ce jour nous met, une fois de plus, la réalité de la mort devant les yeux, ravivant en nous aussi la peine causée par la séparation d’avec les personnes qui nous ont été proches et qui nous ont fait du bien. Mais la liturgie nourrit surtout notre espérance pour eux et pour nous-mêmes.

La première lecture exprime une grande espérance en la résurrection des justes : « Un grand nombre de ceux qui dorment au pays de la poussière s’éveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour l’opprobre, pour l’horreur éternelle » (Dn 12, 2). Ceux qui dorment dans le pays de la poussière, c’est-à-dire dans la terre, sont évidemment les morts, et le réveil de la mort n’est pas en soi un retour à la vie : certains, en effet, s’éveilleront pour la vie éternelle, d’autres pour la honte éternelle. La mort rend définitive cette “bifurcation” qui, dès ici-bas en ce monde, se présente devant nous : la route de la vie, c’est-à-dire avec Dieu, ou la route de la mort, c’est-à-dire loin de lui. Le “grand nombre” qui ressuscitera pour une vie éternelle est à comprendre comme le “grand nombre” pour lesquels le sang du Christ a été versé. Ils sont la multitude qui, grâce à la bonté miséricordieuse de Dieu, pourront faire l’expérience la réalité de la vie qui ne finit pas, la victoire complète sur la mort par la résurrection.

Dans l’Evangile, Jésus renforce notre espérance en disant : « Je suis le pain vivant qui est descendu du ciel. Si quelqu’un mange de ce pain il vivra éternellement » (Jn 6, 51). Ce sont des paroles qui rappellent le sacrifice du Christ sur la croix. Il a accepté la mort pour sauver les hommes que le Père lui a donnés et qui étaient morts dans l’esclavage du péché. Jésus s’est fait notre frère et il a partagé notre condition jusqu’à la mort ; par son amour il a brisé le joug de la mort et nous a ouvert les portes de la vie. En nous nourrissant de son Corps et de son Sang, nous nous unissons à son amour fidèle qui porte en lui l’espérance de la victoire définitive du bien sur le mal, sur la souffrance et sur la mort. En vertu de ce lien divin de la charité du Christ, nous savons que la communion avec les défunts ne reste pas seulement un désir, une imagination, mais devient réalité.

La foi que nous professons en la résurrection nous porte à être des hommes d’espérance, et non de désespoir, des hommes de la vie et non de la mort, car la promesse de la vie éternelle enracinée dans l’union au Christ ressuscité nous console.

Cette espérance, rallumée en nous par la Parole de Dieu, nous aide à prendre une attitude de confiance face à la mort : en effet, Jésus nous a montré qu’elle n’est pas le dernier mot, mais l’amour miséricordieux du Père nous transfigure et nous fait vivre la communion éternelle avec lui. Une caractéristique fondamentale du chrétien est le sens de l'attente anxieuse de la rencontre finale avec Dieu. Nous l’avons réaffirmé il y a un instant dans le Psaume responsorial : « Mon âme a soif de Dieu, le Dieu vivant ; quand pourrai-je m’avancer paraître face à Dieu ? » (42, 3). Ce sont des paroles poétiques qui interprètent de manière émouvante notre attente vigilante et assoiffée de l’amour, de la beauté, du bonheur et de la sagesse de Dieu.

Ces expressions du Psaume s’étaient imprimées dans l’âme de nos frères Cardinaux et Evêques dont nous nous souvenons aujourd’hui. Ils nous ont laissés, après avoir servi l’Eglise et le peuple qui leur avait été confié, dans la perspective de l’éternité. Alors que nous rendons grâce pour le service qu’ils ont généreusement rendu à l’Evangile et à l’Eglise, il nous semble les entendre répéter avec l’Apôtre : « L’espérance ne déçoit pas » (Rm 5, 5). Oui, elle ne déçoit pas ! Dieu est fidèle et notre espérance en lui n’est pas vaine. Invoquons pour eux l’intercession maternelle de la Très Sainte Vierge Marie, pour qu’ils participent au banquet éternel qu’avec foi et amour ils ont goûté par avance pendant leur pèlerinage sur la terre.

Basilique Saint-Pierre, Autel de la Chaire
Vendredi 3 novembre 2017

(vatican.va)

LETTRE DU PAPE FRANÇOIS À L'OCCASION DU CENTENAIRE DE LA PROMULGATION DE LA LETTRE APOSTOLIQUE "MAXIMUM ILLUD"

Au vénérable Frère
Cardinal Fernando FILONI
Préfet de la Congrégation pour l’Evangélisation des Peuples

Le 30 novembre 2019 aura lieu le centenaire de la promulgation de la Lettre Apostolique Maximum illud, par laquelle Benoît XV a voulu donner un nouvel élan à la responsabilité missionnaire d’annoncer l’Evangile. C’était en 1919, à la fin d’un terrible conflit mondial qu’il a défini lui-même « massacre inutile »[1], que le Pape avait senti la nécessité de requalifier de manière évangélique la mission dans le monde, afin qu’elle soit purifiée de toute collusion avec la colonisation et se tienne loin des visées nationalistes et expansionnistes qui avaient causé tant de désastres. « L’Eglise de Dieu est universelle, nullement étrangère à aucun peuple »[2], a-t-il écrit, en exhortant aussi à refuser toute forme d’intérêt, puisque seule l’annonce et la charité du Seigneur Jésus, diffusées avec la sainteté de la vie et les bonnes œuvres, sont la raison d’être de la mission. Benoît XV a ainsi donné un élan spécial à la missio ad gentes, en s’employant, avec les outils conceptuels et de communication en usage à l’époque, à réveiller, en particulier auprès du clergé, la conscience du devoir missionnaire.

Cela répond à l’invitation permanente de Jésus : « Allez dans le monde entier et proclamez l’Evangile à toute la création » (Mc 16,15). Adhérer à cet ordre du Seigneur n’est pas une option pour l’Eglise : c’est sa « tâche obligatoire », comme l’a rappelé le Concile Vatican II,[3] puisque l’Eglise « par nature, est missionnaire».[4] « Evangéliser est, en effet, la grâce et la vocation propre de l’Eglise, son identité la plus profonde. Elle existe pour évangéliser ».[5] Pour correspondre à une telle identité et proclamer Jésus crucifié et ressuscité pour tous, le Sauveur vivant, la Miséricorde qui sauve, « il est nécessaire – affirme encore le Concile – que l’Eglise, toujours sous la poussée de l’Esprit du Christ, marche par la même voie qu’il a suivie, c’est-à-dire par la voie de la pauvreté, de l’obéissance, du service et de l’immolation de soi jusqu’à la mort »[6], afin qu’elle communique réellement le Seigneur, « modèle de l’humanité rénovée, pénétrée d’amour fraternel, de sincérité, d’esprit pacifique, à laquelle tous aspirent».[7]

Ce qui tenait à cœur à Benoît XV il y a presque cent ans, et que le Document conciliaire nous rappelle depuis plus de cinquante ans reste pleinement actuel. Aujourd’hui comme alors « l’Eglise, envoyée par le Christ pour manifester et communiquer la charité de Dieu à tous les hommes et à toutes les nations, a conscience qu’elle a à faire une œuvre missionnaire énorme ».[8] A ce propos, saint Jean-Paul II a observé que « la mission du Christ Rédempteur, confiée à l'Eglise, est encore bien loin de son achèvement » et qu’« un regard d'ensemble porté sur l'humanité montre que cette mission en est encore à ses débuts et que nous devons nous engager de toutes nos forces à son service ».[9] C’est pourquoi, avec les paroles que je voudrais reproposer à l’attention de tous, il a exhorté l’Eglise à « renouveler son engagement missionnaire », avec la conviction que la mission «renouvelle l'Eglise, renforce la foi et l'identité chrétienne, donne un regain d'enthousiasme et des motivations nouvelles. La foi s'affermit lorsqu'on la donne ! La nouvelle évangélisation des peuples chrétiens trouvera inspiration et soutien dans l'engagement pour la mission universelle ».[10]

Dans l’Exhortation apostolique Evangelii gaudium, recueillant les fruits de la XIIIème Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Evêques, qui a été convoquée pour réfléchir sur la nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne, j’ai voulu présenter de nouveau à toute l’Eglise cette vocation urgente : « Jean-Paul II nous a invités à reconnaître qu’il “est nécessaire de rester tendus vers l’annonce“ à ceux qui sont éloignés du Christ, “car telle est la tâche première de l’Église”. L’activité missionnaire “représente, aujourd’hui encore, le plus grand des défis pour l’Église” et “la cause missionnaire doit avoir la première place”. Que se passerait-il si nous prenions réellement au sérieux ces paroles ? Nous reconnaîtrions simplement que l’action missionnaire est le paradigme de toute tâche de l’Église ».[11]

Ce que je voulais exprimer me paraît encore urgent : « [Cela] a une signification programmatique et des conséquences importantes. J’espère que toutes les communautés feront en sorte de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour avancer sur le chemin d’une conversion pastorale et missionnaire, qui ne peut laisser les choses comme elles sont. Ce n’est pas d’une “simple administration” dont nous avons besoin. Constituons-nous dans toutes les régions de la terre en un “état permanent de mission” ».[12] Ne craignons pas d’entreprendre, avec confiance en Dieu et beaucoup de courage, « un choix missionnaire capable de transformer toute chose, afin que les habitudes, les styles, les horaires, le langage et toute structure ecclésiale devienne un canal adéquat pour l’évangélisation du monde actuel, plus que pour l’auto-préservation. La réforme des structures, qui exige la conversion pastorale, ne peut se comprendre qu’en ce sens : faire en sorte qu’elles deviennent toutes plus missionnaires, que la pastorale ordinaire en toutes ses instances soit plus expansive et ouverte, qu’elle mette les agents pastoraux en constante attitude de “sortie” et favorise ainsi la réponse positive de tous ceux auxquels Jésus offre son amitié. Comme le disait Jean-Paul II aux évêques de l’Océanie, “tout renouvellement dans l’Église doit avoir pour but la mission, afin de ne pas tomber dans le risque d’une Église centrée sur elle-même” ».[13]

La Lettre apostolique Maximum illud avait exhorté, avec un sens prophétique et une assurance évangélique, à sortir des frontières des nations, pour témoigner de la volonté salvifique de Dieu à travers la mission universelle de l’Eglise. Que l’approche de son centenaire soit un stimulant pour dépasser la tentation récurrente qui se cache derrière toute introversion ecclésiale, toute fermeture autoréférentielle dans ses propres limites sécuritaires, toute forme de pessimisme pastoral, toute nostalgie stérile du passé, pour s’ouvrir plutôt à la nouveauté joyeuse de l’Evangile. Même en ces temps qui sont les nôtres, déchirés par les tragédies de la guerre et minés par la triste volonté d’accentuer les différences et de fomenter les conflits, que la Bonne Nouvelle qu’en Jésus le pardon est vainqueur du péché, la vie est victorieuse de la mort, de la peur et de l’angoisse, soit portée à tous avec une ardeur renouvelée ainsi qu’une grande confiance et espérance.

C’est avec ces sentiments que, ayant accueilli la proposition de la Congrégation pour l’Evangélisation des Peuples, je décrète un Mois missionnaire extraordinaire en octobre 2019, afin de susciter une plus grande prise de conscience de la missio ad gentes et de reprendre avec un nouvel élan la transformation missionnaire de la vie et de la pastorale. On pourra bien s’y préparer, également à travers le mois missionnaire d’octobre de l’année prochaine, afin que les fidèles aient vraiment à cœur l’annonce de l’Evangile et la conversion de leur communauté en une réalité missionnaire et évangélisatrice ; afin que s’accroisse l’amour pour la mission, qui « est une passion pour Jésus mais, en même temps, une passion pour son peuple ».[14]

A Vous, vénérable Frère, au Dicastère que vous présidez et aux Œuvres Pontificales Missionnaires, je confie la charge de commencer la préparation de cet événement, spécialement à travers une ample sensibilisation des Eglises particulières, des Instituts de vie consacrée et des Sociétés de vie apostolique, ainsi que des associations, des mouvements, des communautés et autres réalités ecclésiales. Que le Mois missionnaire extraordinaire soit une occasion de grâce intense et féconde pour promouvoir des initiatives et intensifier de manière singulière la prière – âme de toute mission –, l’annonce de l’Evangile, la réflexion biblique et théologique sur la mission, les œuvres de charité chrétienne et les actions concrètes de coopération et de solidarité entre les Eglises, afin que se réveilleet jamais ne nous soit volé l’enthousiasme missionnaire.[15]

Du Vatican, le 22 octobre 2017

XXIXème Dimanche du Temps Ordinaire
Mémoire de saint Jean-Paul II
Journée Mondiale des Missions

(vatican.va)

LES MISSIONNAIRES, DES « HÉROS ANONYMES »

Le missionnaires sont « des héros anonymes, des êtres humains choisis pour supporter les difficultés. Ils sont courageux et fils obéissants, dotés de patience et de force, bienveillants envers les faiblesses, exemples de résistance morale : merci à tous les missionnaires de nous avoir enseigné, par leurs œuvres, qu’un acte d’amour apparemment insignifiant peut embrasser l’humanité blessée » : c’est ce qu’a déclaré hier, 11 octobre, en la Cathédrale de Saint Jacques de Compostelle, la chanteuse espagnole Luz Casal, en lisant l’annonce de la Journée missionnaire mondiale et apportant aux participants son témoignage dans le cadre d’un événement présidé par l’Archevêque du lieu, S.Exc. Mgr Julián Barrio.
Comme cela a été indiqué à Fides, la chanteuse a dédié une grande partie de son annonce à valoriser l’œuvre des missionnaires. Ceux-ci « montrent que le don de leur vie va bien au-delà de la solidarité » a-t-elle rappelé, soulignant combien l’Espagne, avec ses 13.000 missionnaires répartis de par le monde, constitue une nation « qui a ouvert les portes à l’Evangélisation ». « En près de cent ans de célébration de la Journée missionnaire mondiale, l’œuvre accomplie par les missionnaires demeure souvent dans le silence et pourtant la joie ne manque pas dans leur mission » a ajouté l’artiste.Actuellement, les 13.000 missionnaires espagnols sont présents dans 128 pays des 5 continents, 70% en Amérique, 12% en Europe et 12% en Afrique. L’Asie ne compte que 5,4% du total et l’Océanie 0,4%. En outre, 54% de ces missionnaires sont des femmes.
L’annonce de la Journée missionnaire mondiale en Espagne a lieu par le biais d’une série de rencontres culturelles, de tables rondes et de moments de prière organisés par les Œuvres pontificales missionnaires d’Espagne, en vue de la Journée missionnaire mondiale, cette année célébrée le Dimanche 22 octobre.

(vatican.va)

SALUT DU PAPE FRANçOIS À LA DÉLÉGATION ÉGYPTIENNE ARRIVÉE AU VATICAN POUR PROMOUVOIR LE CHEMIN DE LA SAINTE FAMILLE

Dans le cadre de l’Audience générale du 4 octobre, le Pape François a salué la forte délégation égyptienne arrivée à Rome pour promouvoir les pèlerinages le long de ce qu’il est convenu d’appeler le Chemin de la Sainte Famille, itinéraire qui unit les lieux traversés, selon des traditions millénaires, par la Très Sainte Vierge Marie, Saint Joseph et l’Enfant Jésus lorsqu’ils trouvèrent refuge en Egypte pour fuir la violence d’Hérode. Dans le salut adressé publiquement à la délégation conduite par le Ministre du Tourisme égyptien, Yahya Rashid, le Souverain Pontife a rappelé le voyage qu’il a effectué en Egypte en avril dernier : « Je me souviens avec affection – a déclaré le Pape – de ma visite apostolique en votre bonne terre et à votre généreux peuple, terre sur laquelle ont vécu Saint Joseph, la Vierge Marie, l’Enfant Jésus et de nombreux Prophètes ; terre bénie au travers des siècles par le précieux sang des martyrs et des justes ; terre de coexistence et d’hospitalité ; terre de rencontre, d’histoire et de civilisation. Que le Seigneur – a ajouté le Pape – vous bénisse et qu’Il protège votre pays, le Proche Orient et le monde entier de tout mal et de tout terrorisme et du malin ». Au terme de l’Audience, la délégation égyptienne a demandé au Pape François de bénir une icône de la Fuite en Egypte de la Sainte Famille.
La rencontre entre le Pape et la délégation a eu un vaste écho dans les moyens de communication égyptiens. Nader Guirguis, membre de la Commission ministérielle constituée ad hoc pour la relance du Chemin de la Sainte Famille, interrogé par les télévisions égyptiennes, s’est déclaré convaincu que l’accueil et les contacts obtenus par la délégation égyptienne au Vatican permettront d’augmenter de manière notable le flux de pèlerins intéressés à suivre l’itinéraire de la Sainte Famille en terre d’Egypte. De son côté, le Ministre du Tourisme a confirmé avoir remis au Pape François un message du Président égyptien, Abdel Fattah al Sisi.

(vatican.va)

DÉCLARATIONS DES PATRIARCHES ET CHEFS DES EGLISES ET COMMUNAUTÉS CHRÉTIENNES DE JÉRUSALEM À PROPOS DU STATU QUO

Selon les Patriarches et chefs des Eglises et communautés chrétiennes de Jérusalem, est en cours « une tentative systématique visant à miner l’intégrité de la Ville Sainte » et à « affaiblir la présence chrétienne en Terre sainte ». Un tel projet se manifeste clairement dans les « récentes violations du Statu Quo » des Lieux Saints ainsi que dans une proposition de loi signée par une quarantaine de membres du Parlement israélien qui « limiterait les droits des Eglises sur nos propriétés ». Tels sont les motifs contingents qui ont poussé les plus hauts représentants de l’ensemble des Eglises et communautés chrétiennes présentes à Jérusalem à signer ensemble un document conjoint dans lequel ils expriment leur ferme opposition à « toute action » de la part de « toute autorité ou groupe » ayant pour effet de violer ou de miner « des lois, accords et règlements qui ont discipliné notre vie pendant des siècles ». Le document, diffusé hier par les canaux officiels des Eglises et communautés, porte la signature des treize chefs des Eglises et communautés chrétiennes présentes à Jérusalem. La liste des signataires débute par le nom de Théophile III, Patriarche grec orthodoxe de Jérusalem, et comprend également ceux de S.Exc. Mgr Pierbattista Pizzaballa, Administrateur apostolique du Patriarcat latin de Jérusalem, ainsi que du Père Francesco Patton OFM, Custode de Terre Sainte.
La préoccupation des Eglises et communautés chrétiennes autour du Statu Quo qui réglemente la coexistence des communautés religieuses dans la Vieille Ville de Jérusalem a été ravivée par la décision de la Cour israélienne du début du mois d’août qui, après un long contentieux, a rejeté les initiatives légales par lesquelles le Patriarcat grec orthodoxe de Jérusalem avait tenté de faire reconnaître comme « illégales » et « non autorisées » l’acquisition de certaines de ses propriétés de la part de l’organisation juive Ateret Cohanim en 2004, une affaire à laquelle s’était ajouté récemment la proposition de loi relative à la gestion des propriétés présentée au Parlement israélien et que les Patriarches et chefs des Eglises et communautés chrétiennes de Jérusalem considèrent comme politiquement orientée.Les tentatives dénoncées – peut-on lire dans le document – ne touchent pas qu’une seule Église ; elles nous touchent tous, et elles affectent les chrétiens et toutes les personnes de bonne volonté à travers le monde. Nous avons toujours été fidèles à notre mission de veiller à ce que Jérusalem et les Lieux Saints soient ouverts à tous, sans distinction ni discrimination ». Les signataires se déclarent également d’accord sur le fait de soutenir le recours intenté par le Patriarcat grec orthodoxe devant la Cour Suprême d’Israël contre la décision du mois d’août dernier relative à la propriété d’immeubles contestés. Ils font appel aux chefs chrétiens et aux fidèles du monde entier, ainsi qu’aux chefs de gouvernements, afin que toutes les initiatives visant à assurer le respect des règles du Statu Quo dans les Lieux Saints enregistrent un soutien diffus et internationale en tant que contribution concrète à l’affirmation d’une « paix juste et durable » dans l’ensemble de la région.

(news.va)

ANGÉLUS, 30 JUILLET 2017

Le discours de Jésus sous forme de paraboles, qui regroupe sept paraboles dans le chapitre 13 de l’Evangile de Matthieu, se conclut par les trois similitudes d’aujourd’hui: le trésor caché (v. 44), la perle précieuse (v. 45-46) et le filet de pêche (v. 47-48). Je m’arrête sur les deux premières qui soulignent la décision des protagonistes de tout vendre pour obtenir ce qu’ils ont découvert. Dans le premier cas, il s’agit d’un paysan qui tombe par hasard sur un trésor caché dans le champ où il travaille. Le champ ne lui appartenant pas, il doit l’acheter s’il veut entrer en possession du trésor: il décide donc de risquer tous ses biens pour ne pas perdre cette occasion vraiment exceptionnelle. Dans le deuxième cas, nous trouvons un marchand de perles précieuses; en connaisseur expert, il a repéré une perle de grande valeur. Il décide lui aussi de tout miser sur cette perle, au point de vendre toutes les autres.

Ces similitudes mettent en évidence deux caractéristiques concernant la possession du Royaume de Dieu: la recherche et le sacrifice. Il est vrai que le Royaume de Dieu est offert à tous — c’est un don, c’est un cadeau, c’est une grâce —, mais il n’est pas mis à disposition sur un plateau d’argent, il exige un dynamisme: il s’agit de chercher, de marcher, de se donner de la peine. L’attitude de la recherche est la condition essentielle pour trouver; il faut que le cœur brûle du désir de rejoindre le bien précieux, c’est-à-dire le Royaume de Dieu qui se fait présent dans la personne de Jésus. C’est Lui le trésor caché, c’est Lui la perle de grande valeur. Il est la découverte fondamentale, qui peut donner un tournant décisif à notre vie, en la remplissant de sens.

Face à la découverte inattendue, aussi bien le paysan que le marchand se rendent compte qu’ils sont en face d’une occasion unique à ne pas laisser échapper, c’est pourquoi ils vendent tout ce qu’ils possèdent. L’évaluation de la valeur inestimable du trésor conduit à une décision qui implique aussi sacrifice, détachements et renoncements. Quand le trésor et la perle ont été découverts, c’est-à-dire quand nous avons trouvé le Seigneur, il ne faut pas laisser cette découverte stérile, mais lui sacrifier toutes les autres choses. Il ne s’agit pas de mépriser le reste, mais de le subordonner à Jésus, en Le mettant à la première place. La grâce à la première place. Le disciple du Christ n’est pas quelqu’un qui s’est privé de quelque chose d’essentiel; c’est quelqu’un qui a trouvé beaucoup plus: il a trouvé la joie pleine que seule le Seigneur peut donner. C’est la joie évangélique des malades guéris, des pécheurs pardonnés, du larron pour lequel s’ouvre la porte du paradis.

La joie de l’Evangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. Ceux qui se laissent sauver par Lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement. Avec Jésus Christ, la joie naît et renaît toujours (cf. Evangelii gaudium, n. 1). Aujourd’hui, nous sommes exhortés à contempler la joie du paysan et du marchand des paraboles. C’est la joie de chacun de nous quand nous découvrons la proximité et la présence consolante de Jésus dans notre vie. Une présence qui transforme le cœur et nous ouvre aux besoins et à l’accueil des frères, spécialement des plus faibles.

Prions, par l’intercession de la Vierge Marie, afin que chacun de nous sache témoigner, à travers les paroles et les gestes quotidiens, de la joie d’avoir trouvé le trésor du Royaume de Dieu, c’est-à-dire l’amour que le Père nous a donné à travers Jésus.

PAPE FRANÇOIS

Place Saint-Pierre
Dimanche 30 juillet 2017

(vatican.va)

CARDINAL DUKA ON IMIGRANTS

The head of the Czech Church and spiritual protector of the Order of Saint Lazarus has said his country cannot accept migrants unless they “respect its system of values”, and warned that Muslims can only be considered a “safe presence” if they make up less than five percent of the population.

“If you look at the entire Muslim world, you won’t find a single country where there’s democracy, religious freedom or gender equality”, said Cardinal Dominik Duka of Prague, the Czech Primate. “As a Christian and a Catholic, I believe all people share some common ground which allows us to accept each other. But this also means we must insist our rules are observed”.

He added that he believed Muslims raised “no problems” when they comprised no more than five percent of a given population, but would begin demanding “key positions in society” when they made up 15 percent and “take over the government and impose Shariah Law” if they increased to 25 percent.

The Czech Church has been widely criticized for opposing the admission of refugees from Syria and Iraq, despite calls for hospitality from the Pope.

“There is fear in Western societies now – when I see the queues before Prague Castle and the terrible procedures at airports, I have to imagine how horrible it will be to live here 10 years from now”, Cardinal Duka said.

(By Dave Patterson, from www.dominikduka.cz; text in English version only)

ANGÉLUS, 16 JUILLET 2017

Quand il parlait, Jésus utilisait un langage simple et se servait aussi d’images qui étaient des exemples tirés de la vie quotidienne, de façon à pouvoir être compris facilement par tous. C’est pourquoi on l’écoutait volontiers. On appréciait son message qui arrivait droit au cœur; et ce n’était pas ce langage compliqué à comprendre, celui qu’utilisaient les docteurs de la loi de l’époque qui ne se comprenait pas bien, mais qui était plein de rigidité et éloignait les personnes. Et avec ce langage, Jésus faisait comprendre le mystère du Royaume de Dieu; ce n’était pas une théologie compliquée. Ce que l’Evangile propose aujourd’hui en est un exemple: la parabole du semeur

Le semeur c’est Jésus. Notons que, par cette image, il se présente comme quelqu’un qui ne s’impose pas, mais se propose; il ne nous attire pas en nous conquérant, mais en se donnant; il jette la semence. Il répand avec patience et générosité sa Parole, qui n’est pas une cage ou un piège, mais une graine qui peut porter du fruit. De quelle façon peut- elle porter du fruit? Si nous l’accueillons.

C’est pourquoi la parabole nous concerne surtout nous: elle parle en effet du terrain plus que du semeur. Jésus réalise, pour ainsi dire, une «radiographie spirituelle» de notre cœur, qui est le terrain dans lequel tombe la semence de la Parole. Notre cœur, comme un terrain, peut être bon et alors la parole porte du fruit, et beaucoup, mais il peut aussi être dur, imperméable. Cela arrive quand nous entendons la Parole, mais elle nous rebondit dessus, précisément comme sur une route: elle n’entre pas.

Entre le bon terrain et la route, le goudron — si nous jetons des graines sur les «sanpietrini» il ne pousse rien — il y a deux terrains intermédiaires que nous pouvons avoir en nous à divers degrés. Le premier, dit Jésus, est le sol pierreux. Essayons de l’imaginer: un terrain pierreux est un terrain «où il n’y a pas beaucoup de terre» (cf. v. 5), et donc la graine germe, mais ne réussit pas à planter des racines profondes. Ainsi est le cœur superficiel, qui accueille le Seigneur, veut prier, aimer et témoigner, mais ne persévère pas, se lasse et ne «décolle» jamais. C’est un cœur sans épaisseur, où les cailloux de la paresse l’emportent sur la bonne terre, où l’amour est inconstant et passager. Mais qui accueille le Seigneur seulement quand il le veut bien, ne porte pas de fruit.

Il y a ensuite le dernier terrain, épineux, plein de ronces qui étouffent les bonnes plantes. Que représentent ces ronces? «Le souci du monde et la séduction de la richesse» (v. 22), dit Jésus de façon explicite. Les ronces sont les vices qui se battent à coups de poings avec Dieu, qui en étouffent la présence: avant tout les idoles de la richesse mondaine, un mode de vie avide, pour soi-même, pour l’avoir et le pouvoir. Si nous cultivons ces ronces, nous étouffons la croissance de Dieu en nous. Chacun peut reconnaître ses petites et grandes ronces, les vices qui habitent son cœur, ces arbustes plus ou moins enracinés qui ne plaisent pas à Dieu et empêchent d’avoir le cœur propre. Il faut les arracher, sinon la Parole ne portera pas de fruit, la graine ne grandira pas.

Chers frères et sœurs, Jésus nous invite aujourd’hui à regarder en nous: à rendre grâce pour notre bonne terre et à travailler sur des terrains qui ne sont pas encore bons. Demandons-nous si notre cœur est ouvert pour accueillir avec foi la semence de la Parole de Dieu. Demandons-nous si les pierres de la paresse sont encore nombreuses et grandes; identifions et appelons par leur nom les ronces des vices. Trouvons le courage de faire un bon assainissement du terrain, un bel assainissement de notre cœur, en portant au Seigneur dans la confession et dans la prière nos pierres et nos ronces. En faisant ainsi, Jésus, bon semeur, sera heureux d’accomplir un travail supplémentaire: purifier notre cœur, en enlevant les cailloux et les épines qui étouffent sa Parole.

Que la Mère de Dieu, qu’aujourd’hui nous fêtons sous le titre de Bienheureuse Vierge du Mont Carmel, incomparable dans l’accueil de la Parole de Dieu et dans sa mise en pratique (cf. Lc 8, 21), nous aide à purifier notre cœur et à y préserver la présence du Seigneur.

PAPE FRANÇOIS

Place Saint-Pierre
Dimanche 16 juillet 2017

(vatican.va)

MESSE ET PROCESSION EUCHARISTIQUE EN LA SOLENNITÉ DU CORPS ET DU SANG DU CHRIST

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Le thème de la mémoire revient plusieurs fois dans la solennité du Corpus Domini : « Souviens-toi de la longue marche que le Seigneur ton Dieu t’a imposée […] N’oublie pas le Seigneur ton Dieu, […] qui t’a donné la manne » (cf. Dt 8, 2.14.16) dit Moïse au peuple. « Faites ceci en mémoire de moi » (1Co 11,24) – nous dira Jésus. « Souviens–toi de Jésus-Christ » (2Tm 2,8), dira Paul à son disciple. Le « pain vivant descendu du ciel » (Jn 6,51) est le sacrement de la mémoire qui nous rappelle, de manière réelle et tangible, l’histoire d’amour de Dieu pour nous.

Souviens-toi, dit aujourd’hui la Parole divine à chacun de nous. Le chemin du peuple dans le désert a pris force du souvenir des hauts faits du Seigneur. Notre histoire personnelle du salut se fonde dans le souvenir de tout ce que le Seigneur a fait pour nous. Se souvenir est essentiel pour la foi, comme l’eau pour une plante : de même qu’une plante sans eau ne peut rester en vie et donner du fruit, de même la foi, si elle ne se désaltère pas à la mémoire de tout ce que le Seigneur a fait pour nous. « Souviens-toi de Jésus-Christ »

Souviens-toi. La mémoire est importante, car elle nous permet de demeurer dans l’amour, de se souvenir, c’est-à-dire de porter dans le cœur, de ne pas oublier celui qui nous aime et que nous sommes appelés à aimer. Cependant, cette faculté unique que le Seigneur nous a donnée est de nos jours plutôt affaiblie. Dans la frénésie dans laquelle nous sommes plongés, beaucoup de personnes et beaucoup de faits semblent glisser sur nous. On tourne les pages rapidement, avides de nouveautés mais pauvres en souvenirs. Ainsi, brulant les souvenirs et vivant dans l’instant, on risque de rester à la surface, dans le flux des choses qui se succèdent, sans aller en profondeur, sans cette épaisseur qui nous rappelle qui nous sommes et où nous allons. Alors, la vie extérieure devient morcelée, la vie intérieure, inerte.

Mais la solennité d’aujourd’hui nous rappelle que, dans le morcellement de la vie, le Seigneur vient à notre rencontre dans une amoureuse fragilité, celle de l’Eucharistie. Dans le pain de vie le Seigneur vient nous visiter, se faisant humble nourriture qui guérit avec amour notre mémoire, malade de frénésie. Car l’Eucharistie est le mémorial de l’amour de Dieu. Là « le mémorial de sa passion est célébré » (Solennité du Corps et du Sang du Christ, Antienne du Magnificat, 2ème Vêpres), mémorial de l’amour de Dieu pour nous, qui est notre force, le soutien de notre marche. Voilà pourquoi le mémorial eucharistique nous fait tant de bien : il n’est pas un souvenir abstrait, froid, une simple notion, mais la mémoire vivante et consolante de l’amour de Dieu. Mémoire d’anamnèse et d’imitation. Dans l’Eucharistie se trouve tout le goût des paroles et des gestes de Jésus, la saveur de sa Pâques, le parfum de son Esprit. En la recevant, la certitude d’être aimé par lui s’imprime dans notre cœur. Et en disant cela, je pense en particulier à vous, enfants qui avez récemment reçu la Première Communion et êtes ici présents nombreux.

Ainsi l’Eucharistie forme en nous une mémoire reconnaissante, parce que nous nous reconnaissons enfants aimés du Père et rassasiés par lui. Une mémoire libre, car l’amour de Jésus, son pardon, guérit les blessures du passé et pacifie le souvenir des torts subis et infligés ; une mémoire patiente, car dans les adversités nous savons que l’Esprit de Jésus demeure en nous. L’Eucharistie nous encourage : même sur le chemin le plus accidenté nous ne sommes pas seuls, le Seigneur ne nous oublie pas et il nous redonne des forces avec amour chaque fois que nous allons à lui.

L’Eucharistie nous rappelle aussi que nous ne sommes pas des individus, mais un corps. De même que le peuple au désert récoltait la manne tombée du ciel et la partageait en famille (cf. Ex 16), de même Jésus, Pain du ciel, nous convoque pour le recevoir, le recevoir ensemble et le partager entre nous. L’Eucharistie n’est pas un sacrement « pour moi », elle est le sacrement d’une multitude qui forme un seul corps, le saint peuple fidèle de Dieu. Saint Paul nous l’a rappelé : « Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain » (1Co 10, 17). L’Eucharistie est le sacrement de l’unité. Celui qui la reçoit ne peut être qu’artisan d’unité, parce que nait en lui, dans son “ADN spirituel”, la construction de l’unité. Que ce Pain d’unité nous guérisse de l’ambition de dominer les autres, de l’avidité de s’emparer pour soi, de fomenter des dissensions et de répandre des critiques ; qu’il suscite la joie de nous aimer sans rivalité, envie et bavardages malveillants.

Et maintenant, en vivant l’Eucharistie, adorons et remercions le Seigneur pour ce don suprême : mémoire vivante de son amour qui fait de nous un seul corps et nous conduit à l’unité.

Place Saint-Jean-de-Latran
Dimanche 18 juin 2017

(Radio Vatican)

POUR LA JOURNÉE MONDIALE DES PAUVRES

MESSAGE DU SAINT-PÈRE

33ème Dimanche du Temps Ordinaire
19 novembre 2017

N’aimons pas en paroles, mais par des actes

1. « Petits enfants, n’aimons pas en paroles ni par des discours, par des actes et en vérité » (1 Jn 3, 18). Ces paroles de l’apôtre Jean expriment un impératif dont aucun chrétien ne peut faire abstraction. La gravité avec laquelle le ‘‘disciple bien-aimé’’ transmet, jusqu’à nos jours, le commandement de Jésus s’accentue encore davantage par l’opposition qu’elle révèle entre les paroles vides qui sont souvent sur nos lèvres et les actes concrets auxquels nous sommes au contraire appelés à nous mesurer. L’amour n’admet pas d’alibi : celui qui entend aimer comme Jésus a aimé doit faire sien son exemple ; surtout quand on est appelé à aimer les pauvres. La façon d’aimer du Fils de Dieu, par ailleurs, est bien connue, et Jean le rappelle clairement. Elle se fonde sur deux pierres angulaires : Dieu a aimé le premier (cf. 1 Jn 4, 10.19) ; et il a aimé en se donnant tout entier, y compris sa propre vie (cf. 1 Jn 3, 16).

Un tel amour ne peut rester sans réponse. Même donné de manière unilatérale, c’est-à-dire sans rien demander en échange, il enflamme cependant tellement le cœur que n'importe qui se sent porté à y répondre malgré ses propres limites et péchés. Et cela est possible si la grâce de Dieu, sa charité miséricordieuse sont accueillies, autant que possible, dans notre cœur, de façon à stimuler notre volonté ainsi que nos affections à l’amour envers Dieu lui-même et envers le prochain. De cette façon, la miséricorde qui jaillit, pour ainsi dire, du cœur de la Trinité peut arriver à mettre en mouvement notre vie et créer de la compassion et des œuvres de miséricorde en faveur des frères et des sœurs qui sont dans le besoin.

2. « Un pauvre crie ; le Seigneur l’entend » (Ps 33, 7). Depuis toujours, l’Église a compris l’importance de ce cri. Nous avons un grand témoignage dès les premières pages des Actes des Apôtres, où Pierre demande de choisir sept hommes « remplis d’Esprit Saint et de sagesse » (6, 3), afin qu’ils assument le service de l’assistance aux pauvres. C’est certainement l’un des premiers signes par lesquels la communauté chrétienne s’est présentée sur la scène du monde : le service des plus pauvres. Tout cela lui était possible parce qu’elle avait compris que la vie des disciples de Jésus devait s’exprimer dans une fraternité et une solidarité telles qu’elles doivent correspondre à l’enseignement principal du Maître qui avait proclamé heureux et héritiers du Royaume des cieux les pauvres (cf. Mt 5, 3).

« Ils vendaient leurs biens et leurs possessions, et ils en partageaient le produit entre tous en fonction des besoins de chacun » (Ac 2, 45). Cette expression montre clairement la vive préoccupation des premiers chrétiens. L’évangéliste Luc, l’auteur sacré qui, plus que tout autre, a réservé une large place à la miséricorde, ne fait pas de rhétorique lorsqu’il décrit la pratique de partage de la première communauté. Au contraire, en la recommandant, il entend s’adresser aux croyants de toute génération, et donc à nous aussi, pour nous soutenir dans le témoignage et susciter notre action en faveur de ceux qui sont le plus dans le besoin. Le même enseignement est donné avec autant de conviction par l’apôtre Jacques, qui, dans sa Lettre, utilise des expressions fortes et incisives : « Écoutez, donc, mes frères bien-aimés ! Dieu, lui, n’a-t-il pas choisi ceux qui sont pauvres aux yeux du monde pour en faire des riches dans la foi, et des héritiers du Royaume promis par lui à ceux qui l’auront aimé ? Mais vous, vous avez privé le pauvre de sa dignité. Or n’est-ce pas les riches qui vous oppriment, et vous traînent devant les tribunaux ? […] Mes frères, si quelqu’un prétend avoir la foi, sans la mettre en œuvre, à quoi cela sert-il ? Sa foi peut-elle le sauver ? Supposons qu’un frère ou une sœur n’ait pas de quoi s’habiller, ni de quoi manger tous les jours ; si l’un de vous leur dit : ‘‘Allez en paix ! Mettez-vous au chaud, et mangez à votre faim !’’ sans leur donner le nécessaire pour vivre, à quoi cela sert-il ? Ainsi donc, la foi, si elle n’est pas mise en œuvre, est bel et bien morte » (2, 5-6.14-17).

3. Il y a eu, cependant, des moments où les chrétiens n’ont pas écouté jusqu’au bout cet appel, en se laissant contaminer par la mentalité mondaine. Mais l’Esprit Saint n’a pas manqué de leur rappeler de maintenir le regard fixé sur l’essentiel. Il a fait surgir, en effet, des hommes et des femmes qui, de diverses manières, ont offert leur vie au service des pauvres. Que de pages d’histoire, en ces deux mille ans, ont été écrites par des chrétiens qui en toute simplicité et humilité, et par la généreuse imagination de la charité, ont servi leurs frères plus pauvres !

Parmi ceux-ci, se détache l’exemple de François d’Assise, qui a été suivi par de nombreux hommes et femmes saints au cours des siècles. Il ne s’est pas contenté d’embrasser et de faire l’aumône aux lépreux, mais il a décidé d’aller à Gubbio pour rester avec eux. Lui-même a vu dans cette rencontre le tournant de sa conversion : « Comme j’étais dans les péchés, il me semblait extrêmement amer de voir des lépreux. Et le Seigneur lui-même me conduisit parmi eux et je fis miséricorde avec eux. Et en m’en allant de chez eux, ce qui me semblait amer fut changé pour moi en douceur de l’esprit et du corps » (Test. 1-3 : SF 308). Ce témoignage manifeste la force transformante de la charité et le style de vie des chrétiens.

Ne pensons pas aux pauvres uniquement comme destinataires d’une bonne action de volontariat à faire une fois la semaine, ou encore moins de gestes improvisés de bonne volonté pour apaiser notre conscience. Ces expériences, même valables et utiles pour sensibiliser aux besoins de nombreux frères et aux injustices qui en sont souvent la cause, devraient introduire à une rencontre authentique avec les pauvres et donner lieu à un partage qui devient style de vie. En effet, la prière, le chemin du disciple et la conversion trouvent, dans la charité qui se fait partage, le test de leur authenticité évangélique. Et de cette façon de vivre dérivent joie et sérénité d’esprit, car on touche de la main la chair du Christ. Si nous voulons rencontrer réellement le Christ, il est nécessaire que nous touchions son corps dans le corps des pauvres couvert de plaies, comme réponse à la communion sacramentelle reçue dans l’Eucharistie. Le Corps du Christ, rompu dans la liturgie sacrée, se laisse retrouver, par la charité partagée, dans les visages et dans les personnes des frères et des sœurs les plus faibles. Toujours actuelles, résonnent les paroles du saint évêques Chrysostome : « Si vous voulez honorer le corps du Christ, ne le méprisez pas lorsqu’il est nu ; n’honorez pas le Christ eucharistique avec des ornements de soie, tandis qu’à l’extérieur du temple vous négligez cet autre Christ qui souffre du froid et de la nudité » (Hom. In Matthaeum, 50, 3 : PG, 58).

Nous sommes appelés, par conséquent, à tendre la main aux pauvres, à les rencontrer, à les regarder dans les yeux, à les embrasser, pour leur faire sentir la chaleur de l’amour qui rompt le cercle de la solitude. Leur main tendue vers nous est aussi une invitation à sortir de nos certitudes et de notre confort, et à reconnaître la valeur que constitue en soi la pauvreté.

4. N’oublions pas que pour les disciples du Christ, la pauvreté est avant tout une vocation à suivre Jésus pauvre. C’est un chemin derrière lui et avec lui, un chemin qui conduit à la béatitude du Royaume des cieux (cf. Mt 5, 3 ; Lc 6, 20). Pauvreté signifie un cœur humble qui sait accueillir sa propre condition de créature limitée et pécheresse pour surmonter la tentation de toute-puissance, qui fait croire qu’on est immortel. La pauvreté est une attitude du cœur qui empêche de penser à l’argent, à la carrière, au luxe comme objectif de vie et condition pour le bonheur. C’est la pauvreté, plutôt, qui crée les conditions pour assumer librement les responsabilités personnelles et sociales, malgré les limites de chacun, comptant sur la proximité de Dieu et soutenu par sa grâce. La pauvreté, ainsi entendue, est la mesure qui permet de juger de l’utilisation correcte des biens matériels, et également de vivre de manière non égoïste et possessive les liens et affections (cf. Catéchisme de l’Église catholique, nn. 25-45).

Faisons nôtre, par conséquent, l’exemple de saint François, témoin de l’authentique pauvreté. Précisément parce qu’il avait les yeux fixés sur le Christ, il a su le reconnaître et le servir dans les pauvres. Si, par conséquent, nous voulons offrir une contribution efficace pour le changement de l’histoire, en promouvant un vrai développement, il est nécessaire d’écouter le cri des pauvres et de nous engager à les faire sortir de leur condition de marginalisation. En même temps, je rappelle aux pauvres qui vivent dans nos villes et dans nos communautés de ne pas perdre le sens de la pauvreté évangélique qu’ils portent imprimé dans leur vie.

5. Nous savons la grande difficulté qui émerge dans le monde contemporain de pouvoir identifier clairement la pauvreté. Cependant, elle nous interpelle chaque jour par ses mille visages marqués par la douleur, par la marginalisation, par l’abus, par la violence, par les tortures et par l’emprisonnement, par la guerre, par la privation de la liberté et de la dignité, par l’ignorance et par l’analphabétisme, par l’urgence sanitaire et par le manque de travail, par les traites et par les esclavages, par l’exil et par la misère, par la migration forcée. La pauvreté a le visage de femmes, d’hommes et d’enfants exploités pour de vils intérêts, piétinés par des logiques perverses du pouvoir et de l’argent. Quelle liste impitoyable et jamais complète se trouve-t-on obligé d’établir face à la pauvreté fruit de l’injustice sociale, de la misère morale, de l’avidité d’une minorité et de l’indifférence généralisée !

De nos jours, malheureusement, tandis qu’émerge toujours davantage la richesse insolente qui s’accumule dans les mains de quelques privilégiés et souvent est accompagnée de l’inégalité et de l’exploitation offensant la dignité humaine, l’expansion de la pauvreté à de grands secteurs de la société dans le monde entier fait scandale. Face à cette situation, on ne peut demeurer inerte et encore moins résigné. À la pauvreté qui inhibe l’esprit d’initiative de nombreux jeunes, en les empêchant de trouver un travail ; à la pauvreté qui anesthésie le sens de responsabilité conduisant à préférer la procuration et la recherche de favoritismes ; à la pauvreté qui empoisonne les puits de la participation et restreint les espaces du professionnalisme en humiliant ainsi le mérite de celui qui travaille et produit ; à tout cela, il faut répondre par une nouvelle vision de la vie et de la société.

Tous ces pauvres – comme aimait le dire le Pape Paul VI – appartiennent à l’Église par « droit évangélique » (Discours d’ouverture de la 2ème session du Concile Œcuménique Vatican II, 29 septembre 1963) et exigent l’option fondamentale pour eux. Bénies, par conséquent, les mains qui s’ouvrent pour accueillir les pauvres et pour les secourir : ce sont des mains qui apportent l’espérance. Bénies, les mains qui surmontent toutes les barrières de culture, de religion et de nationalité en versant l’huile de consolation sur les plaies de l’humanité. Bénies, les mains qui s’ouvrent sans rien demander en échange, sans ‘‘si’’, sans ‘‘mais’’ et sans ‘‘peut-être’’: ce sont des mains qui font descendre sur les frères la bénédiction de Dieu.

6. Au terme du Jubilé de la Miséricorde, j’ai voulu offrir à l’Église la Journée Mondiale des Pauvres, afin que dans le monde entier les communautés chrétiennes deviennent toujours davantage et mieux signe concret de la charité du Christ pour les derniers et pour ceux qui sont le plus dans le besoin. Aux autres Journées mondiales instituées par mes Prédécesseurs, qui sont désormais une tradition dans la vie de nos communautés, je voudrais que s’ajoute celle-ci, qui apporte à leur ensemble un complément typiquement évangélique, c’est-à-dire la prédilection de Jésus pour les pauvres.

J’invite l’Église tout entière ainsi que les hommes et les femmes de bonne volonté à avoir le regard fixé, en cette journée, sur tous ceux qui tendent les mains en criant au secours et en sollicitant notre solidarité. Ce sont nos frères et sœurs, créés et aimés par l’unique Père céleste. Cette Journée entend stimuler, en premier lieu, les croyants afin qu’ils réagissent à la culture du rebut et du gaspillage, en faisant leur la culture de la rencontre. En même temps, l’invitation est adressée à tous, indépendamment de l’appartenance religieuse, afin qu’ils s’ouvrent au partage avec les pauvres, sous toutes les formes de solidarité, en signe concret de fraternité. Dieu a créé le ciel et la terre pour tous ; ce sont les hommes, malheureusement, qui ont créé les frontières, les murs et les clôtures, en trahissant le don originel destiné à l’humanité sans aucune exclusion.

7. Je souhaite que les communautés chrétiennes, au cours de la semaine qui précède la Journée Mondiale des Pauvres, qui cette année sera le 19 novembre, 33ème dimanche du Temps Ordinaire, œuvrent pour créer de nombreux moments de rencontre et d’amitié, de solidarité et d’aide concrète. Ils pourront, ensuite, inviter les pauvres et les volontaires à participer ensemble à l’Eucharistie de ce dimanche, en sorte que la célébration de la Solennité de Notre Seigneur Jésus Christ Roi de l’univers se révèle encore plus authentique, le dimanche suivant. La royauté du Christ, en effet, émerge dans toute sa signification précisément sur le Golgotha, lorsque l’Innocent cloué sur la croix, pauvre, nu et privé de tout, incarne et révèle la plénitude de l’amour de Dieu. Son abandon complet au Père, tandis qu’il exprime sa pauvreté totale, rend évident la puissance de cet Amour, qui le ressuscite à une vie nouvelle le jour de Pâques.

En ce dimanche, si dans notre quartier vivent des pauvres qui cherchent protection et aide, approchons-nous d’eux : ce sera un moment propice pour rencontrer le Dieu que nous cherchons. Selon l’enseignement des Écritures (cf. Gn 18, 3-5 ; He 13, 2), accueillons-les comme des hôtes privilégiés à notre table ; ils pourront être des maîtres qui nous aident à vivre la foi de manière plus cohérente. Par leur confiance et leur disponibilité à accepter de l’aide, ils nous montrent de manière sobre, et souvent joyeuse, combien il est important de vivre de l’essentiel et de nous abandonner à la providence du Père.

8. À la base des nombreuses initiatives qui peuvent se réaliser lors de cette Journée, qu’il y ait toujours la prière. N’oublions pas que le Notre Père est la prière des pauvres. La demande du pain, en effet, exprime la confiance en Dieu pour les besoins primaires de notre vie. Ce que Jésus nous a enseigné par cette prière exprime et recueille le cri de celui qui souffre de la précarité de l’existence et du manque du nécessaire. Aux disciples qui demandaient à Jésus de leur apprendre à prier, il a répondu par les paroles des pauvres qui s’adressent au Père unique dans lequel tous se reconnaissent comme frères. Le Notre Père est une prière qui s’exprime au pluriel : le pain demandé est ‘‘notre’’, et cela comporte partage, participation et responsabilité commune. Dans cette prière, nous reconnaissons tous l’exigence de surmonter toute forme d’égoïsme pour accéder à la joie de l’accueil réciproque.

9. Je demande aux confrères évêques, aux prêtres, aux diacres – qui par vocation ont la mission du soutien aux pauvres -, aux personnes consacrées, aux associations, aux mouvements et au vaste monde du volontariat d’œuvrer afin que par cette Journée Mondiale des Pauvres s’instaure une tradition qui soit une contribution concrète à l’évangélisation dans le monde contemporain.

Que cette nouvelle Journée Mondiale, par conséquent, devienne un appel fort à notre conscience de croyants pour que nous soyons plus convaincus que partager avec les pauvres nous permet de comprendre l’Évangile dans sa vérité la plus profonde. Les pauvres ne sont un problème : ils sont une ressource où il faut puiser pour accueillir et vivre l’essence de l’Évangile.

Du Vatican, le 13 juin 2017

Mémoire de saint Antoine de Padoue

Franciscus

(vatican.va)

MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS POUR LA JOURNÉE MONDIALE DES MISSIONS 2017

La mission au cœur de la foi chrétienne


Chers frères et sœurs,

Cette année également, la Journée missionnaire mondiale nous rassemble autour de la personne de Jésus, « le premier et le plus grand évangélisateur » (Bienheureux Paul VI, Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi, n. 7), qui, continuellement, nous envoie annoncer l’Evangile de l’amour de Dieu le Père dans la force de l’Esprit Saint. Cette Journée nous invite à réfléchir à nouveau sur la mission au cœur de la foi chrétienne. En effet, l’Eglise est missionnaire par nature. Si ce n’était pas le cas, elle ne serait plus l’Eglise du Christ mais une association parmi tant d’autres qui, bien vite, finirait par épuiser son but et disparaître. C’est pourquoi nous sommes invités à nous poser un certain nombre de questions qui touchent notre identité chrétienne même et nos responsabilités de croyants dans un monde confus par tant d’illusions, blessé par de grandes frustrations et lacéré par de nombreuses guerres fratricides qui frappent injustement les innocents en particulier. Quel est le fondement de la mission ? Quel est le cœur de la mission ? Quelles sont les attitudes vitales de la mission ?

La mission et le pouvoir transformant de l’Evangile du Christ, Chemin, Vérité et Vie

1. La mission de l’Eglise, destinée à tous les hommes de bonne volonté, est fondée sur le pouvoir transformant de l’Evangile. L’Evangile est une Bonne Nouvelle qui porte en soi une joie contagieuse parce qu’il contient et offre une vie nouvelle : celle du Christ ressuscité qui, en communiquant son Esprit vivifiant, devient Chemin, Vérité et Vie pour nous (cf. Jn 14, 6). Il est le Chemin qui nous invite à Le suivre avec confiance et courage. En suivant Jésus comme notre Chemin, nous faisons l’expérience de la Vérité et nous recevons sa Vie, qui est pleine communion avec Dieu le Père dans la force de l’Esprit Saint, nous rend libre de toute forme d’égoïsme et se trouve être source de créativité dans l’amour.

2. Dieu le Père veut une telle formation existentielle de ses fils et de ses filles ; transformation qui s’exprime en tant que culte en esprit et en vérité (cf. Jn 4, 23-24), par une vie animée par l’Esprit Saint à l’imitation du Fils, Jésus, à la gloire de Dieu le Père. « La gloire de Dieu est l’homme vivant » (Saint Irénée de Lyon, Adversus haereses IV, 20, 7). De cette manière, l’annonce de l’Evangile devient parole vivante et efficace qui met en œuvre ce qu’elle proclame (cf. Is 55, 10-11) c’est-à-dire Jésus Christ, qui se fait continuellement chair dans toute situation humaine (cf. Jn 1, 14).

La mission et le kairos du Christ

3. La mission de l’Eglise n’est donc pas la diffusion d’une idéologie religieuse et pas même la proposition d’une éthique sublime. De nombreux mouvements de par le monde savent produire des idéaux élevés ou des expressions éthiques remarquables. Par le biais de la mission de l’Eglise, c’est Jésus Christ qui continue à évangéliser et à agir, et par suite elle représente le kairos, le temps propice au salut dans l’histoire. Par l’intermédiaire de la proclamation de l’Evangile, Jésus devient toujours à nouveau notre contemporain, afin que ceux qui l’accueillent avec foi et amour fassent l’expérience de la force transformatrice de son Esprit de Ressuscité qui féconde l’être humain et la Création comme le fait la pluie avec la terre. « Sa résurrection n’est pas un fait relevant du passé ; elle a une force de vie qui a pénétré le monde. Là où tout semble être mort, de partout, les germes de la résurrection réapparaissent. C’est une force sans égale » (Exhortation apostolique Evangelii gaudium, n. 276).

4. Rappelons-nous toujours que « à l’origine du fait d’être chrétien, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive » (Benoît XVI, Encyclique Deus caritas est, n. 1). L’Evangile est une Personne, qui s’offre continuellement et continuellement invite ceux qui l’accueillent avec une foi humble et laborieuse à partager sa vie au travers d’une participation effective à son mystère pascal de mort et résurrection. L’Evangile devient ainsi, par le Baptême, source de vie nouvelle, libérée de la domination du péché, illuminée et transformée par l’Esprit Saint ; par le biais de la Confirmation, il devient onction fortifiante qui, grâce à ce même Esprit, indique des chemins et des stratégies nouvelles de témoignage et de proximité ; et par l’intermédiaire de l’Eucharistie, il devient nourriture de l’homme nouveau, « remède d’immortalité » (Ignace d’Antioche, Epistula ad Ephesios, 20, 2).

5. Le monde a essentiellement besoin de l’Evangile de Jésus Christ. Au travers de l’Eglise, il continue sa mission de Bon Samaritain, en soignant les blessures sanglantes de l’humanité, et de Bon Pasteur, en cherchant sans relâche celui qui s’est égaré sur des chemins tortueux et sans but. Et, grâce à Dieu, les expériences significatives témoignant de la force transformante de l’Evangile ne manquent pas non plus. Je pense au geste de cet étudiant Dinka qui, au prix de sa propre vie, protège un étudiant de la tribu Nuer destiné à être tué. Je pense à cette Célébration eucharistique, à Kitgum, dans le nord de l’Ouganda, alors ensanglanté par la férocité d’un groupe de rebelles, lorsqu’un missionnaire a fait répéter aux personnes les paroles de Jésus sur la croix : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? », en tant qu’expression du cri désespéré des frères et des sœurs du Seigneur crucifié. Cette célébration fut pour le peuple source de grande consolation et de beaucoup de courage. Et nous pouvons également penser aux nombreux, aux innombrables témoignages de la manière dont l’Evangile aide à surmonter les fermetures, les conflits, le racisme, le tribalisme en promouvant partout et entre tous la réconciliation, la fraternité et le partage.

La mission inspire une spiritualité d’exode continuel, de pèlerinage et d’exil

7. La mission de l’Eglise est animée par une spiritualité d’exode continuel. Il s’agit de « sortir de son propre confort et avoir le courage de rejoindre toutes les périphéries qui ont besoin de la lumière de l’Evangile» (Exhortation apostolique Evangelii gaudium, n. 20). La mission de l’Eglise stimule une attitude de pèlerinage continuel à travers les différents déserts de la vie, à travers les diverses expériences de faim et de soif de vérité et de justice. La mission de l’Eglise inspire une expérience d’exil continuel, pour faire percevoir à l’homme assoiffé d’infini sa condition d’exilé en chemin vers la patrie définitive, tendu entre le « déjà » et le « pas encore » du Royaume des Cieux.

8. La mission dit à l’Eglise qu’elle n’est pas une fin en soi mais un humble instrument et une médiation du Royaume. Une Eglise autoréférentielle, qui se complait de ses succès terrestres, n’est pas l’Eglise du Christ, son corps crucifié et glorieux. Voila pourquoi nous devons préférer « une Eglise accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins, plutôt qu’une Eglise malade de la fermeture et du confort de s’accrocher à ses propres sécurités» (ibid., n. 49).

Les jeunes, espérance de la mission

9. Les jeunes représentent l’espérance de la mission. La personne de Jésus et la Bonne Nouvelle qu’il proclame continuent à fasciner de nombreux jeunes. Ils cherchent des parcours au travers desquels mettre en œuvre le courage et les élans du cœur au service de l’humanité. « Nombreux sont les jeunes qui offrent leur aide solidaire face aux maux du monde et entreprennent différentes formes de militance et de volontariat [...].Qu’il est beau que des jeunes soient “pèlerins de la foi”, heureux de porter Jésus dans chaque rue, sur chaque place, dans chaque coin de la terre ! » (ibid., n. 106). La prochaine Assemblée générale ordinaire du Synode des Evêques, qui se tiendra en 2018 sur le thème « Les jeunes, la foi et le discernement des vocations », se présente comme une occasion providentielle pour impliquer les jeunes dans la responsabilité missionnaire commune qui a besoin de leur riche imagination et de leur créativité.

Le service des Œuvres pontificales missionnaires

10. Les Œuvres pontificales missionnaires constituent un instrument précieux pour susciter en chaque communauté chrétienne le désir de sortir de ses propres frontières et de ses propres sécurités et de prendre le large pour annoncer l’Evangile à tous. Au travers d’une profonde spiritualité missionnaire à vivre au quotidien, d’un engagement constant de formation et d’animation missionnaire, des adolescents, des jeunes, des adultes, des familles, des prêtres, des religieux et des religieuses, des Evêques sont impliqués afin que grandisse en chacun un cœur missionnaire. La Journée missionnaire mondiale, promue par l’Œuvre de la Propagation de la Foi, constitue l’occasion propice pour que le cœur missionnaire des communautés chrétiennes participe par la prière, le témoignage de la vie et la communion des biens afin de répondre aux graves et vastes besoins de l’Evangélisation.

Etre missionnaires avec Marie, Mère de l’évangélisation

11. Chers frères et sœurs, soyons missionnaires en nous inspirant de Marie, Mère de l’Evangélisation. Mue par l’Esprit, elle accueillit le Verbe de la vie dans la profondeur de son humble foi. Que la Vierge nous aide à dire notre « oui » dans l’urgence de faire résonner la Bonne Nouvelle de Jésus à notre époque ; qu’elle nous obtienne une nouvelle ardeur de ressuscités pour porter à tous l’Evangile de la vie qui remporte la victoire sur la mort ; qu’elle intercède pour nous afin que nous puissions acquérir la sainte audace de rechercher de nouvelles routes pour que parvienne à tous le don du salut.

Du Vatican, 4 juin 2017
Solennité de la Pentecôte

(vatican.va)

MESSE EN LA SOLENNITÉ DE PENTECÔTE

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Se conclut aujourd’hui le temps de Pâques, cinquante jours qui, de la Résurrection de Jésus à la Pentecôte, sont marqués de manière spéciale par la présence de l’Esprit Saint. C’est lui, en effet, le Don pascal par excellence. C’est l’Esprit créateur, qui réalise toujours des choses nouvelles. Deux nouveautés nous sont montrées dans les Lectures d’aujourd’hui : dans la première, l’Esprit fait des disciples un peuple nouveau ; dans l’Évangile, il crée dans les disciples un cœur nouveau.

Un peuple nouveau. Le jour de Pentecôte, l’Esprit est descendu du ciel, sous forme de « langues qu’on aurait dites de feu, qui se partageaient, et il s’en posa sur chacun […]. Tous furent remplis d’Esprit Saint : ils se mirent à parler en d’autres langues » (Ac 2, 3-4). La Parole de Dieu décrit ainsi l’action de l’Esprit, qui se pose d’abord sur chacun et ensuite met tous en communication. Il fait à chacun un don et réunit tous dans l’unité. En d’autres termes, le même Esprit crée la diversité et l’unité et, ainsi, façonne un peuple nouveau, diversifié et uni : l’Église universelle. D’abord, avec imagination et de manière imprévisible, il crée la diversité ; à chaque époque, en effet, il fait fleurir des charismes nouveaux et variés. Ensuite, le même Esprit réalise l’unité : il relie, réunit, recompose l’harmonie : « Par sa présence et son action, il réunit dans l’unité les esprits qui sont distincts les uns des autres et séparés » (Cyrille d’Alexandrie, Commentaire sur l’évangile de Jean, XI, 11). En sorte qu’il y ait l’unité vraie, celle selon Dieu, qui n’est pas uniformité, mais unité dans la différence.

Pour réaliser cela, il convient de nous aider à éviter deux tentations récurrentes. La première, c’est celle de chercher la diversité sans l’unité. Cela arrive quand on veut se distinguer, quand on crée des coalitions et des partis, quand on se raidit sur des positions qui excluent, quand on s’enferme dans des particularismes propres, jugeant peut-être qu’on est meilleur ou qu’on a toujours raison. Ce sont les soi-disant ‘‘gardiens de la vérité’’. Alors, on choisit la partie, non le tout, l’appartenance à ceci ou à cela avant l’appartenance à l’Église ; on devient des ‘‘supporters’’ qui prennent parti plutôt que des frères et sœurs dans le même Esprit ; des chrétiens ‘‘de droite ou de gauche’’ avant d’être de Jésus ; des gardiens inflexibles du passé ou des avant-gardistes de l’avenir avant d’être des enfants humbles et reconnaissants de l’Église. Ainsi, il y a la diversité sans l’unité. La tentation opposée est en revanche celle de chercher l’unité sans la diversité. Cependant, ainsi, l’unité devient uniformité, obligation de faire tout ensemble et tout pareil, de penser tous toujours de la même manière. De cette façon, l’unité finit par être homologation et il n’y a plus de liberté. Mais, dit saint Paul, « là où l’Esprit du Seigneur est présent, là est la liberté » (2 Co 3, 17).

Notre prière à l’Esprit Saint, c’est alors de demander la grâce d’accueillir son unité, un regard qui embrasse et aime, au-delà des préférences personnelles, son Église, notre Église ; de prendre en charge l’unité de tous, de mettre fin aux bavardages qui sèment la division et aux envies qui empoisonnent, car être des hommes et des femmes d’Église signifie être des hommes et des femmes de communion ; c’est de demander également un cœur qui sente l’Église notre mère et notre maison : la maison accueillante et ouverte, où on partage la joie multiforme de l’Esprit Saint.

Et venons-en à la seconde nouveauté : un cœur nouveau. Jésus Ressuscité, en apparaissant pour la première fois aux siens, dit : « Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis » (Jn 20, 22-23). Jésus ne condamne pas les siens, qui l’avaient abandonné et renié durant la passion, mais il leur donne l’Esprit du pardon. L’Esprit est le premier don du Ressuscité et il est donné avant tout pour pardonner les péchés. Voilà le commencement de l’Église, voilà la colle qui nous maintient ensemble, le ciment qui unit les briques de la maison : le pardon. Car, le pardon est le don à la puissance n, c’est le plus grand amour, celui qui garde uni malgré tout, qui empêche de s’effondrer, qui renforce et consolide. Le pardon libère le cœur et permet de recommencer : le pardon donne l’espérance ; sans pardon l’Église ne s’édifie pas.

L’Esprit du pardon, qui résout tout dans la concorde, nous pousse à refuser d’autres voies : celles hâtives de celui qui juge, celles sans issue de celui qui ferme toutes les portes, celles à sens unique de celui qui critique les autres. L’Esprit nous exhorte, au contraire, à parcourir la voie à double sens du pardon reçu et du pardon donné, de la miséricorde divine qui se fait amour du prochain, de la charité comme « unique critère selon lequel tout doit être fait ou ne pas être fait, changé ou pas changé » (Isaac de l’Étoile, Discours 31). Demandons la grâce de rendre toujours plus beau le visage de notre Mère l’Église en nous renouvelant par le pardon et en nous corrigeant nous-mêmes : ce n’est qu’alors que nous pourrons corriger les autres dans la charité.

Demandons-le à l’Esprit Saint, feu d’amour qui brûle dans l’Église et en nous, même si souvent nous le couvrons de la cendre de nos péchés : ‘‘Esprit de Dieu, Seigneur qui te trouves dans mon cœur et dans le cœur de l’Église, toi qui conduis l’Église, façonne-la dans la diversité, viens ! Pour vivre, nous avons besoin de Toi comme de l’eau : descends encore sur nous et enseigne-nous l’unité, renouvelle nos cœurs et enseigne-nous à aimer comme tu nous aimes, à pardonner comme tu nous pardonnes ! Amen’’.

Place Saint-Pierre
Dimanche 4 juin 2017

(Vatican radio)

PRIÈRE DU SAINT-PÈRE

PÈLERINAGE DU PAPE FRANÇOIS AU SANCTUAIRE DE NOTRE-DAME DE FÁTIMA
à l'occasion du centenaire des apparitions de la Bienheureuse Vierge Marie à la Cova da Iria

Le Saint-Père :

Salut Reine,
Bienheureuse Vierge de Fatima,
Dame au Cœur Immaculé,
refuge et chemin qui conduit à Dieu !
Pèlerin de la Lumière qui nous vient de tes mains,
je rends grâce à Dieu le Père qui, en tout temps et en tout lieu, agit dans l’histoire humaine ;
pèlerin de la Paix qu’en ce lieu tu annonces,
je loue le Christ, notre paix, et pour le monde je demande la concorde entre tous les peuples ;
pèlerin de l’Espérance que l’Esprit anime,
je me veux prophète et messager pour laver les pieds à tous les hommes, à la même table qui nous unit.

Refrain chanté par l’assemblée

Ave o clemens, ave o pia !
Salve Regina Rosarii Fatimae.
Ave o clemens, ave o pia !
Ave o dulcis Virgo Maria.

Le Saint-Père :

Salut, Mère de Miséricorde,
Dame au manteau blanc !
En ce lieu où, il y a cent ans,
tu as montré à tous les desseins de la Miséricorde de notre Dieu,
je regarde ton manteau de lumière,
et, en tant qu’évêque vêtu de blanc,
je me souviens de tous ceux qui,
vêtus de la pureté baptismale,
veulent vivre en Dieu
et prient les mystères du Christ pour obtenir la paix.

Refrain…

Salut, vie et douceur,
Salut, notre espérance,
Ô Vierge Pèlerine, ô Reine universelle !
Au plus profond de ton être,
en ton Cœur Immaculé,
vois les joies de l’être humain
lorsqu’il est en pèlerinage vers la Patrie céleste.
Au plus profond de ton être,
en ton Cœur Immaculé,
vois les douleurs de la famille humaine
qui gémit et pleure dans cette vallée de larmes.
Au plus profond de ton être,
en ton Cœur Immaculé,
orne-nous de la splendeur de tous les joyaux de ta couronne
et fais de nous des pèlerins comme tu as été pèlerine.
Par ton sourire virginal
affermis la joie de l’Église du Christ
Par ton regard de douceur, renforce l’espérance des enfants de Dieu.
Par les mains orantes que tu élèves vers le Seigneur,
unis tous les hommes dans une unique famille humaine.

Refrain…

Le Saint-Père :

Ô clémente, ô pieuse,
O douce Vierge Marie,
Reine du Rosaire de Fatima !
Fais-nous suivre l’exemple des bienheureux François et Jacinthe,
et de tous ceux qui témoignent du message de l’Évangile.
Nous parcourrons, ainsi, toutes les routes,
nous serons pèlerins sur tous les chemins,
nous abattrons tous les murs
et nous vaincrons toutes les frontières,
en allant vers toutes les périphéries,
en y révélant la justice et la paix de Dieu.
Nous serons, dans la joie de l’Évangile, une Église vêtue de blanc, de la pureté blanchie dans le sang de l’Agneau
versé aujourd’hui encore dans toutes les guerres qui détruisent le monde dans lequel nous vivons.
Et ainsi nous serons, comme Toi, une image de la colonne lumineuse
qui éclaire les chemins du monde,
en montrant à tous que Dieu existe,
que Dieu est présent,
que Dieu habite au milieu de son peuple,
hier, aujourd’hui et pour toute l’éternité.

Refrain…

Le Saint-Père avec les fidèles :

Salut, Mère du Seigneur,
Vierge Marie, Reine du Rosaire de Fatima !
Bénie entre toutes les femmes,
tu es l’image de l’Église vêtue de la lumière pascale,
tu es l’honneur de notre peuple,
tu es le triomphe sur l’assaut du mal.

Prophétie de l’Amour miséricordieux du Père,
Maîtresse de l’Annonce de la Bonne Nouvelle du Fils,
Signe du Feu ardent de l’Esprit Saint,
enseigne-nous, dans cette vallée de joies et de douleurs,
les vérités éternelles que le Père révèle aux tout-petits.

Montre-nous la force de ton manteau protecteur.
En ton Cœur Immaculé,
Sois le refuge des pécheurs
et le chemin qui conduit à Dieu.

Uni à mes frères,
dans la Foi, dans l’Espérance et dans l’Amour,
je me confie à Toi.
Uni à mes frères, par Toi, je me consacre à Dieu,
ô Vierge du Rosaire de Fatima.

Et finalement, enveloppé dans la Lumière qui nous vient de tes mains,
je rendrai gloire au Seigneur pour les siècles des siècles.
Amen !

Petite chapelle des Apparitions, Fátima
Vendredi 12 mai 2017

(Vatican.va)

PÈLERINAGE DU PAPE FRANÇOIS AU SANCTUAIRE DE NOTRE-DAME DE FÁTIMA 

à l'occasion du centenaire des apparitions de la Bienheureuse Vierge Marie à la Cova da Iria

MESSE DE CANONISATION DE FRANCISCO ET JACINTA MARTO

HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE

« Apparut dans le ciel une femme ayant le soleil pour manteau » atteste le voyant de Patmos dans l’Apocalypse (12,1), faisant aussi observer qu’elle est sur le point de donner naissance à un fils. Puis, dans l’Evangile, nous avons entendu Jésus dire au disciple : « Voici ta mère » (Jn 19, 26-27). Nous avons une Mère ! Une “Dame très belle“, comme disaient entre eux les voyants de Fatima sur la route de la maison, en ce jour béni du 13 mai, il y a cent ans. Et, le soir, Jacinthe ne réussit pas à se retenir, et elle révèle le secret à sa maman : « Aujourd’hui j’ai vu la Vierge ». Ils avaient vu la Mère du ciel. Le regard d’un grand nombre s’est dirigé dans la direction que suivaient leurs yeux, mais… ils ne l’ont pas vue. La Vierge Mère n’est pas venue ici pour que nous la voyions : pour cela nous aurons toute l’éternité, si nous allons au ciel, bien entendu.

Mais elle, présageant et nous mettant en garde contre le risque de l’enfer où mène la vie – souvent proposée et imposée – sans Dieu et qui profane Dieu dans ses créatures, elle est venue nous rappeler la lumière de Dieu qui demeure en nous et qui nous couvre, car, comme nous l’avons entendu dans la première lecture, « l’enfant fut enlevé jusqu’auprès de Dieu » (Ap 12, 5). Et, selon les paroles de Lucie, les trois privilégiés se trouvaient dans la lumière de Dieu qui rayonnait de la Vierge. Elle les enveloppait dans le manteau de lumière que Dieu lui avait donné. Comme le croient et le sentent de nombreux pèlerins, si non tous, Fatima est surtout ce manteau de lumière qui nous couvre, ici comme partout ailleurs sur la terre quand nous nous réfugions sous la protection de la Vierge Marie pour lui demander, comme l’enseigne le Salve Regina, “montre-nous Jésus”.

Chers pèlerins, nous avons une Mère, nous avons une Mère! Cramponnés à elle comme des enfants, vivons de l’espérance fondéesur Jésus, car, comme nous l’avons entendu dans la seconde lecture, à cause de Jésus-Christ, et de lui seul, ceux qui reçoivent en abondance le don de la grâce qui les rend justes régneront dans la vie (cf. Rm 5,17). Quand Jésus est monté au ciel, il a apporté auprès du Père céleste l’humanité – notre humanité – qu’il avait assumée dans le sein de la Vierge Mère ; et il ne s’en séparera jamais plus. Fixons notre espérance, comme une ancre, dans cette humanité placée dans le ciel à la droite du Père (cf. Ep 2,6). Que cette espérance soit le levier de la vie de chacun de nous ! Une espérance qui nous soutient toujours, jusqu’au dernier souffle.

Forts de cette espérance, nous sommes réunis ici pour remercier des innombrables bienfaits que le Ciel a accordés au cours de ces cent années, passées sous ce manteau de lumière que la Vierge, à partir de ce Portugal porteur d’espérance, a étendue aux quatre coins de la terre. Nous avons comme exemples devant nos yeux saint François Marto et sainte Jacinthe, que la Vierge Marie a introduits dans la mer immense de la lumière de Dieu et y a conduits pour l’adorer. De là leur venait la force de surmonter les contrariétés et les souffrances. La présence divine devint constante dans leur vie, comme cela se manifeste clairement par la prière insistante pour les pécheurs et par le désir permanent de rester près de “Jésus caché” dans le Tabernacle.

Dans ses Mémoires (III, n. 6), Sœur Lucie donne la parole à Jacinthe qui venait d’avoir une vision : « Ne vois-tu pas beaucoup de routes, beaucoup sentiers et de champs pleins de gens qui souffrent de faim et qui n’ont rien à manger ? Et le Saint-Père dans une église, devant le Cœur Immaculé de Marie en prière ? Et beaucoup de monde en prière avec lui ? ». Merci frères et sœurs, de m’accompagner ! Je ne pouvais pas ne pas venir ici pour vénérer la Vierge Mère et lui confier ses fils et ses filles. Sous son manteau ils ne se perdent pas ; de ses bras viendront l’espérance et la paix dont ils ont besoin, et que je demande pour tous mes frères dans le baptême et en humanité, en particulier pour les malades et les personnes avec handicap, pour les détenus et les chômeurs, pour les pauvres et les personnes abandonnées. Chers frères, prions Dieu dans l’espérance que les hommes nous écoutent ; et adressons-nous aux hommes avec la certitude que Dieu nous porte secours.

En effet, il nous a créés comme une espérance pour les autres, une espérance réelle et réalisable selon l’état de vie de chacun. En “demandant” et “exigeant” de chacun de nous l’accomplissement de son devoir d’état (Lettre de Sœur Lucie, 28 février 1943), le ciel déclenchait une vraie mobilisation générale contre cette indifférence qui nous gèle le cœur et aggrave notre myopie. Nous ne voulons pas être une espérance avortée ! La vie ne peut survivre que grâce à la générosité d’une autre vie. « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais, s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12,24), a dit et fait le Seigneur qui nous précède toujours. Quand nous passons par quelque croix, il y est déjà passé en premier. Ainsi nous ne montons pas sur la croix pour trouver Jésus ; mais c’est lui qui s’est humilié et qui est descendu jusqu’à la croix pour nous trouver et, en nous, vaincre les ténèbres du mal et nous reconduire à la lumière.

Sous la protection de Marie, nous sommes, dans le monde, des sentinelles du matin qui savent contempler le vrai visage de Jésus Sauveur, celui qui brille à Pâques, et redécouvrir le visage jeune et beau de l’Eglise, qui resplendit quand elle est missionnaire, accueillante, libre, fidèle, pauvre en moyens et riche d’amour.


Parvis du Sanctuaire de Fátima
Samedi 13 mai 2017

(Vatican.va)

PRIÈRE DU PAPE FRANÇOIS POUR LES JEUNES EN VUE DU SYNODE DES ÉVÊQUES 2018 SUR LE THÈME:

« Les jeunes, la foi et le discernement des vocations »

Seigneur Jésus, ton Eglise qui chemine vers le synode Tourne son regard vers tous les jeunes du monde. Nous te prions pour qu’avec courage ils prennent en main leur vie, qu’ils aspirent aux choses les plus belles et les plus profondes et qu’ils conservent toujours un cœur libre.

Aide-les à répondre, accompagnés par des guides sages et généreux, à l’appel que tu adresses à chacun d’entre eux, pour qu’ils réalisent leur projet de vie et parviennent au bonheur. Tiens leur cœur ouvert aux grands rêves et rend-les attentifs au bien des frères.

Comme le Disciple aimé, qu’ils soient eux aussi au pied de la Croix pour accueillir ta Mère, la recevant de Toi en don. Qu’ils soient les témoins de ta Résurrection Et qu’ils sachent te reconnaître, vivant à leurs côtés, annonçant avec joie que Tu es le Seigneur.
Amen.

(vatican.va)

PAPE FRANÇOIS - REGINA CÆLI

Nous savons que chaque dimanche, nous faisons mémoire de la résurrection du Seigneur Jésus, mais en cette période après Pâques, le dimanche revêt une signification encore plus illuminante. Dans la tradition de l’Eglise, ce dimanche, le premier après Pâques, était appelé «in albis». Qu’est-ce que cela signifie? L’expression entendait rappeler le rite qu’accomplissaient ceux qui avaient reçu le baptême lors de la Veillée pascale. A chacun d’eux était remis un vêtement blanc — «alba», blanc — pour indiquer leur nouvelle dignité d’enfants de Dieu. On fait cela encore aujourd’hui: on offre aux nouveau-nés un petit vêtement symbolique, tandis que les adultes en revêtent un vrai, comme nous l’avons vu lors de la veillée pascale. Et par le passé ce vêtement blanc était porté pendant une semaine, jusqu’à ce dimanche, et c’est de là que dérive le nom in albis deponendis, qui signifie le dimanche où l’on enlève le vêtement blanc. Et ainsi, une fois le vêtement blanc enlevé, les néophytes commençaient leur nouvelle vie en Christ et dans l’Eglise.

Il y a autre chose. Lors du jubilé de l’an 2000, saint Jean-Paul II a établi que ce dimanche serait consacré à la Divine miséricorde. C’est vrai, cela a été une belle intuition: c’est l’Esprit Saint qui l’a inspiré. Il y a quelques mois, nous avons conclu le jubilé extraordinaire de la miséricorde et ce dimanche nous invite à reprendre avec force la grâce qui vient de la miséricorde de Dieu. L’Evangile d’aujourd’hui est le récit de l’apparition du Christ ressuscité aux disciples réunis au cénacle (cf. Jn 20, 19-31). Saint Jean écrit que Jésus, après avoir salué ses disciples, leur dit: «Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie». Ayant parlé ainsi, il fit le geste de souffler sur eux et il ajouta: «Recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis» (vv. 21-23). C’est le sens de la miséricorde, que l’on présente précisément le jour de la résurrection de Jésus comme pardon des péchés. Jésus ressuscité a transmis à son Eglise, comme première tâche, sa propre mission d’apporter à tous l’annonce concrète du pardon. Telle est la première tâche: annoncer le pardon. Ce signe visible de sa miséricorde contient en lui la paix du cœur et la joie de la rencontre renouvelée avec le Seigneur.

La miséricorde à la lumière de Pâques se laisse percevoir comme une véritable forme de connaissance. Et cela est important: la miséricorde est une véritable forme de connaissance. Nous savons que l’on peut connaître à travers de nombreuses formes. On connaît à travers les sens, on connaît à travers l’intuition, à travers la raison et d’autres formes encore. Et bien, l’on peut connaître également à travers l’expérience de la miséricorde, parce que la miséricorde ouvre la porte de l’esprit pour mieux comprendre le mystère de Dieu et de notre existence personnelle. La miséricorde nous fait comprendre que la violence, la rancœur, la vengeance n’ont aucun sens, et la première victime est celui qui vit de ces sentiments, parce qu’il se prive de sa dignité. La miséricorde ouvre également la porte du cœur et permet d’exprimer la proximité en particulier à tous ceux qui sont seuls et exclus, parce qu’elle les fait se sentir frères et enfants d’un seul Père. Elle favorise la reconnaissance de ceux qui ont besoin de consolation et fait trouver des paroles adaptées pour réconforter.

Frères et sœurs, la miséricorde réchauffe le cœur et le rend sensible aux besoins de nos frères, à travers le partage et la participation. La miséricorde, en définitive, nous engage tous à être des instruments de justice, de réconciliation et de paix. N’oublions jamais que la miséricorde est la clé de voûte de la vie de foi et la forme concrète par laquelle nous donnons de la visibilité à la résurrection de Jésus.

Que Marie, la Mère de la Miséricorde, nous aide à croire et à vivre tout cela avec joie.

Place Saint-Pierre
Dimanche 23 avril 2017

(Vatican Radio)

MESSAGE URBI ET ORBI DU PAPE FRANÇOIS - PÂQUES 2017

Chers frères et sœurs,
Bonne fête de Pâques !

Aujourd’hui, dans le monde entier, l’Église renouvelle l’annonce pleine d’étonnement des premiers disciples : « Jésus est ressuscité ! » – « Il est vraiment ressuscité, comme il l’avait dit ! »

L’antique fête de Pâques, mémorial de la libération du peuple hébreu de l’esclavage, atteint ici son accomplissement : par sa résurrection, Jésus Christ nous a libérés de l’esclavage du péché et de la mort et nous a ouvert le passage vers la vie éternelle.

Nous tous, quand nous nous laissons dominer par le péché, nous perdons la bonne route et nous allons errant comme des brebis égarées. Mais Dieu même, notre Pasteur, est venu nous chercher, et pour nous sauver, il s’est abaissé jusqu’à l’humiliation de la croix. Et aujourd’hui, nous pouvons proclamer : « Il est ressuscité le bon Pasteur qui pour son troupeau est allé à la rencontre de la mort, alléluia ! » (Missel Romain, IVe dimanche de Pâques, Antienne de la communion).

A travers les temps, le Pasteur ressuscité ne se lasse pas de nous chercher, nous ses frères égarés dans les déserts du monde. Et par les signes de la Passion – les blessures de son amour miséricordieux – il nous attire sur son chemin, le chemin de la vie. Aujourd’hui aussi, Il prend sur ses épaules beaucoup de nos frères et sœurs opprimés par le mal sous ses différentes formes.

Le Pasteur Ressuscité va chercher celui qui est égaré dans les labyrinthes de la solitude et de la marginalisation ; il va à sa rencontre à travers des frères et des sœurs qui savent s’approcher avec respect et tendresse et faire entendre à ces personnes sa voix, une voix jamais oubliée, qui les rappelle à l’amitié avec Dieu.

Il prend en charge tous ceux qui sont victimes des anciens et des nouveaux esclavages : travaux inhumains, trafics illicites, exploitation et discrimination, graves dépendances. Il prend en charge les enfants et les adolescents qui sont privés de leur insouciance pour être exploités ; et qui a le cœur blessé par les violences subies à l’intérieur des murs de sa propre maison.

Le Pasteur Ressuscité se fait compagnon de route de tous ceux qui sont contraints de laisser leur terre à cause de conflits armés, d’attaques terroristes, de famines, de régimes oppressifs. A ces migrants forcés, il fait rencontrer des frères sous tous les cieux, pour partager le pain et l’espérance sur le chemin commun.

Dans les histoires complexes et parfois dramatiques des peuples, que le Seigneur Ressuscité guide les pas de qui cherche la justice et la paix ; et qu’il donne aux responsables des Nations le courage d’éviter l’expansion des conflits et d’arrêter le trafic des armes.

En ces temps, de façon particulière, qu’il soutienne les efforts de tous ceux qui s’emploient activement à apporter soulagement et réconfort à la population civile en Syrie, Syrie bien aimée et martyrisée, victime d’une guerre qui ne cesse pas de semer horreur et mort. Encore hier, un dernier et ignoble attentat contre les réfugiés en fuite a provoqué de nombreux morts et blessés. Qu’il donne la paix à tout le Moyen Orient, à commencer par la Terre sainte, comme aussi en Irak et au Yémen.

Que la proximité du Bon Pasteur ne manque pas aux populations du Sud Soudan, du Soudan, de la Somalie et de la République Démocratique du Congo, qui souffrent de conflits qui se perpétuent, aggravés par la très sérieuse famine qui frappe certaines régions de l’Afrique.

Que Jésus ressuscité soutienne les efforts de tous ceux qui, spécialement en Amérique latine, s’engagent à garantir le bien commun des sociétés, parfois marquées de tensions politiques et sociales qui dans certains cas aboutissent à la violence.

Qu’on puisse construire des ponts de dialogue, en persévérant dans la lutte contre la plaie de la corruption et dans la recherche de solutions valables et pacifiques aux controverses, pour le progrès et la consolidation des institutions démocratiques, dans le plein respect de l’Etat de droit.

Que le Bon pasteur aide la bien-aimée terre d’Ukraine, encore affligée par un conflit sanglant, à retrouver la concorde et accompagne les initiatives en vue d’adoucir les drames de tous ceux qui en souffrent des conséquences.

Que le Seigneur ressuscité, qui ne cesse pas de combler le continent européen de sa bénédiction, donne espérance à tous ceux qui traversent des moments de crise et de difficultés, spécialement en raison du manque de travail surtout pour les jeunes.

Chers frères et sœurs, cette année comme chrétiens de toute confession, nous célébrons ensemble la Pâque. Ainsi, d’une seule voix dans chaque partie de la terre résonne l’annonce la plus belle : « Le Seigneur est vraiment ressuscité, comme il l’avait dit ! ». Il a vaincu les ténèbres du péché et de la mort, qu’il donne la paix à notre temps.

Bonne fête de Pâques !

Loggia centrale de la Basilique vaticane
Dimanche 16 avril 2017

(Vatican Radio)

BENOÎT XVI - 90 ANS

Le Cardinal Joseph Ratzinger, le Pape Benoît XVI, est né à Marktl am Inn, dans le diocèse de Passau (Allemagne), le 16 avril 1927 (Samedi saint); il a été baptisé le jour même. Son père, officier de gendarmerie, était issu d’une vieille famille d’agriculteurs de Bavière du Sud, aux conditions économiques très modestes. Sa mère était fille d’artisans de Rimsting, au bord du lac Chiem. Avant son mariage, elle travailla comme cuisinière dans divers hôtels.
Son enfance et son adolescence se sont déroulées dans la petite ville de Traunstein, près de la frontière autrichienne, à trente kilomètres de Salzbourg. Dans ce cadre qu’il a lui-même qualifié de « mozartien », il reçut sa formation chrétienne, humaine et culturelle.
La période de sa jeunesse ne fut pas facile. La foi et l’éducation reçue dans sa famille l’avaient préparé à affronter la dure expérience des temps où le régime nazi entretenait un climat de forte hostilité contre l’Église catholique. Le jeune Joseph vit ainsi les nazis frapper de coups le curé de sa paroisse peu avant la célébration de la Messe
C’est dans cette situation complexe qu’il découvrit la beauté et la vérité de la foi au Christ ; l’attitude de sa famille fut pour lui fondamentale, car elle donna un témoignage lumineux de bonté et d’espérance, enracinée qu’elle était dans une vive conscience de son appartenance à l’Église.
Jusqu'en septembre 1944, il fut enrôlé dans les services auxiliaires de défense antiaérienne.
De 1946 à 1951, il étudie la philosophie et la théologie à l’Institut supérieur de Freising et à l’Université de Munich.
Il est ordonné prêtre le 29 juin 1951.
L’année suivante, il commence à enseigner à l’Institut supérieur de Freising.
En 1953, il obtient son doctorat en théologie avec une thèse intitulée : « Peuple et maison de Dieu dans la doctrine de l’Église chez saint Augustin ».
Quatre ans plus tard, sous la direction du renommé Professeur de théologie fondamentale Gottlieb Söhngen, il obtient son habilitation à l’enseignement avec une dissertation sur « La théologie de l’histoire chez saint Bonaventure ».
Tout en exerçant ses charges de professeur de théologie dogmatique et fondamentale à l’Institut supérieur de philosophie et de théologie de Freising, il poursuit son activité d’enseignement à Bonn, de 1959 à 1963 ; à Münster, de 1963 à 1966 ; et à Tübingen, de 1966 à 1969. Au cours de cette dernière année, il obtient la chaire de dogmatique et d’histoire du dogme à l’Université de Ratisbone, où il exerce également la charge de vice-président de l’Université.
De 1962 à 1965, il contribue de façon remarquable au Concile Vatican II en tant qu’expert ; il assiste le Cardinal Joseph Frings, Archevêque de Cologne, comme Conseiller théologique.
Son intense activité scientifique l’amène à assumer d’importantes charges au sein de la Conférence épiscopale allemande et de la Commission théologique internationale.
En 1972, avec Hans Urs von Balthasar, Henri de Lubac et d’autres grands théologiens, il lance la revue théologique « Communio ».
Le 25 mars 1977, le Pape Paul VI le nomme Archevêque de Munich et Freising. Il reçoit l’ordination épiscopale le 28 mai suivant. Il était le premier prêtre diocésain à assumer la charge pastorale de ce grand diocèse bavarois depuis quatre-vingt ans. Sa devise épiscopale est : « Collaborateur de la vérité ». À cette occasion, il expliqua lui-même : « Il me semblait, d’une part, que cela soulignait le lien entre mon travail de professeur et ma nouvelle mission. Si les activités étaient différentes, il n’en demeurait pas moins que ce qui était en jeu c’était toujours suivre la vérité et être à son service. D’autre part, j’ai choisi cette devise parce que, dans le monde qui est le nôtre aujourd’hui, on oublie presque complètement le thème de la vérité, tant cela paraît trop élevé pour l’homme, et pourtant, si la vérité vient à manquer, tout s’écroule ».
Paul VI le créa cardinal au Consistoire du 27 juin 1977 avec le titre de « Santa Maria Consolatrice al Tiburtino ».
En 1978, il prend part au Conclave qui se tient du 25 au 26 août et qui élit Jean-Paul Ier. Celui-ci le nomme son Envoyé spécial au IIIe Congrès mariologique international célébré à Guayaquil (Équateur), du 16 au 24 septembre. Au mois d’octobre de cette même année, il participe au Conclave qui élit Jean-Paul II.
Il est rapporteur à la Ve Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques, célébrée en 1980, sur le thème : « La mission de la famille chrétienne dans le monde contemporain ». Il est Président délégué à la VIe Assemblée générale ordinaire, célébrée en 1983, sur « La réconciliation et la pénitence dans la mission de l’Église ».
Nommé par Jean-Paul II, le 25 novembre 1981, Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi et Président de la Commission biblique pontificale ainsi que de la Commission théologique internationale, il renonce au gouvernement pastoral de l’archidiocèse de Munich et Freising le 15 février 1982. Le 5 avril 1993, le Pape l’élève au rang de Cardinal-Évêque en lui confiant le siège suburbicaire de Velletri-Segni.
Il fut Président de la commission qui a préparé le Catéchisme de l’Église catholique et qui, après six années de travaux (1986-1992), présenta au Saint-Père le nouveau Catéchisme.
Le 6 novembre 1998, le Saint-Père approuva l’élection du Cardinal Ratzinger comme Vice-Doyen du Collège des Cardinaux, élection qui avait été faite par les Cardinaux de l’ordre des évêques. Le 30 novembre 2002, il approuva son élection comme Doyen ; lui conférant en plus, avec cette charge, le titre suburbicaire d’Ostie.
En 1999, il est Envoyé spécial du Pape aux célébrations qui, le 3 janvier, marquent le XIIe centenaire de la création du diocèse de Paderborn, en Allemagne.
Le 13 novembre 2000, il est devenu Académicien honoraire de l’Académie pontificale des Sciences.
Dans la Curie Romaine, il fut membre du Conseil de Cardinaux et Évêques de la Secrétairerie d’État, Section pour les Relations avec les États ; membre des Congrégations suivantes : pour les Églises orientales, pour le Culte divin et la discipline des Sacrements, pour les Évêques, pour l’Évangélisation des Peuples, pour l’Éducation catholique, pour le Clergé et pour les Causes des Saints. Il fut membre du Conseil pontifical pour la Promotion de l’Unité des Chrétiens et membre du Conseil pontifical pour la Culture ; membre du Tribunal de la Signature apostolique ; et aussi des Commissions pontificales pour l’Amérique latine, « Ecclesia Dei », pour l’Interprétation authentique du Code de Droit canonique, et pour la Révision du Code des Canons des Églises orientales.
Parmi ses nombreuses publications, le livre « Introduction au christianisme » occupe une place particulière, il y reprend les cours universitaires publiés en 1968 sur la profession de foi apostolique ; il faut mentionner également « Dogme et révélation » qui est une anthologie d’essais, de prédications et de réflexions sur la pastorale.
Le discours qu’il prononça devant l’Académie catholique de Bavière, sur le thème « Pourquoi est-ce que je continue à vivre malgré tout dans l’Église ? », reçut un large écho : il y affirmait avec son habituelle clarté que « c’est dans l’Église seulement que l’on peut être chrétien et non pas à côté d’elle ».
Au fil des années ses publications abondantes n’ont cessé d’apporter à ceux qui voulaient approfondir la théologie un point de référence sûr. En 1985, il publia le livre-entretien « Rapport sur la foi » et, en 1996, « Le sel de la terre ». Pour son soixante-dixième anniversaire, le livre « À l’école de la vérité » recueillait les réflexions de divers auteurs qui mettaient en lumière les différents aspects de sa personnalité et de son œuvre.
Il a reçu de très nombreux doctorats « honoris causa »: de la part de l’Université Saint-Thomas, à Saint-Paul (Minnesota, USA), en 1984 ; de l’Université catholique de Eichstätt (Allemagne), en 1987 ; de l’Université catholique de Lima (Pérou), en 1986 ; de l’Université catholique de Lublin (Pologne), en 1988 ; de l’Université de Navarre (Pampelune, Espagne), en 1998 ; de l’Université libre Santissima Maria Assunta (LUMSA, Rome), en 1999 ; de la Faculté de théologie de l’Université de Wroclaw (Pologne), en 2000.
Fin du pontificat: 28.II.2013
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VEILLÉE PASCALE EN LA NUIT SAINTE

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

« Après le sabbat, à l’heure où commençait à poindre le premier jour de la semaine, Marie Madeleine et l’autre Marie vinrent pour regarder le sépulcre » (Mt 28, 1). Nous pouvons imaginer ces pas… : le pas typique de celui qui va au cimetière, un pas fatigué de confusion, un pas affaibli de celui qui ne se convainc pas que tout soit fini de cette manière… Nous pouvons imaginer leurs visages pâles, baignés de larmes… Et la question : comment est-ce possible que l’Amour soit mort ?

À la différence des disciples, elles sont là – comme elles ont accompagné le dernier soupir du Maître sur la croix et puis Joseph d’Arimathie pour lui donner une sépulture - ; deux femmes capables de ne pas fuir, capables de résister, d’affronter la vie telle qu’elle se présente et de supporter la saveur amère des injustices. Et les voici, devant le sépulcre, entre la douleur et l’incapacité de se résigner, d’accepter que tout doive finir ainsi pour toujours.

Et si nous faisons un effort d’imagination, dans le visage de ces femmes, nous pouvons trouver les visages de nombreuses mères et grand-mères, le visage d’enfants et de jeunes qui supportent le poids et la douleur de tant d’injustices si inhumaines. Nous voyons reflétés en eux les visages de ceux qui, marchant par la ville, sentent la douleur de la misère, la douleur de l’exploitation et de la traite. En eux, nous voyons aussi les visages de ceux qui font l’expérience du mépris, parce qu’ils sont immigrés, orphelins de patrie, de maison, de famille ; les visages de ceux dont le regard révèle solitude et abandon, parce qu’ils ont les mains trop rugueuses. Elles reflètent le visage de femmes, de mères qui pleurent en voyant que la vie de leurs enfants reste ensevelie sous le poids de la corruption qui prive de droits et brise de nombreuses aspirations, sous l’égoïsme quotidien qui crucifie et ensevelit l’espérance de beaucoup, sous la bureaucratie paralysante et stérile qui ne permet pas que les choses changent. Dans leur douleur, elles ont le visage de tous ceux qui, en marchant par la ville, voient leur dignité crucifiée.

Dans le visage de ces femmes, il y a de nombreux visages, peut-être trouvons-nous ton visage et le mien. Comme elles, nous pouvons nous sentir poussés à marcher, à ne pas nous résigner au fait que les choses doivent finir ainsi. Certes, nous portons en nous une promesse et la certitude de la fidélité de Dieu. Mais aussi nos visages parlent de blessures, parlent de nombreuses infidélités – les nôtres et celles des autres – parlent de tentatives et de batailles perdues. Notre cœur sait que les choses peuvent être autres, mais sans nous en rendre compte, nous pouvons nous habituer à cohabiter avec le sépulcre, à cohabiter avec la frustration. De plus, nous pouvons arriver à nous convaincre que c’est la loi de la vie, en nous anesthésiant grâce à des évasions qui ne font rien d’autre qu’éteindre l’espérance mise par Dieu dans nos mains. Ainsi sont, tant de fois, nos pas, ainsi est notre marche, comme celle de ces femmes, une marche entre le désir de Dieu et une triste résignation. Ce n’est pas uniquement le Maître qui meurt : avec lui meurt notre espérance.

« Et voilà qu’il y eut un grand tremblement de terre » (Mt 28, 2). Subitement, ces femmes ont reçu une forte secousse, quelque chose et quelqu’un a fait trembler la terre sous leurs pieds. Quelqu’un, encore une fois, est venu à leur rencontre pour leur dire : ‘‘N’ayez pas peur’’, mais cette fois-ci en ajoutant : ‘‘Il est ressuscité comme il l’avait dit’’. Et voici l’annonce dont, de génération en génération, cette Nuit nous fait le don : N’ayons pas peur, frères, il est ressuscité comme il avait dit ! La vie arrachée, détruite, annihilée sur la croix s’est réveillée et arrive à frémir de nouveau (Cf. R. Guardini, Il Signore, Milano, 1984, p. 501). Le fait que le Ressuscité frémit s’offre à nous comme un don, comme un cadeau, comme un horizon. Le fait que le Ressuscité frémit est ce qui nous est donné et qu’il nous est demandé de donner à notre tour comme force transformatrice, comme ferment d’une nouvelle humanité. Par la Résurrection, le Christ n’a pas seulement ôté la pierre du sépulcre, mais il veut aussi faire sauter toutes les barrières qui nous enferment dans nos pessimismes stériles, dans nos mondes de calculs conceptuels qui nous éloignent de la vie, dans nos recherches obsessionnelles de sécurité et dans les ambitions démesurées capables de jouer avec la dignité des autres.

Lorsque le Grand Prêtre, les chefs religieux en complicité avec les romains avaient cru pouvoir tout calculer, lorsqu’ils avaient cru que le dernier mot était dit et qu’il leur revenait de le déterminer, Dieu fait irruption pour bouleverser tous les critères et offrir ainsi une nouvelle possibilité. Dieu, encore une fois, vient à notre rencontre pour établir et consolider un temps nouveau, le temps de la miséricorde. C’est la promesse faite depuis toujours, c’est la surprise de Dieu pour son peuple fidèle : réjouis-toi, car ta vie cache un germe de résurrection, un don de vie qui attend d’être réveillé.

Et voici ce que cette nuit nous appelle à annoncer : le frémissement du Ressuscité, Christ est vivant ! Et c’est ce qui a changé le pas de Marie Madeleine et de l’autre Marie : c’est ce qui les fait repartir en hâte et les fait courir pour apporter la nouvelle (cf. Mt 28, 8) ; c’est ce qui les fait revenir sur leurs pas et sur leurs regards ; elles retournent en ville pour rencontrer les autres.

Comme avec elles, nous sommes entrés dans le sépulcre, ainsi avec elles, je vous invite à aller, à revenir en ville, à revenir sur nos propres pas, sur nos regards. Allons avec elles annoncer la nouvelle, allons… Partout où il semble que le tombeau a eu le dernier mot et où il semble que la mort a été l’unique solution. Allons annoncer, partager, révéler que c’est vrai : le Seigneur est vivant. Il est vivant et veut ressusciter dans beaucoup de visages qui ont enseveli l’espérance, ont enseveli les rêves, ont enseveli la dignité. Et si nous ne sommes pas capables de laisser l’Esprit nous conduire par ce chemin, alors nous ne sommes pas chrétiens.

Allons et laissons-nous surprendre par cette aube différente, laissons-nous surprendre par la nouveauté que seul le Christ peut offrir. Laissons sa tendresse et son amour guider nos pas, laissons le battement de son cœur transformer notre faible frémissement.

Basilique vaticane
Samedi saint, 15 avril 2017

(Vatican Radio)

CÉLÉBRATION DU DIMANCHE DES RAMEAUX ET DE LA PASSION DU SEIGNEUR

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Cette célébration a comme une double saveur, douce et amère ; elle est joyeuse et douloureuse, car nous y célébrons le Seigneur qui entre dans Jérusalem et qui est acclamé par ses disciples en tant que roi. Et en même temps, le récit évangélique de sa passion est solennellement proclamé. C’est pourquoi notre cœur sent le contraste poignant et éprouve dans une moindre mesure ce qu’a dû sentir Jésus dans son cœur en ce jour, jour où il s’est réjoui avec ses amis et a pleuré sur Jérusalem.

Depuis 32 ans, la dimension joyeuse de ce dimanche a été enrichie par la fête des jeunes : les Journées Mondiales de la Jeunesse, qui sont célébrées cette année au niveau diocésain, mais qui sur cette Place connaîtront sous peu un moment toujours émouvant, d’horizons ouverts, avec le remise de la Croix par les jeunes de Cracovie à ceux du Panama.

L’Évangile proclamé avant la procession (cf. Mt 21, 1-11) décrit Jésus qui descend du mont des Oliviers monté sur un ânon, sur lequel personne n’est jamais monté. Cet Évangile met en exergue l’enthousiasme des disciples, qui accompagnent le Maître par de joyeuses acclamations et on peut vraisemblablement imaginer comment cet enthousiasme a gagné les enfants et les jeunes de la ville, qui se sont unis au cortège par leurs cris. Jésus lui-même reconnaît dans cet accueil joyeux une force imparable voulue par Dieu, et il répond aux pharisiens scandalisés : « Je vous le dis, si eux se taisent, les pierres crieront » (Lc 19, 40).

Mais ce Jésus, qui selon les Écritures, entre justement ainsi dans la ville sainte, n’est pas un naïf qui sème des illusions, un prophète ‘‘new age’’, un vendeur d’illusions, loin de là : il est un Messie bien déterminé, avec la physionomie concrète du serviteur, le serviteur de Dieu et de l’homme qui va vers la passion ; c’est le grand Patient de la douleur humaine.

Donc, tandis que nous aussi, nous fêtons notre Roi, pensons aux souffrances qu’il devra subir au cours de cette Semaine. Pensons aux calomnies, aux outrages, aux pièges, aux trahisons, à l’abandon, à la justice inique, aux parcours, aux flagellations, à la couronne d’épines…, et enfin à la via crucis jusqu’à la crucifixion.

Il l’avait clairement dit à ses disciples : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive « (Mt 16, 24). Il n’a jamais promis honneurs et succès. Les Évangiles sont clairs. Il a toujours prévenu ses amis que sa route était celle-là, et que la victoire finale passerait par la passion et la croix. Et cela vaut pour nous également. Pour suivre fidèlement Jésus, demandons la grâce de le faire non pas par les paroles mais dans les faits, et d’avoir la patience de supporter notre croix : de ne pas la rejeter, de ne pas la jeter, mais en regardant Jésus, de l’accepter et de la porter, jour après jour.

Et ce Jésus, qui accepte d’être ovationné tout en sachant bien que le ‘‘crucifie-[le]’’ l’attend, ne nous demande pas de le contempler uniquement dans les tableaux ou sur les photographies, ou bien dans les vidéos qui circulent sur le réseau. Non ! Il est présent dans beaucoup de nos frères et sœurs qui aujourd’hui, aujourd’hui connaissent les souffrances comme lui : ils souffrent du travail d’esclaves, ils souffrent de drames familiaux, de maladies… Ils souffrent à cause des guerres et du terrorisme, à cause des intérêts qui font mouvoir les armes et qui les font frapper. Hommes et femmes trompés, violés dans leur dignité, rejetés… Jésus est en eux, en chacun d’eux, et avec ce visage défiguré, avec cette voix cassée, il demande à être regardé, à être reconnu, à être aimé.
Ce n’est pas un autre Jésus : c’est le même qui est entré à Jérusalem au milieu des rameaux de palmiers et d’oliviers agités. C’est le même qui a été cloué à la croix et est mort entre deux malfaiteurs. Nous n’avons pas un autre Seigneur en dehors de lui : Jésus, humble Roi de justice, de miséricorde et de paix.

Place Saint-Pierre
XXXIIe Journée mondiale de la Jeunesse
Dimanche 9 avril 2017

(Vatican Radio)

PÈLERINAGE DU PAPE FRANÇOIS AU SANCTUAIRE DE NOTRE-DAME DE FATIMA

À l'occasion du centenaire des Apparitions de la Bienheureuse Vierge Marie à la Cova da Iria.

12-13 MAI 2017

Vendredi 12 mai 2017

14h Départ en avion de l’Aéroport de Rome/Fiumicino pour Monte Real
16h20 Arrivée à la base aérienne de Monte Real
Cérémonie de bienvenue
16h35 Rencontre privée avec le Président de la République à la base aérienne de Monte Real
16h55 Visite à la chapelle de la base aérienne
17h15 Transfert en hélicoptère au stade de Fatima
17h35 Arrivée au stade de Fatima et transfert en voiture ouverte au Sanctuaire

18h15
Visite à la Petite chapelle des Apparitions

21h30 Bénédiction des cierges dans la Petite chapelle des Apparitions
Récitation du chapelet



Samedi 13 mai 2017

9h10 Rencontre avec le Premier ministre dans la maison « Nossa Senhora do Carmo »
9h40 Visite à la basilique Nossa Senhora do Rosário de Fátima
10h Messe sur le parvis du Sanctuaire

Salut du Saint-Père aux malades
12h30 Déjeuner avec les évêques portugais dans la maison « Nossa Senhora do Carmo »
14h45 Cérémonie de congé à la base aérienne de Monte Real
15h Départ en avion de la base aérienne de Monte Real pour Rome
19h05 Arrivée à l'aéroport de Rome/Ciampino

__________________

fuseau horaire

Rome : +2h UTC
Monte Real : +1h UTC
Fatima : +1h UTC

(Vatican Radio)

RISQUE D’EFFONDREMENT DE LA BASILIQUE DU SAINT SÉPULCRE SELON DES EXPERTS

La Basilique du Saint Sépulcre risque de s’effondrer si ne devaient pas être réalisées des interventions ad hoc visant à consolider ses fondations instables. L’alarme arrive de l’équipe d’archéologues et d’experts qui vient de porter à terme avec succès la restauration de l’Edicule – la structure qui, à l’intérieur du Sanctuaire, renferme les restes d’une grotte vénérée au moins depuis le IV° siècle comme la tombe de Jésus. L’ensemble du complexe du Saint Sépulcre – a déclaré au National Geographic l’archéologue grecque Antonia Moropoulou, enseignante à la National Technical University d’Athènes et coordinateur scientifique du projet de restauration à peine achevé – pourrait être menacé par « un significatif affaissement structurel ». Si cette hypothèse devait se vérifier – a ajouté l’archéologue grecque – « il ne s’agirait pas d’un processus lent mais catastrophique ».
Les hypothèses alarmantes ont pris corps au cours des études et sondages conduits au Saint Sépulcre par l’équipe d’experts chargée de la restauration de l’Edicule. Au terme des travaux, les recherches accomplies par cette équipe, et reprises par le National Geographic, ont mis en évidence que l’ensemble du complexe, dont la dernière restructuration remonte au XIX° siècle, semble être en grande partie construit sur une base instable de restes chancelants de structures précédentes avec un sous-sol traversé par des galeries et des canaux.Le Sanctuaire réalisé à la demande de l’Empereur Constantin, construit sur les restes d’un précédent temple romain autour de ce qui était vénéré comme la tombe de Jésus, avait été partiellement détruit par les envahisseurs perses au VI° siècle puis par les fatimides en 1009. L’église fut reconstruite à la moitié du XI° siècle.
Les détails techniques du dossier, recueillis notamment grâce à la mise en œuvre d’un géo-radar et de caméras robotisées, décrivent une situation alarmante concernant la stabilité du Lieu Saint visité chaque année par des millions de pèlerins et de touristes. Nombre des piliers de 22 tonnes qui soutiennent la coupole se trouvent être posés sur 1,2 mètres de ruines non consolidées.Les restaurations à peine conclues autour de l’Edicule et célébrées le 22 mars dans le cadre d’une cérémonie œcuménique – à laquelle a notamment participé le Patriarche œcuménique de Constantinople, Bartholomé I – ont vu la coopération des trois Eglises qui partagent la responsabilité de la Basilique – l’Eglise catholique au travers de la Custodie franciscaine de Terre Sainte, le Patriarcat grec orthodoxe de Jérusalem et le Patriarcat arménien de Jérusalem.
Au début des travaux, le coût du projet était estimé à quelques 3,3 millions d’USD. Ont également contribué au financement des travaux tant le Roi de Jordanie, Abdallah II, qui a fait parvenir une bienfaisance royale en avril 2016, que le Président palestinien, Mahmud Abbas, au travers d’une « contribution personnelle » rendue publique en octobre dernier .Maintenant, l’équipe grecque qui, après la fin des travaux sur l’Edicule, avait lancé l’alarme sur les conditions structurelles de faiblesse de l’ensemble du complexe, estime à 6 millions d’€uros au moins le montant des travaux nécessaires à la mise en sécurité de la Basilique. Le 18 mars, un communiqué de la Custodie de Terre Sainte a indiqué que le Saint-Siège a mis à disposition 500.000 USD comme contribution à la nouvelle phase des travaux de consolidation et de restauration à lancer au Saint Sépulcre, sachant que ladite contribution « sera affectée après que les communautés titulaires du Statu Quo aient constitué, d’un commun accord, un Comité ad hoc ».

(Vatican Radio)

INCENDIE CRIMINEL DANS LA CHAPELLE DE L’ASCENSION SUR LE MONT DES OLIVIERS

Le 8 mars, un incendie criminel a endommagé la chapelle de l’Ascension sise au sommet du Mont des Oliviers. Selon ce qu’indique les moyens de communication de la Custodie de Terre Sainte, un pneumatique a été incendié près de la roche – conservée à l’intérieur de la chapelle – d’où, selon une tradition remontant aux premiers siècles de l’ère chrétienne, Jésus est monté aux cieux. Une armoire contenant des cartes postales et des objets religieux mis en vente par une famille musulmane gardant le lieu sacré a également été endommagée par les flammes. Selon la police, une dispute entre deux familles impliquées dans la garde du lieu saint serait à l’origine de l’incendie. Une personne a été arrêtée pour être interrogée.
La chapelle de l’Ascension constitue l’un des quatre Lieux Saints partagés, gérés selon les règles définies par le Status Quo, ensemble de dispositions d’origine ottomane réglementant les droits de propriété et d’accès à ces Lieux. Des quatre Lieux Saints partagés – les trois autres étant la Basilique du Saint Sépulcre à Jérusalem, celle de la Nativité à Bethléem et la Tombe de la Vierge dans la vallée du Cédron – la chapelle de l’Ascension est la seule à se trouver sous la juridiction de l’autorité musulmane des Lieux Saints.La chapelle actuelle remonte à la période croisée et a été construite pour remplacer un précédent édifice détruit en 614 par les Perses.

(Vatican Radio)

ANGÉLUS, 26 FÉVRIER 2017

PAPE FRANÇOIS ,ANGÉLUS

La page évangélique d’aujourd’hui (cf. Mt 6, 24-34) est un puissant rappel à faire confiance à Dieu — ne pas oublier: faire confiance à Dieu — qui prend soin des êtres vivants dans la création. Il nourrit tous les animaux, se préoccupe des lys et de l’herbe des champs (cf. vv. 26-28); son regard bénéfique et attentionné veille quotidiennement sur notre vie. Celle-ci s’écoule assaillie par de nombreuses préoccupations, qui risquent d’ôter sérénité et équilibre; mais cette angoisse est souvent inutile, parce qu’elle ne parvient pas à changer le cours des événements. Jésus nous exhorte avec insistance à ne pas nous préoccuper du lendemain (cf. vv. 25.28.31), en rappelant qu’au-dessus de tout, il y a un Père aimant qui n’oublie jamais ses enfants: lui faire confiance ne résout pas par magie les problèmes, mais permet de les affronter avec l’esprit juste, courageusement, je suis courageux parce que j’ai confiance en mon Père qui prend soin de tout et qui m’aime tant.

Dieu n’est pas un être lointain et anonyme: il est notre refuge, la source de notre sérénité et de notre paix. Il est le roc de notre salut, auquel nous pouvons nous agripper dans la certitude de ne pas tomber; celui qui s’agrippe à Dieu ne tombe jamais! Il est notre défense contre le mal toujours aux aguets. Dieu est pour nous le grand ami, l’allié, le père, mais nous ne nous en rendons pas toujours compte. Nous ne nous rendons pas compte que nous avons un ami, un allié, un père qui nous aime. Et nous préférons nous appuyer sur des biens immédiats, que nous pouvons toucher, sur des biens contingents, en oubliant, et parfois en refusant, le bien suprême, c’est-à-dire l’amour paternel de Dieu. Le sentir Père, en cette époque où il y a tant d’orphelins est si important! Dans ce monde orphelin, le sentir comme Père. Nous nous éloignons de l’amour de Dieu quand nous allons à la recherche obsessive des biens terrestres et des richesses, en faisant ainsi preuve d’un amour exagéré envers ces réalités.

Jésus nous dit que cette recherche fébrile est illusoire et motif de tristesse. Et il donne à ses disciples une règle de vie fondamentale: «Cherchez d’abord le royaume de Dieu» (v. 33). Il s’agit de réaliser le projet que Jésus a annoncé dans le Discours sur la montagne, en se fiant à Dieu qui ne déçoit pas — tant d’amis ou tant de personnes que nous pensions être nos amis nous ont déçus; Dieu ne déçoit jamais! —; se prodiguer en tant qu’administrateurs fidèles des biens qu’Il nous a donnés, y compris les biens terrestres, mais sans «en faire trop» comme si tout, y compris notre salut, dépendait seulement de nous. Cette attitude évangélique exige un choix clair, que le passage du jour indique avec précision: «Vous ne pouvez servir Dieu et l’argent» (v. 24). Soit le Seigneur, soit les idoles fascinantes, mais illusoires. Ce choix que nous sommes appelés à accomplir se répercute ensuite sur nombre de nos actes, programmes et engagements. C’est un choix à faire de façon nette et à renouveler constamment, parce que les tentations de tout réduire à l’argent, au plaisir et au pouvoir, sont menaçantes. Il y a tant de tentations à ce sujet.

Tandis qu’honorer ces idoles conduit à des résultats tangibles, bien que fugaces, faire des choix pour Dieu et son Royaume ne donne pas toujours des fruits immédiats. C’est une décision qui se prend dans l’espérance et qui laisse à Dieu la pleine réalisation. L’espérance chrétienne vise à l’accomplissement futur de la promesse de Dieu et ne s’arrête devant aucune difficulté, parce qu’elle est fondée sur la fidélité de Dieu, qui ne faillit jamais. Il est fidèle, c’est un père fidèle, c’est un ami fidèle, c’est un allié fidèle.

Que la Vierge Marie nous aide à nous confier à l’amour et à la bonté du Père céleste, à vivre en Lui et avec Lui. C’est le présupposé pour surmonter les tourments et les adversités de la vie, ainsi que les persécutions, comme nous le montre le témoignage d’un grand nombre de nos frères et sœurs.

Place Saint-Pierre
Dimanche 26 février 2017

(Vatican Radio)

FIN DES TRAVAUX À L’ÉDICULE DU SAINT SÉPULCRE AVANT PÂQUES

Après neuf mois de travaux, le chantier relatif à l’édicule du Saint Sépulcre, à Jérusalem, est sur le point de s’achever. Les moyens de communication liés à la Custodie franciscaine de Terre Sainte indiquent que les échafaudages ont été démontés et que le harnais de poutres d’acier mis en place en 1947 au cours du Mandat britannique pour soutenir la structure architecturale mise à mal par le séisme de 1927, a été retiré.
Une célébration œcuménique, prévue pour le 22 mars, marquera la fin de la restauration. Selon l’équipe grecque qui l’a effectuée, dix mois supplémentaires et 6 millions d’€uros de crédits seront encore nécessaires pour intervenir sur les causes qui fragilisent l’ensemble de la construction du Saint Sépulcre, en particulier l’humidité.Les travaux de restauration de l’édicule du Saint Sépulcre avaient débuté au printemps dernier. Antonia Moropoulou, enseignante à la National Technical University d’Athènes, coordinateur scientifique du projet avait expliqué au début des travaux que la structure de l’édicule était stable mais avait besoin d’interventions urgentes de requalification, après des années d’exposition à des facteurs environnementaux tels que l’eau, l’humidité et la fumée des cierges. En outre, un système non invasif du harnais de poutres en acier doit être trouvé pour mettre l’édicule en sécurité contre les risques d’éventuelles secousses sismiques. Au début des travaux, le projet avait un coût prévu de quelques 3,3 millions d’USD, soutenu par l’Eglise catholique – au travers de la Custodie de Terre Sainte – par l’Eglise grecque orthodoxe et par l’Eglise arménienne apostolique. En avril 2016, le Roi de Jordanie, Abdallah II, avait fait parvenir une consistante donation personnelle en faveur du projet sous forme de bienfaisance royale. En octobre dernier, le Président palestinien, Mahmud Abbas, avait lui aussi offert à titre de contribution personnelle une donation visant à soutenir les travaux de restauration de l’édicule du Saint Sépulcre . Récemment , l’Ambassadeur de l’Etat de Palestine près le Saint-Siège, Issa Amil Kassissieh, a confirmé à l’Agence Fides que le Saint-Siège offrira une donation substantielle pour contribuer aux travaux de restauration en cours tant près la Basilique du Saint Sépulcre que près celle de la Nativité, à Bethléem.

(Vatican Radio)

MESSE, BÉNÉDICTION ET IMPOSITION DES CENDRES

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

« Revenez à moi de tout votre cœur, […] revenez au Seigneur votre Dieu » (Jl 2, 12.13) : c’est le cri par lequel le prophète Joël s’adresse au peuple au nom du Seigneur ; personne ne pouvait se sentir exclu : « Rassemblez les anciens, réunissez petits enfants et nourrissons ; […] le jeune époux […] et la jeune mariée » (v. 16). Tout le peuple fidèle est convoqué pour se mettre en chemin et adorer son Dieu, « car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour » (v. 13).

Nous voulons nous aussi nous faire l’écho de cet appel, nous voulons revenir au cœur miséricordieux du Père. En ce temps de grâce que nous commençons aujourd’hui, fixons une fois encore notre regard sur sa miséricorde. La Carême est un chemin : il nous conduit à la victoire de la miséricorde sur tout ce qui cherche à nous écraser ou à nous réduire à quelque chose qui ne convient pas à la dignité des fils de Dieu. Le Carême est la route de l’esclavage à la liberté, de la souffrance à la joie, de la mort à la vie. Le geste des cendres par lequel nous nous mettons en chemin nous rappelle notre condition d’origine : nous avons été tirés de la terre, nous sommes faits de poussière. Oui, mais poussière dans les mains amoureuses de Dieu qui souffle son Esprit de vie sur chacun de nous et veut continuer à le faire ; il veut continuer à nous donner ce souffle de vie qui nous sauve des autres types de souffle : l’asphyxie étouffante provoquée par nos égoïsmes, asphyxie étouffante générée par des ambitions mesquines et des indifférences silencieuses ; asphyxie qui étouffe l’esprit, réduit l’horizon et anesthésie les battements du cœur. Le souffle de la vie de Dieu nous sauve de cette asphyxie qui éteint notre foi, refroidit notre charité et détruit notre espérance. Vivre le Carême c’est désirer ardemment ce souffle de vie que notre Père ne cesse de nous offrir dans la fange de notre histoire.

Le souffle de la vie de Dieu nous libère de cette asphyxie dont, souvent nous ne sommes pas conscients, et que nous sommes même habitués à « normaliser », même si ses effets se font sentir ; cela nous semble « normal » car nous sommes habitués à respirer un air où l’espérance est raréfiée, un air de tristesse et de résignation, un air étouffant de panique et d’hostilité.

Le Carême est le temps pour dire non. Non à l’asphyxie de l’esprit par la pollution causée par l’indifférence, par la négligence à penser que la vie de l’autre ne me regarde pas, par toute tentative de banaliser la vie, spécialement celle de ceux qui portent dans leur chair le poids de tant de superficialité. Le Carême veut dire non à la pollution intoxicante des paroles vides et qui n’ont pas de sens, de la critique grossière et rapide, des analyses simplistes qui ne réussissent pas à embrasser la complexité des problèmes humains, spécialement les problèmes de tous ceux qui souffrent le plus. Le Carême est le temps pour dire non ; non à l’asphyxie d’une prière qui nous tranquillise la conscience, d’une aumône qui nous rend satisfaits, d’un jeûne qui nous fait nous sentir bien. Le Carême est le temps pour dire non à l’asphyxie qui nait des intimismes qui excluent, qui veulent arriver à Dieu en esquivant les plaies du Christ présentes dans les plaies des frères : ces spiritualités qui réduisent la foi à une culture de ghetto et d’exclusion.

Le Carême est le temps de la mémoire, c’est le temps pour penser et nous demander : qu’en serait-il de nous si Dieu nous avait fermé la porte. Qu’en serait-il de nous sans sa miséricorde qui ne s’est pas lassée de pardonner et qui nous a toujours donné l’occasion de recommencer à nouveau ? Le Carême est le temps pour nous demander : où serions-nous sans l’aide de tant de visages silencieux qui, de mille manières, nous ont tendu la main et qui, par des gestes très concrets, nous ont redonné l’espérance et nous ont aidé à recommencer ?

Le Carême est le temps pour recommencer à respirer, c’est le temps pour ouvrir le cœur au souffle de l’Unique capable de transformer notre poussière en humanité. Il n’est pas le temps pour déchirer nos vêtements face au mal qui nous entoure, mais plutôt pour faire de la place dans notre vie à tout le bien que nous pouvons faire, nous dépouillant de tout ce qui nous isole, nous ferme et nous paralyse. Le Carême est le temps de la compassion pour dire avec le psalmiste : « Rends-moi la joie d’être sauvé, que l’esprit généreux me soutienne », pour que par notre vie nous proclamions ta louange (cf. Ps 51, 14), et pour que notre poussière – par la force de ton souffle de vie – se transforme en « poussière aimée ».

Basilique Sainte-Sabine
Mercredi 1er mars 2017

(Vatican Radio)

APPEL DU PAPE EN FAVEUR DE CEUX QUI SOUFFRENT À CAUSE DE LA VIOLENCE AU CONGO, AU PAKISTAN ET EN IRAK

Au terme de la prière mariale de l’Angelus, récitée avec les fidèles réunis place Saint-Pierre, hier, Dimanche 19 février, le Saint-Père François a invité à prier pour les populations qui souffrent à cause de la violence dans différentes parties du monde en ces termes: « Nous continuons malheureusement à apprendre des nouvelles d’affrontements violents et brutaux dans la région du Kasai central, en République démocratique du Congo. Je ressens une forte douleur pour les victimes, en particulier pour les nombreux enfants arrachés à leurs familles et à l’école pour être utilisés comme soldats. Les enfants soldats constituent une tragédie. J’assure de ma proximité et de ma prière également le personnel religieux et humanitaire qui œuvre dans cette région difficile et je renouvelle un appel éploré à la conscience et à la responsabilité des Autorités nationales et de la Communauté internationale, afin que soient prises des décisions adéquates et rapides pour secourir ses frères et sœurs.
Prions pour eux et pour toutes les populations qui, dans d’autres parties du Continent africain et du monde, souffrent à cause de la violence et de la guerre. Je pense, en particulier, aux chères populations du Pakistan et de l’Irak, frappées par de cruels actes de terrorisme ces jours derniers. Prions pour les victimes, les blessés et leurs familles. Prions ardemment afin que tout cœur endurci par la haine se convertisse à la paix selon la volonté de Dieu ».
(Vatican Radio)

OPÉRATEURS PASTORAUX TUÉS AU COURS DE L’ANNÉE 2016

Selon les informations recueillies par l’Agence Fides, au cours de l’année 2016, 28 opérateurs pastoraux ont été tués de par le monde. Pour la huitième année consécutive, le plus fort nombre d’opérateurs pastoraux tués est enregistré en Amérique, alors que le nombre des religieuses tuées, qui est cette année de 9, soit plus du double par rapport à 2015, augmente de manière dramatique.
Selon les informations recueillies par l’Agence Fides, en 2016, sont morts de manière violente 14 prêtres, 9 religieuses, 1 séminariste et 4 laïcs. Selon la répartition par continent, en Amérique ont été tués 12 opérateurs pastoraux – 3 prêtres, 2 religieuses, 1 séminariste et 2 laïcs; en Afrique, ont été tués 8 opérateurs pastoraux – 3 prêtres, 2 religieuses, 1 séminariste et 2 laïcs ; en Asie, ce sont 7 opérateurs pastoraux qui ont été tués – 1 prêtre, 4 religieuses et 2 laïcs alors qu’en Europe, a été tué 1 prêtre.
Comme cela est le cas depuis ces dernières années, la majeure partie des opérateurs pastoraux tués a trouvé la mort suite à des vols ou à des cambriolages, perpétrés par ailleurs avec férocité, dans des contextes marqués par la dégradation morale, la pauvreté économique et culturelle, la violence comme règle de comportement, le manque de respect pour les droits fondamentaux et pour la vie elle-même.
Dans ces situations, similaires sous toutes les latitudes, les prêtres, les religieuses et les laïcs tués étaient parmi ceux qui dénonçaient à haute voix les injustices, les discriminations, la corruption, la pauvreté au nom de l’Evangile. Ainsi ont-ils payé, comme le Père José Luis Sánchez Ruiz, du Diocèse de San Andres Tuxtla (Veracruz, Mexique), enlevé puis relâché avec « des signes évidents de torture », selon le communiqué du Diocèse. Au cours des jours ayant précédé l’enlèvement, il avait reçu des menaces, assurément pour ses dures critiques à l’encontre de la corruption et de la vague de criminalité. Ainsi que l’a rappelé le Pape François en la fête du premier martyr, Saint Etienne, « le monde haït les chrétiens pour la même raison pour laquelle il a haï Jésus, à savoir parce qu’Il a porté la lumière de Dieu et que le monde préfère les ténèbres pour cacher ses œuvres mauvaises » (Angelus du 26/12/2016).
Tous vivaient leur témoignage de foi dans la normalité de la vie quotidienne: en administrant les sacrements, en aidant les pauvres et les plus humbles, en prenant soin des orphelins, des toxicomanes, des anciens détenus, en suivant des projets de promotion humaine de développement ou simplement en se rendant disponibles à quiconque est dans le besoin. Certains ont été tués par les personnes mêmes qu’ils aidaient. Difficilement, les enquêtes menées par les autorités locales portent à l’identification des exécuteurs et des mandants de ces homicides ou leurs motivations.
Le sort d’autres opérateurs pastoraux enlevés ou portés disparus, dont on est sans nouvelles certaines depuis longtemps, est source de préoccupation.
La liste annuelle établie par Fides, sans doute incomplète, ne concerne pas seulement les missionnaires ad gentes au sens strict mais tous les opérateurs pastoraux morts de façon violente. Nous n’utilisons pas de fait le terme « martyre », sauf dans son sens étymologique de « témoin », pour ne pas devancer le jugement que l’Église pourra éventuellement donner à certains d’entre eux, mais aussi à cause de la pauvreté des informations que, dans la majorité des cas, il est possible de recueillir sur leur vie et sur les circonstances mêmes de leur mort.
Aux listes provisoires établies annuellement par l'Agence Fides, doit toujours s'ajouter la longue liste de ceux dont nous n'aurons jamais connaissance ou dont on ne connaîtra pas même le nom qui, dans tous les coins du monde, souffrent et paient de leur vie leur foi en Jésus Christ. Le Pape François nous rappelle souvent que « aujourd’hui, il existe plus de chrétiens assassinés, torturés, emprisonnés, égorgés parce qu’ils ne renient pas Jésus Christ »… « les martyrs d’aujourd’hui sont en nombre supérieur par rapport à ceux des premiers siècles ».

(Agence Fides 30/12/2016)

ANGÉLUS, 5 FÉVRIER 2017

PAPE FRANÇOIS, ANGÉLUS

Chers frères et sœurs, bonjour!

Au cours de ces dimanches, la liturgie propose ce que l’on appelle le Discours sur la montagne, dans l’Evangile de Matthieu. Après avoir présenté les Béatitudes dimanche dernier, aujourd’hui il met l’accent sur les paroles de Jésus décrivant la mission de ses disciples dans le monde (cf. Mt 5, 13-16). Il utilise les métaphores du sel et de la lumière et ses paroles s’adressent aux disciples de toutes les époques, et donc à nous aussi.

Jésus nous invite à être un reflet de sa lumière, à travers le témoignage des bonnes œuvres. Et il dit: «Ainsi votre lumière doit-elle briller devant les hommes afin qu’ils voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux» (Mt 5, 16). Ces paroles soulignent que nous sommes reconnaissables comme véritables disciples de Celui qui est la Lumière du monde, non pas dans les paroles, mais dans nos œuvres. En effet, c’est avant tout notre comportement — dans le bien ou dans le mal — qui laisse une trace chez les autres. Nous avons donc un devoir et une responsabilité pour le don reçu: nous ne devons pas garder la lumière de la foi, qui est en nous au moyen du Christ et de l’action du Saint-Esprit, comme si elle était notre propriété. Au contraire, nous sommes appelés à la faire resplendir dans le monde, à la donner aux autres à travers les œuvres bonnes. Combien le monde a besoin de la lumière de l’Evangile qui transforme, guérit et garantit le salut à ceux qui l’accueillent! Nous devons apporter cette lumière à travers nos bonnes œuvres.

En se donnant, la lumière de notre foi ne s’éteint pas, mais se renforce. Elle peut au contraire disparaître, si nous ne l’alimentons pas à travers l’amour et les œuvres de charité. Ainsi, l’image de la lumière rencontre celle du sel. La page évangélique nous dit en effet qu’en tant que disciples du Christ, nous sommes également «le sel de la terre» (v. 13). Le sel est un élément qui, tout en donnant de la saveur, préserve les aliments de l’altération et de la corruption — à l’époque de Jésus, il n’y avait pas de réfrigérateurs! —. Par conséquent, la mission des chrétiens dans la société est de donner de la «saveur» à la vie avec la foi et l’amour que le Christ nous a donnés, et dans le même temps, de tenir éloignés les germes polluants de l’égoïsme, de l’envie, de la médisance et ainsi de suite. Ces germes abîment le tissu de nos communautés, qui doivent au contraire resplendir comme des lieux d’accueil, de solidarité, de réconciliation. Pour remplir cette mission, il faut que nous soyons nous-mêmes les premiers libérés de la dégénérescence corruptrice des influences mondaines, contraires au Christ et à l’Evangile; et cette purification ne finit jamais, elle doit se faire continuellement, elle doit se faire tous les jours!

Chacun de nous est appelé à être lumière et sel dans son cadre de vie quotidien, persévérant dans la tâche de régénérer la réalité humaine dans l’esprit de l’Evangile et dans la perspective du Royaume de Dieu. Que la protection de Marie, première disciple de Jésus, et modèle des croyants qui vivent leur vocation et leur mission chaque jour dans l’histoire; nous vienne toujours en aide. Que notre Mère nous aide à nous laisser toujours purifier et illuminer par le Seigneur, pour devenir à notre tour «sel de la terre» et «lumière du monde».

Place Saint-Pierre
Dimanche 5 février 2017

(Vatican Radio)

RETOUR DE FAMILLES CHRÉTIENNES À MOSSOUL

Dans les quartiers est de Mossoul récemment repris par l’armée irakienne aux milices du prétendu « Etat islamique », les premières familles chrétiennes commencent à revenir. Selon ce qu’indique le site Internet ankawa.com, au moins trois familles arméniennes sont déjà revenues dans leurs maisons, au sein de zones urbaines à peine libérées des djihadistes et ce malgré une situation générale d’insécurité qui continue à peser sur la ville dans son ensemble. Ces jours derniers, les zones libérées ont également été le théâtre d’attentats suicides ayant fait au moins 9 morts parmi les civils.
Les djihadistes du prétendu « Etat islamique » avaient pris le contrôle de Mossoul le 9 juin 2014. Au cours des semaines suivantes, tous les chrétiens présents dans la ville avaient abandonné leurs maisons – nombre desquelles étaient immédiatement expropriées par les djihadistes – pour chercher refuge d’abord dans les villages de la plaine de Ninive puis à Kirkuk et surtout à Erbil et dans les villages du Kurdistan irakien. Les 10 derniers chrétiens âgés, raflés dans les villages de la plaine de Ninive et transférés à Mossoul au second semestre 2014, avaient été expulsés par les djihadistes le 7 janvier 2015, après qu’ils aient refusé d’apostasier. Le groupe de personnes âgées, dont certaines présentaient de graves problèmes de santé, avait été accueilli à Kirkuk après avoir passé deux jours au froid dans le no man’s land se trouvant entre les villages occupés par les milices du prétendu « Etat islamique » et la zone contrôlée par les milices kurdes.

(Vatican Radio)

L’EGLISE PROCHE DU MONDE DE LA SOUFFRANCE

« Samedi prochain, 11 février, mémoire de Notre-Dame de Lourdes, aura lieu la 25ème Journée mondiale du Malade – a rappelé le Pape François au terme de l’Audience générale du mercredi 8 février. La célébration principale aura lieu à Lourdes et sera célébrée par le Cardinal Secrétaire d’Etat. J’invite à prier, par l’intercession de notre Sainte Mère, pour tous les malades, en particulier les plus graves et les plus seuls ainsi que pour tous ceux qui en prennent soin ».
Une grande partie des structures sanitaires, des petits dispensaires aux grands hôpitaux, en passant par les centres d’accueil en tout genre répartis de par le monde, est gérée par des institutions catholiques comptant sur l’engagement, le professionnalisme et la charité chrétienne de missionnaires, de bénévoles et de laïcs qui se prodiguent souvent au milieu de mille difficultés, assurant surtout l’assistance sanitaire et humaine aux strates sociales les plus défavorisées. Nombreux sont les ordres religieux se dédiant de par le monde à la santé. Pour certains – comme les Camilliens-Ministres des Infirmes, les Fatebenefratelli etc. – l’engagement sanitaire représente leur vocation spécifique alors que pour d’autre il constitue ou a constitué par le passé l’un des domaines de leur action missionnaire comme dans le cas des Xavériens, des Filles du Divin Zèle, des Comboniennes, des Missionnaires de la Consolata….Selon le dernier Annuaire statistique de l’Eglise, les instituts d’assistance gérés de par le monde par l’Eglise, en grande partie dans les territoires de mission, comprennent: 5.153 hôpitaux avec une présence plus importante en Amérique, en Afrique et en Asie suivies par l’Europe et l’Océanie; 16.523 dispensaires, la majeure partie en Afrique, en Amérique et en Asie; 612 léproseries réparties principalement en Asie et en Afrique. A ceux-ci viennent s’ajouter 15.679 maisons de retraite, de long séjour et pour personnes handicapées dont la majeure partie en Europe suivie par l’Amérique, l’Asie, l’Afrique et l’Océanie.

(Radio Vaticana)

APPEL DU PAPE À COMBATTRE AVEC DÉCISION LA PLAIE CONSTITUÉE PAR LE TRAFIC DE PERSONNES

Au terme de l’Audience générale de ce jour, le Saint-Père François a lancé un appel contre la plaie constituée par le trafic d’êtres humains en ces termes : « Aujourd’hui est célébrée la Journée de prière et de réflexion contre le trafic de personnes, dédiée cette année en particulier aux enfants et adolescents. J’encourage tous ceux qui, de différentes manières, aident les mineurs réduits en esclavage et victimes d’abus à se libérer de cette oppression. Je souhaite que ceux qui ont des responsabilités de gouvernement combattent avec décision cette plaie, en donnant une voix à nos frères les plus petits, humiliés dans leur dignité. Il faut faire tout ce qui est possible pour anéantir ce crime honteux et intolérable ».
Le Pape a également rappelé que la Journée est célébrée aujourd’hui, 8 février, en la mémoire de Sainte Joséphine Bakhita : « Cette jeune esclave en Afrique, exploitée, humiliée, n’a pas perdu l’espérance et a vécu sa foi, finissant par arriver comme migrante en Europe. Là, elle ressentit l’appel du Seigneur et se fit religieuse. Prions Sainte Joséphine Bakhita pour tous les migrants, les réfugiés, les exploités qui souffrent tant ».Le Pape a continué : « En parlant de migrants chassés, exploités, je voudrais prier avec vous, aujourd’hui, d’une manière spéciale pour nos frères et sœurs Rohinyas : chassés du Myanmar, ils vont de part et d’autre parce qu’ils ne sont pas désirés… Il s’agit de bonnes personnes, d’un peuple pacifique. Ils ne sont pas chrétiens. Ils sont bons. Ce sont nos frères et soeurs ! Depuis des années ils soufrent. Ils ont été torturés, tués, simplement parce qu’ils conservaient leurs traditions, leur foi musulmane. Prions pour eux. Je vous invite à prier pour eux Notre Père qui est aux Cieux, tous ensemble, pour nos frères et sœurs Rohinyas. Notre Père… Sainte Joséphine Bakhita – priez pour nous. Et un applaudissement pour Sainte Joséphine Bakhita !».

(Vatican Radio)

MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS POUR LE CARÊME 2017

La Parole est un don. L’autre est un don


Chers Frères et Sœurs,

Le Carême est un nouveau commencement, un chemin qui conduit à une destination sûre : la Pâques de la Résurrection, la victoire du Christ sur la mort. Et ce temps nous adresse toujours un appel pressant à la conversion : le chrétien est appelé à revenir à Dieu « de tout son cœur » (Jl 2,12) pour ne pas se contenter d’une vie médiocre, mais grandir dans l’amitié avec le Seigneur. Jésus est l’ami fidèle qui ne nous abandonne jamais, car même lorsque nous péchons, il attend patiemment notre retour à Lui et, par cette attente, il manifeste sa volonté de pardon.

Le Carême est le moment favorable pour intensifier la vie de l’esprit grâce aux moyens sacrés que l’Eglise nous offre: le jeûne, la prière et l’aumône. A la base de tout il y a la Parole de Dieu, que nous sommes invités à écouter et à méditer avec davantage d’assiduité en cette période. Je voudrais ici m’arrêter en particulier sur la parabole de l’homme riche et du pauvre Lazare (cf. Lc 16,19-31). Laissons-nous inspirer par ce récit si important qui, en nous exhortant à une conversion sincère, nous offre la clé pour comprendre comment agir afin d’atteindre le vrai bonheur et la vie éternelle.

1. L’autre est un don

La parabole commence avec la présentation des deux personnages principaux ; cependant le pauvre y est décrit de façon plus détaillée : il se trouve dans une situation désespérée et n’a pas la force de se relever, il gît devant la porte du riche et mange les miettes qui tombent de sa table, son corps est couvert de plaies que les chiens viennent lécher (cf. vv. 20-21). C’est donc un tableau sombre, et l’homme est avili et humilié.

La scène apparaît encore plus dramatique si l’on considère que le pauvre s’appelle Lazare : un nom chargé de promesses, qui signifie littéralement « Dieu vient en aide ». Ainsi ce personnage ne reste pas anonyme mais il possède des traits bien précis ; il se présente comme un individu avec son histoire personnelle. Bien qu’il soit comme invisible aux yeux du riche, il nous apparaît connu et presque familier, il devient un visage; et, comme tel, un don, une richesse inestimable, un être voulu, aimé, dont Dieu se souvient, même si sa condition concrète est celle d’un déchet humain.

Lazare nous apprend que l’autre est un don. La relation juste envers les personnes consiste à reconnaître avec gratitude leur valeur. Ainsi le pauvre devant la porte du riche ne représente pas un obstacle gênant mais un appel à nous convertir et à changer de vie. La première invitation que nous adresse cette parabole est celle d’ouvrir la porte de notre cœur à l’autre car toute personne est un don, autant notre voisin que le pauvre que nous ne connaissons pas. Le Carême est un temps propice pour ouvrir la porte à ceux qui sont dans le besoin et reconnaître en eux le visage du Christ. Chacun de nous en croise sur son propre chemin. Toute vie qui vient à notre rencontre est un don et mérite accueil, respect, amour. La Parole de Dieu nous aide à ouvrir les yeux pour accueillir la vie et l’aimer, surtout lorsqu’elle est faible. Mais pour pouvoir le faire il est nécessaire de prendre au sérieux également ce que nous révèle l’Évangile au sujet de l’homme riche.

2. Le péché nous rend aveugles

La parabole met cruellement en évidence les contradictions où se trouve le riche (cf. v. 19). Ce personnage, contrairement au pauvre Lazare, ne possède pas de nom, il est seulement qualifié de “riche”. Son opulence se manifeste dans son habillement qui est exagérément luxueux. La pourpre en effet était très précieuse, plus que l’argent ou l’or, c’est pourquoi elle était réservée aux divinités (cf. Jr 10,9) et aux rois (cf. Jg 8,26). La toile de lin fin contribuait à donner à l’allure un caractère quasi sacré. Bref la richesse de cet homme est excessive d’autant plus qu’elle est exhibée tous les jours, de façon habituelle: « Il faisait chaque jour brillante chère » (v.19). On aperçoit en lui, de manière dramatique, la corruption du péché qui se manifeste en trois moments successifs: l’amour de l’argent, la vanité et l’orgueil.

Selon l’apôtre Paul, « la racine de tous les maux c’est l’amour de l’argent » (1 Tm 6,10). Il est la cause principale de la corruption et la source de jalousies, litiges et soupçons. L’argent peut réussir à nous dominer et devenir ainsi une idole tyrannique (cf. Exhort. ap. Evangelii Gaudium, n. 55). Au lieu d’être un instrument à notre service pour réaliser le bien et exercer la solidarité envers les autres, l’argent peut nous rendre esclaves, ainsi que le monde entier, d’une logique égoïste qui ne laisse aucune place à l’amour et fait obstacle à la paix.

La parabole nous montre ensuite que la cupidité rend le riche vaniteux. Sa personnalité se réalise dans les apparences, dans le fait de montrer aux autres ce que lui peut se permettre. Mais l’apparence masque le vide intérieur. Sa vie reste prisonnière de l’extériorité, de la dimension la plus superficielle et éphémère de l’existence (cf. ibid., n. 62).

Le niveau le plus bas de cette déchéance morale est l’orgueil. L’homme riche s’habille comme un roi, il singe l’allure d’un dieu, oubliant d’être simplement un mortel. Pour l’homme corrompu par l’amour des richesses, il n’existe que le propre moi et c’est la raison pour laquelle les personnes qui l’entourent ne sont pas l’objet de son regard. Le fruit de l’attachement à l’argent est donc une sorte de cécité : le riche ne voit pas le pauvre qui est affamé, couvert de plaies et prostré dans son humiliation.

En regardant ce personnage, on comprend pourquoi l’Évangile est aussi ferme dans sa condamnation de l’amour de l’argent : « Nul ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’Argent » (Mt 6,24).

3. La Parole est un don

L’évangile du riche et du pauvre Lazare nous aide à bien nous préparer à Pâques qui s’approche. La liturgie du Mercredi des Cendres nous invite à vivre une expérience semblable à celle que fait le riche d’une façon extrêmement dramatique. Le prêtre, en imposant les cendres sur la tête, répète ces paroles : « Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière ». Le riche et le pauvre, en effet, meurent tous les deux et la partie la plus longue du récit de la parabole se passe dans l’au-delà. Les deux personnages découvrent subitement que « nous n’avons rien apporté dans ce monde, et nous n’en pourrons rien emporter » (1 Tm 6,7).

Notre regard aussi se tourne vers l’au-delà, où le riche dialogue avec Abraham qu’il appelle « Père » (Lc 16, 24 ; 27) montrant qu’il fait partie du peuple de Dieu. Ce détail rend sa vie encore plus contradictoire car, jusqu’à présent, rien n’avait été dit sur sa relation à Dieu. En effet dans sa vie, il n’y avait pas de place pour Dieu, puisqu’il était lui-même son propre dieu.

Ce n’est que dans les tourments de l’au-delà que le riche reconnaît Lazare et il voudrait bien que le pauvre allège ses souffrances avec un peu d’eau. Les gestes demandés à Lazare sont semblables à ceux que le riche aurait pu accomplir et qu’il n’a jamais réalisés. Abraham néanmoins lui explique que « tu as reçu tes biens pendant ta vie et Lazare pareillement ses maux; maintenant ici il est consolé et toi tu es tourmenté » (v. 25). L’au-delà rétablit une certaine équité et les maux de la vie sont compensés par le bien.

La parabole acquiert une dimension plus large et délivre ainsi un message pour tous les chrétiens. En effet le riche, qui a des frères encore en vie, demande à Abraham d’envoyer Lazare les avertir ; mais Abraham répond : « ils ont Moïse et les Prophètes ; qu’ils les écoutent » (v. 29). Et devant l’objection formulée par le riche, il ajoute : « Du moment qu’ils n’écoutent pas Moïse et les Prophètes, même si quelqu’un ressuscite d’entre les morts, ils ne seront pas convaincus » (v. 31).

Ainsi se manifeste le vrai problème du riche : la racine de ses maux réside dans le fait de ne pas écouter la Parole de Dieu ; ceci l’a amené à ne plus aimer Dieu et donc à mépriser le prochain. La Parole de Dieu est une force vivante, capable de susciter la conversion dans le cœur des hommes et d’orienter à nouveau la personne vers Dieu. Fermer son cœur au don de Dieu qui nous parle a pour conséquence la fermeture de notre cœur au don du frère.

Chers frères et sœurs, le Carême est un temps favorable pour nous renouveler dans la rencontre avec le Christ vivant dans sa Parole, dans ses Sacrements et dans le prochain. Le Seigneur qui – au cours des quarante jours passés dans le désert a vaincu les pièges du Tentateur – nous montre le chemin à suivre. Que l’Esprit Saint nous aide à accomplir un vrai chemin de conversion pour redécouvrir le don de la Parole de Dieu, être purifiés du péché qui nous aveugle et servir le Christ présent dans nos frères dans le besoin. J’encourage tous les fidèles à manifester ce renouvellement spirituel en participant également aux campagnes de Carême promues par de nombreux organismes ecclésiaux visant à faire grandir la culture de la rencontre au sein de l’unique famille humaine. Prions les uns pour les autres afin que participant à la victoire du Christ nous sachions ouvrir nos portes aux faibles et aux pauvres. Ainsi nous pourrons vivre et témoigner en plénitude de la joie pascale.


FRANÇOIS

(Vatican Radio)

FÊTE DE LA VIE CONSACRÉE: L'HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Lorsque les parents de Jésus ont porté l’Enfant pour accomplir les prescriptions de la Loi, Syméon, « sous l’action de l’Esprit » (Lc 2, 27), prend l’Enfant dans ses bras et commence à louer. Un cantique de bénédiction et de louange: « Car mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples: lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël » (Lc 2, 30-32). Non seulement Syméon a pu voir, mais il a eu aussi le privilège d’embrasser l’espérance attendue, et cela le fait exulter de joie. Son cœur se réjouit parce que Dieu habite au milieu de son peuple; il le sent chair de sa chair.

La liturgie d’aujourd’hui nous dit qu’avec ce rite (quarante jours après la naissance) « Jésus […] se conformait […] à la loi du Seigneur, mais [que], en vérité, il venait à la rencontre du peuple des croyants » (Missel Romain, 2 février, Monition de la procession d’entrée). La rencontre de Dieu avec son peuple suscite la joie et renouvelle l’espérance.

Le chant de Syméon est le chant de l’homme croyant qui, à la fin de ses jours, peut affirmer: c’est vrai, l’espérance en Dieu ne déçoit jamais (cf. Rm 5, 5), il ne trompe pas. Syméon et Anne, dans leur vieillesse, sont capables d’une nouvelle fécondité, et ils en témoignent en chantant: la vie mérite d’être vécue avec espérance parce que le Seigneur garde sa promesse; et Jésus lui-même expliquera cette promesse dans la synagogue de Nazareth: les malades, les prisonniers, ceux qui sont seuls, les pauvres, les personnes âgées, les pécheurs sont invités, eux aussi, à entonner le même chant d’espérance ; Jésus est avec eux, il est avec nous (cf. Lc 4, 18-19).

Ce chant d’espérance, nous l’avons reçu en héritage de nos pères. Ils nous ont engagés dans cette ‘‘dynamique’’. Sur leurs visages, dans leurs vies, dans leur dévouement quotidien et constant, nous avons pu voir comment cette louange s’est faite chair. Nous sommes héritiers des rêves de nos pères, héritiers de l’espérance qui n’a pas déçu nos mères et nos pères fondateurs, nos aînés. Nous sommes héritiers de nos anciens qui ont eu le courage de rêver; et comme eux, aujourd’hui, nous voulons, nous aussi, chanter: Dieu ne trompe pas, l’espérance en lui ne déçoit pas. Dieu vient à la rencontre de son peuple. Et nous voulons chanter en nous introduisant dans la prophétie de Joël: « Je répandrai mon pouvoir sur tout esprit de chair, vos fils et vos filles prophétiseront, vos anciens seront instruits par des songes, et vos jeunes gens par des visions » (3, 1).

Cela nous fait du bien d’accueillir le rêve de nos pères pour pouvoir prophétiser aujourd’hui et retrouver ce qui un jour a enflammé notre cœur. Rêve et prophétie ensemble. Mémoire de la façon dont ont rêvé nos anciens, nos pères et mères et courage pour poursuivre, prophétiquement, ce rêve.

Cette attitude nous rendra féconds, nous, personnes consacrées, mais surtout elle nous préservera d’une tentation qui peut rendre stérile notre vie consacrée : la tentation de la survie. Un mal qui peut s’installer peu à peu en nous, dans nos communautés. L’attitude de survie nous fait devenir réactionnaires, peureux ; elle nous enferme lentement et silencieusement dans nos maisons et dans nos schémas. Elle nous projette en arrière, vers les exploits glorieux – mais passés – qui, au lieu de susciter la créativité prophétique issue des rêves de nos fondateurs, cherchent des raccourcis pour fuir les défis qui aujourd’hui frappent à nos portes. La psychologie de la survie ôte la force à nos charismes parce qu’elle nous conduit à les ‘‘domestiquer’’, à les ramener ‘‘à portée de main’’ mais en les privant de cette force créatrice qu’ils ont inaugurée ; elle fait en sorte que nous voulons davantage protéger des espaces, des édifices ou des structures que rendre possibles de nouveaux processus. La tentation de la survie nous fait oublier la grâce, elle fait de nous des professionnels du sacré mais non des pères, des mères ou des frères de l’espérance que nous avons été appelés à prophétiser. Ce climat de survie endurcit le cœur de nos aînés en les privant de la capacité de rêver et, ainsi, stérilise la prophétie que les plus jeunes sont appelés à annoncer et à réaliser. En peu de mots, la tentation de la survie transforme en danger, en menace, en tragédie ce que le Seigneur nous présente comme une opportunité pour la mission. Cette attitude n’est pas propre uniquement à la vie consacrée, mais à titre particulier nous sommes invités à nous garder d’y succomber.

Retournons au passage de l’évangile et contemplons de nouveau la scène. Ce qu’a suscité le chant de louange en Syméon et Anne, cela n’a pas été, bien sûr, de se regarder eux-mêmes, d’analyser et de revoir leur situation personnelle. Cela n’a pas été de s’enfermer de peur que quelque malheur ne puisse leur arriver. Ce qu’a suscité le chant a été l’espérance, cette espérance qui les soutenait dans la vieillesse. Cette espérance s’est vue récompensée dans la rencontre avec Jésus. Lorsque Marie dépose dans les bras de Syméon le Fils de la Promesse, le vieillard commencer à chanter, il fait une “liturgie”, il chante ses rêves. Lorsqu’elle met Jésus au milieu de son peuple, celui-ci trouve la joie. Oui, il n’y a que cela pour pouvoir nous redonner la joie et l’espérance, seulement cela nous préservera de vivre dans une attitude de survie. Uniquement cela fécondera notre vie et maintiendra vivant notre cœur. Mettre Jésus là où il doit être : au milieu de son peuple.

Nous sommes tous conscients de la transformation multiculturelle que nous traversons; personne n’en doute. D’où l’importance que la personne consacrée soit insérée avec Jésus dans la vie, dans le cœur de ces grandes transformations. La mission – en conformité avec chaque charisme spécifique – est de nous rappeler que nous avons été invités à être levain de cette masse concrète. Certes, il peut y avoir des ‘‘farines’’ meilleures, mais le Seigneur nous a invités à faire lever la pâte ici et maintenant, avec les défis qui se présentent à nous. Non par une attitude défensive, non poussés par nos peurs, mais les mains à la charrue, en cherchant à faire croître le grain souvent semé au milieu de l’ivraie. Mettre Jésus au milieu de son peuple signifie avoir un cœur contemplatif, capable de discerner comment Dieu marche dans les rues de nos villes, de nos villages, de nos quartiers. Mettre Jésus au milieu de son peuple signifie prendre en charge et vouloir aider à porter la croix de nos frères. C’est vouloir toucher les plaies de Jésus dans les plaies du monde, qui est blessé et désire et demande à ressusciter.

Nous mettre avec Jésus au milieu de son peuple! Non comme des activistes de la foi, mais comme des hommes et des femmes qui sont continuellement pardonnés, des hommes et des femmes unis dans le baptême pour partager cette onction et la consolation de Dieu avec les autres.

Nous mettre avec Jésus au milieu de son peuple, car « nous ressentons la nécessité de découvrir et de transmettre la “mystique” de vivre ensemble, de se mélanger, de se rencontrer, de se prendre dans les bras, de se soutenir, de participer à cette marée un peu chaotique qui [avec le Seigneur] peut se transformer en une véritable expérience de fraternité, en une caravane solidaire, en un saint pèlerinage… […] Si nous pouvions suivre ce chemin, ce serait une très bonne chose, très régénératrice, très libératrice, très génératrice d’espérance! Sortir de soi-même pour s’unir aux autres » (Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 87) non seulement fait du bien, mais aussi transforme notre vie et notre espérance en un chant de louange. Mais cela, nous ne pouvons le réaliser que si nous faisons nôtres les rêves de nos pères et les transformons en prophétie.

Accompagnons Jésus pour qu’il rencontre son peuple, pour qu’il soit au milieu de son peuple, non pas dans la lamentation ou dans l’anxiété de celui qui a oublié de prophétiser parce qu’il ne prend pas en charge les rêves de ses pères, mais dans la louange et dans la sérénité; non pas dans l’agitation mais dans la patience de celui qui se fie à l’Esprit, Seigneur des rêves et de la prophétie. Et ainsi, nous partageons ce qui nous appartient: le chant qui naît de l’espérance.

Basilique vaticane
Jeudi 2 février 2017

(Vatican Radio)

ANGÉLUS, 22 JANVIER 2017

PAPE FRANÇOIS, ANGÉLUS

Chers frères et sœurs, bonjour!

La page de l’Evangile d’aujourd’hui (cf. Mt 4, 12-23) raconte le début de la prédication de Jésus en Galilée. Il quitte Nazareth, un village de montagne, et il s’établit à Capharnaüm, un centre important sur la rive du lac, habité en grande partie par des païens, carrefour entre la méditerranée et l’intérieur des terre de Mésopotamie. Ce choix indique que les destinataires de sa prédication ne sont pas seulement ses compatriotes, mais ceux qui arrivent dans la cosmopolite «Galilée des nations» (v. 15; cf. Is 8, 23), comme on l’appelait. Vue depuis la capitale Jérusalem, cette terre est géographiquement périphérique et religieusement impure parce qu’elle était pleine de païens, en raison du mélange avec ceux qui n’appartenaient pas à Israël. On n’attendait certainement pas de grandes choses de la Galilée, pour l’histoire du salut. En revanche, c’est précisément de là – précisément de là — que se diffuse cette «lumière» sur laquelle nous avons médité les dimanches précédents: la lumière du Christ. Elle se diffuse justement à partir de la périphérie.

Le message de Jésus reprend celui de Jean-Baptiste, en annonçant le «Royaume des cieux» (v. 17). Ce royaume ne comporte pas l’instauration d’un nouveau pouvoir politique, mais l’accomplissement de l’alliance entre Dieu et son peuple, qui inaugurera un temps de paix et de justice. Pour conclure ce pacte d’alliance avec Dieu, chacun est appelé à se convertir, en transformant sa façon de penser et de vivre. Cela est important: se convertir, ce n’est pas seulement changer sa façon de vivre, mais aussi sa façon de penser. C’est une transformation de la pensée. Il ne s’agit pas de changer de vêtements, mais d’habitudes! Ce qui différencie Jésus de Jean-Baptiste, c’est le style et la méthode. Jésus choisit d’être un prophète itinérant. Il ne reste pas à attendre les gens, mais il va à leur rencontre. Jésus est toujours sur la route! Ses premières sorties missionnaires ont lieu le long des rives du lac de Galilée, au contact de la foule, en particulier des pêcheurs. Là, non seulement Jésus proclame la venue du Royaume de Dieu, mais il cherche des compagnons à associer à sa mission de salut. C’est en ce même endroit qu’il rencontre deux couples de frères: Simon et André, Jacques et Jean; il les appelle en disant: «Venez à ma suite, et je vous ferai pêcheurs d’hommes» (v. 19). L’appel les rejoint en plein milieu de leurs activités quotidiennes: le Seigneur se révèle à nous non pas de façon extraordinaire ou éclatante, mais dans le quotidien de notre vie. C’est là que nous devons trouver le Seigneur, c’est là qu’il se révèle, qu’il fait sentir son amour à notre cœur; et là — dans ce dialogue avec Lui au cours de notre vie quotidienne — il transforme notre cœur. La réponse des quatre pêcheurs est immédiate et prompte: «Eux, aussitôt, laissant les filets, le suivirent» (v. 20). Nous savons en effet qu’ils avaient été des disciples de Jean-Baptiste, et que, grâce à son témoignage, ils avaient déjà commencé à croire en Jésus comme le Messie (cf. Jn 1, 35-42).

Nous, chrétiens d’aujourd’hui, nous avons la joie de proclamer et de témoigner notre foi parce qu’il y a eu cette première annonce, parce qu’il y a eu ces hommes humbles et courageux, qui ont répondu généreusement à l’appel de Jésus. Sur les rives du lac, dans une terre impensable, est née la première communauté des disciples du Christ. Que la conscience de ces débuts suscite en nous le désir d’apporter la parole, l’amour et la tendresse de Jésus Christ dans chaque contexte, même le plus difficile et résistant. Apporter la Parole à toutes les périphéries! Tous les espaces de la vie humaine sont un terrain où jeter la semence de l’Evangile, afin qu’elle porte un fruit de salut.

Que la Vierge Marie nous aide, par son intercession maternelle, à répondre avec joie à l’appel de Jésus, à nous mettre au service du Royaume de Dieu.

Place Saint-Pierre
Dimanche, 22 janvier 2017

(Vatican Radio)

PAROLES DU PAPE À PROPOS DE LA LUTTE CONTRE LA LÈPRE ET LES DISCRIMINATIONS CAUSÉES PAR CETTE MALADIE

Dimanche 29 janvier, 64ème Journée mondiale de lutte contre la lèpre, le Pape François a rappelé à l’Angelus cet événement en ces termes : « Aujourd’hui est célébrée la Journée mondiale des lépreux. Cette maladie, bien qu’étant en recul, est encore parmi les plus craintes et frappe les plus pauvres et les marginalisés. Il est important de lutter contre cette maladie, mais également contre les discriminations qu’elle génère. J’encourage ceux qui sont engagés dans le secours et la réinsertion sociale de personnes touchées par la maladie de Hansen, pour lesquelles nous assurons notre prière ».
Le Préfet du Dicastère pour le Service du Développement humain intégral, S.Em. le Cardinal Peter Kodwo Appiah Turkson, a publié un message intitulé « Éradication de la lèpre et réinsertion des personnes atteintes de la maladie de Hansen: un défi qui n’est pas encore gagné », dans lequel il affirme entre autre la nécessité de « nous engager tous, à tous les niveaux, afin que dans tous les pays soient modifiées les politiques familiales, de travail, scolaires, sportives et de toute autre nature, qui discriminent directement ou indirectement ces personnes, et que les gouvernements mettent en œuvre des programmes qui concernent les personnes malades ». En effet, s’il « est fondamental de renforcer la recherche scientifique pour développer de nouveaux médicaments et obtenir des instruments de diagnostic susceptibles d’augmenter les possibilités de diagnostic précoce », il est également nécessaire de « réinsérer pleinement la personne guérie dans le tissu social originel: dans la famille, la communauté, à l’école ou dans le milieu du travail ».

(Tratto dall'archivio della Radio Vaticana)

612 CENTRES DE PAR LE MONDE EXPRIMANT LA SOLIDARITÉ DE L’EGLISE ENVERS LES LÉPREUX

L’Eglise peut revendiquer une longue tradition dans le domaine de l’assistance aux lépreux, en particulier dans les territoires de mission, solidarité qui s’exprime non seulement au travers des soins médicaux et de l’assistance spirituelle mais également par le biais de la possibilité d’une réinsertion au sein de la société.
A cet égard, sont éloquents les témoignages de Saints missionnaires qui ont dédié leur vie à soulager les souffrances des lépreux, tels que Saint Joseph Damien De Veuster SSCC, universellement connu comme l’apôtre des lépreux de Molokaï, et Sainte Marianna Cope, O.S.F., qui passa 35 ans à Molokaï, aidant, avec d’autres consoeurs, l’œuvre de Saint Joseph Damien De Veuster ou encore Sainte Teresa de Calcutta, le Bienheureux Jan Beyzym, S.I., qui exerça son ministère parmi les lépreux de Madagascar ou encore le Vénérable Marcello Candia et Raoul Follereau, l’écrivain et journaliste français auquel on doit l’institution en 1954 de la Journée mondiale des lépreux, célébrée le dernier Dimanche de janvier.Selon les données du dernier Annuaire statistique de l’Eglise, l’Eglise catholique gère de par le monde 612 centres destinés aux lépreux, répartis sur les cinq continents: l’Afrique, les Amériques, l’Asie, l’Europe et l’Océanie.
Les nations accueillant le plus grands nombre de ces centres sont: en Afrique, la République démocratique du Congo, Madagascar et le Kenya; en Amérique du Nord, les Etats-Unis; en Amérique centrale: le Mexique et le Honduras; en Amérique centrale et aux Antilles: Haïti et la République dominicaine; en Amérique du Sud: le Brésil, l’Equateur et le Pérou; en Asie, l’Inde, la Corée et le Vietnam; en Océanie, la Papouasie Nouvelle Guinée et en Europe, le Portugal, l’Allemagne, la Belgique et l’Italie.

(Tratto dall'archivio della Radio Vaticana)

64E JOURNÉE MONDIALE DES LÉPREUX: MESSAGE DU CARDINAL TURKSON

«La mise au point de traitements pharmacologiques efficaces et l’engagement important au niveau planétaire prodigué par de nombreux organismes et réalités nationales et internationales, avec l’Église catholique au premier plan, ont infligé, au cours des dernières décennies, un coup sévère à la maladie de Hansen, plus connue comme la lèpre. En 1985, cette maladie affligeait encore plus de 5 millions de personnes dans le monde, tandis qu’aujourd’hui, on compte environ 200.000 nouveaux cas annuels, mais il y a encore beaucoup, vraiment beaucoup, à faire.
Comme il a été souligné en juin dernier notamment, en conclusion du symposium «Pour des soins holistiques des personnes atteintes de la maladie de Hansen, respectueux de leur dignité», organisé par l’ex-Conseil pontifical pour les services de santé : chaque nouveau cas de la maladie de Hansen est un cas de trop, de même que toute forme résiduelle de stigmate de cette maladie. De trop également, toute loi qui discrimine les malades atteints de la maladie de Hansen, ainsi que toute espèce d’indifférence. Dans le cadre de l’initiative, réalisée en collaboration  avec la Nippon Foundation-Sasakawa Health Foundation et avec la contribution de l’Ordre de Malte et des Fondations Raoul Follereau et Le bon Samaritain, il a été souligné que, en raison de leur rôle, il est important que les responsables de toutes les religions dans leurs enseignements, leurs écrits et leurs discours contribuent à l’élimination de la discrimination à l’égard des personnes atteintes de la maladie de Hansen. D’autre part, comme l’a affirmé ensuite l’OMS au cours du Forum mondial sur la lèpre, qui s’est tenu à Séoul au mois de novembre, il est nécessaire de garantir des soins physiques et psychologiques aux malades pendant et après le fin du traitement.
En outre, nous devons nous engager tous, à tous les niveaux, afin que dans tous les pays soient modifiées les politiques familiales, de travail, scolaires, sportives et de toute autre nature, qui discriminent directement ou indirectement ces personnes, et que les gouvernements mettent en œuvre des programmes qui concernent les personnes malades.
Enfin, il est fondamental de renforcer la recherche scientifique pour développer de nouveaux médicaments et obtenir des instruments de diagnostic susceptibles d’augmenter les possibilités de diagnostic précoce.
En effet, dans une large part, les nouveaux cas sont identifiés seulement lorsque l’infection a déjà provoqué des lésions permanentes et marqué à vie désormais l’adulte et l’enfant atteints. D’autre part, surtout dans les régions les plus éloignées, il arrive qu’il soit difficile de garantir l’assistance nécessaire pour terminer le traitement ou que les patients eux-mêmes puissent comprendre l’importance, ou accorder au moins la priorité à la poursuite du traitement pharmacologique qui a été commencé.
Mais les soins ne sont pas suffisants. Il faut réinsérer pleinement la personne guérie dans le tissu social originel: dans la famille, la communauté, à l’école ou dans le milieu du travail.
Pour promouvoir et contribuer à ce processus de réinsertion, qui est encore pratiquement impossible dans de nombreuses réalités, il faut soutenir et encourager à nouveau l’associationnisme entre les anciens malades; et en même temps, avec eux, il convient de promouvoir la diffusion des communautés qui, comme cela a déjà été réalisé en Inde, au Brésil et au Ghana par exemple, deviennent de véritables familles qui comprennent et accueillent les personnes, en leur offrant un terrain fertile à l’aide mutuelle, à une fraternité authentique.
En méditant également sur la guérison opérée par Jésus sur un malade de la lèpre, comme il est rapporté dans le chapitre 1 de l’évangile de Marc, le Christ «ému de compassion, étendit la main, le toucha et lui dit: ‘Je le veux, sois purifié’. Ensuite, il lui dit: ‘garde-toi de rien dire à personne; mais va te montrer au prêtre et offre pour ta purification ce qu’a prescrit Moïse: ce leur sera une attestation’».
Donc, Jésus non seulement guérit la personne dans sa totalité, mais lui demande de se présenter à celui qui pouvait en décréter la totale réinsertion dans la société, la réadmission dans le "consortium humain".
Et actuellement, cela constitue peut-être l’obstacle le plus important à surmonter pour celui qui a été atteint de la lèpre. Les infirmités, les signes indélébiles laissés par la maladie sont aujourd’hui encore comme des "marques au fer rouge". La peur de la maladie, une des plus redoutées dans l’histoire humaine, l’emporte sur la raison, le manque de conscience de la pathologie par la communauté exclut les personnes guéries qui, à leur tour, à cause de la souffrance et des discriminations subies ont perdu le sens de la dignité qui leur est propre, inaliénable, même si le corps présente des mutilations. "Pour" elles et, surtout, "avec" les personnes victimes de la lèpre, nous devons nous engager encore davantage, afin qu’elles puissent trouver l’accueil, la solidarité, la justice.

Cardinal Peter Kodwo Appiah Turkson
Préfet du dicastère pour le Service du développement humain intégral»

(Tratto dall'archivio della Radio Vaticana)

CÉLÉBRATION DES VÊPRES EN LA SOLENNITÉ DE LA CONVERSION DE SAINT PAUL APÔTRE

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

La rencontre avec Jésus sur la route vers Damas transforme radicalement la vie de Paul. À partir de ce moment, pour lui la signification de l’existence ne réside plus dans la confiance en ses propres forces pour observer scrupuleusement la Loi, mais dans l’adhésion de toute sa personne à l’amour gratuit et immérité de Dieu, à Jésus Christ crucifié et ressuscité. Ainsi, il connaît l’irruption d’une nouvelle vie, la vie selon l’Esprit, dans laquelle, par la puissance du Seigneur ressuscité, il fait l’expérience du pardon, de la familiarité et du réconfort. Et Paul ne peut garder pour lui-même cette nouveauté : il est poussé par la grâce à proclamer la joyeuse nouvelle de l’amour et de la réconciliation que Dieu offre pleinement dans le Christ à l’humanité.

Pour l’Apôtre des nations la réconciliation de l’homme avec Dieu, dont il est devenu ambassadeur (cf. 2 Cor 5, 20), est un don qui vient du Christ. Cela apparaît avec clarté dans le texte de la Deuxième Lettre aux Corinthiens, dont est extrait cette année le thème de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens : ‘‘L’amour du Christ nous pousse à la réconciliation’’ (cf. 2 Co 5, 14-20). ‘‘L’amour du Christ’’ : il ne s’agit pas de notre amour pour le Christ, mais de l’amour que le Christ a pour nous. De même, la réconciliation vers laquelle nous sommes poussés n’est pas simplement notre initiative : c’est en premier lieu la réconciliation que Dieu nous offre dans le Christ. Avant d’être un effort humain de croyants qui cherchent à surmonter leurs divisions, c’est un don gratuit de Dieu. Comme effet de ce don, la personne, pardonnée et aimée, est appelée à son tour à proclamer l’évangile de la réconciliation en paroles et en actes, à vivre et à témoigner d’une existence réconciliée.

Dans cette perspective, nous pouvons nous demander aujourd’hui : comment proclamer cet évangile de réconciliation après des siècles de divisions ? C’est Paul lui-même qui nous aide à trouver la voie. Il souligne que la réconciliation dans le Christ ne peut se réaliser sans sacrifice. Jésus a donné sa vie, en mourant pour tous. De même, les ambassadeurs de la réconciliation sont appelés, en son nom, à donner leur vie, à ne plus vivre pour eux-mêmes, mais pour Celui qui est mort et ressuscité pour eux (cf. 2 Co 5, 14-15). Comme Jésus l’enseigne, ce n’est que lorsque nous perdons la vie par amour pour lui que nous la gagnons vraiment (cf. Lc 9, 24). C’est la révolution que Paul a vécue, mais c’est la révolution chrétienne de toujours : ne plus vivre pour nous-mêmes, pour nos intérêts et retours d’image, mais à l’image du Christ, pour lui et selon lui, avec son amour et dans son amour.

Pour l’Église, pour chaque confession chrétienne, c’est une invitation à ne pas se fonder sur les programmes, sur les calculs et les avantages, à ne pas se fier aux opportunités et aux modes du moment, mais à chercher la vie en regardant toujours la croix du Seigneur : voilà notre programme de vie. C’est également une invitation à sortir de tout isolement, à surmonter la tentation de l’autoréférentialité, qui empêche de saisir ce que l’Esprit Saint réalise hors des milieux de chacun. Une réconciliation authentique parmi les chrétiens pourra se réaliser lorsque nous saurons reconnaître les dons les uns des autres et que nous serons capables, avec humilité et docilité, d’apprendre les uns des autres - apprendre les uns des autres -, sans attendre que ce soient les autres qui apprennent d’abord de nous.

Si nous vivons cette mort à nous-mêmes pour Jésus, notre vieux style de vie est relégué dans le passé et, comme cela est arrivé à saint Paul, nous entrons dans une nouvelle forme d’existence et de communion. Avec Paul, nous pourrons dire : « Le monde ancien s’en est allé » (2 Co 5, 17). Jeter un regard en arrière aide et est d’autant plus nécessaire pour purifier la mémoire, mais être rivé au passé, en s’attardant à rappeler les torts subis et faits et en jugeant avec des paramètres uniquement humains, peut paralyser et empêcher de vivre le présent. La Parole de Dieu nous encourage à tirer force de la mémoire, à nous rappeler le bien reçu du Seigneur ; mais elle nous demande aussi de laisser derrière nous le passé pour suivre Jésus dans l’aujourd’hui et pour vivre une vie nouvelle en lui. Permettons à Celui qui fait toute chose nouvelle (cf. Ap 21, 5) de nous orienter vers un avenir nouveau, ouvert à l’espérance que ne déçoit pas, un avenir dans lequel les divisions pourront être surmontées et les croyants, renouvelés dans l’amour, seront unis pleinement et de manière visible.

Tandis que nous cheminons sur la voie de l’unité, cette année, nous nous souvenons spécialement du cinquième centenaire de la Réforme protestante. Le fait qu’aujourd’hui catholiques et luthériens puissent se rappeler ensemble un événement qui a divisé les chrétiens, et qu’ils le fassent avec espérance, en mettant l’accent sur Jésus et sur son œuvre de réconciliation, est une étape remarquable, atteinte grâce à Dieu et à la prière, à travers cinquante ans de connaissance réciproque et de dialogue œcuménique.

En invoquant de Dieu le don de la réconciliation avec lui et entre nous, j’adresse mes salutations cordiales et fraternelles à Son Éminence le Métropolite Gennadios, représentant du Patriarche œcuménique, à Sa Grâce David Moxon, représentant personnel à Rome de l’Archevêque de Canterbury, et à tous les représentants des diverses Églises et Communautés ecclésiales ici réunis. Il m’est particulièrement agréable de saluer les membres de la Commission mixte pour le dialogue théologique entre l’Église catholique et les Églises orthodoxes orientales, auxquels je souhaite un fructueux travail pour la session plénière qui se tient ces jours-ci. Je salue également les étudiants de l’Ecumenical Institute of Bossey – si joyeux, je les ai vus ce matin -, en visite à Rome pour approfondir leur connaissance de l’Église catholique, ainsi que les jeunes orthodoxes et les orthodoxes orientaux qui étudient à Rome grâce aux bourses d’étude du Comité de Collaboration Culturelle avec les Églises orthodoxes, qui œuvre auprès du Conseil Pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens. J’exprime mon estime et ma gratitude aux Supérieurs et à tous les Collaborateurs de ce Dicastère.

Chers frères et sœurs, notre prière pour l’unité des chrétiens est une participation à la prière que Jésus a adressée à son Père avant la passion pour « que tous soient un » (Jn 17, 21). Ne nous lassons jamais de demander à Dieu ce don. Dans l’attente patiente et confiante que le Père accordera à tous les croyants le bien de la pleine communion visible, allons de l’avant sur notre chemin de réconciliation et de dialogue, encouragés par le témoignage héroïque de nombreux frères et sœurs, unis hier et aujourd’hui dans la souffrance pour le nom de Jésus. Profitons de chaque moment que la Providence nous offre pour prier ensemble, pour évangéliser ensemble, pour aimer et servir ensemble, surtout qui est plus pauvre et plus délaissé.

Basilique de Saint-Paul-hors-les-Murs
Mercredi, 25 janvier 2017

(Tratto dall'archivio della Radio Vaticana)

MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS POUR LA 51ÈME JOURNÉE MONDIALE DES COMMUNICATIONS SOCIALES

« Ne crains pas, car je suis avec toi » (Is 43,5).
Communiquer l'espérance et la confiance en notre temps

L'accès aux médias, grâce au développement technologique, est tel que beaucoup de gens ont la possibilité de partager instantanément l'information et de la diffuser de manière capillaire. Ces informations peuvent être bonnes ou mauvaises, vraies ou fausses. Par le passé, nos pères dans la foi parlaient de l'esprit humain comme de la meule d’un moulin qui, actionnée par l'eau, ne peut pas être arrêtée. Celui qui est responsable du moulin a cependant la possibilité de décider de moudre du grain ou de l’ivraie. L'esprit de l'homme est toujours en action et ne peut cesser de "moudre" ce qu'il reçoit, mais c’est à nous de décider de quel matériel l’approvisionner (cf. Cassien le Romain, Lettre à Léonce Higoumène).
Je voudrais que ce message puisse atteindre et encourager tous ceux qui, dans leur milieu professionnel ou dans leurs relations personnelles, "moulent" chaque jour beaucoup d’informations pour offrir un pain frais et bon à ceux qui se nourrissent des fruits de leur communication. Je voudrais exhorter chacun à une communication constructive qui, en rejetant les préjugés envers l'autre, favorise une culture de la rencontre grâce à laquelle il est possible d’apprendre à regarder la réalité en toute confiance.
Je pense qu’il faut briser le cercle vicieux de l'anxiété et endiguer la spirale de la peur, fruit de l'habitude de concentrer l'attention sur les "mauvaises nouvelles" (les guerres, le terrorisme, les scandales et toutes sortes d'échec dans les affaires humaines). Il ne s’agit pas évidemment de promouvoir une désinformation où le drame de la souffrance serait ignoré, ni de tomber dans un optimisme naïf qui ne se laisse pas atteindre par le scandale du mal. Je voudrais, au contraire, que tous nous cherchions à dépasser ce sentiment de mécontentement et de résignation qui nous saisit souvent, nous plongeant dans l'apathie, et provoquant la peur ou l'impression qu’on ne peut opposer de limites au mal. D’ailleurs, dans un système de communication où domine la logique qu’une bonne nouvelle n’a pas de prise et donc ne constitue pas une nouvelle, et où le drame de la souffrance et le mystère du mal sont facilement donnés en spectacle, il peut être tentant d'anesthésier la conscience ou de tomber dans le désespoir.
Je voudrais donc apporter une contribution à la recherche d'un style ouvert et créatif de communication qui ne soit jamais disposé à accorder au mal un premier rôle, mais qui cherche à mettre en lumière les solutions possibles, inspirant une approche active et responsable aux personnes auxquelles l’information est communiquée. Je voudrais inviter à offrir aux hommes et aux femmes de notre temps des récits marqués par la logique de la "bonne nouvelle".

La bonne nouvelle

La vie de l'homme n’est pas seulement une chronique aseptisée d’événements, mais elle est une histoire, une histoire en attente d'être racontée à travers le choix d'une clé de lecture qui permet de sélectionner et de recueillir les données les plus importantes. La réalité, en soi, n'a pas une signification univoque. Tout dépend du regard avec lequel elle est saisie, des "lunettes" à travers lesquelles on choisit de la regarder: en changeant les verres, la réalité aussi apparaît différente. D’où pouvons-nous donc partir pour lire la réalité avec de bonnes "lunettes"?
Pour nous chrétiens, les lunettes appropriées pour déchiffrer la réalité, ne peuvent être que celles de la bonne nouvelle, de la Bonne Nouvelle par excellence: «l'Evangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu» (Mc 1,1). Avec ces mots, l'Evangéliste Marc commence son récit par l'annonce de la "bonne nouvelle" qui concerne Jésus, mais plus qu’une information sur Jésus, c’est plutôt la bonne nouvelle qui est Jésus lui-même. En lisant les pages de l'Évangile, on découvre en effet, que le titre de l'œuvre correspond à son contenu et, surtout, que ce contenu est la personne même de Jésus.
Cette bonne nouvelle qui est Jésus lui-même, n’est pas bonne car dénuée de souffrance, mais parce que la souffrance aussi est vécue dans un cadre plus large, comme une partie intégrante de son amour pour le Père et pour l'humanité. En Christ, Dieu s’est rendu solidaire avec toutes les situations humaines, nous révélant que nous ne sommes pas seuls parce que nous avons un Père qui ne peut jamais oublier ses enfants. «Ne crains pas, car je suis avec toi» (Is 43,5) sont les paroles consolatrices d'un Dieu qui depuis toujours s’est impliqué dans l'histoire de son peuple. En son Fils bien-aimé, cette promesse de Dieu – « Je suis avec toi » – arrive à assumer toute notre faiblesse, jusqu'à mourir de notre mort. En Lui aussi les ténèbres et la mort deviennent des lieux de communion avec la Lumière et la Vie. Ainsi, une espérance voit le jour, accessible à tous, à l'endroit même où la vie connaît l'amertume de l'échec. C’est une espérance qui ne déçoit pas, parce que l'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs (cf. Rm 5,5) et fait germer la vie nouvelle comme la plante germe du grain jeté en terre. Dans cette lumière tout nouveau drame qui arrive dans l'histoire du monde devient aussi le scénario d’une possible bonne nouvelle, car l'amour parvient toujours à trouver le chemin de la proximité et à susciter des cœurs capables de s’émouvoir, des visages capables de ne pas se décourager, des mains prêtes à construire.

La confiance dans la semence du Royaume

Pour introduire ses disciples et les foules à cet état d'esprit évangélique et leur donner les bonnes "lunettes" pour approcher la logique de l'amour qui meurt et ressuscite, Jésus utilisait les paraboles, dans lesquelles le Royaume de Dieu est souvent comparé à la semence, qui libère sa puissance vitale justement quand elle meurt dans le sol (cf. Mc 4,1 à 34). L’utilisation d’images et de métaphores pour communiquer l'humble puissance du Royaume n’est pas une façon d’en réduire l'importance et l'urgence, mais la forme miséricordieuse qui laisse à l'auditeur l’"espace" de liberté pour l'accueillir et la rapporter aussi à lui-même. En outre, elle est le chemin privilégié pour exprimer l'immense dignité du Mystère Pascal, laissant les images – plus que les concepts – communiquer la beauté paradoxale de la vie nouvelle dans le Christ, où les hostilités et la croix n’empêchent pas, mais réalisent le salut de Dieu, où la faiblesse est plus forte que toute puissance humaine, où l’échec peut être le prélude à l’accomplissement le plus grand de toutes choses dans l'amour. Et c’est justement ainsi, en réalité, que mûrit et s’approfondit l'espérance du Royaume de Dieu: « Comme d’un homme qui aurait jeté du grain en terre : qu’il dorme et qu’il se lève, nuit et jour, la semence germe et pousse » (Mc 4,26-27)
Le Royaume de Dieu est déjà parmi nous, comme une graine cachée à un regard superficiel et dont la croissance se fait en silence. Celui qui a des yeux rendus clairs par l’Esprit Saint peut le voir germer et ne se laisse pas voler la joie du Royaume par les mauvaises herbes toujours présentes.

Les horizons de l'Esprit

L'espérance fondée sur la bonne nouvelle qui est Jésus nous fait lever les yeux et nous pousse à le contempler dans le cadre liturgique de la Fête de l'Ascension. Bien qu'il semble que le Seigneur s’éloigne de nous, en fait, les horizons de l’espérance s’élargissent. Effectivement, chaque homme et chaque femme, dans le Christ, qui élève notre humanité jusqu’au Ciel, peut librement «entrer dans le sanctuaire grâce au sang de Jésus, chemin nouveau et vivant qu’il a inauguré pour nous en franchissant le rideau du Sanctuaire, c'est-à-dire sa chair » (He 10, 19-20). A travers « la force de l'Esprit Saint » nous pouvons être «témoins» et communicateurs d'une humanité nouvelle, rachetée, « jusqu'aux extrémités de la terre» (cf. Ac 1,7-8).
La confiance dans la semence du Royaume de Dieu et dans la logique de Pâques ne peut que façonner aussi la manière dont nous communiquons. Cette confiance nous permet d'agir – dans les nombreuses formes de communication d’aujourd'hui – avec la conviction qu’il est possible d’apercevoir et d’éclairer la bonne nouvelle présente dans la réalité de chaque histoire et dans le visage de toute personne.
Celui qui, avec foi, se laisse guider par l’Esprit Saint devient capable de discerner en tout évènement ce qui se passe entre Dieu et l’humanité, reconnaissant comment Lui-même, dans le scénario dramatique de ce monde, est en train de tisser la trame d'une histoire de salut. Le fil avec lequel est tissée cette histoire sacrée est l'espérance, et son tisserand est nul autre que l'Esprit Consolateur. L'espérance est la plus humble des vertus, car elle reste cachée dans les plis de la vie, mais elle est comme le levain qui fait lever toute la pâte. Nous la cultivons en lisant encore et encore la Bonne Nouvelle, l'Evangile qui a été "réédité" en de nombreuses éditions dans la vie des saints, des hommes et des femmes qui sont devenus des icônes de l'amour de Dieu. Aujourd'hui encore c’est l'Esprit qui sème en nous le désir du Royaume, à travers de nombreux "canaux" vivants, par le biais de personnes qui se laissent conduire par la Bonne Nouvelle au milieu du drame de l'histoire et qui sont comme des phares dans l'obscurité de ce monde, qui éclairent la route et ouvrent de nouveaux chemins de confiance et d'espérance.

Du Vatican, le 24 janvier 2017

François

(Tratto dall'archivio della Radio Vaticana)

ANGÉLUS, 15 JANVIER 2017

PAPE FRANÇOIS, ANGÉLUS

Chers frères et sœurs, bonjour!

Au centre de l’Évangile d’aujourd’hui (Jn 1, 29-34) il y a cette parole de Jean Baptiste : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde! » (v. 29). Une parole accompagnée par le regard et par le geste de la main qui l’indiquent Lui, Jésus.

Imaginons la scène. Nous sommes sur la rive du fleuve Jourdain. Jean est en train de baptiser ; il y a beaucoup de monde, des hommes et des femmes d’âges divers, venus là, au fleuve, pour recevoir le baptême des mains de cet homme qui, pour beaucoup, rappelait Elie, le grand prophète qui, neuf siècles auparavant, avait purifié les Israélites de l’idolâtrie et les avait reconduits à la vraie foi dans le Dieu de l’alliance, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob.

Jean prédit que le royaume des cieux est proche, que le Messie va se manifester et qu’il faut se préparer, se convertir et se comporter avec justice ; et il se met à baptiser dans le Jourdain pour donner au peuple un moyen concret de pénitence (cf. Mt 3, 1-6). Les gens venaient pour se repentir de leurs péchés, pour faire pénitence, pour recommencer leur vie. Lui il sait, Jean sait que le Messie, le Consacré du Seigneur est désormais proche, et le signe pour le reconnaître sera que l’Esprit Saint se posera sur Lui ; en effet, Il apportera le vrai baptême, le baptême dans l’Esprit Saint (cf. Jn 1, 33).

Et voici que le moment arrive : Jésus se présente sur la rive du fleuve, au milieu du peuple, des pécheurs — comme nous tous. C’est son premier acte public, la première chose qu’il fait quand il quitte la maison de Nazareth, à trente ans : il descend en Judée, il va au Jourdain et se fait baptiser par Jean. Nous savons ce qui arrive — nous l’avons célébré dimanche dernier — : l’Esprit Saint descend sur Jésus comme sous la forme d’une colombe et la voix du Père le proclame Fils bien-aimé (cf. Mt 3, 16-17). C’est le signe que Jean attendait. C’est Lui! Jésus est le Messie. Jean est déconcerté, parce qu’il s’est manifesté d’une façon impensable : au milieu des pécheurs, baptisé comme eux, ou plutôt, pour eux. Mais l’Esprit illumine Jean et lui fait comprendre qu’ainsi s’accomplit la justice de Dieu, s’accomplit son dessein de salut : Jésus est le Messie, le Roi d’Israël, non pas avec la puissance de ce monde, mais plutôt comme Agneau de Dieu, qui prend sur lui et enlève le péché du monde.

Ainsi, Jean l’indique aux gens et à ses disciples. Parce que Jean avait un cercle important de disciples, qui l’avaient choisi comme guide spirituel, et certains parmi eux devinrent les premiers disciples de Jésus. Nous connaissons bien leurs noms : Simon, appelé ensuite Pierre, son frère André, Jacques et son frère Jean. Tous pêcheurs ; tous Galiléens, comme Jésus.

Chers frères et sœurs, pourquoi nous sommes-nous arrêtés longuement sur cette scène? Parce qu’elle est décisive! Ce n’est pas une anecdote. C’est un fait historique décisif! Cette scène est décisive pour notre foi ; et elle est décisive aussi pour la mission de l’Église. L’Église, en tout temps, est appelée à faire ce que fit Jean Baptiste, indiquer Jésus aux gens en disant : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde! ». Il est l’unique Sauveur! Il est le Seigneur, humble, parmi les pécheurs, mais c’est Lui, Lui : ce n’est pas un autre, puissant, qui vient ; non, non, c’est Lui!

Ce sont les paroles que nous, prêtres, répétons chaque jour, lors de la Messe, quand nous présentons au peuple le pain et le vin devenus le Corps et le Sang du Christ. Ce geste liturgique représente toute la mission de l’Église, qui ne s’annonce pas elle- même. Malheur, malheur à l’Église qui s’annonce elle-même ; elle perd la boussole, elle ne sait pas où elle va! L’Église annonce le Christ ; elle ne s’apporte pas elle-même, elle apporte le Christ. Car Lui et Lui seul sauve son peuple du péché, le libère et le conduit à la terre de la vraie liberté.

Que la Vierge Marie, Mère de l’Agneau de Dieu, nous aide à croire en Lui et à le suivre.

Place Saint-Pierre
Dimanche, 15 janvier 2017

(Tratto dall'archivio della Radio Vaticana)

OPPOSITION À L’ANNEXION DE FACTO AU TRAVERS DES COLONIES ILLÉGALES DE LA PART DES EVÊQUES DE LA COORDINATION TERRE SAINTE

Bethléem – L'occupation militaire ayant pesé pendant 50 ans sur la Cisjordanie, Jérusalem-est et la bande de Gaza a violé « la dignité humaine tant des palestiniens que des israéliens ». Maintenant, toutes les personnes responsables sont appelées à s’opposer à la construction de colonies israéliennes sur des terres palestiniennes, qui représente une « annexion de facto » et « met en danger les possibilités de paix ». Tels sont quelques-uns des passages clefs du message conclusif diffusé par les Evêques provenant d’Europe, des Etats-Unis, du Canada et d’Afrique du Sud, membres de la Coordination Terre Sainte, au terme de leur traditionnelle visite de solidarité aux communautés chrétiennes de Terre Sainte qui a eu lieu cette année à Gaza, Jaffa, Jérusalem, Hébron et Bethléem du 14 au 19 janvier.
Dans le communiqué final signé par les 12 Evêques ayant effectué le pèlerinage de cette année, il est également fait référence aux souffrances de Gaza, « qui continue à vivre au milieu d’une catastrophe humanitaire générée par l’homme lui-même, la population y ayant passé une décennie entière en état de siège, situation aggravée par l’impasse politique provoquée par un manque de bonne volonté de l’ensemble des parties en cause ». Les Evêques signataires du document indiquent la route de la « résistance non violente » comme méthode pour faire face à « des injustices telles que l’incessante construction du mur de séparation en terre palestinienne, y compris la vallée de Cremisan ».

(Tratto dall'archivio della Radio Vaticana)

CARDINAL ERDö: «LA SÉCULARISATION EST PORTEUSE D'INSÉCURITÉ»

«La négation de Dieu ne permettra pas d’éviter les tensions, bien au contraire, la sécularisation affaiblit la vie sociale et est porteuse d’insécurité». Cette affirmation est celle du cardinal Peter Erdö, archevêque de Esztergo-Budapest, à l’ouverture du 5e Forum européen entre orthodoxes et catholiques, à Paris.
Le forum s’est choisi pour thème «L’Europe dans la crainte de la menace du terrorisme fondamentaliste et la valeur de la personne et de la liberté religieuse».

(Tratto dall'archivio della Radio Vaticana)

HOMÉLIE DU PAPE FRANçOIS POUR LA SOLENNITÉ DE L'EPIPHANIE

« Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui » (Mt 2, 2).
Avec ces paroles, les mages, venus de terres lointaines, nous font connaître le motif de leur longue traversée: adorer le roi nouveau-né. Voir et adorer : deux actions mises en relief dans le récit évangélique : nous avons vu une étoile et nous voulons adorer.
Ces hommes ont vu une étoile qui les a mis en mouvement. La découverte de quelque chose d’inhabituel qui est arrivé dans le ciel a déclenché une série incalculable d’évènements. Ce n’était pas une étoile qui a brillé de façon exclusive pour eux et ils n’avaient pas non plus un ADN spécial pour la découvrir. Comme un Père de l’Église l’a bien reconnu, les mages ne se sont pas mis en route parce qu’ils avaient vu l’étoile mais ils ont vu l’étoile parce qu’ils se sont mis en route (cf. Jean Chrysostome). Ils avaient le cœur ouvert sur l’horizon et ils ont pu voir ce que le ciel montrait parce qu’il y avait en eux un désir qui les poussait: ils étaient ouverts à une nouveauté.
Les mages, de cette manière, expriment le portrait de l’homme croyant, de l’homme qui a la nostalgie de Dieu ; de celui qui sent le manque de sa maison, la patrie céleste. Ils reflètent l’image de tous les hommes qui, dans leur vie, ne se sont pas laissé anesthésier le cœur.
La sainte nostalgie de Dieu jaillit dans le cœur croyant parce qu’il sait que l’Évangile n’est pas un évènement du passé mais du présent. La sainte nostalgie de Dieu nous permet de tenir les yeux ouverts devant toutes les tentatives de réduire et d’appauvrir la vie. La sainte nostalgie de Dieu est la mémoire croyante qui se rebelle devant tant de prophètes de malheur. Cette nostalgie est celle qui maintient vivante l’espérance de la communauté croyante qui, de semaine en semaine, implore en disant : « Viens, Seigneur Jésus! ».
Ce fut vraiment cette nostalgie qui a poussé le vieillard Siméon à aller tous les jours au temple, sachant avec certitude que sa vie ne se terminerait pas sans pouvoir tenir dans ses bras le Sauveur. Ce fut cette nostalgie qui a poussé le fils prodigue à sortir d’une attitude destructive et à chercher les bras de son père. Ce fut cette nostalgie que le berger a senti dans son cœur quand il a laissé les 99 brebis pour chercher celle qui s’était perdue, et ce fut aussi ce qu’a expérimenté Marie-Madeleine le matin du dimanche pour aller courir au tombeau et rencontrer son Maitre ressuscité. La nostalgie de Dieu nous tire hors de nos résignations, celles qui nous amènent à penser que rien ne peut changer. La nostalgie de Dieu est l’attitude qui rompt nos conformismes ennuyeux et nous pousse à nous engager pour ce changement auquel nous aspirons et dont nous avons besoin. La nostalgie de Dieu a ses racines dans le passé mais ne s’arrête pas là: elle va à la recherche de l’avenir. Le croyant “nostalgique”, poussé par sa foi, va à la recherche de Dieu, comme les mages, dans les lieux les plus cachés de l’histoire, parce qu’il sait dans son cœur que son Seigneur l’attend là. Il va à la périphérie, à la frontière, dans les lieux non évangélisés, afin de pouvoir rencontrer son Seigneur ; et il ne le fait pas du tout avec une attitude de supériorité, il le fait comme un mendiant qui ne peut ignorer les yeux de celui pour lequel la Bonne Nouvelle est encore un terrain à explorer.
Comme attitude opposée, dans le palais d’Hérode (qui se trouvait à très peu de kilomètres de Bethléem), on ne s’était pas rendu compte de ce qui arrivait. Tandis que les mages marchaient, Jérusalem dormait. Elle dormait de connivence avec un Hérode qui, au lieu d’être en recherche, dormait bien. Il dormait sous l’anesthésie d’une conscience cautérisée. Et il est resté déconcerté. Il a eu peur. C’est le trouble de celui qui, devant la nouveauté qui révolutionne l’histoire, se ferme sur lui-même, sur ses résultats, sur ses connaissances, sur ses succès. Le trouble de celui qui se tient assis sur sa richesse sans réussir à voir au-delà. Un trouble qui naît dans le cœur de celui qui veut contrôler tout et tout le monde. C’est le trouble de celui qui est immergé dans la culture du vaincre à tout prix ; dans cette culture où il y a de la place seulement pour les “vainqueurs” et coûte que coûte. Un trouble qui naît de la peur et de la crainte devant ce qui nous interroge et met en danger nos sécurités et nos vérités, nos manières de nous attacher au monde et à la vie. Et Hérode a eu peur, et cette peur l’a conduit à chercher la sécurité dans le crime : « Necas parvulos corpore, quia te nacat timor in corde » - “Tu assassines ces faibles corps parce que la peur assassine ton cœur” (Saint Quodvultdeus, Sermon 2 sur le Symbole : PL 40, 655).
Nous voulons adorer. Ces hommes sont venus de l’Orient pour adorer, et ils sont venus le faire dans le lieu qui convient à un roi : le Palais. Ils sont arrivés là par leur recherche, c’était le lieu approprié, puisque cela revient à un Roi de naître dans un palais et d’avoir sa cour et ses sujets. C’est le signe du pouvoir, du succès, d’une vie réussie. Et on peut s’attendre à ce que le roi soit vénéré, craint et adulé, oui, mais pas nécessairement aimé. Ce sont les règles mondaines, les petites idoles et à qui nous rendons un culte : le culte du pouvoir, de l’apparence et de la supériorité. Des idoles qui promettent seulement tristesse et esclavage.
Et c’est vraiment là qu’a commencé le chemin le plus long qu’ont dû faire ces hommes venus de loin. Là, a commencé l’audace la plus difficile et la plus compliquée. Découvrir que ce qu’ils cherchaient n’était pas dans le Palais mais se trouvait dans un autre lieu, non seulement géographique mais existentiel. Là, ils ne voyaient pas l’étoile qui les conduisait à découvrir un Dieu qui veut être aimé, et cela est possible uniquement sous le signe de la liberté et non de la tyrannie ; découvrir que le regard de ce Roi inconnu – mais désiré – n’humilie pas, ne rend pas esclave, n’emprisonne pas. Découvrir que le regard de Dieu relève, pardonne, guérit. Découvrir que Dieu a voulu naître là où nous ne l’attendions pas, là où peut-être nous ne le voulions pas. Ou là où tant de fois, nous le renions. Découvrir que dans le regard de Dieu, il y a de la place pour ceux qui sont blessés, fatigués, maltraités et abandonnés : que sa force et son pouvoir s’appellent miséricorde. Comme est loin, pour certains, Jérusalem de Bethléem !
Hérode ne peut pas adorer parce qu’il n’a pas voulu changer son regard. Il n’a pas voulu cesser de rendre un culte à lui-même, croyant que tout commençait et finissait avec lui. Il n’a pas pu adorer parce que son but était qu’ils l’adorent lui. Les prêtres non plus n’ont pu adorer parce qu’ils savaient beaucoup de choses, ils connaissaient les prophéties, mais ils n’étaient disposés ni à se mettre en chemin ni à changer.
Les mages ont senti la nostalgie, ils ne voulaient plus les choses habituelles. Ils étaient habitués, accoutumés aux Hérode de leur temps et en étaient fatigués. Mais là, à Bethléem, il y avait une promesse de nouveauté, une promesse de gratuité. Là quelque chose de nouveau arrivait ; les mages ont pu adorer parce qu’ils ont eu le courage de marcher et, se prosternant devant le petit, se prosternant devant le pauvre, se prosternant devant celui qui est sans défense, se prosternant devant l’Enfant de Bethléem insolite et inconnu, ils ont découvert la Gloire de Dieu.

(Tratto dall'archivio della Radio Vaticana)

SOLENNITÉ DE LA TRÈS SAINTE MÈRE DE DIEU - HOMÉLIE DU PAPE FRANçOIS

«Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur» (Lc 2,19). C’est ainsi que Luc décrit l’attitude avec laquelle Marie accueille tout qu’ils vivaient en ces jours. Loin de vouloir comprendre ou dominer la situation, Marie est la femme qui sait conserver, c’est-à-dire protéger, garder dans son cœur le passage de Dieu dans la vie de son Peuple. De son sein, elle a appris à écouter le battement du cœur de son Fils, et cela lui a appris, pour toute sa vie, à découvrir la palpitation de Dieu dans l’histoire. Elle a appris à être mère et, dans cet apprentissage, elle a donné à Jésus la belle expérience de se savoir Fils. En Marie, non seulement le Verbe éternel s’est fait chair, mais il a appris à reconnaître la tendresse maternelle de Dieu. Avec Marie, l’Enfant-Dieu a appris à écouter les aspirations, les angoisses, les joies et les espérances du peuple de la promesse. Avec elle il s’est découvert lui-même Fils du saint Peuple fidèle de Dieu.

Marie apparaît dans les Évangiles comme une femme qui parle peu, qui ne fait pas de grands discours ni ne se met en avant, mais qui, avec un regard attentif, sait garder la vie et la mission de son Fils, et donc de tout ce qu’il aime. Elle a su garder les aurores de la première communauté chrétienne, et elle a ainsi appris à être mère d’une multitude. Elle s’est approchée des situations les plus diverses pour semer l’espérance. Elle a accompagné les croix portées dans le silence du cœur de ses enfants. Beaucoup de dévotions, beaucoup de sanctuaires et de chapelles dans les lieux les plus reculés, beaucoup d’images répandues dans les maisons nous rappellent cette grande vérité. Marie nous a donné la chaleur maternelle, celle qui nous enveloppe dans les difficultés; la chaleur maternelle qui permet que rien ni personne n’éteigne au sein de l’Église la révolution de la tendresse inaugurée par son Fils. Là où se trouve une mère, se trouve la tendresse. Et Marie nous montre avec sa maternité que l’humilité et la tendresse ne sont pas les vertus des faibles mais des forts, elle nous enseigne qu’il n’y a pas besoin de maltraiter les autres pour se sentir important (cf. Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 288). Et, depuis toujours, le saint Peuple fidèle de Dieu l’a reconnue et saluée comme la Sainte Mère de Dieu.

Célébrer la maternité de Marie comme Mère de Dieu et notre mère au début d’une année nouvelle signifie rappeler une certitude qui accompagnera nos journées: nous sommes un peuple qui a une Mère, nous ne sommes pas des orphelins.

Les mères sont l’antidote le plus fort contre nos tendances individualistes et égoïstes, contre nos fermetures et nos apathies. Une société sans mères serait non seulement une société froide, mais aussi une société qui a perdu le cœur, qui a perdu la «saveur de famille». Une société sans mères serait une société sans pitié, qui a laissé la place seulement au calcul et à la spéculation. Parce que les mères, même aux pires moments, savent donner le témoignage de la tendresse, du don de soi sans condition, de la force de l’espérance. J’ai beaucoup appris de ces mères qui, ayant les enfants en prison ou prostrés sur un lit d’hôpital, ou soumis à l’esclavage de la drogue, qu’il fasse froid ou chaud, qu’il pleuve ou dans la sécheresse, ne se rendent pas et continuent à lutter pour leur donner le meilleur. Oh ces mères qui, dans les camps de réfugiés, ou même en pleine guerre, réussissent à embrasser et à soutenir sans faiblir la souffrance de leurs enfants. Mères qui donnent littéralement leur vie pour qu’aucun de leurs enfants ne se perde. Là où se trouve la mère, se trouvent unité, appartenance, appartenance de fils.

Commencer l’année en faisant mémoire de la bonté de Dieu sur le visage maternel de Marie, sur le visage maternel de l’Église, sur le visage de nos mères, nous protège de la maladie corrosive qui consiste à être «orphelin spirituel», cette réalité que vit l’âme quand elle se sent sans mère et que la tendresse de Dieu lui manque. Cette condition d’orphelin que nous vivons quand s’éteint en nous le sens de l’appartenance à une famille, à un peuple, à une terre, à notre Dieu. Cette condition d’orphelin, qui trouve de la place dans le cœur narcissique qui ne sait regarder que lui-même et ses propres intérêts, et qui grandit quand nous oublions que la vie a été un don - dont nous sommes débiteur des autres -, vie que nous sommes invités à partager dans cette maison commune.

Cette condition d’orphelin autoréférentielle est ce qui porta Caïn à dire: «Est-ce que je suis, moi, le gardien de mon frère ?» (Gn 4,9), comme à déclarer: il ne m’appartient pas, je ne le reconnais pas. Une telle attitude d’orphelin spirituel est un cancer qui use et dégrade l’âme silencieusement. Et ainsi, nous nous dégradons peu à peu, à partir du moment où personne ne nous appartient et que nous n’appartenons à personne: je dégrade la terre, parce qu’elle ne m’appartient pas, je dégrade les autres parce qu’ils ne m’appartiennent pas, je dégrade Dieu parce que je ne lui appartiens pas, et finalement nous nous dégradons nous-mêmes parce que nous oublions qui nous sommes, quel «nom» divin nous portons. La perte des liens qui nous unissent, typique de notre culture fragmentée et divisée, fait que ce sens d’être orphelin grandit, et même le sens de grand vide et de solitude. Le manque de contact physique (et non virtuel) cautérise peu à peu nos cœurs (cf. Let. enc. Laudato si’, n. 49) leur faisant perdre la capacité de la tendresse et de l’étonnement, de la pitié et de la compassion. Être orphelin spirituel nous fait perdre la mémoire de ce que signifie être fils, être petits-fils, être parents, être grands-parents, être amis, être croyants; nous fait perdre la mémoire de la valeur du jeu, du chant, du rire, du repos, de la gratuité.

Célébrer la fête de la Sainte Mère de Dieu nous fait surgir de nouveau sur le visage le sourire de se sentir être un peuple, de sentir que nous nous appartenons; de savoir que seulement dans une communauté, une famille, les personnes peuvent trouver le «climat», la «chaleur» qui permettent d’apprendre à grandir humainement et non pas comme de simples objets invités «à consommer et à être consommés». Célébrer la fête de la Sainte Mère de Dieu nous rappelle que nous ne sommes pas des marchandises d’échange ou des terminaux récepteurs d’informations. Nous sommes des fils, nous sommes une famille, nous sommes Peuple de Dieu.

Célébrer la Sainte Mère de Dieu nous pousse à créer et à préserver des espaces communs qui nous donnent un sens d’appartenance, d’enracinement, de nous sentir à la maison dans nos villes, dans des communautés qui nous unissent et nous soutiennent (cf. ibid., n. 151).

Jésus Christ, au moment du don le plus grand de sa vie, sur la croix, n’a rien voulu garder pour lui, et en remettant sa vie il nous a remis aussi sa Mère. Il dit à Marie: voici ton fils, voici tes fils. Et nous voulons l’accueillir dans nos maisons, dans nos familles, dans nos communautés, dans nos villages. Nous voulons croiser son regard maternel. Ce regard qui nous empêche d’être orphelins; ce regard qui nous rappelle que nous sommes frères: que je t’appartiens, que tu m’appartiens, que nous sommes de la même chair. Ce regard qui nous enseigne que nous devons apprendre à prendre soin de la vie de la même manière et avec la même tendresse que lui en a pris soin: en semant l’espérance, en semant l’appartenance, en semant la fraternité.

Célébrer la Sainte Mère de Dieu nous rappelle que nous avons la Mère; nous ne sommes pas orphelins, nous avons une mère. Professons ensemble cette vérité ! Et je vous invite à l’acclamer trois fois, comme le firent les fidèles d’Ephèse: Sainte Mère de Dieu, Sainte Mère de Dieu; Sainte Mère de Dieu.

(Tratto dall'archivio della Radio Vaticana)

BÉNÉDICTION URBI ET ORBI DU PAPE FRANçOIS POUR NOËL

Chers frères et sœurs, joyeux Noël!
Aujourd’hui, l’Eglise revit l’étonnement de la Vierge Marie, de saint Joseph et des bergers de Bethléem contemplant l’Enfant qui est né et qui est couché dans une mangeoire: Jésus, le Sauveur.
En ce jour plein de lumière, résonne l’annonce prophétique:
«Un enfant nous est né,
un fils nous a été donné!
Sur son épaule est le signe du pouvoir;
son nom est proclamé:
«Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort,
Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix» (Is 9, 5).
Le pouvoir de cet Enfant, Fils de Dieu et de Marie, n’est pas le pouvoir de ce monde, basé sur la force et sur la richesse; c’est le pouvoir de l’amour. C’est le pouvoir qui a créé le ciel et la terre, qui donne vie à toute créature: aux minéraux, aux plantes, aux animaux; c’est la force qui attire l’homme et la femme et fait d’eux une seule chair, une seule existence; c’est le pouvoir qui régénère la vie, qui pardonne les fautes, réconcilie les ennemis, transforme le mal en bien. C’est le pouvoir de Dieu. Ce pouvoir de l’amour a porté Jésus Christ à se dépouiller de sa gloire et à se faire homme; et il le conduira à donner sa vie sur la croix et à ressusciter des morts. C’est le pouvoir du service, qui instaure dans le monde le règne de Dieu, règne de justice et de paix.
Pour cela la naissance de Jésus est accompagnée du chant des anges qui annoncent: «Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime» (Lc 2, 14).
Aujourd’hui cette annonce parcourt toute la terre et veut rejoindre tous les peuples, spécialement ceux qui sont blessés par la guerre et par d’âpres conflits et qui éprouvent plus vivement le désir de la paix.
Paix aux hommes et aux femmes dans la Syrie martyrisée, où trop de sang a été versé. Surtout dans la ville d’Alep, théâtre ces dernières semaines d’une des batailles les plus atroces, il est plus que jamais urgent qu’assistance et réconfort soient garantis à la population civile à bout de forces, en respectant le droit humanitaire. Il est temps que les armes se taisent définitivement et que la communauté internationale s’emploie activement pour qu’on arrive à une solution négociée et que se rétablisse le vivre ensemble civil dans le pays.
Paix aux femmes et aux hommes de la bien-aimée Terre Sainte, choisie et préférée par Dieu. Qu’Israéliens et Palestiniens aient le courage et la détermination d’écrire une nouvelle page de l’histoire, où haine et vengeance cèdent la place à la volonté de construire ensemble un avenir de compréhension réciproque et d’harmonie. Que puissent retrouver l’unité et la concorde l’Irak, la Libye et le Yémen, où les populations pâtissent de la guerre et d’atroces actions terroristes.
Paix aux hommes et aux femmes des différentes régions de l’Afrique, particulièrement au Nigéria, où le terrorisme fondamentaliste exploite aussi les enfants pour perpétrer horreur et mort. Paix au Sud-Soudan et à la République démocratique du Congo, pour que se guérissent les divisions et que toutes les personnes de bonne volonté mettent tout en œuvre pour entreprendre un chemin de développement et de partage, en préférant la culture du dialogue à la logique de l’affrontement.
Paix aux femmes et aux hommes qui subissent encore les conséquences du conflit en Ukraine orientale, où est urgente une volonté commune d’apporter un soulagement à la population et de donner et mettre en œuvre les engagements pris.
Invoquons la concorde pour le cher peuple colombien, qui aspire à accomplir un nouveau et courageux chemin de dialogue et de réconciliation. Qu’un tel courage anime aussi le bien-aimé Venezuela afin d’entreprendre les pas nécessaires pour mettre fin aux tensions actuelles et construire ensemble un avenir d’espérance pour toute la population.
Paix à tous ceux qui, en différentes régions, affrontent des souffrances en raison de dangers constants et d’injustices tenaces. Puisse le Myanmar consolider ses efforts pour favoriser la cohabitation pacifique et, avec l’aide de la communauté internationale, accorder la protection nécessaire et l’assistance humanitaire à tous ceux qui en ont une grande et urgente nécessité. Puisse la péninsule coréenne voir surmontées les tensions qui la traversent dans un esprit renouvelé de collaboration.
Paix à qui a perdu un être cher à cause d’actes atroces de terrorisme, qui ont semé peur et mort au cœur de tant de pays et de villes. Paix - non en paroles, mais par des actes et des faits concrets – à nos frères et sœurs abandonnés et exclus, à ceux qui souffrent de la faim et à ceux qui sont victimes de violences. Paix aux déplacés, aux migrants et aux réfugiés, à tous ceux qui aujourd’hui sont objet de la traite des personnes. Paix aux peuples qui souffrent à cause des ambitions économiques d’un petit nombre et de l’âpre avidité du dieu argent qui conduit à l’esclavage. Paix à celui qui est touché par les difficultés sociales et économiques et à qui souffre des conséquences des tremblements de terre ou d’autres catastrophes naturelles.
Paix aux enfants, en ce jour spécial où Dieu se fait enfant, surtout à ceux qui sont privés des joies de l’enfance à cause de la faim, des guerres et de l’égoïsme des adultes.
Paix sur la terre à tous les hommes de bonne volonté, qui travaillent chaque jour, avec discrétion et patience, en famille et dans la société pour construire un monde plus humain et plus juste, soutenus par la conviction que c’est seulement avec la paix qu’il y a la possibilité d’un avenir plus prospère pour tous.
Chers frères et sœurs,
«un enfant nous est né, un fils nous a été donné»: c’est le «Prince-de-la-paix». Accueillons-le!
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[après la bénédiction]
A vous, chers frères et sœurs, arrivés de toutes les parties du monde sur cette place, et à tous ceux qui, de différents pays, sont reliés à travers la radio, la télévision et les autres moyens de communication, j’adresse mes vœux les meilleurs.
En ce jour de joie nous sommes tous appelés à contempler l’Enfant-Jésus, qui redonne l’espérance à tout homme sur la face de la terre. Avec sa grâce donnons voix et donnons corps à cette espérance, en témoignant de la solidarité et de la paix. Joyeux Noël à tous!

(Tratto dall'archivio della Radio Vaticana)

LE PAPE DÉNONCE LA FOLIE MEURTRIÈRE DU TERRORISME

Le Pape François a fait part de ses condoléances pour les victimes de l’attentat au camion contre un Marché de Noël à Berlin le lundi 19 décembre. Dans le télégramme, François s’unit aussi « à toutes les personnes de bonne volonté qui se sont engagées pour que la folie meurtrière du terrorisme ne trouve plus de place dans notre monde ». (radiovaticana.va)
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